and the world got a little more dim tonight (w/c/f)

Woody avait envoyé un SMS à Nevaeh ainsi qu'à Elias afin de les prévenir qu'Avery s'était finalement réveillée de son coma, dans lequel elle était plongée depuis le tremblement de terre du 31 octobre dernier. Plus de deux semaines à se sentir tous si impuissants. Plus de deux semaines à s'inquiéter de son état, de l'évolution de la situation. Et enfin, cet appel salvateur, qui avait causé une onde de soulagement chez toute la famille. Leur père était à une réunion mais la quitterait à l'instant pour se rendre directement à l'hôpital. C'est Woody qui emménerait leur mère à l'hôpital.

C'est Woody qui n'emménerait jamais leur mère à l'hôpital.

Il avait une poussée de symptômes, Woody. En temps normal il n'aurait jamais pris la décision de conduire sa voiture. Ses jambes s'engourdissaient. Ses jambes défaillaient. Sauf que. Sauf que. Il voulait à tout prix se rendre à l'hôpital avec leur mère. Qu'ils puissent tous inonder Avery d'amour et de soutien. De reconnaissance qu'elle soit encore parmi eux. Et trouver des excuses pour que ce soit quelqu'un d'autre qui vienne le chercher, et chercher leur mère, ça n'avait jamais été parmi les réflexes de Woody. D'admettre la vérité, d'admettre ses faiblesses, encore moins. À la place Woody était têtu et il fonçait, il fonçait sans réfléchir, sans songer aux conséquences.

Aux conséquences.

Ils roulaient, leur mère et lui, sur une route de campagne afin d'éviter toutes les lumières rouges des rues principales de la ville. Ils roulaient en périphérie de la ville pour arriver plus rapidement au quartier où se situait l'hôpital.  Ils roulaient parmi les lignes droites et parmi les courbes. Les courbes. La prochaine, une voiture s'y était arrêtée, en panne ou en idiotie, au beau milieu de la courbe d'où on ne pouvait la voir, la voiture, avant d'y être, dans la courbe. Avant d'y être trop tard. Il avait voulu freiner, Woody, il avait voulu appuyer sur la pédale de frein si fort, mais sa jambe droite ne bougea pas, pas assez vite, et sentant l'absence de réponse de ses membres inférieurs Woody avait bifurqué, donnant un coup sec sur son volant pour tourner à droite et contourner via la voie inverse. Mais une voiture arrivait à contresens au même moment. Il l'avait vue, Woody. Au loin. Il ne la pensait pas si proche. Il avait pensé avoir le temps, à défaut de pouvoir freiner. Tout s'était passé bien trop vite, dans sa tête, mais pas dans son corps.

Un face à face.

Un face à face mortel.

Leur mère, à côté de lui, inerte. Partie. Lui, inconscient. Mais toujours ici.

I lay next to myself, breathing slow
Car crash in rewind
"There's nothing you could have done", said a soft voice
"Calm down, you will survive"
The world got a little more dim tonight
Though you had to go, I won't forget your light
The world got a little more dim tonight
I will protect your light.

La voiture d'en face c'était la mienne. La voiture en sens inverse c'était celle que je conduisais. Avec @Freja Ivanova à mes côtés. On revenait de la ville d'à côté. C'était l'anniversaire de Perry dans un peu plus d'un mois mais on avait trouvé le cadeau parfait en édition limitée. Dans la ville d'à côté. Sur le chemin du retour on avait chanté les chansons d'un de mes vieux mixtapes. Le classique. Un trajet tout ce qu'il y a de plus normal entre deux personnes qui avaient finalement réussi à redevenir amis. C'était beau et c'était simple. Rien ne laissait présager la suite. Rien ne laissait présager ce qui semblait être la fin. Au bout de cette ligne droite, une courbe.

« Ah mince, j'ai loupé un appel. Ça te dérange si j'écoute le message vocal ? » Avais-je demandé à Freja en voyant, sur mon téléphone accroché à son support sur le tableau de bord, la petite notification d'appel. Branché au Bluetooth de la voiture, la voix de Pippa retentit entre nous. Léger malaise, quand même, que ce soit un message de ma nouvelle copine. Mais je laissai jouer. La courbe arrivait rapidement. Rien à faire. Ce n'était qu'une courbe parmi tant d'autres sur cette route de campagne. Rien qu'une courbe. Elle était moins inquiétante que le message de Pippa, qui me laissa un drôle de sentiment. Hey...bon, tu dois être sur la route. Je...j'ai besoin qu'on discute de quelque chose. Rien de grave, t'inquiète, c'est...appelle-moi, dès que tu et puis plus rien. Un cri. Mon cri, je pense. Mêlé à celui de Freja, sans aucun doute. Oui. Freja m'avait crié de faire attention. Watch out, peut-être, je n'étais déjà plus trop là. La surprise, la peur, la panique, ça avait pris toute la place. Et je n'avais eu nulle part où aller, nulle part où tourner, à côté de la route les gros rochers dans lesquels je nous aurais enfoncés. De l'autre côté la voiture en panne.

Et en face, la fin.

Et en face, mon bourreau.

La voiture percuta la mienne dans un lourd vacarme que je n'entendis même pas. Les freins qui ne nous sauvèrent pas qui crissèrent. Les coussins gonflables qui explosèrent dans un bruit sourd. Les vitres cassées. Les vies brisées.

Évidemment, que de toutes les fins possibles, c'était Woody Rutkowski qui remportait la toute dernière manche.

L'était-ce, la fin ?

Quel bonheur de se retrouver, de faire l'impasse sur les obstacles passés et de rire, simplement rire, à s'en faire tousser. Quel bonheur de retrouver ton ami, ton meilleur ami, que tu as tant aimé et que tu aimes encore aujourd'hui. Quel bonheur, de l'avoir dans ta vie, tout simplement. Conchobáhr n'est clairement pas un type comme les autres. C'est une perle, un diamant brut, l'homme parfait. L'estime que tu as de lui ne changera jamais, c'est une certitude. Bordel ce que ça fait du bien d'avoir pu remettre le doigt sur cette complicité entre vous, que tu pensais perdue il fut un temps. C'était peut-être trop beau pour être vrai, finalement, cette après-midi tous les deux, à dénicher le cadeau parfait pour Perry. Tu t'étais décidée à lui annoncer ta grossesse après ces quelques mois, résignée à l'annoncer à qui que ce soit, par peur que cela te porte la poisse et que cette grossesse n'arrive pas à terme. Avec tous les risques qu'elle représente, tu avais bien trop peur de le dire à qui que ce soit. Peu sont au courant mais tu voulais que Concho le soit. Malheureusement, le moment idéal ne s'est pas présenté alors tu t'es promis de le faire en rentrant, après l'avoir invité chez toi à prendre un dernier café. Tu l'aurais fait en lui montrant la bouille de ce petit bébé qui donne un tout nouveau sens à ta vie. Mais tu n'en as pas eu l'occasion et tu ne sais pas, à dire vrai, si tu en auras un jour l'occasion. Tout ce que tu vois, dans ces dernières secondes qui semblent s'être suspendues, c'est le visage de Woody. Est-ce une hallucination due au choc ? Ou est-ce vraiment lui, l'autre conducteur, celui en cause de cet accident ? Tu n'as pas le temps de réagir, à part peut-être mettre, inconsciemment, une main sur ton ventre. Mon bébé. Penses-tu avec tristesse et espoir à la fois. Tout ce que tu désires, c'est que ce bébé vive, peut-être même au détriment de ta vie. Tu t'entends murmurer sauvez mon bébé avant de perdre connaissance à cause du choc de l'accident et des douleurs que tu ressens déjà au niveau de ton visage et de ton dos. Est-ce réel, tout ce qu'il vient de se passer ? Est-ce qu'un accident entre les deux hommes qui ont le plus compté dans ta vie, a vraiment eu lieu ? Sont-ils encore en vie ? Et toi ? Tout ce qu'il reste, c'est le noir. Le néant. Le silence.

SUJET TERMINÉ

Pour les sujets qui en découlent :

Avery&Elias - Réveil d'Avery et annonce de l'accident de voiture (le jour de l'accident)

Elias&Manny - Elias vient d'apprendre le décès de sa mère et Manny vient le rejoindre à l'hôpital

The Rutkowskis - Annonce à Woody du décès de leur mère (le jour de l'accident)

Woody&Charlie K. (à venir) - Visite de Charlie à Woody (le jour de l'accident)

Woody&Elias - Visite d'Elias à Woody (deux jours après l'accident)

Woody&Freja - Visite de Woody à Freja (trois jours après l'accident)

Concho&Pippa - Réveil de Conchobáhr (trois jours après l'accident)

Concho&Freja - Visite de Freja à Conchobáhr (trois jours après l'accident)