Un, deux, trois, je m'en vais au bois. Pv Emily K. Kennington

Quand Aaren m'avait appelée pour savoir si je pouvais garder Adam pour quelques heures, je n'avais pas hésité une seule seconde. Aujourd'hui, c'était mon jour de congé au café et je n'avais rien de prévu. Je répondais toujours présente lorsque j'étais disponible ; premièrement parce que j'aimais rendre service, et deuxièmement parce que je m'étais rapidement attachée à Adam. Je savais que sa vie n'était pas des plus faciles et je faisais toujours mon possible pour qu'il laisse ses craintes de côté lorsqu'il était avec moi. J'essayais de le faire, du moins. J'étais bien placée pour savoir que se défaire de ses peurs n'était pas toujours facile, surtout lorsqu'on était enfant. Après m'être préparée rapidement, je rejoignis les garçons afin de prendre mon poste et de laisser Aaren s'en aller. Comme d’habitude, Adam semblait avoir du mal à laisser partir son père et voir des larmes poindre au coin de ses yeux me brisait le cœur. M’approchant doucement de lui, je lui adressais un sourire réconfortant. « Bah alors, bonhomme ! Faut pas pleurer, je suis là », dis-je très gentiment pour le réconforter. « Ton papa va revenir tout à l’heure, promis. En attendant, on fait tout ce que tu veux ! » Je le regardais avec attention, sans m’arrêter de sourire, espérant que ses larmes finiraient pas disparaître. Finalement, je décidais de le prendre dans mes bras et de le bercer doucement pour essayer de le rassurer et lui montrer que j'étais là, même si je n'étais pas son père et que je ne le remplacerai jamais. « Et si on allait se promener un peu ? Ça te plairait ? », demandais-je tout en le gardant dans mes bras.

« Je sais bien nanou mais il me manque papa. » J'esquissais un sourire, le trouvant absolument adorable. « Je sais, chéri. Mais tu as ta super nanou rien que pour toi en attendant et ça, c'est trop cool ! », rétorquais-je d'un air fier. Je sentis alors ses petits bras se refermer doucement autour de moi et sa tête se blottir contre mon cou. Mon sourire s'agrandit davantage alors que je le serrais plus fort contre moi pour lui faire un câlin. Il avait toujours été très affectueux et c'était l'une des qualités que j'appréciais le plus chez lui. Si j'avais un jour un fils, j'aimerais qu'il soit comme Adam. C'était un petit garçon extraordinaire. « J'aimerais beaucoup faire une ballade avec toi », dit-il finalement avant de déposer un bisou sur ma joue. Je le regardais en souriant, ravie de voir que ses larmes avaient finalement disparu. Jusqu'à présent, je réussissais plutôt bien à lui changer les idées et à lui redonner le sourire malgré l'absence de son père. « Alors on va aller au parc ! » Je l'embrassais à mon tour avant de le déposer sur le sol. Après l'avoir aidé à se préparer pour cette sortie improvisée - je ne voulais pas prendre le risque qu'il prenne froid ! -, je lui attrapais la main en souriant. « C'est parti », dis-je joyeusement avant de nous mettre en route vers le parc. « Comment ça se passe, à l'école ? Je suis sûre que tu as plein de choses à me raconter ! » J'avais hâte qu'il me parle de son quotidien et de toutes les choses qu'il apprenait à l'école. J'aimais bien l'écouter parler et c'était un bon moyen de lui occuper l'esprit pour éviter qu'il ne pense au départ de son père. Je ne voulais pas qu'il se remette à pleurer, cela me brisait le cœur à chaque fois.

J'étais ravie que l'idée d'aller au parc lui plaise autant qu'à moi. J'adorais cet endroit et il était idéal pour les enfants : ils pouvaient s'y amuser tout en profiter d'être à l'extérieur, ce qui n'était pas toujours le cas. Alors que nous marchions d'un bon pas, je l'écoutais me parler de l'école en souriant. « Deux bons points et une image ? Whoa ! Tu es drôlement fort ! », déclarais-je d'un air admiratif. Il enchaina ensuite sur ses petits camarades de classe, insistant sur une dénommée Hope plus que sur les autres. « C'est ton amoureuse, Hope ? », demandais-je alors, l'air malicieux. Je savais qu'en règle général, les enfants de cet âge-là n'aimaient pas vraiment parler de leurs "amoureux" : les fillettes prétendaient que les garçons étaient nuls, et inversement. Mais la façon dont Adam parlait de cette Hope était parfaitement adorable. « Je suis sûre que tu as raison et qu'elle est très belle. » Je lui adressais un sourire avant de marquer une courte pause. « J'espère que tu es gentil avec les filles à l'école, hein ? » Je sais, je n'étais pas sa mère et je n'avais sans doute aucun droit de lui dire des choses comme cela. Mais je tenais à ce qu'il devienne un vrai gentleman, pas le genre de garçons qui tapent les filles ou qui les traitent comme des moins que rien. Le respect d'autrui était important - et encore plus lorsqu'on était en couple. Je ne voulais pas qu'il vive une histoire comme la mienne. Il était encore jeune, certes, mais j'avais espoir qu'en lui apprenant à bien traiter ses camarades dès son plus jeune âge, il saurait qu'il y avait certaines choses à ne pas faire.

Le plus fort de sa classe ? Cela ne m'étonnait pas une seule seconde. Il n'y avait pas besoin d'être extralucide pour voir qu'Adam était un petit garçon très intelligent, qui s'intéressait à tout et qui aimait apprendre. Pour le féliciter, je levais le pouce de ma main libre. Je faisais souvent cela pour exprimer mon approbation, c'était un tic qui datait de mon adolescence dont je ne parvenais pas à me défaire, malheureusement. Je l'écoutais ensuite parler de la petite Hope, sa meilleure-amie-qui-n'était-pas-son-amoureuse, et mon sourire laissa place à des sourcils froncés par le mécontentement. « Adam, qu'est-ce que je t'ai déjà dit ? On ne dit pas "chiant", c'est mal poli. » Je ponctuais ma phrase d'un regard qui se voulait sévère, histoire qu'il comprenne que j'étais très sérieuse. Je n'étais pas l'une de ces nourrices imbuvables qui passaient leur temps à hurler ou à interdire des trucs. Mais j'étais très à cheval sur la politesse - quand elle concernait les enfants, du moins. « Et puis d'abord, les trucs de filles, c'est bien ! Je suis sûre que tu adores jouer au papa et à la maman avec Hope », répliquais-je avec un sourire radieux, dans le seul but de l'embête. « C'est une bonne chose que tu sois gentil avec les filles. Il faut que ça continue, même quand tu seras grand et que tu auras une amoureuse. Surtout quand tu auras une amoureuse, d'ailleurs. Mais ça, ton papa a déjà dû te le dire », dis-je en souriant. Aaren était un bon père et même s'il élevait son fils seul, il pouvait se vanter de lui avoir donné une bonne éducation. Je ne doutais pas une seule seconde qu'il ait appris à son fils à respecter les autres - surtout les filles. Et voilà que nous arrivions au parc. À mon plus grand bonheur, il n'y avait pas grand monde et je me dirigeais aussitôt vers l'un des bancs libre, tenant toujours la main d'Adam dans la mienne. Après avoir déposé nos quelques affaires à mes côtés, je lui adressais un sourire. « Et voilà, Monsieur Chase ! » Je passais une main dans ses cheveux pour les ébouriffer un peu avant de déposer un bisou sur sa joue. « Alors, tes copains sont là ? », demandais-je finalement en observant une poignée d'enfants qui jouaient un peu plus loin.

Je m'en voulais un peu de l'avoir grondé mais c'était pour son bien. Même si je n'étais pas sa mère, Adam comptait beaucoup pour moi et je prenais mon rôle de nounou très à cœur. Je ne me voyais pas le laisser faire n'importe quoi sous prétexte que je n'avais aucun lien de parenté avec lui. Cependant, je ne lui hurlais jamais dessus. J'étais persuadée que l'on pouvait régler les problèmes sans crier et jusqu'à présent, cela m'avait plutôt bien réussi. J'éclatais finalement de rire lorsqu'il m'indiqua être un "loup solitaire". Sortant de la bouche d'un petit bonhomme d'à peine cinq ans, cette réplique était aussi inattendue qu'adorable ! « Un loup solitaire, vraiment ? », m'étonnais-je. « Ce n'est pas cool, d'être un loup solitaire. Les loups solitaires, ils n'ont pas de super papa... Ni de super Nanou pour les emmener au parc. Tu es sûr que tu veux en être un ? », demandais-je, un sourire aux lèvres. « Ton papa a raison, tu verras ça quand tu seras plus grand. Pour l'instant tu penses que les filles sont embêtantes et que tu ne veux pas d'amoureuse mais quand tu seras un peu plus grand, tu changeras d'avis ! » Je lui adressais un petit clin d’œil complice, histoire de dire "on en reparlera dans quelques années, tu verras !". Même si mon mariage était un véritable carnage, je croyais toujours en l'amour et je voulais qu'Adam y croit aussi. Il était tellement jeune, hors de question de briser ses illusions en lui disant que les princesses n'existaient pas et que 90% des histoires d'amour se finissaient mal. Une fois au parc, le garçonnet se précipita vers un groupe d'enfants pour jouer avec eux, mais il trébucha malencontreusement contre une bordure. Inquiète, je me levais sans hésiter et me dirigeais dans sa direction pour voir l'ampleur des dégâts. Après s'être relevé, en pleurs bien évidemment, Adam se dirigea vers moi et me sauta dans les bras. « C'est rien, Adam », dis-je en le serrant fort dans mes bras tout en caressant doucement ses cheveux dans l'espoir de l'apaiser. Je le regardais finalement avec attention, essuyant délicatement les larmes qui coulaient sur ses petites joues. « Tu as mal quelque part ? » Je le déposais sur le banc pour inspecter ses jambes, à la recherche d'une quelconque égratignure. Apparemment, plus de peur que de mal ! « Tout va bien, bonhomme ! », constatais-je avec soulagement avant de l'embrasser sur la joue. « Tu vas pouvoir retourner jouer. Mais tu fais attention, hein ? Tu veux que je t'emmène ? » Inquiète, moi ? Oui, peut-être bien... Mais j'avais la responsabilité de m'occuper d'Adam et je tenais à le ramener à Aaren en un seul morceau.

J'étais plutôt contente de lui avoir fait renoncer à cette envie de devenir un loup solitaire. Les baroudeurs que l'on voyait dans les films n'étaient pas exactement les mêmes dans la réalité... Et je restais convaincue qu'on ne pouvait pas vivre reclus, sans attache ni famille. Sans que je m'y attende, il annonça qu'il voudrait se marier avec moi quand il serait plus grand et je le regardais, plus qu'attendrie. Il était adorable et réussissait toujours à me m'émouvoir quand je m'y attendais le moins. « Je suis déjà mariée, chéri... Regarde », annonçais-je gentiment en lui montrant mon alliance. « Mais j'aurais adoré avoir un mari aussi mignon et adorable que toi ! » Je venais, sans m'en rendre compte, de sous-entendre que Casey, mon cher et tendre époux, n'était pas aussi gentil qu'Adam. Ce qui était vrai, d'ailleurs. Mais je n'avais pas envie d'y penser maintenant, ce n'était ni l'endroit, ni le moment propice pour remettre ma vie conjugale en question.

Après l'avoir consolé suite à sa mauvaise chute, je lui pris délicatement la main pour l'emmener vers les autres. Je préférais l'accompagner, histoire de lui éviter de tomber à nouveau, de se faire mal et de déchirer ses vêtements. Être angoissée de nature n'était pas un cadeau mais au moins, on ne pourrait pas me reprocher de ne pas le surveiller convenablement : j'avais toujours un œil sur lui, où qu'il soit. « On va avancer doucement, ce serait dommage que tu te fasses mal ou que tu salisses ton beau pantalon », m'exclamais-je en souriant. « Tu crois que les autres voudront bien jouer aux gendarmes et au voleur avec toi ? » Il avait déclaré regretter que les filles ne veuillent jamais jouer à ce jeu-là et par chance, quelques garçons s'étaient glissés parmi le groupe d'enfants qui s'amusaient au terrain de jeu du parc. J'espérais qu'ils accueilleraient Adam à bras ouverts et qu'ils accepteraient de s'amuser avec lui.

Sans le savoir, Adam venait de poser la question qui me mettait mal à l'aise. Et tu es heureuse avec lui ? Que pouvais-je bien répondre à cela ? Je ne pouvais pas lui expliquer la situation. Premièrement parce qu'il ne comprendrait pas (il était bien trop petit pour réaliser à quel point la vie de couple était complexe, et c'était tant mieux) et deuxièmement parce que je n'aimais pas en parler. Esquissant un petit sourire, je gardais la main du garçonnet dans la mienne. « Tu sais, les histoires de grands c'est compliqué parfois », répliquais-je en essayant de ne pas paraître trop affectée. Fort heureusement, il enchaîna rapidement avec une phrase on ne peut plus adorable. Touchée, je lui offris un sourire un peu plus sincère. « Tu me trouves belle ? » J'avais baissé les yeux vers lui, remarquant ses joues légèrement rouges. Il n'y avait pas de petit garçon plus attendrissant qu'Adam Chase, j'en étais certaine. « Je suis sûre que tu trouveras une fille beaucoup mieux que moi ! », dis-je alors, accompagnant ma réponse d'un clin d’œil. S'il continuait à être aussi gentil, curieux, intelligent et amusant, il ne faisait aucun doute qu'il aurait beaucoup de succès lorsqu'il serait en âge de sortir avec des filles.

Une fois la crise de larmes due à sa mauvaise chute passée, Adam retrouva le sourire et me prit la main pour que nous rejoignions le groupe d’enfants un peu plus loin. Mais, alors que nous approchions du but, il s’arrêta net sans que je n’en comprenne les raisons. Il s’accrocha à ma jambe comme s’il avait peur de quelque chose et je compris sans mal qu’aller au devant de ces enfants qu’il ne connaissait pas lui faisait peur. M’accroupissant pour être à sa hauteur, je lui pris les mains avant de planter mon regard rassurant dans le sien. « Il ne faut pas avoir peur, Adam », dis-je d’un ton doux pour essayer de le réconforter. « Je suis sûre qu’ils sont très gentils et qu’ils seront contents de jouer avec toi. » C'est vrai, j'étais certaine que ces gosses accepteraient d'avoir un nouveau camarade de jeu. Mais je ne pousserais pas Adam à aller les voir s'il n'en avait pas envie. « Tu veux aller les voir ou non ? », demandais-je en souriant. « Tu n'es pas obligé d'y aller si tu n'en as pas envie. C'est comme tu veux, chéri. »