and i just keep on thinking how you made me feel better (effy)

Elle lui avait demandé de ne pas disparaître, et pourtant, le temps d’un réveil, il avait réalisé que c’était elle qui l’avait fait, qui s’était détournée, en un battement d'ailes, se dérobant de son champ de vision. S’il avait pu croire que leurs âmes se seraient raccrochées l’une à l’autre le temps d’un égarement, Levi s’était vite rendu compte que ça n’avait fait que les éloigner, encore un peu plus, creusant un fossé entre leurs univers, entre leurs réalités. Finalement, ils n’en étaient que plus perdus, égarés entre deux mondes dont l’incompatibilité n’était plus à prouver, entre un passé et un présent qui rejetait la présence simultanée de leurs deux âmes. Et il ne leur avait fallu que quelques instants pour le réaliser, après ces quelques messages échangés, ces excuses prononcées, qui ne changeaient en rien les vibrations qui continuaient d’alimenter le cœur de l’anglais. Il devait accepter de fouler le même chemin qu’Effy, sans avoir le droit de la rejoindre, sans laisser ses pas converger vers les siens. Mais il fallait croire que les règles avaient été inventées pour être transgressées, Levi n’ayant pas pu résister à ce besoin de lui envoyer un message en ce jour qu’il considérait spécial, celui de son anniversaire. Et il connaissait assez bien l’anglaise pour savoir qu’elle n’avait rien prévu pour l’occasion. Sans trop réfléchir, il s’était lancé dans cette invitation à passer un moment avec lui, le premier depuis la nuit qu’ils avaient partagée, pourtant conscient qu’ils s’approchaient encore trop près des flammes, prenant le risque de s’y brûler une seconde fois. Peu importait, ils n’étaient plus à ça près. Se protéger n’était de toute évidence plus une option. Outre les moments qu’il avait passés avec April, c’était probablement la première fois que son visage regagnait en couleurs, ses yeux en éclats, comme si son corps reprenait tout simplement vie. Une heure s’était écoulée depuis le dernier message envoyé, lui laissant le temps de tenir parole, avalant pas après pas les derniers mètres qui le séparaient du haut de la falaise où une silhouette qu’il aurait pu reconnaître entre mille, l’attendait déjà. Imperceptiblement, son pouls s’était accéléré alors qu’il se rapprochait de l’anglaise, prenant silencieusement place à côté d’elle, ses jambes suspendues au-dessus du vide. « Joyeux anniversaire. » Souffla-t-il, un fin sourire étirant ses lèvres quand son regard trouva celui d’Effy, et qu’elle put s’apercevoir qu’il n’était pas venu les mains vides, ses doigts refermés autour d’une bouteille de champagne et d’un carton dans lequel se trouvait une part de gâteau. « J’sais que tu détestes ça, alors j’ai fait le minimum. » Reprit-il, entre le sérieux et l’amusement, comme pour chercher à justifier son geste.

Réflexion faite, elle aurait peut-être eu mieux fait de négocier l'endroit. Elle sombrait ces dernières semaines, une fois de plus dans un festin d'ivresse et probablement d'immoralité, son arrogance allant jusqu'à mépriser chaque heure qui ne la plongerait pas suffisamment dans un état second, où elle ne se retrouverait pas suffisamment anesthésiée. C'était plus ou moins dans ces conditions qu'elle avait échangé quelques messages avec Levi, plus tôt dans la journée, l'apparition de son nom sur l'écran du téléphone lui faisant l'effet d'un électrochoc, voir peut-être d'un accident de voiture. Voiture qui avait fait quelques tonneaux supplémentaires dans le fossé quand le nom de Milo s'était affiché juste en-dessous, à la notification suivante. Si tout était compliqué depuis le début, Effy ne voyait ces dernières semaines, pas d'autre solution que de se remplir l'esprit avec toutes les substances possibles, pour l'empêcher de divaguer vers l'image de certains êtres qui avaient le don de foutre son cœur sans dessus-dessous. Si un éclair de lucidité l'avait prévenue qu'il n'était peut-être pas judicieux d'accepter l'invitation de Levi, ni même de daigner répondre à Milo, c'était finalement ce qu'elle avait fait, des deux côtés, dans un élan d'inconscience. Après tout, ils n'en étaient plus à une tornade près, et la brune en était arrivée à la conclusion que foutu pour foutu, autant faire ce qu'elle voulait. Entre le magnifique chaos qui semblait toujours assiéger les deux Anglais, et le fracas de ses paroles échangées avec Milo dernièrement, elle n'avait plus la force de réfléchir à qu'est-ce qui était mieux pour qui. Peut-être qu'à force de se perdre dans les limbes de la défonce, une fois qu'elle se serait suffisamment imbibée de poison, elle n'exercerait plus aucune attraction toxique sur personne et tout irait bien. C'était une pensée qui s'était insinuée sournoisement en elle, surtout depuis qu'elle était passée devant le Wojna's le soir du réveillon, pour voir à travers la vitrine, Levi parler avec cette silhouette élancée. Elle n'avait pas eu besoin de les observer jusqu'à l'indécence, pour repérer cette flamme ravivée dans le regard du barman. Cette sincérité dans le creux de son sourire. Et peut-être que ça lui avait un peu froissé le cœur. Peut-être aussi que ce qu'elle souhaitait était tout simplement impossible. Au final, les choses seraient sans doute mieux ainsi : Milo avec Freja, et leur enfant, Levi et cette fille, qui semblait parvenir à pacifier son âme tourmentée. Déjà bien attaquées par la boisson, les pensées d'Effy furent interrompues par l'arrivée de celui qui y était bien trop présent. Son muscle cardiaque dut encaisser le coup, le voir ici, à la falaise, lui souhaiter son anniversaire. Cette falaise, ils y avaient passé du temps. Pour cause, ça avait été le premier endroit sécurisant pour Effy quand elle était arrivée ici des années plus tôt, de loin son favori dans Bowen, et ça l'était toujours. Elle y était venue avec Milo aussi. Comme un point de rendez-vous profane, il avait accueilli les meilleures comme les pires émotions, souvent les sentiments intriqués des façons les plus complexes. Le regard de la brune se vrilla un instant dans le bleu puissant des prunelles de l'Anglais, glissa finalement sur la bouteille, puis le carton, un mince sourire indéchiffrable accroché au coin des lèvres. « Thanks anyway. » souffla-t-elle, les yeux un peu rougis, par le vent qui fouettait son visage ou bien autre chose, on ne savait pas.

Ils naviguaient dans ce flou chaotique, qui n’en restait pas moins magnifique, ne sachant pas mettre de mots sur ce qui les définissait depuis cette nuit où leurs âmes s’étaient cédées. Levi, il avait conscience qu’il l’avait entraînée avec lui aux portes de leur passé, là où des morceaux d’eux siégeaient encore. Il aurait simplement voulu l’apaiser elle, renvoyer avec férocité les démons qui se chargeaient de la bousculer pour la voir tomber, encore une fois, encore plus bas. Et si ça avait fonctionné le temps de quelques heures, lorsque les astres s’étaient figés pour eux, le vide avait de nouveau repris ses droits sur leur quotidien, s’invitant en eux pour les laisser seuls avec les souvenirs de leurs caresses volées. Levi avait presque compris, dans le silence qui avait suivi, qu’il avait débarqué dans un monde où il n’avait pas été invité, comme une présence en trop, qui faisait finalement plus de dégâts qu’autre chose. Disparaître était sans doute la solution la plus optimale dans la situation dans laquelle ils étaient rendus, lui qui aurait dû rester sagement en arrière-plan, n’être que les bribes de ce passé commun. Mais quand il s’agissait d’Effy, les choses ne pouvaient pas être aussi simples, et Levi l’avait compris depuis le premier soir de leur rencontre, comme si finalement, il était éternellement voué à tournoyer autour de cette âme à laquelle la sienne était irrévocablement attirée. Une fois encore, il n’avait pas pu s’empêcher de réapparaître, incapable de ne pas penser à elle, de faire semblant d’oublier que ce jour marquait celui de son vingt-sixième anniversaire. Lui dissimuler son envie de la voir avait également résonné comme un échec, puisqu’il se retrouvait déjà en route pour la rejoindre sur cette falaise qui les avait déjà accueilli par le passé. Levi, il appréhendait toujours un peu de retrouver l’anglaise, le cœur balançant entre cette envie irrémédiable de la voir et de la toucher, et cette angoisse d’imaginer que c’était la dernière fois qu’il en aurait l’occasion. Parce-que tout était à prévoir, tous les scénarios même les plus insensés se devaient d’être envisagés et Levi le savait plus que bien, pour avoir déjà perdu Effy. Le simple dessin de sa silhouette au loin avait fait trembler son être tout entier, lui qui ne s’habituerait sans doute jamais aux réactions physiologiques de son corps quand la brune était dans les parages. C’était instinctif, épidermique et surtout, bien trop incontrôlable. Comme les notes d’une mélodie qu’ils connaissaient par coeur, leurs yeux se retrouvèrent la seconde d’après, ancrant l’instant présent, ignorant toujours s’ils avaient pris la meilleure décision. « J’suis à peu près sûr que tu toucheras pas à ce gâteau, mais on peut au moins profiter de la bouteille. » Souffla-t-il, posant le carton entre eux pour s’occuper de déboucher le champagne, le tendant vers elle l’instant qui en suivit. Ces gestes, ces paroles, tout ça semblait être de circonstance à côté de la tempête qui s’était abattue sur eux, les obligeant à prendre de la distance malgré eux, pour tenter d’amortir cette chute libre qu’ils avaient entrepris. « Ça fait du bien de te voir. » Finit-il par dire, dans un souffle qu’elle serait la seule à capter, posant des mots sur ses sentiments en vrac, sur cette situation qui avait pesé lourd sur ses épaules, et encore plus sur son cœur.

Un sourire espiègle finit par tordre les lèvres de la brunette, l’amour passé la connaissant suffisamment bien pour savoir que la part de gâteau symbolique qu’il avait amené, n’était pas dans les tentations favorites de la jeune femme. Note, fêter son anniversaire ne faisait pas partie de la liste de choses qu’elle aimait faire non plus. Mais elle n’avait pas refusé. Avec Levi, elle pouvait rarement refuser. Il aurait pu foutre son cœur à feu et à sang – et il l’avait déjà fait – qu’elle aurait accepté n’importe quelle demande émanant de lui. Il n’était d’ailleurs pas le seul à profiter de ce statut particulier et probablement un peu malsain. Ces pensées tuées dans l’œuf avant qu’elles ne prennent une place trop inconfortable, le regard de l’Anglaise s’éclaira quand la bouteille de champagne s’ouvrit avec un bruit satisfaisant. Elle estimait qu’il n’y avait rien à fêter, mais quitte à être là, autant se mettre dans l’ambiance. Elle récupéra de bonne grâce la bouteille tendue, portant le goulot à ses lèvres pour s’étancher du liquide qui voulait déjà s’échapper, s’essuyant le bord des lèvres d’un doigt malicieux, avant de rendre le champagne à Levi. « Je lui ferai quand même honneur, ne t’en fais pas. » répondit-elle en désignant la boîte cartonnée. Manger n’était franchement pas dans ses priorités, mais ce serait pas plus mal d’éponger un peu l’alcool qu’elle ingérait à intervalles un peu trop courtes. Elle cilla aux paroles suivantes de l’Anglais, mais garda ce bleu impétueux ancré dans l’azur dense et profond. Son esprit avait du mal à admettre qu’elle aussi, elle était heureuse de le revoir, comme s’il savait qu’il fautait, qu’il prenait encore et toujours le mauvais chemin à ce croisement où ils se retrouvaient inéluctablement. La vérité, c’est qu’elle avait envie de lui retourner cette même phrase, et sans retenue ni compromis. Elle avait envie de se croire dans un monde où leur lien avait une place, où tout était aussi simple qu’un anniversaire fêté dans l’herbe fraîche perchés sur une falaise. Depuis leur nuit ensemble, Effy ne se retrouvait que plus tiraillée encore, rongée par ces sentiments chaotiques qui fusaient en tous sens, qui se partageaient des solutions tout simplement incompatibles, et qui même individuellement, n’étaient probablement pas viables sur le long terme. « À moi aussi. » souffla-t-elle, ses mots presque directement emportés par le vent une fois sortis de ses lèvres. Incapable de quitter l’intensité des prunelles face à elle. Incapable de décider de ce qu’il convenait de faire. Rien ne semblait convenir. Elle était heureuse qu’il soit là, c’était vrai, authentique, palpable presque. Mais les griffes de la réalité les rattrapaient toujours. Elle aurait voulu oublier une fois de plus le monde autour, et simplement pouvoir venir se reposer dans ses bras, se saturer de l’électricité qui courait entre eux, et même goûter pleinement à la rosée de ses lèvres. Le problème, c’était qu’une autre personne tourmentait elle aussi les battements de son cœur, et qu’il était totalement impossible d’en faire abstraction. « C'était pas vraiment un bon plan, hein ? »

Des anniversaires, ils en avaient partagé ensemble, lorsque leurs vies avaient été liées, et déjà à cette époque, Effy n’exprimait qu’un très faible enthousiasme autour de ces occasions. Pourtant, Levi avait toujours souhaité marquer le coup, faire quelque chose de plus, pour lui montrer que le jour de sa naissance importait, au moins pour lui. Un faible sourire teinté de satisfaction avait étiré le coin de ses lèvres à la remarque d’Effy qui avait pointé la part de gâteau, elle qui ferait cet effort pour lui, comme pour le remercier d’y avoir pensé. Et c’était tout ce qu’elle devait retenir de ces gestes aussi simples étaient-ils, qui n’avaient eu que pour but de lui faire comprendre qu’il avait pensé à elle, quand bien même il aurait été préférable de garder le silence et de rester en retrait. Il récupéra la bouteille pour avaler à son tour une gorgée de liqueur, la reposant entre eux l’instant d’après. Sans pouvoir l’expliquer, Levi, il avait l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis leur nuit partagée, le silence ayant résonné jusqu’à son cœur qui peinait à accepter cette distance qui l’éviscérait. Il peinait à savoir comment il devait agir, ce qu’ils étaient censés faire ou non, devinant aisément que sa présence n’avait certainement pas apaisé l’esprit de la brune. Et sans doute qu’elle reconnaissait ces même stigmates en lui, à la manière dont il la regardait, dont il réprimait ces envies de se rapprocher, toujours un peu plus près. A la place, il lui avait soufflé ces quelques mots, à la sincérité pourtant ineffable, des mots qui n’attendaient aucun retour, presque comme un cri du cœur qu’elle était la seule à pouvoir recevoir. Il voulait qu’elle sache, Levi, que si son esprit n’en était que plus torturé, son cœur lui, continuait de battre toujours plus fort en sa présence, bien qu'apaisé par les effluves de son parfum qui s’envolaient jusqu’à lui, par sa chaleur réconfortante qu’il aurait voulu ressentir contre sa peau une fois encore. Et sans doute qu’elle pouvait lire dans la profondeur de ses iris tout ce qu’il ne disait pas, tout ce qu’il n’osait pas lui dire, sa réponse ne faisant qu’alimenter les battements de son cœur déjà bousculé par les événements. Incapable d’ajouter quoique ce soit, sa main finit par glisser lentement dans la sienne, désirant retrouver ce qu’ils avaient laissé derrière eux, même pour quelques minutes, pour s’assurer que pour elle aussi, ça avait compté. « Sans doute pas. On a jamais été doués pour ça. » Répondit-il, haussant les épaules d’un air presque résigné, comme s’ils se confrontaient à l’inévitable et qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de l’accepter. En réalité, Levi redoutait que leurs chemins ne viennent à se séparer de nouveau, que ces quelques moments ne marquent définitivement la fin de la rencontre de leurs âmes, parce-qu’il savait que c’était probablement l’issue la plus favorable à leurs réalités qui semblaient ne plus pouvoir s’accorder. « J’suis juste pas capable de regretter quoique ce soit quand il s’agit de toi… » Souffla-t-il, dans un énième aveu, elle qui était bien la seule qui avait le droit de savoir chaque pensée qui l'agitait, Levi n’ayant jamais réussi à s’exprimer autrement qu’à cœur ouvert face à la brune.

C’était étrange de se retrouver encore autant d’années plus tard sur cette falaise, qui elle tenait le coup face au vent depuis toujours, et se fichait bien des émotions humaines qui se déversaient le long de sa roche. Un monde s’était écoulé entre Effy et Levi, depuis l’époque où ils venaient ici tous les deux, un rien plus apaisés. Pour la nature qui les avait recueillis maintes fois, ça devait représenter le temps d’un claquement de doigts. Pour eux, c’était la collision des univers. Chacun tentait pourtant, comme d’un accord tacite, de teinter ce jour d’un ciel habituel. Pourtant, aucun d’eux ne savait sur quel pied danser. La jolie brune détestait cette tension implicite entre eux, aussi puissante qu’un aimant et à la fois terrifiante. Et pourtant, pour rien au monde elle n’aurait délaissé cette sensation, parce que ça aurait voulu dire laisser le néant s’installer entre eux, une fois encore. Ils étaient bloqués, dans une boucle où chacun faisait les pas qu’on lui dictait sans trop savoir où ils mettaient les pieds. La bouteille d’alcool apportée par le garçon fut donc plus que bienvenue, symbole du statu quo. Bien contente de s’y noyer, plutôt que dans les yeux iceberg qui happaient dangereusement son regard, Effy finit par émettre tout de même le constat, à voix haute, que se retrouver ici, à l’occasion de son anniversaire, n’était sans doute pas le meilleur des plans. Elle chassa, par la même occasion, le souvenir de son dernier anniversaire. Avec Milo. Elle se mordit la lèvre et anéantit toute menace de poignard dans son cœur d’une rasade d’alcool. Si le pouvoir de la boisson n’était pas suffisant à engourdir son esprit, la main de Levi dans la sienne, plutôt électrisant de son côté, suffit à la ramener à ses vingt-six ans. Presque comme un automatisme, les doigts de la brunette se refermèrent autour des siens, les pressant comme si elle pouvait lui communiquer plus facilement de cette façon, tout ce qui se jouait en elle quand ils se touchaient. Et elle le pouvait. Ça lui coupa presque le souffle, de retrouver une proximité depuis leur dernière… capitulation. Et ça la brûlait en même temps, comme si les enfers étaient déjà à leurs trousses pour les punir de cet écart. L’Anglais rebondit sur sa phrase, avec cette habituelle résignation touchée d’humour, qui alluma un sourire chez la jeune fille, et lui offrant une distraction bienvenue de ses sensations incendiaires. Le répit qu’il lui offrit fut de courte durée, alors qu’elle braquait sur lui ses iris d’une intensité millénaire, quand il enchaîna. Elle l’aurait bien engueulé, de faire subir ainsi autant de soubresauts à son cœur déjà malmené. Mais leur brutale sincérité était peut-être tout ce qui leur restait. « Pourquoi est-ce qu’il faudrait regretter ce qu'on veut ? » répondit-elle en tentant de conserver un semblant d’aplomb, mais on pouvait lire le tressaillement de son âme au fond de l’azur de ses yeux. Et elle allait devoir quitter rapidement le gouffre offert par le regard face à elle, s’ils ne voulaient pas partir à nouveau en vrille.

Ils avançaient à l’aveugle, sans prendre conscience de la chute potentiellement mortelle qu’ils risquaient de faire à tout moment. Refouler les chemins de leur passé, sur cette falaise qui avait assisté à l’explosion de leurs sentiments n’était en effet, sans doute pas ce qui aiderait leurs âmes égarées à retrouver un semblant de lumière. Levi, il avait l’impression de naviguer entre les souvenirs de leur relation passée, sans savoir quelle serait la suite pour eux. Si suite il y avait. Une chose était certaine, c’était ce mélange de peurs et d’incertitudes qu’il parvenait à déceler dans le regard de celle qu’il avait aimé, semblable à cet inconfort qu’il ressentait lorsqu’il imaginait leurs chemins se détourner à nouveau. Il ne voulait pas la perdre, pas une fois de plus, incapable d’assimiler l’idée de devoir effacer de son esprit le souvenir de ses traits, et celui de son toucher. Levi, il était à peu près sûr de pouvoir se relever de n’importe quelle épreuve, mais la simple idée de chasser Effy de son existence lui était tout simplement insupportable. Alors, ils avançaient. Pas à pas, sans trop savoir ce qui les attendrait au prochain virage. Et ce ne fut pas tant surprenant de voir sa main glisser dans celle de la brunette, comme s’il désirait se raccrocher à cet instant, à ce moment qu’il savait éphémère. « Peut être parce-qu’on désire des choses qui n’ont pas leur place au moment où on les veut… et qu’on a beau les vouloir de tout notre cœur, on sait que ça finira mal… » Haussa-t-il les épaules, les yeux perdus dans l’immensité qui se dressait face à eux. « Sauf qu’avec toi, j’peux pas m’en empêcher. » Même si je sais que t’en aimes un autre. Et il avait bien eu raison de passer cette dernière pensée sous silence, de lui éviter ce nouveau cataclysme qui viendrait faire trembler son myocarde. Et le sien au passage. Il ne voulait pas être cet homme, prêt à tout détruire pour avoir ce qu’il désirait, prêt à réduire à néant les bribes d’une histoire qui existait encore. Effy, il la respectait bien trop pour ça et sans doute qu’elle était toujours passée avant lui. Son bien-être avant le sien. Levi, il n’avait évidemment pas besoin d’user de plus de sous-entendus pour qu’elle comprenne qu’il évoquait la nuit qu’ils avaient passée ensemble, tout comme leurs entrevues nocturnes au Wojna’s, ou encore ce rendez-vous improvisé sur la falaise qui avait ce goût d’interdit, une fois encore. Il se perdit le temps de quelques instants dans l’intensité de ses iris, peinant à contrôler cette envie de se rapprocher d’elle, de pouvoir redessiner le contour de ses courbes une fois encore, de regoûter à la douceur de ses lèvres. De son pouce, il caressait le dos de sa main, réprimant ce besoin soudain de la prendre dans ses bras, lui qui aurait tant voulu lui promettre que tout irait bien, qu’ils s’en sortiraient, sans trop de dégâts majeurs. « J’ai pas envie que tu disparaisses. » Souffla-t-il finalement, reprononçant ce qu’il lui avait déjà partagé lors de leurs messages échangés, conscient que ça ne changerait pourtant rien à la tempête qui se déchaînait entre leurs cœurs depuis leurs retrouvailles.

Il n’avait pas à combler les blancs suggérés par ses phrases faussement achevées, Levi. Les bouts d’infini qu’il prononçait entre eux, les semant comme des miettes traçant une piste à suivre, étaient suffisants. La belle brune n’avait qu’à saisir l’appréhension masquée dans sa voix, l’évitement de son regard qui pourtant voulait rejoindre le sien, pour comprendre très exactement de quoi il parlait. Pour ressentir ses mots, dans chaque fibre de son être. Dans cette mêlée de paroles inabouties et pourtant totalement compréhensibles, Effy ne parvenait pas à lâcher la main de celui qu’elle avait aimé de toute son âme, comme s’ils se transmettaient télépathiquement cette panique de se perdre l’un l’autre. Tout en sachant parfaitement bien, que probablement rien de bon ne sortirait de cette union conditionnelle, soumise aux intempéries de leurs vies respectives. « Moi non plus. » laissa échapper la jeune fille dans un souffle, se mordant la lèvre dans la seconde qui suivit. Peu judicieux de se laisser emporter par leurs états d’âmes. Pourtant, ils pouvaient peut-être se l’autoriser, alors qu’ils parvenaient à capter les non-dits de l’autre en un échange de regards. « C’est peut-être mieux de se distraire de nos désirs mesquins, en effet. Ça avait l'air de pas trop mal te réussir. » On aurait pu dire que cette phrase lui avait échappé elle aussi, mais ce n’était même pas le cas. Effy aurait peut-être pu retarder la transparence de ses pensées et éviter que ça ne ressemble à un camion percutant un mur, mais elle s’était sentie de le dire à ce moment-là. La conversation venait de changer du tout au tout, sans prévenir, prenant un virage inconnu. Il n’y avait aucune note accusatrice dans son ton, mais on sentait bien que ça l’avait piquée, de voir Levi avec cette jeune fille, le soir du réveillon, quelques jours plus tôt. Elle n’avait rien dit, n’avait rien à dire de toute manière. Elle était restée en suspens quelques secondes de l’autre côté de la vitrine du Wojna’s, ce soir-là, à noter les éclaircies authentiques sur les traits de Levi. Elle n’avait su dire si leurs regards s’étaient réellement croisés, à ce moment, mais elle était partie. Il saisirait de toute façon à qui elle faisait référence, le bleu intense des prunelles de l’Anglaise ne laissant aucun doute quant au fait qu’elle l’avait vu s’illuminer en présence de quelqu’un. Peut-être que ce sujet de conversation était calculé, finalement. Qu’elle sortait toutes les armes possibles pour ne pas se perdre encore une fois dans l’appel de ses lèvres. « Moi non plus. » répéta à nouveau la brunette, bien malgré elle, cédant toute résistance quand il s’agissait d’être honnête avec Levi sur l’attraction qu’il exerçait encore sur elle, envers et contre tout. Non, elle n’avait pas envie qu’il disparaisse. Mais pourtant, le fait qu’il soit là, là où il n’avait pas été pendant tant d’années, compliquait tout.

Ils savaient tous les deux à quel point il était dangereux de se laisser emporter par cet océan d’incertitudes, qu’il était préférable pour eux de rejoindre la terre ferme plutôt que de prendre le large et de se confronter aux vagues déchaînées. Parce-qu’ils risquaient de tout perdre, l’un comme l’autre, de se perdre l’un et l’autre. Et Levi, il n’était plus sûr de vouloir prendre ce risque, de vouloir s’imposer dans un quotidien dans lequel il n’avait probablement plus sa place depuis des années. Il avait compris au travers de leurs discussions, combien sa vie ne s’était pas radoucie même après toutes ces années, que son cœur avait subi des nouvelles frasques, de nouvelles déceptions, qu’elle avait divagué entre rêves et cauchemars et qu’aujourd’hui, sa présence ne semblait qu’accentuer le désordre dans sa vie. C’était pourtant un exercice plus que difficile, que de mettre des mots qui semblaient simples, sur une situation à la complexité indescriptible. Et il aurait aimé Levi, retrouver la simplicité de leurs paroles, de leurs gestes, comme ceux qu’ils avaient échangé lors de cette nuit où ils avaient opté pour l’oubli, s’adonnant à ce qu’ils savaient faire de mieux : s’abandonner l’un à l’autre. Il n’aurait su dire combien de temps il était resté silencieux aux mots de la jeune anglaise, son cœur ayant probablement raté un ou deux battements à l’entente de ses paroles qui avaient réveillé une certaine incompréhension, mêlée à une appréhension qu’il peinait à expliquer. « De quoi tu parles ? » Osa-t-il, tentant de capter la lueur azurée de ses yeux, cherchant la confirmation de ce qu’il redoutait comprendre à travers les quelques mots qu’elle avait prononcés. Il peinait sûrement à comprendre Levi, pourquoi elle lui disait ça maintenant, après tout ça, après les révélations concernant Milo et la relation amoureuse qu’ils partageaient. Sa main toujours nichée au creux de la sienne, il avait pourtant l’impression qu’un mur s’était érigé entre eux, en l’espace d’un battement de cils, l’empêchant de ressentir sa chaleur, comme s’ils n’étaient plus à quelques centimètres à peine l’un de l’autre. Une pensée parasite traversa rapidement son esprit, l’invitant à imaginer qu’il s’agissait peut-être là de leur dernier échange, que cette falaise verrait encore une fois leurs âmes se déchirer et prendre des chemins différents. Et il se rendait compte combien Effy était encore capable de souffler le chaud et le froid sur son cœur, de l’apaiser comme de l’agiter en une fraction de seconde, Levi portant sa main jusqu’à ses lèvres, y déposant un baiser délicat, resserrant l’étreinte de leurs doigts entremêlés, comme s’il désirait s’y accrocher. « Tu sais où est-ce que t’en es avec Milo ? » Demanda-t-il finalement, dans un souffle, comme s’il savait que ce fait était déterminant pour la suite. Leur suite.

À la question du brun, nappée d’un faux voile d’innocence, Effy tourna la tête, un sourire entendu aux lèvres, alors que ses yeux rencontraient à nouveau les siens. Elle n’avait pas vraiment besoin de lui répondre d’une autre façon que celle-là, et il le savait bien. Tout comme il savait de quoi elle parlait. Eff’ ne savait pas tout sur tout le monde, et ne suivait pas forcément les cancans de grand-mère qui soufflaient souvent leur brise vicieuse sur Bowen. Mais elle restait une ombre discrète et observatrice, journaliste qui plus est, et se retrouvait facilement avec des informations que personne ne l’aurait soupçonnée détenir. « De ta passion pour ton travail. » répliqua-t-elle en osant même un sourire sarcastique, retrouvant son cynisme habituel. Bien sûr que ce n’était pas de cette distraction-là qu’elle parlait. Même si techniquement, c’était au Wojna’s qu’elle avait vu le barman happé par la présence de cette fille. Mais Levi semblait avoir bien compris ce à quoi elle faisait allusion, elle pouvait le lire dans son regard mi-défiant, mi-fuyant. Et il savait qu’elle savait. Il n’y avait aucun reproche dans son ton, sans doute qu’elle essayait de masquer toute trace de blessure derrière ce sarcasme qu’elle avait toujours maîtrisé, cette expression qui allumait ses traits d’un humour indéchiffrable. Mais Levi avait appris au cours des années à déceler tout ce qui pouvait se cacher derrière ce masque, qui ne lui était plus impénétrable depuis longtemps. Malgré l’atmosphère qui semblait prendre une autre direction, allègrement guidée par l’approche d’Effy - qui ne s’embarrassait jamais de transitions -, le brun rassura sa main de la caresse de ses lèvres, faisant brièvement regretter à la jeune fille la distance qu’elle avait tenté de planter ici dans le sol, petite graine faussement ingénue. C’était terrible, comme ils semblaient ne pas être destinés à s’accorder. Parce que profondément, chacun d’eux voulait le bonheur de l’autre, voulait la paix et la délivrance de l’âme aimée. Et pourtant ils n’arrivaient qu’à se tourmenter, se renverser le cœur sans dessus-dessous, en toutes circonstances, paraissait-il. Mais Effy avait toujours été fondamentalement persuadée qu’elle avait cet effet-là sur les gens. Que ce soit Levi ou quelqu’un d’autre, elle avait été intimement convaincue par des années d’expérience qu’elle devait se tenir à une certaine distance de sécurité si elle voulait garantir la sérénité de l’autre. Le problème, c’était que dans le cas particulier de l’Anglais, lui aussi semblait avoir ce même effet sur elle. Et pourtant, comme ils l’avaient dit, aucun d’eux ne semblait vouloir se tenir à distance raisonnable de l’autre, aucun d’eux ne parvenait à accepter la disparition de l’autre de sa vie. Voilà où ils en étaient rendus. Toujours ce même cycle. Et ce fut de cette façon exacte que la belle brune se vit encore projetée dans la tornade de leurs tourments, quand Levi s’enquit de la situation entre Milo et elle. Sa mine s’assombrit, perdant toute saveur enjouée qu’elle avait auparavant soigneusement placé dans ses traits. C’était fair, ceci dit, qu’il lui demande ça. Après tout, c’était elle qui avait commencé. « Not in a good place. » grogna-t-elle entre ses dents en reprenant possession du champagne pour un moment. « Not in any place, actually. » précisa-t-elle, accompagné d’un geste de la tête qui se voulait désinvolte, presque blasé, derrière toute la peine que cette relation faisait encore peser sur son âme déchue. Elle releva les yeux vers Levi, deux perles turquoise s’invitant intensément dans le regard du brun, alors que son cœur cognait douloureusement contre ses côtes.

Cette pause dans le temps, marquée par ce silence presque pesant, lui avait confirmé qu’elle savait. Sans savoir ni comment ni pourquoi, Effy était au courant de la relation particulière qui l’unissait à April. Et Levi, il se retrouvait à ressentir un certain inconfort dans le creux de ses entrailles à cette simple idée, comme si le simple fait de savoir que la brune l’avait surpris dans un moment de faiblesse parvenait à générer un certain malaise qu’il n’aurait su franchement expliquer. Parce-qu’au final, il n’y avait rien de concret entre April et lui, si ce n’est qu’une simple attirance qu’ils s’amusaient à pousser à l’extrême pour mieux se succomber. Sur le plan sentimental, Effy avait sûrement bien plus à dissimuler que lui, et ça, ils le savaient pertinemment l’un comme l’autre. « C’est ma boss, quand j’travaille au Adam & Yves. » Finit-il par souffler, conscient qu’une réponse silencieuse aurait davantage trahi son inconfort à l’idée d’évoquer cette facette de son quotidien avec Effy. En réalité, il n’y avait aucune réponse juste à apporter à la brunette, si ce n’était que la vérité. Levi ressentait pourtant ce besoin de se justifier, quand bien même Effy ne le lui demandait pas, qu’elle ne le lui reprochait même pas, relevant simplement ce point qu’il était tout simplement incapable de contredire. Il s’était presque senti bête Levi, d’avoir tenté une approche avec elle, sa main logée au creux de la sienne alors que la brune s’était empressée de relever la présence d’une autre femme dans son quotidien. Il peinait encore à comprendre où est-ce qu’elle désirait les emmener, ni sur quoi déboucherait cette conversation, craignant d’en voir la finalité. Parce-qu’il sentait bien, malgré le fait que leurs peaux ne se frôlent encore, qu’un nouveau mur s’était érigé entre eux, et que celui-ci leur serait plus que difficile à gravir. Presque dans un automatisme, Levi n’avait pas pu s’empêcher de la questionner sur Milo, sans qu’il n’y ait la moindre animosité, parce-qu’il ne serait jamais question de ça avec Effy. « Je vois. » Finit-il par souffler, après la réponse de son amour du passé, commençant à regretter de l’avoir amené sur ce sujet, trop délicat, et probablement beaucoup trop frais pour son myocarde abîmé. En percevant son visage se relever vers le sien, Levi imita son geste, perdant son regard dans la profondeur du sien, là où tout se passait de mots, là où ils avaient toujours su se comprendre même dans les plus longs silences. « Tu m’as pas dit que tu ferais honneur à mon gâteau ? » Finit-il par dire, revenant à leur réalité, alors qu’une lueur malicieuse s’était inscrite dans l’azur de ses iris.

Le temps de pause qui plana avant que Levi ne trouve les mots pour lui répondre, confirma à Effy ce qu’elle avait vu ce soir-là. Pas qu’elle ait laissé la place au doute, de toute façon, car elle connaissait suffisamment bien l’Anglais, chaque expression dans ses traits et chaque étincelle dans son regard, que pour déceler une connexion à part avec quelqu’un. Elle ne fut pas dupe quand il formula une réplique aussi neutre que possible. Nouveau silence, alors qu’elle le jaugeait du regard. Un minuscule sourire en coin, presque félin, ne quittait pas ses lèvres, ceci dit. Comme pour lui rappeler qu’ils se connaissaient suffisamment pour se comprendre même quand les mots disaient le contraire. « Si tu le dis. » finit-elle par rétorquer en baissant le menton en un minuscule hochement de tête, le ton désinvolte, presque désintéressé, sans doute un peu trop pour que ce soit entièrement convaincant. Elle non plus, elle ne savait pas où elle allait avec ça. Elle l’avait simplement relevé, c’était tout. Elle dut accuser le revers, quand celui qui chamboulait toujours autant son myocarde, lui demanda où en étaient les choses, avec celui qui l’avait déchiré à coups de couteaux. Ce fut au tour d’Effy de répondre en honnêtement, avec ses mots sibyllins comme à son habitude, s’empressant de se rincer l’esprit avec le champagne apporté par le brun. Il n’insista pas, il n’y avait de toute façon rien à ajouter, mais la belle brune l’en remercia tout de même silencieusement. Même gratitude dans son regard quand Levi changea définitivement de sujet, après que leurs yeux d’azur ne se soient accrochés encore une fois, exprimant toutes les émotions qu’ils ne disaient pas, ou du moins pas avec les lèvres. L’étincelle espiègle dans le regard du brun fut communicative, et Eff’ hocha la tête de bonne grâce, un sourire plus franc revenant éclairer son visage. « Si. » Elle déposa la bouteille d’alcool pour s’emparer de la boîte qu’avait apporté le garçon, l’ouvrant pour découvrir une part de gâteau. Nouveau regard, plus serein, plus joyeux. Malicieux. Aimant, aussi. Levi avait toujours tout fait pour essayer de la rattraper en plein vol, la sauver d’une chute trop périlleuse, et la ramener avec lui en prenant sa main dans la sienne. Même les choses les plus insignifiantes, avaient un goût d’importance, avec lui. La jeune fille finit par prendre une bouchée généreuse du gâteau en question, sans se soucier d’une trace de crème restant à la lisière de sa lèvre supérieure, s’amusant de se lécher les doigts comme une gamine qui mange le meilleur gâteau d’anniversaire de sa vie. Elle tendit la part à Levi après une deuxième bouchée, ne comptant pas garder égoïstement cette brève sensation d’insouciance pour elle seule.