The power of vulnerability (theodore)

L’on ne pouvait pas dire que l’enthousiasme animait Theodore concernant le rendez-vous auquel il se rendait. Pourtant, Rosemary était une jeune femme charmante qu’il appréciait, bien qu’il n’avait pas vraiment eut l’occasion de croiser en dehors de l’association dont il était désormais le parrain. Avant de revenir à Bowen, Teddy n’avait jamais fait dans l’associatif, mais au sein de sourire hopital, il avait trouvé le pouvoir de révéler une part de son humanité qu’il avait longtemps étouffé afin de se protéger d’autrui. Lorsque l’on devient célèbre, l’on s’enferme dans une bulle de solitude qui parfois… Pèse. Le brun ne regrettait pas d’être venu s’installer dans sa ville natale, de venir à la rencontre de sa fille Jenny. Il aurait pu l’apprivoiser et tout faire pour repartir aux USA avec elle, mais il avait choisi de ne pas chambouler la vie de sa fille et de s’enraciner ici. Tout se passait bien, jusqu’à ce que son addiction pour les jeux d’argent le conduise au casino de Sydney et que sa chance mène à la colère de ses adversaires. Jamais il n’aurait pensé se faire démolir pour une partie de cartes, pour une suspicion de tricherie, parce qu’il n’avait pas même triché, mais ces hommes-là avaient décidé de le tuer pour ça, pour rien. Et lui se retrouvait temporairement en fauteuil roulant après des mois de coma et de douloureuse hospitalisation.

Malgré le traumatisme, Theo refusait de consulter un psy. Il avait accepté sous la pression de ses proches à aller aux groupes de parole dédiés aux SSPT. Ils avaient fini par apprendre qu’il ne parlait absolument jamais lors de ces réunions. Le magicien avait fléchi fasse à l’énervement de son grand frère Thomas, il avait accepté une prise de contact avec un psy. Puis, il s’était souvenu de Rosemary et il avait vu en elle, l’opportunité en or d’esquiver ce fameux rendez-vous. Il était doué pour embrouiller les gens, surtout ceux qu’il connait, il savait qu’il n’aurait pas de mal à détourner la conversation et finalement avoir ce qu’il voulait : ne pas exprimer ses sentiments.

C’était toujours douloureux pour lui d’en parler, de faire introspection. Sa technique, depuis ses sept ans et de refouler tout simplement. De jouer, pour vivre dans l’adrénaline, bien que là, il avait eut sa dose. Même si malheureusement, ça commençait à le titiller.

Thomas se chargea de le conduire, il déchargea son fauteuil roulant et aida Theodore à s’y asseoir, il le félicita au passage de faire de mieux en mieux appuis sur ses jambes lors des transferts. “ Arrête de me féliciter comme ça… “ Grognait l’illusionniste, il n’a jamais vraiment supporter que Thomas joue les papas avec lui. Theo soupira et fit signe à son frère de foutre le camp, mais celui-ci guetta que le plus jeune entre dans le bâtiment. Ce qu’il fit après avoir sonné et que la jeune femme lui ouvre la porte. “ Bonjour Rosemary. “ Dit-il simplement, faisant avancer les larges roues de son fauteuil pour passer l’entrée et disparaitre de la surveillance de Thomas.

Il sentait le regard de la jeune femme peser sur lui, il avait du mal à s’habituer à ça. Il se souvenait d’une époque pas si lointaine où on l’admirait plus qu’autre chose… “ Que quoi ? C’est provisoire tu sais… “ Il tenait à dire aux gens qu’il ne comptait pas passer sa vie assit dans cette chose, il pensait qu’elle perdait ses moyens à cause de ça… Il esquisse un sourire sur ses lèvres, bien que ça l’agaçait, il savait donner l’illusion du contraire. Il appréciait Rosemary, c’était une jeune femme avec beaucoup de qualités auxquelles il était sensible, tout somme il n’était pas insensible à sa beauté, mais dans son état, il ne s’autorisait plus vraiment de se croire plaisant.

Avec amertume, il découvrit la salle de consultation. Un divan, un fauteuil et aussi un espace avec de quoi peindre, entre autre… Il supportait difficilement l’idée que l’on puise croire que lui, le grand Teddy Kelly, avait besoin de tout ça. Il avait déjà dû tant accepter, les opérations, les sondes, les soins… Il avait dû accepter qu’on le lave, qu’on le porte, qu’on le touche sans cesse, qu’on le pique… Tout cela était douloureux et plus il avançait vers l’autonomie, plus ces épreuves le hantait. Oui, parfois il regrettait de ne pas avoir tout simplement perdu la vie sous les coups de ces hommes.

“ Je ne vais pas m’allonger là, si ça ne te dérange pas. “ Répondit-il face à l’invitation silencieuse de la jeune femme de s’étendre. Il préférait rester là, face à elle. “ Je suis désolé de te faire perdre ton temps, je paierais la séance ne t’en fais pas. Mon frère m’amène ici, il est persuadé que j’en ai besoin. Mais je ne veux rien de tout ça, je vais très bien. “ Voila un mensonge auquel il s’efforce d’adhérer lui-même. “J’ai… J’ai emmené ma tablette pour bosser et je suis persuadé que tu as des choses à faire également pour occuper cette heure… “ Il n’y allait pas par quatre chemins, il commençait par être honnête et si elle ne coopére pas, il avisera…

Theodore pensait qu’il leur rendait service en lui proposant que chacun fasse ses affaires dans son coin, il n’avait pas songé qu’il puisse déstabiliser la jeune femme. Il pensait souvent faire les meilleurs choix, il se trompait parfois, comme tout le monde. Le brun ne voulait pas se dévoiler, il lui semblait s’être suffisamment mis à nu - dans le sens figuré et propre du terme - ces derniers mois. Elle proposait néanmoins qu’ils discutent un peu, il n’eut pas le temps de dire quoique ce soit qu’elle lui posait déjà une question à laquelle curieusement, il s’attendait. Car oui, à l’hopital, il avait dû échanger avec le psychologue et il avait, malgré lui, analysé la manière dont celui-ci essayait de lui retourner le cerveau pour le faire parler de choses dont il n’avait guère envie. Il n’y avait pas à dire, ils sont très doués…

Il soupire, sans répondre. Elle proposait des boissons et il ne pouvait s’empêcher de la trouver attendrissante. C’était peut-être ce qui allait l’avoir au final… Parce qu’il n’avait pas envie d’être grossier avec elle. Finalement, ce n’était peut-être pas l’idée du siècle de venir ici pour se défiler, il commençait à sérieusement douter. “ Je sais ce que tu es en train de faire… Faire mine de contourner le sujet en parlant de mon frère, de son interprétation de mes besoins en termes de soins... “ Theodore était très doué pour analyser les gens, il n’était pas magicien pour rien, décrypter était son fort. Il aurait sans aucun doute pu être un excellent détective. “ Je n’ai pas envie de te dire d’aller te faire voir. “ Ce qui n’aurait pas été le cas avec un autre thérapeute, quelle andouille !

Il croisa les bras, avant de les décroiser, ne sachant pas vraiment comment se tenir face à elle. “ Je sais que d’usage, l’on voudrait que j’ai un suivi psychiatrique ? C’est pas tous les jours qu’on se fait tabasser à mort, mais je suis là. J’suis en vie et je vais de mieux en mieux, je vais remarcher. “ Il s’accrochait à ça, bien qu’il y avait de nombreux ‘mais’ autour de la promesse d’un retour à la marche. Il marchera, mais ça prendra du temps, beaucoup de temps, peut-être des années. Il remarchera, mais ça sera douloureux. Il remarchera, mais ça ne sera peut-être jamais comme avant… Il remarchera, c’est tout ce qui compte. C’était ce qui inquiétait ses proches, qu’il enterre ses problèmes sous cette perspective d’avenir pourtant bien floue. “ Je ne suis pas dans le déni, je vois bien ce fauteuil, je le vis moi-même, et les spasmes musculaires, le regard des autres. J’ai juste décidé d’aller bien, j’vois pas où est le problème. Ce sont certainement eux qui devraient venir perdre leur temps ici. Sans t’offenser… “ Il baisse les yeux, conscient que sa dernière phrase était de trop. Tout simplement de trop. Insultante, exactement le contraire de ce qu’il avait voulu. “ Désolé… Je suis un peu excédé. Tout le monde veut contrôler ma vie, comme si j’étais une petite chose fragile. “ Il ne supportait pas sa dépendance, il la vivait mal, très mal. Il avait choisi d’aller bien, si seulement c’était aussi simple… Il releva le regard vers la jeune femme. “ Je sais pas faire ça… Discuter de ce que je ressens, j’ai jamais trop su faire. C’est juste comme ça, c’est pas contre toi. “ Ça lui paraissait trop compliqué de se pencher réellement sur ses émotions, il voyait cela comme une douleur évitable, alors pourquoi se faire du mal ? Il avait assez morflé comme ça…

Il était malin, mais il n’avait pas anticipé qu’elle puisse trouver satisfaisant qu’il s’accroche à l’idée qu’il puisse remarcher normalement un jour. C’était bien la première fois qu’on lui demandait de ne pas être trop optimiste. Il a toujours obtenu ce qu’il voulait, ça lui avait demandé énormément de travail pour devenir l’un des meilleurs magiciens de Las Vegas, ouais… Il sait ce que c’est que de travailler plus que de raison, alors il était décidé à y arriver, une fois de plus, il soulèvera des montagnes pour atteindre ses objectifs. Pas après pas. Il se battra, il n’abandonnera pas, ce n’était pas dans sa nature. Il avait seulement haussé les épaules lorsqu’elle suggéra qu’il pourrait avoir besoin des autres, il avait quitté Bowen et sa famille à l’âge de 20 ans, il s’était toujours débrouillé seul. L’autonomie, c’était le mot qui l’avait toujours défini… Alors se retrouver dans cet état de dépendance, ça le rendait fou de rage, à l’intérieur… Parce qu’il évitait d’exploser, parce qu’au fond de lui, il savait que c’était sa faute s’il était dans ce fauteuil. Il avait renoncé à porter plainte, au grand désarroi de ses proches, mais il avait joué au poker avec les mauvaises personnes. Il aurait dû le savoir, le sentir. Des mauvais perdants, il en a connu, mais de cette violence, jamais.

Il fut surpris par le virage que pris leur conversation, mais il l’écouta. C’était étrange qu’elle se confie de la sorte, les gens ne lui parlaient pas de leurs problèmes. Beaucoup considéraient qu’il n’était pas très réceptif, il était vrai qu’il avait toujours eux du mal à témoigner de l’empathie, c’était sa manière de fonctionner, de se protéger depuis l’enfance. Il apprenait peu à peu à s’ouvrir, c’était sa fille qui avait ce don sur lui.

Une fois la démonstration terminée, il détourna brièvement le regard puis répondit : “ Oui, je constate… Tu as plus d’aisance que moi pour… Te confier ? “ Était-ce vraiment une confiance puisqu’elle parlait assez librement de cette période compliquée de sa vie. Teddy ne considérait pas en dépression, il traversait seulement une mauvaise passe. “ Je suis heureux que tu aies trouvé ta voie. Tu te sens utile et ça a donné un sens à ta vie. Je sais que tu es profondemment quelqu’un de bien. Je t’ai vu à l’hopital, les patients sont ravis quand tu viens leur rendre visite… “ C’était même tout à fait charmant à ses yeux, mais il ne l’ajoutais pas, il faisait preuve de retenue, il restait à sa place de… Patient.

“ Je sais pas faire ça… Dire ce que je ressens, ou juste me retourner pour analyser le passé et voir ce qui n’allait pas, ce qui a pu me faire du mal ? C’est le passé… Quand mon père est mort, je n’avais que sept ans, tout le monde était effondré. “ Ses frères avaient tant pleuré, ils ont passé beaucoup de temps à fouiller les affaires de leur père, à revivre des souvenirs ensemble devant des photos ou des objets. Et sa pauvre mère ? Anéantie. Elle s’était accroché à son petit dernier pour tenir le coup, à lui tout simplement. Jamais il n’évoquait son père et il devait avouer ne pas être à l’aise avec l’exercice. “ Pas moi. J’ai continué ma vie. Je ne dis pas que c’est comparable, mais… Je suis juste comme ça. Pourquoi je devrais ressasser ce qu’il s’est passé ? À quelques minutes près, je serais mort à l’heure actuelle, mais je suis là, c’est tout ce qui compte. “ Il savait qu’il se donnait l’air d’être buté, mais il était sincère, comme elle l’avait été avec lui. Son regard observait le visage de la jeune femme, elle était douce et dégageait un calme certain. Il ne doutait pas un instant qu’elle soit une incroyable thérapeute.

“ Je suis désolé de te mettre dans cette posture, pour tout t’avouer, je ne pensais pas que l’on discuterait. Tu ne dois pas être très à l’aise non plus. “ Est-ce qu’il changeait radicalement de sujet ? Oui. Il pensait d’ailleurs ne jamais revenir ici, pas pour lui en tout cas. “ Tu… Tu veux vraiment faire cette séance ? “ Il priait pour qu’elle renonce, parce qu’au fond de lui, il avait bel et bien peur de s’effondrer.

“ Je ne pensais pas te mettre dans une situation inconfortable, mais… Bowen est une petite ville. “ Elle finira forcément par avoir des patients qu’elle connaitra dans sa vie privée. Que ce soit son voisin, le boulanger chez qui elle va habituellement ou… un ami. Ils n’étaient pas amis, ils étaient collègues au sein d’une association, une bonne connaissance à ses yeux. Le brun imaginait qu’ils ne seraient sans doute jamais amis, elle  ne le verrait que comme un homme malade qui a besoin d’aide. Il ne pouvait l’en blâmer. Ce n’était peut-être pas le sens des mots de la jeune femme, mais il était libre de son interprétation, même mauvaise. Il pensait qu’elle mettait une barrière, afin qu’ils puissent faire cette thérapie.

Il voyait les efforts que fournissait la belle thérapeute, son regard ne la quittait pas, il restait concentré sur ses mots, ses arguments. Il ne pouvait nier qu’elle était douée dans ce qu’elle faisait, que les personnes fragiles psychologiquement ne devaient que trouver un grand réconfort dans cette pièce. Teddy avait un mental d’acier, il n’était ni manipulable, ni idiot, ni d’une nature fragile… Le passé forge le présent, il en a conscience, mais il choisissait de vivre en lui tournant le dos, il avait toujours fonctionné ainsi. Mais désormais, il ne pouvait plus courir aussi vite pour s’éloigner du passé.

Elle énonçait toutes les possibilités qui se présentaient à lui pour exprimer ce qu’il ressentait, il s’apprêtait à lui répondre qu’il n’étais pas un enfant. Qu’il n’avait pas besoin de faire du dessin pour savoir ce qu’il pense… Mais il fut hébété de voir la jeune femme danser sur une musique entrainante. Le brun observait ce corps onduler comme le sien n’en était plus capable. Il avait toujours été sensible à la danse, bien qu’il soit mauvais dans cette discipline, contempler cet art lui était toujours très plaisant. Il avait eut une histoire particulièrement médiatisé à Vegas lors de sa liaison avec une danseuse rendue célèbre par un télécrochet aux USA. Avec son beau sourire, son regard, elle avait réussit à l’amadouer et le faire refouler sa mauvaise humeur concernant l’idée de faire des dessins comme un gamin ou une personne aux capacités cognitives ou émotionnelles limitées.

“ Je… Waa… “ Elle l’avait séché, avec son long discours. Elle se vendait terriblement bien c’est vrai. Le magicien en perdait les mots. Sa main passa dans sa nuque pour la détendre avant de reprendre. “ Je ne crois pas que je sois le public habituel et sensible à faire des dessins ou de la poterie… Ce que je veux dire, que je me tue à dire à tout le monde depuis des mois : c’est que je n’ai pas de problèmes. “ Il n’aimait pas être là, que l’on suppose qu’il ait besoin d’aide pour s’exprimer sur ses émotions. “ Je n’exprime pas mes émotions négatives, par choix. Je n’ai pas de trouble mental ou que sais-je. Je le fais consciemment, c’est peut-être pas sain, j’en ai conscience également. C’est comme ça que je gère. “ Il soupire, parce qu’il n’avait pas envie d’être insolent, mais l’idée d’être associé à tout ça lui était douloureux. “ Je ne crois pas que faire des collages ou jouer du tam-tam sera une meilleure solution. “ Il était un magicien, mais il avait les pieds sur terre, il ne savait pas lâcher prise, il contrôle tout, dans sa magie, dans sa vie. Des trucs dingues, il en faisait, car il avait besoin d’adrénaline, mais toujours avec le sentiment d’avoir le contrôle. Il ne l’avait pas, puisqu’il était en fauteuil roulant.

“ Je sais que les gens ont peur pour moi, qu’ils sont inquiets, je voudrais juste que l’on me fiche la paix. Ça fait des mois maintenant qu’il y a cette aura anxiogène autour de moi et je lutte pour garder le sourire car contrairement à ce que le monde prétend, personne n’a envie de me voir m’effondrer. ” Il le savait, les gens l’admiraient pour sa détermination, sa force pour gérer cette situation.  “ Tu veux savoir ce que j’aimerais ? “ Oui, il pourrait jouer au con et lui dire qu’il aimerait courir, danser comme elle, faire une randonnée ou sentir à nouveau sauter en parapente… “ Une journée différente… Une journée où tout va bien… Des gens qui n’ont pas peur de me briser un peu plus au moindre contact, à la moindre parole. J’ai besoin d’air, c’est tout… “ Ça n’était apparemment pas pour tout de suite, non. Il lui adressa un sourire résigné.

La situation prenait progressivement un nouveau tournant. C’était étrange, il était habitué à râler qu’on le prenne pour une petite chose fragile, mais rien ne changeait. Rosemary l’écoutait véritablement. C’était différent, c’était comme s’il arrêtait enfin de parler dans le vide. S’il s’était montré aussi réticent, c’est parce qu’il en avait vu des personnels médicaux défiler dans sa chambre d’hopital, ils voulaient entendre ce qu’ils voulaient et passer à la chambre suivante. Il avait pensé, à tort, qu’elle ne dérogerait pas à cette règle.

Elle n’était plus sa thérapeute et il n’était plus son patient. Ils pouvaient se parler en toute franchise. Peut-être que c’était ce qui lui manquait, une amie. Theodore ne pouvait pas dire qu’il n’en avait pas, mais tous se préoccupaient bien trop de sa santé pour oser l’emmener faire un tour, prendre des risques jugés inutiles… Leur bienveillance était évidemment touchante, mais il était vrai qu’il saturait de tout ce sucre.

Ses yeux suivirent la silhouette de la brune, elle posait sa main sur son épaule, sans pitié dans le regard. Le magicien ne fut retenir un léger sourire [enfin ! bravo !) car on ne le touchait plus vraiment, comme s’il était en verre. Le seul à le brutaliser au final, c’était son kiné. On pouvait dire que chaque séance était une véritable torture. “ Je veux bien prendre le risque. “ Finit-il par dire avec une légère gaieté dans sa voix, il en avait presque oublié qu’il n’était pas toujours obligé de faire semblant d’aller bien. Elle avait réussi le prodige de lui communiquer un peu de sa joie, de sa bonne humeur. Sacré bout de femme.

“ J’aimerais aller sur les quais. “ Au moins, il savait ce qu’il voulait faire, il n’avait pas mis longtemps pour y réfléchir. Theodore souhaitait souvent prendre l’air, s’oxygéner, il s’en fichait pas mal que ses poumons soient encore vulnérables, il se sentait d’attaque, il avait besoin d’y aller. “ Je ne sais pas pourquoi, mais je voudrais juste… Revoir le bateau de mon père. “ Il soupirait, car il n’avait pas prévu d’évoquer deux fois son père dans la même journée. Cela faisait des années qu’il n’en parlait jamais. Et miracle, sans qu’elle eut à lui demander, il se motiva seul pour fournir quelques explications. “ Je ne sais pas si c’est lié à tout ça, mais… J’ai l’impression d’accéder à des sortes de… souvenirs ? Il faut dire que le temps s’est étiré sans fin, dans cette chambre d’hopital. “ Dans son regard, l’on pouvait presque y voir le reflet du spectre de la solitude qui avait pesé sur lui durant sa longue hospitalisation, sans parler des flashes qu’il subissait sans en parler à personne. Il avait bien trop peur que ça pousse ses proches à vouloir absolument retrouver ses ravisseurs. Theo n’avait pas envie de ça. “ Alors  ? On y va ? Sauf si tu veux faire ça une prochaine fois. “ Il ne savait pas combien de temps de trajet cela demanderait, mais il souhaitait vraiment y aller, bien plus à présent qu’il l’avait verbaliser. Rose’ l’avait fait avancé, malgré lui. Il avait besoin de voir, de comprendre pourquoi il rêvait souvent de ce voilier. Il ne se souvenait pas vraiment de son père, il avait fait une sorte d’amnésie sélective, comme s’il avait simplement effacé son père après sa mort, pour ne pas souffrir de son souvenirs. Ses frères lui rebattaient les oreilles avec des histoires d’un homme qu’il ne connaissait pas, mais c’était comme si avec son black out après son passage à tabac, bien des choses lui revenaient en mémoire.