somewhere only we know - (marcus & saoirse)

Qui aurait pu prédire que, malgré un divorce tout frais, Penelope et Marcus aurait choisi de passer la soirée de la Saint Valentin ensemble ? Il n'y avait que ces deux-là pour faire les choses dans un sens totalement anarchique. Pourtant les deux ex avaient bien décidé de se faire un dîner ce soir-là, trouvant le kitsch de ce genre de soirée organisée presque rassurant, quelque part. En vérité O'Brian n'aimait pas forcément cette fête, du moins il n'y accordait aucune importance, mais la blonde lui avait demandé, le matin même, ce qu'il faisait pour la soirée, il avait répondu qu'il serait vissé à son bar, à servir les cœurs éconduits, elle lui avait envoyé la photo du flyer de la soirée, il avait répondu "Okay", c'était aussi bête que ça. Stacy assurerait seule le service des cœurs brisés au Elm. Voilà qu'il était donc embarqué dans un repas de fête des amoureux avec une femme, qu'il aimait, certes, mais avec qui il n'était absolument sûr de rien. Il savait que le thème était tenu secret par les organisateurs mais il s'imaginait bien un repas dans une salle surchargée de cœurs et de roses, à en faire vomir, avec une musique bien ringarde, il voyait très bien le tableau. Il s'en amusait même, lorsqu'il arrivait au château de glace, quand il sentit son téléphone vibrer dans sa poche. C'était un message de Penny, elle était profondément désolée mais elle devait annuler, une urgence pour son père la retenait. Marcus soupira, il était un peu déçu, c'était logique, mais il s'inquiéta pour le père Russell, tout en se demandant quand même, dans un coin de sa tête, si son ex ne se dégonflait pas, tout simplement ... Il était face à au comptoir des réservations, prêt à faire demi tour, lorsqu'on l'apostropha. Bonsoir, bienvenue au château de glace, vous aviez réservé à quel nom ? Il resta, interdit à fixer cette personne. Non, je ... O'brian, ... mais je vais. On lui coupa la parole. Oui, suivez-moi, votre compagne est déjà là, on va commencer d'un instant à l'autre. Et l'employé fit le tour pour venir lui mettre un bandeau autour des yeux. Pardon mais je ... Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Prenez ma main, suivez-moi, tout ira bien. Non, tout n'allait pas aller bien, il avait l'impression de se faire séquestrer. Mais comme il était totalement  décontenancé, il suivit, docilement. Il fut rapidement installé. Madame, monsieur, bienvenue dans le noir complet, vous pouvez retirer votre bandeau. Bon appétit, je vous souhaite une agréable expérience. Et il fut laissé là, face à une totale inconnue, dans le noir. Putain mais qu'est ce que je fous là ? Il écarquilla les yeux, se rentant compte qu'il venait de penser tout haut, jurant, alors qu'une personne était en face de lui. Pardon, je suis désolé. Ce n'est sûrement pas moi que vous attendiez. C'était une totale perte de repère et il n'était pas au bout de ses surprises.

C’était d’une ironie sans nom, que de se retrouver dans un concept aussi intéressant qu’un dîner dans le noir, en étant aveugle. Saoirse n’avait pas très bien su comment elle le prenait au départ, vu que pour elle, cette activité spéciale ne l’était donc pas réellement, de par son handicap. Elle s’en était toutefois amusée aussi, il fallait dire que c’était cocasse. Et puis, on pouvait se dire que c’était plutôt intéressant, de savoir que tous les participants vivraient son quotidien le temps d’une soirée. Elle avait quand même dû hausser un peu le ton, quand à l’accueil, on avait insisté pour lui bander les yeux parce qu’elle aurait pu prétendre être aveugle, pour tricher. Mais l’air offensé et le ton sec de la jeune femme avait été suffisamment convaincant, plus que sa canne blanche. Saoirse n’avait pas non plus bien réalisé l’ampleur du concept de ce truc de Saint-Valentin, quand elle s’était retrouvée inscrite. Au début, elle n’avait rien compris, ne comprenant pas bien pourquoi elle avait reçu des mails avec des confirmations, des instructions. C’était une amie de la librairie qui avait finalement révélé qu’elle l’avait inscrite. La rouquine n’avait encore une fois, pas été bien sûre de comment le prendre. Mais ça partait d’une bonne intention, enrobée d’une idée marrante, et une fois faite à cette idée un peu saugrenue, elle s’était résignée à trouver ça au moins comique. Et puis, pourquoi pas, n’est-ce pas ? Elle n’avait rien à y perdre, et même en imaginant le pire des cas, elle ne pouvait que s’ennuyer un peu, il y avait peu de chances que ça soit totalement horrible. La voilà donc qui était installée à une table, sans trop savoir comment elle s’était retrouvée là, un peu confuse lors de sa conversation avec un des employés du château. Ce n’était pas elle qui avait réservé, elle n’avait même aucune idée de ce qui était proposé comme programmes, du coup, elle s’était juste laissée porter par le vent et se voyait maintenant assise, attendant elle ne savait pas trop qui. Peu importait, dans le fond, ce n’était pas comme si elle était venue ici avec des attentes, bien au contraire. Mais la voix qui s’éleva face à elle, après qu’on ait amené quelqu’un à sa table, la laissa perplexe. « Marcus ? » tenta-t-elle, sur un ton incertain. Elle n’avait entendu sa voix qu’une fois, plusieurs semaines auparavant, et si ça lui rappelait bien celle du gérant du Elm Street, elle n’était sûre de rien. L’Irlandaise pouvait aisément reconnaître le feutre des voix auxquelles elle était habituée, moins celle d’une personne avec qui elle n’avait échangé qu’une fois, ou même plusieurs, si ces occasions étaient trop espacées. Mais si c’était bien lui, alors c’était vraiment le pompon. C’était tellement incroyable que ce concours de circonstances qu’elle n’avait absolument pas planifiées, donne un tel résultat, que ça en était absurde.

Qu’est ce qu’il s’était imaginé, Marcus, en proposant un dîner à Penny le soir de la saint Valentin, en tout bien tout honneur ? Il avait vraiment cru au départ qu’ils pourraient en rire, qu’un jour ça ferait partie des anecdotes, qu’ils se remettent ensemble ou non. Le fait à la place de leur couple il reste un cratère géant, le fait qu’il soit blessé au plus profond de son être par cette femme mais qu’il l’aimait encore, tout ça n’avait visiblement pas compté, juste, c’aurait pu être drôle. Il n’y avait que lui pour se voiler la face de cette façon. En fin de compte il n’avait pas encore eu le fin mot de l’histoire, il ne savait toujours pas elle était partie du jour au lendemain et il faisait comme si ça ne l’atteignait pas. Il faisait comme si cette histoire de divorce qui allait s’officialiser ne comptait pas non plus. Mais voilà qu’alors qu’il s’avançait dans cette pièce complètement noire, il était amer vis-à-vis de l’annulation de Penelope, elle avait sûrement la meilleure raison au monde, au final, il était toujours le second choix, quoi qu’il fasse. Toujours est-il qu’il se retrouvait donc, bien malgré lui, dans cette expérience surréaliste, face à une personne, homme ou femme, il ne le savait même pas, assis à une table, entrain de jurer en toute liberté. Sa surprise fut à la hauteur de sa honte, lorsqu’il entendit son prénom prononcé. Clairement il était grillé, même dans le noir complet. Par réflexe il porta ses mains à sa bouche tellement il était surpris, s’empêchant par la même occasion de sortir un nouveau juron. Qui ça pouvait bien être ? Est-ce qu’il était vraiment attendu finalement ? Cette soirée était une véritable blague. Le silence s’installa et il réfléchit un instant, cette voix, il la connaissait, cette façon si particulière de prononcer son prénom n’était pas habituelle et pourtant elle résonnait comme une douce mélodie à son oreille. Il fit un effort pour se souvenir puis tout lui revint. Cette soirée au Elm où la foule était dense mais qu’il n’avait eu d’yeux que pour cette chevelure rousse. Cette Irlandaise pétillante qui avait réveillé son âme l’air de rien. Il sourit alors. Saoirse ? Mais qu’est ce que tu fais là ? Sa question était stupide. Et lui, qu’est-ce qu’il faisait là aussi ? Je suis désolé, je suis totalement désorienté ce soir. J’imagine que tu dois être un peu plus à ton aise toi. Pour lui qui sortait sir rarement de son bar, qui ne faisait pas grand-chose d’autre de sa vie, un dîner dans le noir avec une presque inconnue c’était un peu comme l’ascension de l’Everest !

hj : je réponds encore avec un retard olympique, je comprends tout à fait si tu préfères abandonner le rp

C’était donc bien lui, elle ne s’était pas trompée. Peut-être que c’était ce timbre de voix particulier, ou bien était-ce juste sa mémoire à elle, qui l’avait spécifiquement ancré sous une étiquette spéciale. Pourquoi, allez savoir, mais dans tous les cas, elle était heureuse de la réentendre, cette voix un peu bourrue, pourtant un peu chantante en relief, lui rappelant une terrasse de bar ensoleillée. « Ah bah ça alors. » marmonna la jolie rousse sans plus savoir comment commenter ce moment de stupéfaction. « En toute honnêteté, je ne sais pas trop. Mais pour sûr, je ne m’attendais pas à tomber sur le fameux propriétaire du Elm Street qui ne m’aura finalement jamais emmenée diner. » répondit-elle à la question du barman une fois qu’elle eut repris ses esprits. Esprits bien plus affutés qu’elle n’aurait cru, elle-même surprise par son audace alors qu’elle remettait sur le tapis cette après-midi où ils s’étaient rencontrés, d’emblée, à la deuxième phrase, rappelant leur deal et le manquement de Marcus à ce dernier. Clairement, par moments, il lui manquait des cours de dentelle, à l’Irlandaise. « Je le suis probablement, oui. Ceci dit, être aveugle depuis vingt ans ne veut pas dire que je ne risque pas d’embrocher une main avec ma fourchette. Ça arrive même aux meilleurs. » sourit-elle dans la pénombre, la malice de ses paroles suffisamment évidente pour qu’elle se voit comme en plein jour. Elle n’avait sincèrement aucunement prémédité de tourmenter Marcus, elle n’aurait même pas pu, n’ayant aucune idée de ce qui l’attendait ce soir et encore moins de se retrouver face au propriétaire du Elm Street. Mais il fallait croire que cette drôle de soirée venait réveiller un esprit facétieux et gentiment mordant.