can't help falling in love - (igloo #5)

Il est vrai que manger dans le noir donnait une dimension différente à ce repas et surement plus de légèreté aussi. Nous n'avions pas eu le temps de nous juger physiquement avant d'engager la conversation. Nous le ferons sans doute un jour mais pour l'instant, je me concentrais sur ce repas et sur le trajet entre l'assiette et ma bouche. Je pris quelques secondes à mâcher ce divin repas avant de m'éponger la bouche. Evidemment, il ne pouvait pas voir que je ne mangeais peut-être pas très proprement mais je n'aimais pas me sentir sale. Mes habitudes de princesse comme le disait mon ex compagnon.

La conversation était vraiment facile avec Noam et je remarquais que nous avions plusieurs points communs. J'espérais pouvoir continuer la conversation plus tard en sa compagnie et si possible en le découvrant physiquement. Evidemment, j'avais notion que cela changerait les choses entre nous mais j'étais curieuse de le découvrir. Qui sait, peut-être à la fin de ce repas.

"-Oh j'adore aussi les falafels, c'est tellement bon ! Enfin, bien cuisinés évidemment. Un bon burger, c'est un grand classique effectivement. Avec une bonne portion de frites."

Je pris une nouvelle bouchée de mon repas lâchant un petit bruit gustatif non volontaire. Je lâchai un rire, me surprenant de ce naturel en la compagnie de Noam. Je me régalais tant avec ce repas qui changeait de mon alimentation actuelle. Je n'étais pas un grand cordon bleu et je n'avais absolument pas la force pour le faire ces derniers jours. Je commandais donc régulièrement à emporter et je mangeais principalement à l'extérieur. Pas idéal comme régime mais je m'occuperais de ça plus tard.

"-Pardon, ce n'était pas franchement élégant. Pour te répondre, je suis une grande fan de pâtes en tout genre. Je dirai que mes préférées sont celles à la truffe mais j'ai beaucoup de mal à en trouver alors plus classiquement, je dirais celle au pesto. Je pourrais me damner pour un plat de pâtes."

Ils partageaient leurs préférences culinaires, c'était aussi banal qu'agréable pour Noam. Il n'était pas toujours doué pour avoir des conversations "normales". Ni pour se lier avec des personnes qu'il ne connaissait pas. Ce rendez-vous lui faisait du bien, et surtout, il lui faisait oublier qu'il n'était pas très doué dans les interactions sociales -et pour la vie de couple de façon plus particulière non plus mais c'était un autre sujet.

-Heureux de voir que nous tombons d'accord !

Il eut un rire.

-Et puis, un burger peut-être fait avec tellement de choses différentes, je trouve que c'est un plat très intéressant quand il est personnalisé.

Parce qu'il savait qu'il ne fallait pas prendre la gastronomie américaine trop au sérieux, mais certains pays pouvaient vraiment la revisiter de façon singulière.

Ils rirent de concert alors que tout montrait qu'ils appréciaient leur repas. Au moins, la ville pourrait se vanter d'avoir organisé quelque chose de réussi. Et peut-être que le fait qu'ils s'entendent si bien n'était pas vraiment étranger à rendre ce repas encore meilleur.

-Ce n'est rien, tu n'as pas besoin d'être élégante avec moi, je suis content que tu apprécies le moment ! Et je crois que n'avais pas autant apprécier un repas depuis bien longtemps.

Noam écouta attentivement la réponse d'Ava sur ce qu'elle préférait, tout en continuant de déguster son repas. Il l'interrogea avec curiosité.

-Est-ce que cet amour des pâtes vient d'un séjour en Italie ?

J'écoutais Noam parlait de nourriture tout en continuant la dégustation de mon plat aussi adroitement que possible dans ces conditions. J'eus un petit sourire en l'entendant dire qu'il passait un bon moment, c'était un sentiment partagé et je lui fis d'ailleurs savoir.

"- Je passe également un très bon moment. Cette expérience a l'aveugle affute nos sens et nous force à nous découvrir d'une autre manière. Etrange comme repas mais très agréable je dirais."

Par cela, j'entendais passer un bon repas en bonne compagnie et je ne sentais pas nécessaire de devoir le préciser. Noam était d'excellente compagnie, il avait de la conversation et cette dernière était fluide. Ce côté à l'aveugle donnait une autre dimension à nos discussions et j'appréciais beaucoup cela. Après l'alimentation comme sujet de conversation, il me questionna sur mon goût des pâtes et son origine. Je lui répondis un peu amusée :

"- J'aimerais beaucoup visiter l'Italie un jour mais ce n'est malheureusement pas encore le cas. Et toi, tu as visité ce pays ? Tu as déjà voyagé ?"

Je continuais à interroger mon voisin de table également et les voyages étaient souvent quelque chose de significatif à mes yeux. L'envie de voyager montrait une certaine ouverture d'esprit qui est quelque chose que j'apprécie énormément concernant mon entourage. Pour ma part, j'avais voyagé dans le cadre du sport mais très peu personnellement. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui m'en manquait mais mon ancien compagnon voyageait suffisamment dans le cadre de son métier et ne souhaitait pas forcément le faire dans sa vie privée. Je l'ai compris pendant un temps puis je l'ai surtout subi. Aujourd'hui, je rêvais de découvrir le monde même s'il m'était actuellement impossible physiquement de le faire et ce pour un petit moment d'ailleurs.

Se découvrir d'une autre manière, il ne pouvait pas entièrement lui donner tort. Même s'il se défendrait de juger les personnes, et les femmes en particulier, sur leur apparence physique, ils avaient tous et toutes des biais, qu'ils arrivaient à corriger plus ou moins bien.

-C'est vrai que c'est particulier ! Mais maintenant je me dis que j'aimerais bien retenter ce genre d'expérience à l'avenir.

Rencontrer d'autres personnes de cette façon. Noam était certain que ne pas se voir aidait à discuter plus longuement, plus spontanément. Et il ne disait jamais non à rencontrer de nouvelles personnes, se faire des amis parfois. Il n'était sûrement pas le meilleur en compagnie, mais il faisait de son mieux. Il savait qu'il n'était pas le plus drôle, le plus extraverti, le plus captivant. Il espérait seulement être agréable.

-J'espère que tu en auras l'occasion alors.

Il esquissa un sourire à ses propos. Il était loin d'être un globe-trotteur, encore moins un aventurier.

-J'ai déjà voyagé oui, puisque je ne suis pas d'ici. Je ne suis né et j'ai grandi à New-York, je suis à Bowen depuis quelques années maintenant. J'ai un peu voyagé dans les Etats-Unis avec ma famille, je suis allé une fois en Israël aussi, mais c'est tout. Et toi, même si tu n'as pas fait l'Italie, tu as vu d'autres pays ?

Noam n'essayait aucunement de se faire passer pour ce qu'il n'était pas. Mais oui, ici, il été un immigré. Presque un immigré politique en quelque sorte. Un immigré traumatique en réalité.

-Et j'avoue avoir un peu peur de m'enfoncer dans le cœur de l'Australie... Mon côté américain !

Je partageais l'avis de Noam et je me verrais bien refaire ce genre de rendez-vous à l'avenir. Je trouvais que la conversation était bine fluide quand on n'avait pas à s'occuper de l'aspect physique, surtout dans mon cas. Je ne serais jamais venue si le rendez-vous s'était fait à la lumière. Je n'aurais pas assumer ce gros ventre que je me trimballais partout. Les questions auraient surement fusées ainsi que les regards que je n'arrive pas encore à accepter. Je me sentais constamment juger. A croire qu'il était noté sur mon front que j'allais être une mère célibataire dont le géniteur n'était pas au courant de sa progéniture. J'étais un peu ridicule mais je m'en fichais.

"- Moi aussi je serais prête à le refaire à l'avenir. "

J'écoutais avec attention Noam qui me parlait des quelques voyages qu'il avait fait et je notais l'Israël qui n'était pas un pays courant en terme de tourisme. Néanmoins, je n'allais pas le questionner sur ce dernier. Il se sentait apparemment l'âme d'un américain alors même qu'il habitait en Australie maintenant. J'hochais la tête, inutilement certes, mais c'était plus par habitude qu'autre chose.

"- J'ai eu l'occasion de visiter quelques pays pendant mon adolescence. Enfin, visiter est un bien grand mot. Je jouais au tennis dans d'autres pays et j'ai eu l'occasion de visiter un peu l'Europe et les Etats Unis mais surtout les différents terrains de tennis."

Je me surpris à sourire à l'évocation de ces différents voyages. A l'époque, j'avais l'impression de voyager partout dans le monde. Avec le recul, je n'ai finalement pas vu grand chose de ces pays, j'étais trop occupé à fouler les terrains pendant de nombreuses heures. Mon père et mon entraineur ne me laissait pas sortir, ce qui était normal vu mon jeune âge mais irritant à l'époque.

"- C'est pourtant la plus belle partie de l'Australie...Si tu te sens l'âme un peu aventurier bien sûr et avec une bonne moustiquaire pour dormir."

Je riais à ma dernière phrase. La première rencontre avec un animal sauvage pouvait parfois être assez surprenant.

Noam sourit délicatement à Ava quand elle lui dit qu'elle aussi recommencerait cette expérience sans soucis. La mairie avait vraiment eu une brillante idée cette année. Peut-être, d'ailleurs, qu'il devrait s'intéresser aux évènements qu'elle proposait tout au long de l'année d'un peu plus prêt.

-Ca veut dire que je ne te suis pas trop désagréable au moins !

Il eut un léger rire, avant qu'ils ne parlent voyages. Il hochait la tête quand elle lui expliqua que pour ses tournois elle avait été dans différents pays, mais qu'elle n'avait pas vraiment eu le loisir de réellement visiter.

-C'est vrai, c'est dommage quand on y pense... J'espère que tu pourras revoir ces pays un peu plus en profondeur à l'avenir !

Noam fit une légère grimace quand Ava lui fit remarquer que l'intérieur de l'Australie était pourtant la "meilleure partie". Il ne put s'empêcher de secouer sa tête de droite à gauche.

-J'imagine qu'en terme de biodiversité c'est bien oui mais... C'est carrément flippant pour moi.

Je souris grandement en entendant les propos de Noam. J'espérais que mon sourire s'entendrait dans ma voix à défaut de pouvoir le voir dans la pénombre de notre repas. Effectivement, sa compagnie m'était agréable et je me devais de lui faire savoir. Ce genre d'informations faisait toujours du bien à savoir.

"- Non, j'apprécie ta compagnie. J'avoue que j'étais un peu septique en arrivant de ce rendez-vous. C'est tout de même un contexte particulier."

Je me rappelais de nombreuses randonnées faites avec mon père dans les terres plus profondes de l'Australie et certaines frayeurs remontaient à la surface. Les animaux sont sauvages et, citadine que je suis, cela pouvait régulièrement me surprendre. Cependant, l'on pouvait trouver quelques bêtes déjà surprenantes à l'intérieur même de Melbourne, ma ville natale.

"- Disons que se réveiller avec une énorme araignée sur la main peut parfois surprendre et, soyons honnêtes, on ne s'y habitue pas."

Je laissais s'échapper un petit rire à la fin de ma phrase. Evidemment, je ne voulais pas lui faire peur pour s'engager dans cette faune. Cependant, il fallait être un petit peu alerte vis-à-vis de ce terrain spécifique.

"- Rassure toi, bien équipé et éduqué, les randonnées se passent très bien. Je pourrais t'en conseiller quelques unes à l'occasion si tu en as envie."

Ava confirmait qu'elle appréciait sa compagnie et ça faisait chaud au cœur de l'Américain. Il savait qu'il n'était pas toujours très doué avec les gens, enfin, ça, c'était surtout sur la durée. Mais il aimait leur compagnie, seulement il ne savait pas toujours correctement le montrer.

-C'est vrai que ça ressemble à une idée folle !

A ce que racontait la tennis-woman, Noam secoua violemment la tête de droite à gauche, essayant de retirer de sa tête cette image presque horrifique. Les araignées c'était bien mais... à travers un écran, ou une vitre de vivarium. C'est vrai qu'il ne représentait pas là l'image même de la virilité, mais il n'y pouvait rien, il préférait les plantes, peut-être spécifiquement parce qu'elles ne bougeaient pas trop d'ailleurs.

-Ton récit ne me donne pas du tout envie ! Je suis un biologiste mais j'avoue, de façon un peu paradoxale je ne suis pas à l'aise avec les animaux sauvage. J'admire un tas de choses chez eux, les stratégie d'adaptation, d'évolution... Mais je n'ai pas envie de me retrouver face à face !

Il eut un petit rire.

-Ma petite chienne n'a d'ailleurs absolument rien d'un loup, ce n'est peut-être pas un hasard !

Il fit légèrement la moue alors qu'elle l'encourageait tout de même à s'essayer à la randonnée en terrain hostile.

-Et tu crois que tu pourrais venir avec moi, quand tu seras disponible bien sûr ?

J'imaginais bien un grand homme, assez robuste, avec un tout petit chien et l'image me fit sourire. Evidemment, c'était mon imagination qui travaillait mais c'était plutôt comique en tête à voir comme image.

Sa demande me mit un peu de baume au coeur bien que je savais que la réponse ne serait pas la plus honnête de ma part. Je ne pouvais évidemment pas faire de randonnée dans l'immédiat et dans les prochains mois non plus d'ailleurs. Je serais trop occupée à pomponner mais ça, il l'ignorait encore.

"- Je t'accompagnerais avec grand plaisir...Plus tard. J'ai quelque chose à t'avouer."

J'avais murmuré la fin de ma phrase. Après tout, je sympathisais avec Noam mais je n'étais pas du tout honnête avec lui et cela commençait à me peser. Alors je décidais de me lancer et d'avouer ce secret pour le coup bien cacher dans la pénombre. J'allais prononcer ces quelques mots et je savais d'instinct que notre conversation allait un probablement prendre un autre tournant. Sa réaction allait probablement changer le cours de notre rendez-vous.

"- Je suis enceinte...De sept mois. "

Noam eut un sourire ravi quand Ava accepta de l'accompagner. Que ce soit plus tard, cela n'avait, pour lui, aucune importance. Cependant il fronça les sourcils quand elle lui dit avoir quelque chose à lui avouer. De quoi pouvait-elle bien parler ? Lui avouer quelque chose ? Alors qu'ils se connaissaient si peu ? C'était un peu intime, non ? De quoi pouvait-il bien s'agir ? Il avait beau retourner la question de sa tête, il n'arrivait pas à savoir quel sujet elle voulait aborder.

-De quoi veux-tu me parler ?

Sa question était sans doute un peu stupide, elle allait y venir après tout. Il voulait seulement l'encourager.

Il cligna des yeux à sa révélation, un peu surpris. C'est vrai qu'il ne se l'était pas imaginé un seul instant. Mais c'est un sourire qui étira ses lèvres.

-C'est vrai ? C'est merveilleux !

Enfin, à sept mois généralement les femmes ne trouvaient pas tellement cela merveilleux et espéraient souvent que le bébé sorte au plus vite. Il faut dire qu'il commençait à peser lourd, écraser certains organes dont la vessie, rendait inconfortable un certain nombre de positions... Puis une idée lui traversa l'esprit, peut-être qu'à la base elle ne désirait pas cette grossesse ? Il en avait vu énormément dans ce cas aux urgences.

-Enfin... Est-ce que tu es heureuse ?