Punk à chien ft. Maddie Reynolds

L’élection des personnalités de l’année l’avait littéralement scotché. S’il s’était présenté, c’était avant tout pour se moquer du monde, pour faire un bras d’honneur à tous ceux qui changent de trottoir lorsqu’il marche dans la rue. Sa victoire l’avait dérouté, lui qui se laissait peut à peu sombrer dans la solitude et la morosité. Il se pensait haï par tous, même de ceux qui ne le connaissent pas. Peut-être était-il bien plus compris par les autres qu’il ne le pensait… Man’ était un homme qui n’avait connu qu’une vie de galère, il avait les mains sales, mais c’était comme si finalement c’était pardonnable. Cette notion de pardon, d’être accepté tel qu’il est… Il ne l’avait jamais vraiment envisagé. Son cœur n’était pas aussi noir qu’on le pensait, ou qu’il pensait en donner l’illusion. Finalement, l’on ne sait jamais ce que les autres pensent.

Le luthier avait fermé boutique plus tôt que d’habitude, l’envie soudaine d’oxygène, de cesser de dealer avec ses pensées se fit ressentir. Lorsqu’il avait prit ses clés, la présence dans son magasin se manifesta. Il avait soulevé du sol le lévrier pour le poser sur ses épaules en écharpe, un mode de transport qui convenait à l’animal d’une taille plutôt moyenne qui laissait pendre ses pattes de part et d’autre de ses clavicules. L’une de ces pattes étaient entourées d’un plâtre. Man’ avait trouvé ce clébard amoché dans une poubelle derrière son mobile-homme et il avait été pris de pitié pour cette pauvre chose, il l’avait soigné et le gardait le temps des soins. Cette nouvelle compagnie, ses tatouages, ses vêtements usés, son aura tout simplement ;  lui donnait une allure de… Punk à chien.

Il s’était installé sur les marches d’un immeuble, adossé au mur, il se roulait une clope un peu améliorée. Il n’avait jamais vraiment touché aux drogues avant, mais désormais, à quoi bon ? Le luthier n’était pas déprimé, mais parfois il ne savait juste plus réellement où aller. Il fumait et observait la ville, une parenthèse avant de rentrer chez lui. C’était qu’avant il passait tout son temps libre à traquer un monstre, sa vie était beaucoup plus calme dorénavant. Presque trop.

Enfermé dans ses pensées, il ne s’attendait pas à ce qu’une main se tende vers lui… Avec quelques dollars au fond de celle-ci. Il leva ses yeux verts pour découvrir le visage de cette main tendue, il fut surpris par cette bienveillance que dégageait cette personne. Ses sourcils s’étaient arqué d’étonnement, il exhala la fumée de ses poumons avant de demander intrigué “ Tu ne sais pas qui je suis ? “ Il ne témoignait aucune agressivité, seule la curiosité animait sa voix, il ne savait plus ce que c’était que de parler à quelqu’un qui n’a pas d’a priori, bien qu’à priori, on le prenait pour un SDF avec son chien…  Une première pour lui.

Les jours d'hiver ensoleillées sont mes préférés. L'air est doux, un peu sec, et ça me donne une bonne raison pour quitter la bibliothèque de l'université. J'en ai marre d'analyser des données scientifiques relevées dans les tréfonds de la terre. J'me demande bien pourquoi je m'inflige ces études de paléontologie. Etant gamine, j'ai eu le malheur de regarder Jurassic Park et de me prendre d'amour pour le personnage de Ross dans Friends et me voilà là. A vingt-ans. Complètement larguée par ce que je suis censée apprendre. J'ai l'impression que mes camarades de promo ont une véritablement passion pour ce que je ne vois pas et ne comprends pas. J'sais pas trop où ça va me mener. Sûrement droit dans le mur. Mais j'ose pas dire à ma mère que j'aimerais bien arrêter ce que je fais. Elle qui s'est saignée aux quatre veines pour me payer des études. Mais j'dois bien reconnaître que de quitter les ouvrages angoissants de la bibliothèque me fait un bien fou.

Je marche dans la rue, mon sac rempli de cours et d'ouvrages incompréhensibles. J'me sens bien. J'me croirais presque dans un clip, le soleil tape sur mes cheveux qui tombent en cascade sur mes épaules et j'ai un espèce de sourire accroché aux lèvres. On pourrait appelé ça le bonheur sûrement. J'traverse la place de la ville, j'ai dans l'idée d'aller m'acheter une gaufre. J'vais pas me priver. J'me sens libre et légère. J'empoigne alors le délicieux met que me tend le vendeur de food truck et j'lui adresse un grand sourire. Il me rend la monnaie et j'tourne les talons. Je passe devant un homme qui m'a tout l'air d'être dans le besoin. Il est assis contre le mur, il fume une clope et son chien n'a pas l'air très en forme à côté de lui. Même si je n'ai jamais roulé sur l'or, ma mère m'a toujours appris l'altruisme. Alors tout naturellement, je tends le reste de ma monnaie à l'homme qui fait la manche. J'lui adresse un sourire franc et rempli de compassion mais celui ci ne récupère pas la monnaie et me pose plutôt une question. Je fronce les sourcils. Je marque un temps. "Parce que .. je devrais le savoir?!" Je trouve ça amusant comme question, est-il une figure emblématique de Bowen? Avec sa dégaine, très certainement pas. Je me retrouve là, avec mes trois dollars dans la main, un peu circonspecte.

L’expression de la surprise sur son visage s’estompa au profit d’un regard amusé par cette réponse. Peut-être en reflet de celui de la jeune femme qui lui faisait face, de haut, puisqu’il était au sol. Une posture qui ne lui plaisait guère, alors, il se releva pour lui faire face, avec la motricité d’un homme qui ne dormait pas dehors. Le quarantenaire était un bon sportif, mine de rien. Le chien, en chouinant, posa ses pattes avant, dont la plâtrée que sa jambe, pour ne pas se faire oublier. Il coinça sa clope entre ses lèvres avant de soulever l’animal pour le remettre à sa place favorite : ses épaules.

Ses yeux verts scrutaient ce visage juvénile, il avait presque envie de lui demander où était sa maman. Elle était s jeune, si naïve et… Elle ne le regardait pas comme un monstre. “ Peut-être… Je dois admettre que c’est la première fois que l’on me prend pour un clodo. “ À moins que l’on n’ait jamais osé l’aborder en tant que tel, ce qui serait finalement assez logique. Le brun exhale sa fumée avant de lui dire “ Enfin… Ce n’est pas pire que la fois où l’on m’a prit pour un danseur de flamenco. Maudites journées à thème de  cette ville. Et maudite chemise rouge, apparemment… “ Il eut une lueur nostalgique dans le regard, ça lui manquait presque les commentaires sur ses tenues, parce qu’il ne voyait pas les couleurs et s’habillait n’importe comment… Désormais, plus personne n’osait rien lui dire. Parfois, ça lui manquait curieusement.

“ Je suis Manwë Druid-Keynes, le pestiféré de Bowen. Ça ne te parle pas ? “ Il l’observait, curieux de voir si elle déchanterait en entendant son nom, parce qu’il n’avait pas vraiment envie de se cacher. Il s’ennuyait, parfois, il s’égarait à s’imaginer une autre vie loin d’ici. Il n’avait jamais quitté cette ville en quarante ans, sa cavale en dehors de celle-ci lui avait ouvert un champ de possibilité nouveau et pourtant… Il était là.

Si vous cherchez un gros moment de gêne, vous êtes pile au bon endroit. Est-ce que je venais de prendre un homme labmda pour un clochard? Oh mon dieu, j'auras voulu me nicher trois mètres sous terre pour ne pas avoir à vivre ce moment. Le gars, il se redresse, il est grand, beaucoup plus grand que moi. Ces larges épaules me surplombent. J'le regarde faire avec son chien, il a l'air vraiment dans le mal ce pauvre animal. Je ne sais plus trop où me mettre lorsqu'il me sort que c'est la première fois qu'on le prend pour un SDF. Je baisse les yeux, un peu. J'range alors ma monnaie dans le fond de la poche de mon jean et je m'apprête à lui faire des excuses tandis qu'il me parle d'une fois où on l'a prit pour un danseur de flamenco. Je rigole un peu, j'ai bien du mal à l'imaginer en danseur espagnol. Je secoue la tête. "Je suis vraiment désolée de t'avoir mal jugé. J'me sens un peu idiote." Je sais pas quoi faire pour me rattraper.

Finalement, il se présente et je secoue la tête. "Jamais entendu parler de toi. Pourquoi le pestiféré ?" J'ai probablement une curiosité mal placée, peut-être que j'devrais pas continuer à lui parler, il a pas l'air commode. Mais j'suis comme ça, une naïve et douce petite fille. Je pose mon regard sur le chien posé sur ses épaules. "Il a eu quoi ton chien ? Tu crois qu'un morceau de ma gaufre lui ferait plaisir?" Quitte à se mettre le maître à dos, autant avoir le chien dans la poche. Je souris, j'crois que je ne me rends pas bien compte de qui j'ai en face de moi. J'souris et j'reprends la parole. "Au fait, moi c'est Maddie Reynolds." J'lui tends la main pour la lui serrer. Bah quoi, c'est pas comme ça qu'on fait?

Mettre les gens mal à l’aise, c’était un peu sa spécialité, alors il ne cherchait pas vraiment à réconforter la jeune femme, bien qu’il le fit malgré lui en faisant preuve d’humour. Elle se mit à rire et curieusement, il préférait cela à des excuses… Mais celle-ci arrivèrent malgré tout. Loupé. “ Je connais quelques idiots qui se sentent tout à fait intelligents. “ Sa manière à lui de lui dire qu’il ne la trouvait pas sotte. Il savait qu’il avait une apparence particulière et il s’en rendait compte qu’à cet instant qu’il ressemblait tout à fait à un punk à chien.

Il se présenta, histoire qu’elle sache à qui elle avait à faire avant de s’engager dans une quelconque conversation. Jamais entendu parler. Il ne l’avait pas vu venir… S’imposait à lui le dilemme de devoir lui déballer une partie de sa vie ou de… Oui, il a choisi d’hausser les épaules avec une certaine nonchalance. Il semblait évident qu’il n’était pas fréquentable après tout, non ? “ C’est pas mon chien. “ Se defendit-il sans agressivité, avant d’ajouter. “ J’l’ai trouvé dans une poubelle derrière chez moi, on a un deal tout les deux d’ici que sa patte guérisse. “ Il le soignait, lui montait plus ou moins la garde, officiellement. Officieusement, ça lui faisait un peu de compagnie. “ Mais surement oui… J’l’ai vu déguster une merde l’autre jour, il mangerait n’importe quoi. “ Il n’y avait pas à dire, Druid savait parler aux femmes.

Il s’étonna de la voir lui tendre la main, il n’était plus vraiment accoutumé aux contacts humains qui ne consistaient pas à faire souffrir l’autre. Les sourcils arqués, il jaugeait la jeune femme de ses yeux verts avant de finalement tendre sa main tatouée pour serrer celle bien plus frêle. Il s’efforça de ne pas exercer une pression trop brutale sur celle-ci. La main de Maddie était terriblement douce à côté de celle de Manwë, abimée à force de cogner et de travailler le bois. Il libéra rapidement sa main, bien que ce fut agréable, il ne pouvait oublier qui il était et elle semblait être une jeune femme très gentille, probablement de trop même. “ Tu ne devrais pas serrer la main à des inconnus louches, Maddie Reynolds. “ Il est étonné que son père ne lui ait jamais appris ça, ceci dit, son propre père ne lui avait pas enseigné grand-chose, ni sa mère.

Cette rencontre est totalement lunaire. J'me retrouve à parler à un gars, qui ma foi m'a l'air bien louche, un grand gaillard que j'ai pris pour un SDF, à tord. Purée, c'est bien ma veine. Ca m'apprendra à vouloir faire la charité. Il me semble assez bourru et ça ne colle pas du tout à mon monde rempli de soleil et de coquelicots. Je finis par m'excuser, confuse de m'être trompée à son sujet. Sa réplique m'arrache un sourire. J'le regarde un peu curieuse, faisant pivoter légèrement ma tête sur le côté, comme pour mieux l'observer.

Finalement je porte mon attention sur son chien qui semble bien mal en point. Il ne tarde pas à m'affirmer que ce n'est pas son chien, comme si c'était important pour lui et que cela ne faisait que confirmer qu'il n'était pas justement un punk .. avec un chien. "Pourtant, il semble être assez attaché à toi." Je décroche un bout de ma gaufre que je mets devant le museau du chien. Celui ci ne tarde pas à dévorer le petit morceau de la pâtisserie, je souris tendrement en le regardant. J'reporte mon attention sur l'homme âgé. (Naan, il est pas si âgé que ça, j'exagère, mais il fait très certainement le double de mon âge!) "Tu sais, t'es pas obligé d'être aussi condescendant avec cette boule de poils pour faire genre que tu ne l'aime pas." J'le défis un peu du regard, c'est vrai quoi, il parle mal de ce chien alors que je suis certaine qu'il s'en occupe très bien. On m'la fait pas à moi!

J'me présente et lui tends ma main pour la lui serrer. Il me toise d'un regard assez circonspect, moi j'maintiens son regard. Il me fait pas peur et cette poignée de main c'est pour lui montrer que j'me tiens bien droite, debout sur mes deux jambes, malgré les deux têtes de plus qu'il fait par rapport à moi. Finalement, il me serre la main. Je la sens rocailleuse, puissante et je remarque tous ses tatouages. Je souris à ses paroles. J'suis dans une période de ma vie où j'ai besoin d'm'affirmer. Je hausse les épaules légèrement. "J'crois pas que j'risque grand chose .. si ?" Suis-je en danger lorsque je parle à Manwë Druid-Keynes? J'en ai absolument aucune idée, et je suis bien décidé à le découvrir.

À sa rétorque concernant le chien et ce qu’il laissait entendre sur le sujet, le luthier demeura silencieux, l’observant simplement d’un air sévère comme il savait si bien le faire quand on le défit. Elle était tenace, non pas qu’il voulait la faire fuir, mais c’était seulement étrange pour lui quand les gens ne fuyaient pas, tout simplement. Quelque chose clochait chez cette fille, c’était évident, voilà ce qu’il en conclut. Elle l’ignorait sans doute, mais il ne faisait pas de mal aux femmes, c’était comme ça. Mais pour sûr, si c’était un petit merdeux du même sexe que lui, qui aurait osé lui répondre de la sorte, il ne se serait pas gêné pour un tacle.

Elle se présenta, ils se serrèrent la main et lui, ne pouvait s’abstenir un commentaire assez grincheux, mais dans le fond plus soucieux qu’il ne l’admettrait. Cette fille allait se faire bouffer toute crue par un méchant loup, tôt ou tard, si elle n’apprenait pas à se méfier un peu. Est-ce que c’était son problème à lui ? Définitivement pas, il avait bien assez à gérer comme ça, il avait déjà la sensation que bon nombre de petits jeunes paumés dans leur vie se rapprochaient de lui et ça ne lui présageait rien de bon. Maddie souriait encore, ça en devenait presque… Surréaliste. Qu’est-ce qu’elle fichait encore là, plantée devant lui ? Il peinait à la comprendre, il cherchait… Pour ce faire, son regard glissa sur les poignets chargés en bracelets de la jeune femme, il n’y avait pas de bracelet d’identification qui signifierait que la brune était une échappée de l’asile… Ça aurait été tellement simple comme explication, c’est beau de rêver, non ? Si tous les fous étaient étiquetés, la moitié de la ville aurait sans doute un bracelet, lui inclus.

Il choisit de ne pas répondre à la dernière question, comme il n’avait pas justifié en quoi il était devenu à la fois le pestiféré de Bowen et la personnalité de l’année… “ C’est vrai que je l’aime bien, mais c’est pas mon chien, alors à quoi bon ? “ Il n’avait que peu de choses, pourtant avec l’héritage de son père il pourrait vivre dans une villa et couler des jours heureux entouré de tellement d’affaires à ne plus savoir qu’en faire. Il continuait à vivre comme un pauvre, parce qu’il ne savait pas quoi faire de cet argent, parce qu’il ne savait pas s’il voulait vraiment en faire usage… “ J’peux faire quelque chose pour toi peut-être ? “ Il se le demandait, parce qu’il trouvait ça louche qu’elle reste. “ À moins que tu veuille t’asseoir faire la manche avec nous… “ Malgré ses airs bourru, il avait toujours eut beaucoup de répondant et d’humour, c’était probablement ce qui l’avait sauvé et permis d’avoir malgré tout quelques potes dans cette sombre vie. “ Mais ne soit pas surprise de voir débarquer des flics pour te demander si je ne t’ai pas forcé à le faire. Ton petit vendeur de gaufres là bas ne nous quitte pas des yeux, mais si je devais te tuer, je ne le ferais pas devant tout le monde, hm ? “ Ce ne sont pas des flèches, on l’accusait d’avoir réussi à échapper à la prison, mais on le pensait assez bête pour commettre un crime en pleine rue. Et par provocation, il salua de loin d’un geste de la main le vendeur qui venait de croiser son regard au loin, une salutation qui ne lui fut pas rendue et qui se transforma en doigt d’honneur avec une fluidité déconcertante.

J'sais pas pourquoi je reste parler avec ce type. Je crois que c'est parce que je n'ai rien à faire de mon après-midi et puis, j'me sens aussi un peu coupable de l'avoir pris pour un SDF alors autant essayer de me rattraper un peu. Il est bizarre quand même. Hyper sarcastique et pas aimable pour deux sous. Pas sûr que j'reste taper la discute avec lui très longtemps. Mais j'peux pas m'empêcher de reporter mon attention sur son chien. Il est mignon quand même et lui semble pas très attaché à la bête, du moins, il ne veut pas l'admettre. Je hausse les épaules à sa réponse. "Si tu l'as trouvé dans une poubelle, c'est que personne n'en voulait, alors tu peux le garder." Ca me semblait d'une logique impeccable, et c'est ce que j'aurais fais. Mais j'avais encore beaucoup à apprendre des autres et j'allais sûrement finir par me rendre compte que je vivais encore trop dans un monde rempli de bisounours, d'arc en ciel et de petits papillons colorés.

Après avoir donné à manger à son chien, le vieux monsieur un peu bourru (oui bon j'arrête, il est pas si vieux...) me demanda avec un tact légendaire ce que je faisais encore là. Il me proposa de faire la manche avec lui. C'était de toute évidence de l'ironie. Puis il me parla de flics, de vendeurs de gaufre et du fait que nous étions en pleine rue et que s'il voulait me tuer, il ne le ferait pas ici. Je l'écoutais attentivement, penchant un peu ma tête sur le côté pour mieux comprendre tout ce qu'il me disait. Assurément, il voulait passer pour un méchant. Il fit un signe de main au vendeur, que je regardais moi aussi. Effectivement, ce dernier semblait un peu inquiet de me voir parler avec cet homme. Mais bon sang, il était si terrifiant que ça? Etais-je tombé sur le monstre de Bowen ? A ce point? Tout cela m'échappait complètement et j'avais surtout l'impression que Manwë essayait de me faire peur. Le quadragénaire adressa un doigt d'honneur au vendeur qui détourna le regard. Je le défiais encore du regard. Dans mes mains, je froissais l'emballage de la gaufre que j'avais terminé et jeta la boule de papier au fond de mon sac et je posais mes mains de part et d'autre de mes hanches. "T'es marrant quand même." J'lui avais dis ça, pas méchamment, juste parce qu'il m'intriguait. Je continuais à dérouler le fil de ma pensée. "On dirait que t'essaye de me faire peur. Et j'crois que ça marche pas. Et ça t'agace. N'est-ce pas?" Oui oui, j'essayais de percer à jour le mystère que représentait cet homme. "Mais j'veux pas t'embêter plus longtemps, Manwë Druid-Keynes. Je te souhaite une agréable journée remplie de bonne humeur et de joie." J'lui fais un grand sourire, j'crois qu'il avait définitivement besoin de ces deux éléments dans sa vie pour se détendre un peu. J'porte ma main au cou du petit chien et lui administre une petite caresse. Lui au moins, il débordait de mignonnerie. Pas comme son bourru de maître.

Manwë l’observait alors qu’elle lui disait qu’il pouvait bien garder ce chien qui était dans une poubelle en train de faire ses emplettes avec sa pauvre patte cassée. “ Pourquoi ? Je ne veux pas posséder d’être vivant, il a le droit à sa liberté. Il pourra faire le choix de rester dans les parages s’il le veut, mais il ne sera jamais à moi. “ Sa réponse reflétait bien plus encore son côté punk, anarchique et anticonformiste. L’archaïque (allé, je m’y met aussi ?)  était seulement rare qu’il exprime son point de vue avec des mots, ce n’était pas un exercice coutumier pour l’homme qui néanmoins ne regrettait pas ses mots. Les gens veulent toujours tout posséder, ce n’était pas son cas. C’était l’attrait de l’argent qui avait poussé son père à devenir ce monstre, pas pour lui trouver des excuses, mais il ne voulait pas d’une vie semblable.

Le vieillard (oui, bha autant pousser le truc jusqu’au bout, non ?) s’étonna de l’entendre dire qu’elle le trouvait marrant. S’il n’avait pas le mur derrière lui, il se serait retourné pour s’assurer qu’elle s’adressait bien à lui. Il sourit néanmoins à ses accusations, suivit de l’annonce de son départ, finalement. “ Il en faut beaucoup plus pour m’agacer, fillette. “ Il était d’une patience méticuleuse que personne ne pouvait s’imaginer derrière ses airs de grand impulsif. S’il pouvait supporter un certain Elijah, c’était qu’il était capable de bien plus imperturbable que bon nombre de personnes sur cette terre.

Elle restait néanmoins pour caresser encore un peu le chien sur ses épaules qui se mit à battre de la queue directement dans la face du tatoué qui leva les yeux au ciel avant de poser sa main encrée sur celle-ci pour l’empêcher de lui fouetter le nez. “ Ma journée sera radieuse, comme toujours désormais. “ Il disait cela sur un ton plutôt monocorde, lassé que tout le monde sous-entende qu’il était malheureux sous prétexte qu’il n’était pas en train de sourire du soir au matin. Il vivait sa meilleure vie depuis que son père était mort, elle n’avait pas idée, il se foutait bien qu’on le déteste, il était enfin libre. “ Et toi ? Tu souris constamment parce que c’est ce qu’on t’as dis de faire quand t’étais gamine ? Ou ta journée est réellement remplie de joie et de bonne humeur ? Tout roule parfaitement… Amour, ami, famille, santé, travail ou études ? “ Il aurait pu dire ça avec méchanceté, mais il l’observait avec une forme de bienveillance, sincèrement intéressé de savoir pourquoi les gens font toujours semblant. “ C’est pas parce que tu souris, que tu irradies… Que tu vas bien. Pas vrai ? “ Ouais, il sentait quelque chose de faux, d’un peu fêlé chez elle, et il était bien plus lucide avec les gens que la norme, parce qu’il y connaissait un rayon en misère et malheur. “ Et ce n’est pas parce que je suis marqué par le passé, que je vais mal aujourd’hui. “ Peut-être que finalement, elle apprendrait quelque chose aujourd’hui d’un vieux dinosaure comme lui (c’était la petite dernière pour la route !).

Je toisais le vieux bonhomme (bah oui, hein, on y va à fond tant qu'à faire! ) d'un regard sérieux, l'écoutant me parler de liberté vis à vis de la boule de poil qu'il avait contre lui. J'étais pas tout à fait d'accord avec lui. Ce petit chien avait besoin d'être nourri et qu'on s'occupe de lui, mais je décidais de ne pas aller à l'encontre de ce qu'il disait. Après tout, il était libre lui aussi de faire ce qu'il voulait. "Tu feras comme tu voudras, mais j'pense que ce chien restera avec toi, t'es son repère maintenant." Oui voilà, au moins, j'allais pas m'attirer les foudres de cet inconnu qui semblait ne pas avoir la langue dans sa poche.

Finalement, je lui affirmais dans les yeux que j'le trouvais marrant et supposai que mon comportement pouvait l'agacer. Il rétorqua assez rapidement qu'il lui en fallait plus. Je fronçais des sourcils lorsqu'il m'appelait fillette. "C'est pas parce que toi t'es vieux que moi j'suis une fillette tu sais. J'suis majeure et presque vaccinée." J'étais plutôt fière de ma sortie et je terminai mes mots par un grand sourire. Alors que je lui avais annoncé que je partais, lui souhaitant une merveilleuse journée, j'avais néanmoins accordé une petite caresse au chien qui sembla assez heureux de mon geste. Manwë en profita pour m'adresser quelques mots qui me laissèrent un peu perplexe. Il supposait que mon sourire n'était qu'une façade, que je faisais semblant. Je fronçais des sourcils, un peu, puis je me redressais, levant les épaules et la tête bien haute. Il n'avait pas été menaçant en disant ça, juste qu'il avait mis le doigt sur une vérité que je n'avais absolument pas envie d'entendre. Oui bien sûr que tout ne roulait pas comme je le voulais dans ma vie, bien qu'à cet instant de mon existence, je n'avais pas encore plongé dans le gouffre qui m'attendait. J'étais encore assez innocente, persuadée que le monde n'est rempli que de gens gentils et bien intentionnés. C'était un peu utopique. Mais j'avais mes faiblesses. Et ce que disait l'ancien (oui oui on continue!) me crispa un peu. Finalement, je croisais mes bras sur ma poitrine, dans une position presque défensive. "Tu te trompes complètement sur mon sujet, Manwë Druid-Keynes. Je vais très bien, et sourire ça fait du bien, tu devrais essayer un peu." C'est vrai quoi, lui, il avait toujours cet air sérieux sur le visage, sourire, rire, ça libère tout un tas d'hormone qui sont bénéfiques pour le bonheur. "Et si on s'laisse abattre par un seul truc qui tourne pas rond, qu'on abandonne tout juste pour ça, c'est une preuve de faiblesse." Je déroulais une réflexion à laquelle je croyais dur comme fer. Mais pas sûr qu'il soit tout à fait d'accord avec moi. "Et peut importe ton passé, tu crois pas qu'il faudrait que tu profites de la vie, en souriant plutôt qu'en aboyant?" J'le défiais un peu du regard, satisfaite de ma sortie. Très clairement, je n'étais pas allée dans son sens, même si j'étais très fragile à l'intérieur, très facilement influençable. Mais je ne voulais certainement pas lui donner raison, la meilleure des défenses, c'est l'attaque.

Le vénérable (Allons y gaiement !) luthier en avait croisé des drôle de moineaux sur sa longue et interminable route. Mais celle-ci, c’était sans doute un oiseau des iles lointaines, parce qu’il n’avait pas souvent eut l’occasion de tomber sur une bourrique pareille ! Cette génération qui voulait toujours avoir le dernier mot, qui voulait se convaincre de déjà tout savoir alors que la vie ne faisait que commencer… Il plaignait les parents de ces mômes, sincèrement, lui, il avait sa tranquillité, tout au plus un chien de poubelle. Bien que la jeune génération avait de plus ne plus tendance à venir à lui, bon sang, ils n’ont pas assez de leurs vieux biologiques ? Il fallait croire qu’il n’en avaient jamais assez. Jamais.

Il n'a pu retenir un léger rictus lorsqu’elle le traite de vieux puisqu’il l’avait appelle fillette, c’était de bonne guerre il devait l’admettre. Et comme elle était là, il ne se gênait pas vraiment pour lui dire ce qu’il pensait de sa bonne humeur de façade. Il l’avait piqué, i le voyait, il avait l’habitude d’envoyer chier les gens et il savait reconnaitre les réactions lorsqu’il faisait mouche. Touchée, mais pas coulée la petite brune.

“ Oh oui, tu vas très bien… Ta réaction est pas typique d’une personne qui ne veut pas prouver le contraire… “ Dit-il en désignant vaguement la posture de la jeune femme : bras croisé, menton droit, le regard qui fixe pour convaincre son interlocuteur. Hein, qui pense-t-elle duper ? “ Et ça recommence… Qui te dit que je ne profite pas de la vie ? “ Il applique le bout de son index sur l’épaule de la demoiselle, sans vraiment appuyer, à peine posé uen fraction de seconde, il n’avait pas envie qu’elle crie au viol… Surtout qu’il n’y’avait quand grand-chose à manger. “ Les apparences… Tu m’as pris pour un SDF, qui te dit que je n’ai pas tellement d’argent que je m’en bats les couilles ? “ Eh bien, c’était exactement ça pour tout dire… “ Tu penses que je suis malheureux parce que je ne souris pas comme un imbécile sous les rayons du soleil… “ Il s’était abstenu d’ajouter une farandole d’argumentations des plus vulgaires sur l’excentricité du bonheur que l’on veut forcément étaler aux yeux de tous. “ C’est pour ça que tu n’es encore qu’une fillette. “

Et lui, avait-il été naïf dans le passé ?
Pas eut le temps d’avoir une enfance.

“ Profites-en… “ À quoi bon grandir trop vite ? Après c’est trop tard, il n’y avait pas de retour en arrière possible. Il hausse les épaules, remuant un peu le chien au passage en ajoutant avec la naissance d’un sourire. “ Mais va quand même faire des vaccins, ça sauve des vies il parait. " Ça serait bête de mourir si jeune de la coqueluche… Enfin... Qu'est-ce que j'y connais ? Demande à ton père... “ Bah, c'est qu'il n'y a pas d'âge pour mettre les pieds dans le plat !

Le ton avait changé à mesure qu'on discutait. J'étais sur le point de partir, bien consciente que ce vieux bourrico n'était pas une bonne fréquentation et pourtant, j'sais pas pourquoi, j'me retrouvais là, face à lui, à lui tenir tête. J'me sentais pas en danger. J'trouvais ça assez amusant d'me confronter à un vrai adulte. Ca m'faisait les armes. Mais j'crois que j'étais tombé sur plus fort que moi. Il ne lâchait rien et pourtant, il avait cet espèce de nonchalance assez agaçante. Mais moi j'perdrais pas le sourire. Ma position avait un peu changée, j'me tenais plus droite et mes bras croisés sur ma poitrine était une preuve irréfutable de ma position défensive. Je haussais les yeux vers le ciel lorsqu'il supposa que mon attitude était celle d'une menteuse. Il pointa mon épaule de son index, le temps d'une seconde tout en me posant une question. "Ah tu crois que parce que tu es plus âgé, tu sais facilement lire dans les attitudes des gens?" Je marquais une pause. "T'as juste l'air aigri, c'est pour ça que j'dis ça." Je campais sur mes positions mais il marqua un point, après tout est ce que le sourire était le seul signe extérieur de bonheur. Très certainement pas mais je restais convaincu que sourire permettait à la vie d'être plus douce. Fillette. Encore une fois. Dans sa bouche, ça sonnait presque comme une insulte. Je haussais les épaules, gardant un sourire en coin. "J'ai juste la jeunesse que t'as plus et t'es jaloux." Ouais, bon ça c'était très gamin. Ca traduisait bien qu'il y avait sûrement une part de vérité dans ce qu'il disait. Manwë continua sur sa lancé, me conseillant d'aller de ma faire vacciner, puis il termina en parlant de mon père. Mon corps se raidit. J'plongeais mon regard dans le sien. Mais ce n'était plus de l'affront. C'était juste un regard désespéré. Je n'avais pas de père. C'qu'il venait de me dire était très certainement le truc le plus affreux qui était sorti de sa bouche depuis le début de notre discussion. Il n'y pouvait rien mais là, sans le savoir, il avait tiré en plein dans le mille. J'me mordais l'intérieur de la joue, par pur réflexe. Comme pour chasser cette idée de ma tête. "J'ai pas d'père." Les mots étaient sortis d'ma bouche, froidement et pourtant ma voix avait vacillé un peu. J'avalais difficilement ma salive. C'était peut-être ça que je cherchais avec lui depuis le début. Un affront face à une figure paternelle que je n'avais jamais eu. J'trouve rien à redire. J'crois même que mes yeux commencent à s'humidifier un peu. J'vais pas pleurer bordel. J'me retiens, si j'ouvre la bouche, les larmes partent avec, alors j'garde la gorge bien serrée. J'fais d'la peine à voir. Pauvre petite Maddie qui pensait se frotter à plus fort qu'elle. J'suis servie.

Le brun ne répondit pas à la question absurde de la jeune femme, encore moins lorsqu’elle l’accusa d’être jaloux de sa jeunesse. Il ne s’était guère abstenu de sourire à cette remarque infantile, presque adorable. Il savait de quoi il avait l’air, d’un vieux gars aigri par la vie, quelque part, c’était vrai, mais cela lui convenait. Cette vie, il l’avait choisie, il n’avait pas fait d’effort pour être apprécié, pour se faire plus d’amis que nécessaire. Aider les autres, il le faisait instinctivement, parce qu’il avait bon cœur quoi que l’on en dise. Manwë le savait lui, il savait qui il était, ce qui n’était pas le cas de la jeune femme non vaccinée…

Il finit par lui dire de profiter de sa jeunesse, de son insouciance. Pensant clore la conversation sur une pointe d’humour concernant les vaccins, il était loin de s’imaginer voir le visage de la brunette se crisper. Son regard hurlait à l’aide. Qu’est-ce qu’il avait bien pu dire ? Pourtant, lui-même savait qu’un père pouvait être un sujet délicat.

Le verdict tombe, elle n’a pas de père.

Plusieurs options se présentaient à lui. Aucune ne lui semblait meilleure que les autres. “ C’est toujours mieux qu’un père assassin, hm ? “ C’était sans doute la pire approche, alors il lève les yeux au ciel, exaspéré par lui-même. Comment est-ce qu’il avait pu se retrouver dans cette situation ? “ A vrai dire, il n’y a aucune option meilleure que l’autre. “ Il n’allait pas s'apitoyer sur son sort, mais il prenait bien conscience qu’il avait tout à faire l’âge d’être son père et cette pensée ne lui plaisait pas des masses. Les larmes dans les yeux de cette fille, ça le rendait fou, c’était un peu sa fichue kryptonite à lui, le chagrin des femmes. A condition de considérer qu’il puisse être un homme super… La blague.

“ Tu veux… Un câlin du chien ? “ Il s’étonne lui-même de cette proposition des plus sérieuses. Non parce que lui, il n'était pas vraiment certain de savoir faire de câlin convenable et puis elle risquait d’hurler à l'agression qu’il osait la toucher. Il n’était pas réellement pressé d’être à nouveau arrêté par la police, bien qu’il s’était rendu de lui-même, le contact du métal sur ses poignets n’était pas la sensation la plus grisante qu’il ait connu dans sa vie. Et puis ce chien était un vrai pot de colle, il pouvait miser sur lui pour être apaisant, contrairement à lui, qui inspirait bien plus la peur que du réconfort.

J'crois que si Manwë avait voulu être méchant volontairement avec moi, il n'aurait pas été aussi incisif qu'avec le sujet de mon père. C'était ça mon point faible. Même si je m'étais toujours contenté de ma mère, qu'elle m'avait élevé avec beaucoup de force, d'amour et de courage, je ne pouvais me résoudre à ressentir un vide. Le vide paternel. Je ne connaissais rien de lui. Ma mère m'avait simplement montré sa photo, un jour. J'avais posé mes yeux dessus mais le temps avait un peu effacé son visage. Il était juste un spectre, présent dans un coin de ma tête. Et lorsque le quadragénaire avait évoqué mon père, j'avais senti que ça me touchait beaucoup plus que je ne l'aurais pensé. Mon attitude avait changé, en moins d'une seconde. Mon regard est à présent planté sur le sol, j'me concentre pour ne pas lâcher les larmes qui bordent mes yeux. La voix de Manwë me ramène à la réalité et j'lève les yeux vers lui. Un père assassin? Il parlait de lui ? Avait-il lui aussi un manque cruel de repère paternel, un père qui avait failli à ses responsabilités. On était peut-être pas si différents que ça finalement. Malgré les apparences. Je hausse les épaules à ses paroles. "Ouais, les pères, ça craint." Moi, il m'avait abandonné, avant même que je ne pointe le bout de mon nez sur cette planète. Dans le genre "peur de l'abandon" je crois que j'étais au climax. Sa proposition m'arracha un petit sourire, tandis qu'une larme s'échappait de mes yeux. J'la chassais rapidement du bout de mes doigts. Puis je hochais la tête. Un petit calin d'une petite boule de poils, c'était déjà mieux que rien non? "J'veux bien." J'étais redevenue une enfant. J'm'approchai de Manwë. Le chien reposait sur son épaule. J'tendais la main vers la tête de l'animal. Le chien tendit lui aussi sa tête pour approcher plus rapidement ma paume pour que je lui donne une petite caresse. Manwë était bien plus grand que moi, il me surplombait même de son imposante carrure. Sur la pointe des pieds, je déposais un petit baiser sur le haut de la tête du chien tandis que ma main caressait toujours son poil doux et réconfortant. Puis je posais à mon tour ma tête contre la clavicule de Manwë. J'sais pas trop à quoi ça ressemblait de l'extérieur, mais j'avais eu envie d'ça. Comme si c'était ma façon à moi d'le réconforter aussi. Lui aussi avait des soucis avec son paternel. On partageait la même peine au fond. Je repensais encore, une petite seconde à mon père, inexistant. Je sentais une nouvelle vague de larme envahir mes yeux. J'me redressais quittant son épaule. J'souris tristement. "J'fais moins la maline maintenant, n'est-ce pas?" J'reniflais mes larmes, c'était pas des torrents de sanglots, c'était juste des larmes qui roulaient simplement sur mes joues. Fallait que j'me ressaisisse.

“ Les blessures faites par un père, la plupart des gens malheureux sur cette terre le sont pour cette raison. “ Il ne regrettait pas ses mots, parce qu’il ne pouvait pas savoir et que ce n’était pas son genre d’avoir des regrets, sans quoi il en aurait pour un moment à devoir se repentir. Pour ses péchés et crimes. Il n’était pas quelqu’un de bien, mais ce n’était pas non plus un monstre. Cassé, probablement. Il se sait irréparable, il ne se fait pas d’illusions. Le regret ce serait une torture, le passé ne peut de toutes manières pas être changé. Ne restait que le présent, là maintenant. Il pouvait essayer d’adoucir le cœur de la jeune femme avec ce chien, il avait remarqué que caresser cette bestiole avait une curieuse vertu apaisante. C’était quelque chose qui lui manquerait si le chien partait une fois sa patte rétablie, mais il s’en tiendrait à ses principes, comme toujours.

Il ne s’attendait pas à ce qu’elle pose sa tête sur sa clavicule, son regard balaya rapidement autour d’eux, sans trop savoir ce qu’il s’attendait à voir… Quelqu’un qui s'affole ? Rien.

Le brun retroussa son nez de réflexion avant de poser sa main droite sur l’omoplate de la frêle jeune femme. Il aurait sans doute envoyé chier n’importe qui d’autre, mais il n’avait pas le cœur à le faire, il était du genre à écouter son instinct. Il ne dit pas un mot, se contentant de ce geste jusqu’à ce qu’elle recule. “ J’te trouve plus intelligente que tout à l’heure, à essayer d’être c’que t’es pas. “ Ce n’était pas une petite maline qui répondait à ses aînés comme elle l’avait fait plus tôt, ce n’était pas non plus une bécasse qui souriait à tout va. C’était un être humain authentique, comme elle l’était à cet instant, vivante d’émotions. Les émotions ne sont pas toutes faites que de bonheur. Lui ne pleurait pas, lui ce n’était pas pareil, il n’était pas authentiquement sensible, il était un combattant de la vie. Il n’avait pas besoin de pleurer, il avait besoin de cogner, de rentrer dans le tas. Il avait eu besoin de venger et de se venger et maintenant… Il est libre. “ Mais t’as quand même une bonne répartie, Maddie Reynolds, enfin sauf pour cette histoire de jalousie sur ta jeunesse, t’as dû regarder un peu trop de dessins animés… “ Il la taquinait, en douceur cette fois. Ce qu’il peut détester voir une femme pleurer, c’était inimaginable quand on commence à connaitre le personnage. Il ne cachait pas son jeu, il ne jugeait pas utile de l’exposer aux autres.