#12 - quand tu dis qu't'as pas peur, c'est qu't'as peur - l'entourage

En théorie, j'suis pas un mec froussard. J'suis plutôt du genre à aller faire des expériences extrêmes, j'ai pas peur du vide, de la hauteur, des eaux troubles, mais les histoires de fantômes, c'est quand même pas ma tasse de thé. L'ambiance du salon là, avec la tempête dehors, l'histoire de Detlev, ça m'a un peu tendu. Alors quand Arielle elle sursaute, ça me fait moi aussi sursauter. Sa réaction me fait rire. "Ouais toi, tu sursautes tellement t'es tendue, alors moi aussi ça me tend." Voilà, tout remettre sur la faute d'Arielle, c'est la meilleure solution. Après que Detlev nous ait parlé de son histoire, on en vient à parler de nos propres croyances. J'sais pas tellement où me situer dans tous ça. Apparemment, Detlev lui est assez au clair sur tout ça, Arielle est plus mitigée et lorsqu'elle me pose la question, j'pose mes yeux sur elle, avec un regard un peu vide parce que je réfléchis mais j'manque pas de lui adresser une moue boudeuse en réponse au coussin qu'elle m'a envoyé dessus. Je hausse un peu les épaules. "J'sais pas trop, si j'y croyais pas, j'en aurais pas peur. Mais ça m'tend un peu, alors j'préfère resté loin de tout ça." Jamais vous me prendrez à faire une séance de ouija ou un truc dans ce style. Trop peur de finir maudit pour la fin d'mes jours. Detlev, il était clairement l'animateur de la soirée avec toutes ses histoires. Il avait bu à mon "je n'ai jamais" alors qu'Arielle était restée sa bière à la main. J'portais mon attention vers Detlev, le sourire aux lèvres "Père Castor, raconte nous ton histoire!" que j'lui lançais avec un air faussement enfantin. (voilà la fameuse référence !) Moi j'suis au climax du bien-être avec les jambes d'Arielle sur les miennes et la bière entre les mains. Faudrait juste qu'on change de sujet avant que ça devienne vraiment flippant. Finalement, Arielle s'absente pour aller aux toilettes. Elle nous somme de rester sage. Très sincèrement, l'envie d'lui faire une petite crasse est bien présente. J'regarde Detlev avec un air amusé. "Tu crois qu'elle tuerait qui en premier si on lui faisait peur?" En vrai c'est plus une question pour occuper l'espace, j'voudrais pas qu'on me fasse peur comme ça, et de toute façon, elle revient, on l'entend courir dans le couloir avant de se planter devant nous. J'souris. "T'as vu le fantôme du couloir pour revenir comme ça, en courant ?" Moi, j'voudrais pas le rencontrer ce fantôme. Mais faudrait bien que j'finisse par aller pisser moi aussi. Mais le plus tard possible. Arielle, elle suggère d'arrêter avec les histoires flippantes. J'suis assez d'accord. J'lui tends les bras pour l'inviter à nous rejoindre dans le tas de coussins et de couettes dans lequel on est installé. "Allé, viens par là, j'vois bien que t'es terrifiée" J'souris avant de m'réinstaller confortablement. Arielle, elle propose qu'on passe à autre chose. J'suis plutôt de son avis. C'est pas que ça me fait flipper, mais un peu quand même. J'suis beaucoup plus sensible que j'veux bien l'admettre. J'bois une gorgée de ma bière. Puis assez pensif, j'regarde par la fenêtre. Une idée très con me traverse l'esprit. J'tarde pas à en faire part à mes colocs. "Pour combien vous allez dehors, sous la pluie, en maillot de bain?" Ouais, ça c'est tout moi, quand il y a de l'eau sous n'importe laquelle de ces formes, j'suis attiré comme un aimant.

Nous avions vraiment le set up parfait pour un film d’horreur quoi, la panne de courant, mon histoire et paf le bruit d’une branche qui tape contre le carreau de la fenêtre, j’ai presque envie de faire la petite ambiance musicale flippante des films d’horreur. Parce que là on serait pas rendu au bout ou un méchant serait sur le point de venir nous faire la peau ? Je trouve très drôle de voir les deux sursauter et se faire peur mutuellement, moi je reste bien pénard à les regarder se chamailler comme deux gamins. “Ça ne vous en prends pas gros pour vous faire chier dans vos shorts tous les deux. ” Bon, l’ambiance aide beaucoup à faire flipper les chochottes, je trouve ça plutôt rigolo, bon j’avoue que ça peut finir par devenir flippant, j’ai presque l’impression d’être le psychopathe des trois. Je suis même celui qui semble le plus croire aux paranormal, mais j’ai grandi avec ce genre de légendes, avec mes potes on se racontait des tonnes d’histoires pour voir lequel de nous demanderait grâce en premier. Je n’ai pas donné d’explication quant à ma croyance et j’écoute leur vision de tout cela. Je ne fais que rire faiblement, pas d’eux, mais parce que je trouve ça quand même drôle de les voir les deux discuter et s’obstiner un peu. Je suis d’ailleurs le seul des trois qui boit au premier je n’ai jamais. “Ce n’est pas une histoire qui fait peur je vous le promets. ” Je bois de nouveau et me redresse un peu pour mieux me positionner. “C’est arrivé un peu après la mort d’Agnes. Agnes aimait beaucoup les papillons, elle a toujours dit qu’elle aurait aimé être aussi légère qu’un papillon et elle avait même une robe avec des motifs de papillons qu’elle adorait mettre. Peu après mon arrivée ici, en regardant par la fenêtre j’ai vu un papillon exactement comme ceux sur sa robe, je crois que c’est un monarque… Puis cette journée là, ce n’était pas une bonne journée, j’en ai vu un peu partout, j’ai vu une robe semblable à la sienne, comme si elle m’envoyait un signe de la haut, il y en a même un qui s’est posé sur moi et qui avait une forme de A sur une de ses ailes et il est resté un long moment sur mon doigt avant de s’envoler et j’ai ressenti un sentiment de bien-être… C’était étrange, mais je suis convaincu que c’était elle qui voulait me dire que ça allait. Depuis j’en vois encore parfois…” Ma voix n’est devenue qu’un murmure… J’ai toujours un peu de mal quand je parle d’Agnes, j’ai le regard dans le vide et Arielle se lève pour aller aux toilettes et c’est la voix d’Orso qui me réveille un peu. Un sourire se dessine sur mes lèvres. “Toi, y’a personne qui la fait mieux sortir de ses gonds que toi ! ” Bon bon bon, la demoiselle revient en courant et Orso joue les princes charmant lui offrant des bras rassurants. “T’es la plus chochotte de nous deux et tu crois que tu peux la protéger d’un fantôme ? On s’entends qu’ils sont immatériels ! ” Puis je regarde Arielle en hochant la tête. “C’est bon j’arrête. ” Je veux pas avoir droit au regard noir de la blonde pour le reste de la soirée, “Combien t’es prêt à donner ?” Je suis pas contre ce genre de défis à la con. “Si tu le fais je le fais… ” Je termine ma bière et pose la canette sur le sol près de nous.

C'était pas toujours de tout repos être en coloc avec ces deux-là j'vous le dit. Entre Orso qui faisait le con et qui draguait sans cesse et Detlev qui faisait le gamin, on s'en sortait pas. J'devais constamment être une sorte de balance avec leur comportement et j'dois avouer que parfois, ils m'en faisaient baver. C'était un peu le cas ce soir avec les histoires de fantômes. Detlev prenait clairement un malin plaisir à passer des commentaires voyant que ça nous faisait réagir. Heureusement pour moi, Orso était tout aussi trouillard. Pour une fois qu'ils étaient pas à deux contre moi. « Ouais ouais, c'est ça. Ma faute. » dis-je à Orso en lui tirant la langue. J'me concentrai à nouveau sur Detlev qui avait une autre histoire pour nous, rien de terrifiant cette fois avait-il promis. J'écoutai attentivement au fil des mots qui sortaient de sa bouche, lançant quelques regards à Orso parfois pour voir si lui aussi se sentait comme moi. Dès que Detlev parlait d'Agnès, ça venait me toucher. J'avais la tête appuyée sur son épaule alors je ne voyais pas son regard, mais j'ressentais ses émotions. Je lui attrapai la main pendant qu'il continuait de raconter, juste pour dire que j'étais là. C'était beau ce qu'il disait, c'était touchant. « Ça, vois-tu, j'y crois. » déclarai-je avec un sourire en serrant sa main. J'voulais pas trop m'aventurer sur ce terrain, pas certaine d'être la meilleure personne pour commencer ce genre d'expérience. De toute façon, j'devais aller aux toilettes. C'est donc ce que je fis, mais pas sans les avertir de ne pas venir me faire peur. Je me levai donc et y allai bien rapidement, revenant en courant vers mes colocs. Chose qui me valu un commentaire d'Orso. « Non c'était pour l'éviter. » dis-je en grimaçant. Je tendis les bras vers deux d'Orso, me réfugiant ainsi dans le tas de coussins, de couvertures et de muscles qui s'offraient à moi. C'était l'avantage d'avoir deux colocs comme ça, j'me sentais bien protégée, bien à l'abri de tout. Et même si j'essayais d'éviter la drague à deux balles d'Orso, parfois j'me laissais tenter par ces p'tits contacts physiques parce qu'ils faisaient du bien et que j'étais qu'humaine. Je préférais tout de même m'y laisser aller avec Detlev parce que j'savais que je ne ressentais aucun petit papillon. C'était plus simple. Parlant de Detlev, il sentait le besoin de continuer à parler de fantômes lui. « Detlev. » dis-je d'un ton sévère en plantant mon regard sur lui. J'lui fis bien comprendre que ma limite était atteinte là. « Merci. » dis-je quand je vis que le message était bien passé. Je levai les yeux en l'air au défi d'Orso. Et hop, c'était parti pour les trucs cons que lui et Detlev adoraient faire. « T'es sérieux? » demandai-je en tournant la tête vers lui. Évidemment, le blond était partant. « Ça, c'est un plan pour qu'on chope tous un rhume. Et si on chope tous un rhume, qui est-ce qui va devoir s'occuper de nous tous? Clairement moi. J'ai pas envie de vous voir râler tous les jours parce que vous avez le nez qui coule. » râlai-je. Bon, là c'était moi la râleuse, celle qui gâchait leur plaisir. J'pouvais être comme ça parfois, un peu trop sérieuse. Je roulai des yeux en soupirant. « Qu'est-ce que vous me donner si j'le fais? » finis-je par dire avec un p'tit sourire en coin. Parce que clairement, ils ne s'attendaient pas à ce que je le fasse, alors autant surprendre et en tirer parti. « Vos offres sont mieux d'être extraordinaires. » déclarai-je en les regardant à tour de rôle. J'étais qu'à une offre d'aller mettre mon maillot moi.

 

J'étais pas tant trouillard que ça habituellement, mais les histoires de fantômes tout ça, c'était pas mon truc préféré. Du coup, pour éviter d'avoir les boules, j'préférais rester bien loin d'ces trucs là. Mais là, l'ambiance elle était propice à ce genre de récits et Detlev, il se donnait à coeur joie pour rajouter à l'ambiance "bougie" de l'appartement, une p'tite dose de mystique. Forcément, quand Arielle sursaute, moi aussi et nous voilà partie dans un débat sans fin pour savoir qui à fait peur à l'autre. Et la réflexion de Detlev m'arrache un rire. "N'en rajoute pas toi!" que j'lui sors avec une fausse tête de grognon. Finalement, Detlev, il a encore une histoire à nous raconter, alors encore une fois, on l'écoute attentivement. Son récit là, il m'touche. Parce que j'vois bien que l'air de Detlev, il est assez triste, assez mélancolique. Il termine même son récit dans un murmure. Ca m'trouble d'le voir comme ça parce qu'avant d'être des grosses brutes qui comparons nos muscles à longueur de journée, on est aussi des vrais potes. "Ouais, ca fait beaucoup de signes, suffisamment pour y croire." Comme Arielle, j'm'aventurais pas plus, parce que j'savais que c'était un sujet délicat pour Detlev et j'voulais pas remuer le couteau dans la plaie. Arielle se leva pour aller aux toilettes et j'me retins assez fort de pas aller lui faire peur. Parce que je tenais à ma vie, tout simplement. Detlev affirma mes pensées, clairement ça serait moi qui perdrait la vie en premier. Mais Arielle revient et j'l'accueille dans mes bras, pour la protéger du fantôme. Detlev, il souligne bien que j'suis chochotte, alors j'mets mes mains sur les oreilles d'Arielle pour pas qu'elle entende ce qu'il dit, alors qu'elle a très bien entendu. "N'écoute pas ses bêtises, c'est juste un jaloux parce que moi j'te protégerais contre tout." Ouais ouais, bon peut-être pas accessoirement contre les fantômes, mais Arielle, elle en avait assez des histoires de fantômes et elle le fit bien comprendre. J'relançais la dynamique en proposant une idée bien con. Detlev il semblait partant tandis qu'Arielle levait les yeux au ciel. C'était tout à fait le genre de réactions auxquelles je m'attendais. "Héé, j'ai pas dis que c'était moi qui allait payer hein! Qu'on soit bien clair!" J'les voyais bien là, les deux, à vouloir me gratter d'la thune. Arielle, elle ramena ça  avec beaucoup de terre-à-terre, comme elle savait bien le faire. "Oh come on Arielle, on s'en fou des répercutions. Faut vivre l'instant tu vois." Pas sûr que mon pauvre argumentaire balaie ces craintes concernant le rhume mais finalement, elle semble s'auto-convaincre. J'la regarde en écarquillant les yeux. Arielle prête à nous suivre dans ce genre de connerie, c'est trop beau pour pas saisir l'opportunité en plein vol. "Ma reconnaissance éternelle, voilà ce que vous aurez!" J'ai rien d'autre à offrir et de toute façon, moi j'veux y aller, c'est bien encré dans ma tête. J'me détache d'Arielle et j'me lève. L'air est bien frais dans l'appartement, un peu d'activité, ça va pas nous faire de mal. J'frappe dans mes mains pour dynamiser la foule. "Allé, on s'bouge! Rendez vous dans deux minutes dans l'entrée, prêt à affronter la tempête!" J'suis sur-excité. J'attrape mon téléphone et j'allume le flash pour aller jusque dans ma chambre, j'attrape un short de bain et je retire mon t-shirt. Là j'suis dans mon élément. J'suis sur-motivé, alors très vite, j'me retrouve devant la porte, attendant mes colocs. "Forza, andiamo!" que j'crie dans l'appartement. Comprenez : bougez vos fesses! Quand il s'agit d'être en contact avec de l'eau, on m'arrête plus et j'espère bien que mes colocs sont dans le même mood que moi.

On a l’air d’une bande de gamins à se chamailler comme ça, mais au fond, c’est ce que le deux tiers de la colocation est. Puis en plus je fais partie des gamins quand je suis le plus âgé des trois. On est toujours en train de s’envoyer des piques et je me fou de leurs gueules alors que les deux ont peur d’histoire de fantôme et moi je pourrais continuer encore, mais je calme les choses et leur raconte mon expérience que je ne sais pas si je peux nommer de paranormale, mais que je considère comme telle. Ça me fait drôle de le dire à voix haute, je ne veux pas plomber l’ambiance non plus avec mes histoires sur Agnes, mais ça vient sans que je ne puisse contrôler parfois. Il y a des jours où elle est plus présente dans mon esprit et ça me tord encore le coeur d’une manière que je ne saurais expliquer. Il y a des fois où la seule envie que j’ai c’est de pleurer toutes les larmes de mon corps. Je lance un regard à chacun d’eux quand ils me disent croire à mon histoire, j’ai moins l’impression d’être un fou, ça me rassure un peu pour être honnête et me réconforte. Agnes ne m’a pas complètement abandonnée. “Je ne suis pas jaloux ! Mais j’pourrais mieux te protéger cela dit ! ” Toujours et encore celui qui pisse le plus loin. On est pas arrêtable que voulez-vous. “C’est toi qui demande pour combien, on dit pas ça si on peut pas payer ! Mais il a raison, on se fout des conséquences ! ” Bon en vrai, j’avais pas besoin de beaucoup pour me convaincre, je me lève donc d’un bon en acceptant sa reconnaissance éternelle. J’attrape mon téléphone aussi pour m’éclairer et je cours dans ma chambre pour aller me changer. Je me dépêche autant que possible et j’enfile un maillot de bain, j’ai pas peur de la pluie, moi c’est l’océan qui me traumatise. Y’a l’italien qui se met à crier et je réponds en empoignant des serviettes pour les laisser dans l’entrée. “Beruhige dich!” (chill out !) Arielle va pouvoir être fière de moi j’ai pensé au fait qu’on allait avoir besoin de se sécher en rentrant et éviter aussi de se péter la gueule en glissant à cause de nos pieds mouillés. J’arrive à côté de Orso et pose les serviettes. “ Danke Detlev On va se les geler en rentrant ! ARIELLLEEEEEEEE !” Bon, j’avoue que ça va être drôle d’aller courir sous la pluie comme ça. J’aime agir comme un gamin avec eux.

C'est un peu toujours le chaos quand on s'retrouve tous les trois. Clairement à cause des mecs et pas à cause de moi. J'tiens à le dire. Après avoir raconté des histoires de fantômes et un très soft je n'ai jamais, voilà qu'ils repartent vers une autre bulle. Ils sont fous, y'a pas à dire. « Oh lala, vous et vos compétitions. L'important, c'est que j'sois protégée j'imagine. » dis-je en riant. Tout était toujours une p'tite guerre de qui est le meilleur, mais j'en ressortais plutôt gagnante quand ils se battaient pour me protéger. C'était bien rassurant de vivre avec ces deux-là. Pour bien continuer sur leur bulle de débile, Orso il lança le défi d'aller sous la pluie en maillot de bain. Mon premier réflexe, c'était de jouer les rabat-joies et de penser aux conséquences. On m'le dit bien rapidement qu'il fallait que je vive l'instant présent et tout ça. Bon. J'avoue que d'aller sous la pluie en maillot, y'avait rien de dangereux à ça. Enfin, sauf si y'avait de la foudre, mais j'me gardai de le dire de peur qu'on m'lève les yeux au ciel encore. Je fis donc quelque chose que je faisais pas souvent : j'me laissai aller à leurs conneries. « Mais qu'est-ce que vous m'faites faire vous deux. » dis-je en soupirant. J'me levai du sofa en même temps qu'Orso et on alla tous à nos chambres pour se changer. Clairement, c'était plus rapide pour les gars d'enfiler leurs shorts de bain que moi pour enfiler un maillot. J'avais que des deux pièces, c'était pas tout à fait pratique pour courir sous l'eau, un bikini, mais ça allait devoir faire l'affaire. J'sortis de ma chambre en entendant Detlev gueuler mon nom et j'avais déjà froid. « Mais oui j'arrive! Vous avez vos langues étrangères là, vous êtes stressants! Déjà que j'accepte de venir. » dis-je en marchant vers eux, les bras croisés sur ma poitrine. « J'ai déjà froid. » râlai-je avant d'enfiler mes sandales. On ouvrit la porte, on sorti dans le couloir et on prit l'escalier jusqu'en bas de l'immeuble. C'est qu'une fois devant la porte d'entrée qu'on s'arrêta et qu'on s'regarda. Il pleuvait vraiiiiiment beaucoup et y'avait du vent. L'orage quoi. « Faites gaffe à la foudre. Si vos cheveux se lève en l'air, faudra courir à l'intérieur. » leur conseillai-je. Mais oui, j'leur donnais mes p'tits conseils de maman jusqu'au bout. Je les regardai un à la suite de l'autre, les mains sur la porte. « 3...2....1.... GO. » dis-je en poussant sur la porte. On sorti en courant comme des gamins, tournant sous la pluie, sautant dans les flaques d'eau au sol. Je pris mon élan et sautai sur le dos de Detlev tandis que la pluie s'abattait sur nous. Detlev, il courut un peu alors que j'étais sur son dos et il me laissa tomber près d'Orso, directement dans une flaque pour l'arroser encore un peu plus alors qu'on éclatait de rires. Nous étions trois adultes, oui oui, promis.

J'me sentais galvanisé quand j'étais au contact de mes deux colocs. J'sais pas ce que je ferais sans eux. Ils étaient une vraie force au quotidien. Et c'était assez beau comment on agissait les uns avec les autres. Bon ouais, avec Detlev, c'était d'la compétition au quotidien mais c'était très bon enfant et on s'permettait de s'envoyer des p'tits pics parce que au fond, on s'appréciait énormément. Et pis, Arielle, c'était Arielle. La force tranquille, mon point de repère à Bowen depuis maintenant plus de trois ans. Cette soirée là, elle prenait un nouveau tournant à chaque seconde. On avait commencé par se retrouver dans le noir, s'organisant un camp de survie au milieu de salon, puis on avait commencé à s'faire peur avec des histoires de fantôme et puis Detlev nous avait touché en plein coeur avec son histoire. C'était ça aussi, l'Entourage, c'était trois amis, vraiment présent les uns pour les autres. Et puis, comme j'savais pas resté en place, et que j'étais terriblement attiré par l'eau, j'avais pas manqué de lancer une idée stupide. Celle d'aller courir sous la pluie. Alors ouais, accessoirement, j'leur avais demandé pour combien il le ferait, mais c'était plus une question de principe quoi. Parce que tout ce que j'avais à leur offrir, c'était ma reconnaissance éternelle, et c'était pas rien. Detlev, il avait pas été difficile à convaincre et Arielle, elle avait d'abord eu un p'tit moment de réticence avant d'céder. C'était beau bordel, trois colocs unis dans la connerie. On s'était donné rendez-vous devant la porte, prêt pour affronter la tempête. J'étais arrivé le premier, suivit de très près par Deltev qui avait pensé au serviette. "Woo, tu deviens aussi prévoyant qu'Arielle, vas-y tu me fais flipper là" que j'lui lâchais, en riant. Finalement, Detlev mit un petit coup de pression à Arielle qui arrivait en croisant les bras, en marchant LENTEMENT. Beaucoup trop lentement pour moi. "Le froid, c'est dans la tête." que j'lui disais en pointant mon index sur ma tempe. Le froid, il n'existe pas tant qu'on n'y pense ça. C'est aussi simple que ça. J'avais gardé une paire de converse au pied, celle que j'utilisais généralement pour aller patauger dans les eaux fraiches de la rivière, elle risquait rien cette vieille paire de pompes à moitié flingué. "LEEETS GOOO!" que j'hurlais une fois dans la cage d'escalier. Ma voix résonna un peu trop, j'écarquillais un peu les yeux, surpris par ma propre voix. Bon, j'pense que tout le voisinage était au courant que l'Entourage préparait un mauvais coup. Une fois devant la porte de l'immeuble, on pouvait bien voir à travers la vitre que la pluie dehors.. elle rigolait pas du tout. Les bourrasque de vent faisait voltiger la pluie dans le tous les sens, la cime des arbres tanguait sous la force de la tempête. Et les éclairs aussi. Wo. C'était pas d'la tarte là. J'me marrais à la réflexion d'Arielle. "On risque RIEN! C'est que d'l'eau!" Bon, j'mettais bien de côté le potentiel danger de la foudre, ça serait dommage quand même qu'on s'retrouve électrisé. Mais en vrai, j'avais pas peur. Arielle donna le décompte et ouvrit la porte. Le froid nous encercla directement mais on sortait en furi, criant, tournoyant sous la pluie. On fut mouiller en trois secondes. Mais bordel, c'était vivifiant. Nos trois sourires ils en disaient long sur notre état d'esprit. Arielle sauta sur le dos de Detlev, tandis que j'me statufiais au milieu de la route, écartant les bras et basculant la tête en arrière, comme pour me prendre un maximum de pluie. Arielle et Detlev tournoyaient autour de moi et Detlev vint lâcher Arielle juste à côté de moi, dans une flaque, m'éclaboussant encore un peu plus. J'rigolais, comme un vrai gamin. C'était juste un pur moment. J'sautais moi aussi dans la même flaque, en signe de vengeance. Puis j'courais vers un réverbère et comme Gene Kelly, j'me mettais à tourner autour, chantant à tue-tête. "I'm singiiiing in the raiiiin, juste siiiinging in the raaaaain, what a gloriiiouus feeliiiing, i'm happy agaiiiiiin!" J'étais juste, v'la heureux de vivre ce moment. Et pis, même si j'chantais mal, il pouvait pas plus pleuvoir qu'à cet instant, alors on était tranquille.

Cette soirée, elle partait complètement en couille, mais c’est pas grave, c’est ce qu’on aime à l’entourage. On est trois personnes complètement différentes, bon un peu pareil pour Orso et moi, avec des origines différentes, mais on a un point commun. Le respect qu’on éprouve l’un pour l’autre, un passé qu’on tait un peu, ne racontent pas toutes les choses qu’on a pu vivre dans le passé. Personne ne force personne à parler et ça c’est rassurant. Surtout en sachant que si jamais on a besoin de parler, on pourra le faire sans jugement, on aura des oreilles attentives pour nous supporter. Après nos petites histoires d’horreurs, on finit par prendre la décision de sortir sous la pluie pour le simple plaisir de le faire. Finalement on court tous vers nos chambres pour aller se changer, évidemment Orso et moi c’est assez rapide, c’est Arielle qui prend plus de temps. Je sors des serviettes pour qu’on puisse se réchauffer en rentrant, parce que pas d’électricité est égale à pas de chauffage hein, ça prends pas la tête à Papineau pour le savoir. “Qui sait, je suis peut-être posséder par une entité après avoir parlé de fantôme comme on a fait ! ” Je laisse échapper un gros rire, avant de voir la petite tête blonde venir nous rejoindre. J’ai gardé une paire de gougounes ( ) dans les pieds que je compte abandonner dans l’entrée quand on va sortir parce que sinon ce sera trop glissant. On cours comme des dératés dans le couloirs avant de sortir sous l’eau, Arielle saute sur mon dos et je la tiens solidement pour ne pas l’échapper courant sur l’herbe humide et la drop dans une flaque d’eau près d’Orso. On s’amuse comme des vrais p’tits fous quand me vient une idée géniale. Riant à gorge déployée quand Orso se met à chanter. Une idée me vient et je m’approche de lui, claquant son dos, ça claque toujours mieux sous la pluie. “On fait une course dans l’herbe pour voir qui glisse le plus loin ? ” J’entraîne Arielle et je nous mets sur une ligne de départ imaginaire. “Quand on arrive à ce poteau faut se laisser glisser ok ? ” Il pleut à boire debout alors l’herbe est bien imbibée. Je lève un doigt, deux doigts et à trois je gueule un gros. “GOOOOOO ! ” Je pars à courir et rendu au poteau je me jette par terre pour glisser, envoyant des gerbes de boue partout autour de moi. Finalement, ma douche sera à reprendre. Je me laisse tomber la tête dans la boue, un peu trop joyeux. Au pire, la pluie enlèvera le plus gros de la boue. Reste à savoir qui glisse le plus loin, Arielle est la plus légère, je pense qu’elle va être celle qui se rend le moins loin.

Quand on était réuni les trois ensemble, c'était comme si on se permettait de se lâcher davantage. On faisait réellement ressortir le meilleur de chacun et ça faisait du bien. J'devais souvent jouer à la mère avec ces deux-là, mais j'échangerais ma place dans notre trio pour rien au monde. Ils m'faisaient sentir vivante et vraiment heureuse. C'était le genre d'amitié que j'avais jamais trouvé en une vie entière à Londres. La joie, le bonheur, ça régnait dans la coloc et ça se ressentait dès qu'on était dans la même pièce. Cette soirée, elle aurait pu être dramatique, on aurait pu être de mauvaise humeur de ne plus avoir de courant, mais on avait fait avec et au final, ça avait été l'une de nos plus belle. L'idée d'aller jouer sous la pluie, c'était pas la meilleure qu'on ait eu, mais c'était pas la pire non plus. C'est probablement pour ça que je ne m'y opposai pas trop. Une fois dehors par contre, j'étais légèrement dans le regret avant de lâcher prise et de m'amuser, moi aussi. On aurait dit trois gamins à sauter dans les flaques d'eau comme ça. Orso, il se prenait pour le personnage principal d'une comédie musicale tandis que Detlev me trimballait partout. « Tu chantes comme un PIED » gueulai-je à l'Italien au loin. J'sais pas si c'est pour me punir ou parce qu'il est certain de gagner contre moi, mais Detlev m'entraine pour une course dans l'herbe et dans la boue. « T'es pas sérieux. » commentai-je en voyanr à quel point le sol est dégueulasse. Il me fait une tête du genre come on et j'me dis que tant qu'à déjà être mouillée et sale, autant y aller à fond. Je glisse à mon tour, me rendant biiiien moins loin que mon coloc, puis Orso le fait aussi et arrive tout près du blond, mais derrière tout de même. « Bravoooooo Detlev, t'es le gagnant! » m'exclamai-je en tapant des mains. J'me relevai, complètement souillée, mais j'me dis que la pluie fera le travail. L'euphorie du moment passe un peu, vu qu'il commence à faire froid. J'entraine mes deux cons de colocs pour un group hug bien bouetteux. « J'vous aime. » dis-je en les serrant bien fort. Ouaip, une petite dose d'amour d'Arielle, c'était pas trop commun. On décida finalement de rentrer parce qu'on commence à se les geler, non sans avoir attendu quelques minutes que la pluie nous nettoie un peu. Les serviettes de Detlev sont bien appréciées et après s'être séché un peu, le courant décide finalement de revenir, juste à temps pour les douches. Et c'est ainsi que se termina une soirée épique à l'Entourage. Faut pas s'en faire, y'en aura d'autre.

rp clos.