caution to the wind (jake)

La semaine s’annonce belle avec des températures avoisinant les trente degrés par moment et pas de pluie à l’horizon. Teddy ne fait pas partie de ceux qui détestent la pluie, il aime bien ça, surtout parce qu’il sait que la nature, et les hommes, en ont besoin pour vivre et qu’elle devient de plus en plus rare à mesure que les années avancent. Il a remarqué le dérèglement climatique, lui qui cultive son jardin, son potager et les fleurs qu’il vend ensuite dans la boutique où il travaille. Il est proche de la nature et de ses éléments une bonne partie de la journée, il voit les changement sans aucun mal. Grâce aux récupérateurs qu’il a installé dans son jardin il peut arroser uniquement à l’eau de pluie et pour son champ de fleurs, il essaie de trouver des variétés qui demandent moins d’eau mais sinon il lui faut puiser un peu dans les nappes, tout en essayant de réduire au maximum l’irrigation nécessaire. C’est à ça qu’il pense lui quand il regarde le ciel, en plus du fait qu’il fasse beau. Après avoir terminé sa journée aux jardins de Circé, il décide de se rendre au jardin botanique, faire une petite pause avant d’aller s’occuper de son jardin et passer faire un tour dans le potager pour la récolte du jour. Son tapis de yoga sous le bras, il cherche un coin au calme où s’installer pour méditer un moment. Il le trouve à l’ombre d’un arbre, proche d’un massif de fleurs où il pourra entendre les insectes et le bruit du vent dans les feuilles. Le jeune homme sait que dans ce genre de lieu il doit se préparer à entendre d’autres bruits que la nature, c’est aussi pour ça qu’il y vient, pour réussir à apprécier le bruit des gens autant que le bruit des arbres. C’est un bon moyen pour lui de canaliser la colère qui peut l’habiter, étant d’un naturel assez impulsif à facilement s’énerver. Le yoga et la méditation l’ont beaucoup aidé mais il sait que c’est un travail de longue durée et qu’il devra continuer toute sa vie à prendre le temps de s’apaiser avec de la méditation. Il passe de longues minutes installé sur son tapis, à se focaliser sur l’instant présent, en ramenant toujours les pensées parasites vers le présent. Il entend parfois des cris d’enfants, des gens parler au loin et puis à un moment, une voix parler plus proche de lui, deux personnes qui se baladent dans l’herbe près de lui, qui racontent leurs vies, qui parlent des fleurs, qu’elles sont jolies, que ça ferait un bouquet sympa, il essaie de ne pas les écouter pour reprendre une vision globale des bruits qui l’entourent mais quand il entend des tiges se casser à côté de lui, il ouvre les yeux et découvrent les deux personnes en train de se faire un jolie petit bouquet de fleurs protégés, dont il est spécifié à l’entrée du jardin qu’il ne faut rien cueillir et faire attention où on marche. « Hey vous faites quoi là ? » les interpelles-t-il en se levant, la méditation ne l’empêchera pas de s’énerver, il le sera juste un peu moins. « Vous avez pas vu que c’est interdire de cueillir quoi que ce soit ? » Mais les deux personnes n’en ont rien à faire et rigolent, demandant toujours en riant s’il va appeler la police. « Non j’vais pas appeler la police, j’préfère régler les choses moi-même. Vous avez vraiment aucune considération pour la nature, vous vous croyez tout permis mais on récolte toujours ce que l’on sème, le karma vous rattrapera ! »

Voir les gens cueillir des fleurs protégées ou jeter leur mégot de cigarette par terre, ce sont des gestes qui ne laissent pas Teddy indifférent. Il n’hésite pas à aller voir ceux qui agissent en toute impunité et à les mettre face à leur délit, quitte à ce que le ton monte parfois parce qu’il a bien du mal à rester calme dans ce genre de situation. Lui essaie de protéger la nature, de consommer local et de réduire au maximum son impact environnemental, il aimerait que tout le monde en face de même mais il n’est pas aveugle non plus. Il sait que tout le monde ne peut pas autant se préoccuper que lui de l’environnement. Le fleuriste n’a pas de mal à finir le mois, son salaire couvre ses dépenses et pour les plus grosses il peut piocher dans ses économies qui lui permettent de vivre sans avoir peur de manquer de quelque chose un jour. Il sait que tout le monde ne bénéficie pas de cette tranquillité alors pou beaucoup la priorité est d’avoir quelque chose à manger dans son assiette et un toit sur sa tête, tant pis si ça veut dire manger des choses qui viennent de l’autre bout du monde parce que c’est moins cher ou utiliser du charbon, les besoins primaires passent avant la planète. S’il peut donc comprendre certaines personnes qui de part leur situation ne peuvent pas faire de grandes actions pour la planète, en revanche pour ceux qui viennent la détériorer volontairement pour agrémenter leur intérieur d’une jolie fleur, il est beaucoup moins compréhensif. Rapidement Teddy s’énerve, d’autant plus que les deux personnes se montrent relativement méprisantes à son égard. Le ton monte et une personne s’approche d’eux pour leur demander si tout va bien. Méfiant, Teddy ne sait pas s’il est de son côté ou non. A entendre sa réaction, il semble être plutôt du sien, voilà qui le rassure un peu, il n’avait pas franchement envie de se retrouver à trois contre un. « Ces trois fleurs non plus n’avaient rien demandé jusqu’à ce que vous les arrachiez ! » réplique-t-il avant que l’inconnu n’enchaîne en disant qu’il y a des panneaux indiquant que les fleurs ne doivent pas être cueillies et que s’ils tiennent à agrémenter leur intérieur ils peuvent se rendre chez un fleuriste. Teddy apprécie le coup de pub involontaire pour les fleuristes, même si cueillir des fleurs gratuitement doit sans doute leur plaire davantage que d’aller en acheter. L’inconnu continue jusqu’à ce qu’ils voient arriver des membres du personnel du jardin, sans doute alertés par la dispute, il ne leur sera pas difficile de déterminer qui sont les fautifs dans l’histoire. « Il y a parfois une justice. » répond-il, un peu plus apaisé en voyant arriver les gardiens. Les deux personnes tentent bien de lui refiler leurs fleurs et de les balancer pour passer pour des innocents mais ça ne marche pas. « Vous essayiez de faire quoi là ? » demande-t-il, encore plus choqué par leur comportement. « Salut Jimmy. » dit-il à l’un des deux gardiens en lui serrant la main. Teddy a travaillé de nombreuses années au jardin botanique avant de devenir fleuriste, il lui reste encore d’anciens collègues travaillant toujours là-bas, dont le fameux Jimmy qui s’interroge de la situation. « Ces personnes ont cueillis des guzmania et un oiseau du paradis et cette personne est venue m’aider à leur faire comprendre pourquoi il ne faut pas faire ça, ça n’a pas été très concluant. » explique-t-il calmement en montrant d’abord les fautifs et ensuite celui qui est venu approuver son point de vue.

Je mentirais si je disais que j’étais le plus grand défenseur de la planète. J’essaie déjà de mettre en place des petites actions quotidiennes comme éteindre les lumières, manger local, ne pas m’éterniser sous la douche ou tout simplement en faisant le tri mais je ne suis pas parfait. A terme, il faudrait sûrement que je troc ma bécane contre un vélo et que j’arrête de consommer de la viande par exemple. En tout cas une chose est sûre, il y a bien pire que moi. Cela me rappelle mon expédition en amoureux avec Sacha à Topanga, un canyon tout près de Los Angeles. Durant notre séjour, nous avons fait en sorte que notre passage dans cet écrin de verdure ne laisse aucune trace, mais ce n’était pas le cas de tout le monde. Je me souviens notamment de ce groupe de fêtards qui semaient leurs mégots de cigarettes n’importe où, sans parler des cadavres de bouteilles. Sacha et moi avions pris soin de ramasser ce que nous avions pu trouver sur notre chemin mais nous n’avons jamais pu retrouver les vandales…

Cette fois-ci, je fais réellement face à un acte d’incivilité et, bien qu’habituellement je ne suis pas du genre à chercher des noises, j’ai bien l’intention de prêter mains fortes à l’homme faisant face aux deux fautifs.
Nous échangeons quelques passes d’armes mais heureusement, la cavalerie pointe le bout de son nez avant que la situation ne dégénère.
« Salut Jimmy. » lance l’homme à mes côtés à l’intention d’un des deux gardes du jardin. Visiblement, ils se connaissent puisqu'il l'appelle par son prénom alors que son uniforme ne possède aucun badge.
« Ces personnes ont cueilli des guzmania et un oiseau du paradis et cette personne est venue m’aider à leur faire comprendre pourquoi il ne faut pas faire ça, ça n’a pas été très concluant. »

En l’entendant nommer les plantes sournoisement déracinées de leur parterre, je devine qu’il n’est pas qu’un simple défenseur de la cause environnementale mais qu’il  voue une certaine passion pour les plantes. De mon côté à part les roses, les tulipes et les pâquerettes, ma culture florale ne vole pas haut.
“Vous savez que Bowen à une politique environnementale assez importante non ? Certains se sont vus arrêtés et obligés de verser une amende pour bien moins que ça !” dit l’un des deux gardiens.
Histoire de régler cette affaire, ces justiciers de la nature décident d’emmener les deux voleurs un peu plus loin.
“ Des guzmania et un oiseau de paradis… ” lançais-je d’un air impressionné.
“Monsieur est connaisseur j’ai l’impression !”. Un large sourire chaleureux naît sur mes lèvres.
“J’espère que mon intervention ne vous a pas dérangé ! J’étais plongé dans mon bouquin et quand j’ai entendu ces deux zouaves hausser le ton, j’ai préféré vérifier que ça ne partait pas en vrille…”.

En voyant Teddy appeler l’un des deux gardiens par son nom, les deux contrevenants doivent se dire qu’il va être compliqué de rejeter la faute sur lui et qu’il vaut peut-être mieux capituler. Un des deux leur explique que la politique de la ville est assez stricte en ce qui concerne la protection d’espèces en danger. Le jeune homme est content que la ville ait pris des mesures en matière de lutte pour l’environnement. L’Australie n’est pas un pays avec une grande âme écologiste, pour son plus grand désespoir, les mines continuent de fleurir tout comme la désinformation sur le dérèglement climatique et la répression parfois violente des activistes environnementaux. Teddy trouve ça d’autant plus dommageable que le pays possède l’une des réserves de biodiversité les plus importantes du monde et que la barrière de corail, déjà bien affaiblie, est nécessaire à l’équilibre des fonds marins. Il se dit que les deux personnes qui ont voulu se faire un petit bouquet avec des fleurs pas destinées à être cueillies ne doivent pas être très au fait de ces problématiques, ou bien qu’elles sont au courant mais décident que ce n’est pas leur problème ou qu’on ne va pas s’arrêter de vivre pour ça. Ces comportements énervent beaucoup le fleuriste qui a grand mal à retenir sa colère dans ces moments-là. Les deux gardiens accompagnés des malfrats s’éloignent, le laissant seul avec son soutien, celui-ci étant impressionné par ses connaissances en matière de plantes. Pour lui ce sont des espèces assez communes ou du moins pas si pointues mais il ne se rend pas forcément compte que tout le monde ne possède pas ses connaissances en matière de botanique. « J’aime beaucoup les plantes. » répond-il en souriant avant que le jeune homme ne lui demande si sa venue ne l’a pas dérangé. « Non, vous avez eu raison, je me serais probablement plus énervé si vous n’étiez pas venu. J’ai du mal à garder mon calme quand je vois ce genre de trucs. » explique-t-il en espérant ne pas trop se faire juger pour être en colère pour ça. Il arrive suffisamment à gérer son impulsivité et sa colère pour ne pas devenir violent mais quand il était plus jeune, il lui est arrivé plusieurs fois d’en venir aux mains, pour des raisons très idiotes parfois, ou de montrer violent en manifestation. L’arrivée de ses enfants l’a aidé à se calmer, pourtant avec des cris au milieu de la nuit ce n’est pas toujours gagné, tout comme la pratique du yoga et de la méditation.