Whisper - Neven Monroe

Il n'y avait qu'en dansant que nous arrivions à nous entendre. Nous étions incapable de communiquer autrement. La preuve était qu'après des semaines de silence, nous avions réussi à gagner un concours de danse ensemble. J'avais encore l'image de son corps contre le mien, son parfum m'avait titillé les narines toute la soirée et quand j'avais fini par la quitter sur le parking du club, je m'étais retrouvé avec une érection douloureuse. Le reste de la nuit avait été rythmé par des souvenirs et des cauchemars de Lullaby.

Aujourd'hui avait été une journée lambda jusqu'à ce que je reçoive un message de la jolie blonde. Elle souhaitait que je la rejoigne dans un club pour danser et cette fois ce n'était pas sur des danses latines que l'on allait se déhancher. Ce n'était pas mon genre, mais je m'étais foutu du maquillage fluo sur la gueule avant de partir la rejoindre. Ça aurait été pour n'importe qui d'autre, j'aurais refusé catégoriquement. Pour elle, je faisais l’exception, car malgré tout ce qui s'était passé entre nous, j'aimais toujours autant danser avec elle.

J'étais rentré dans le club à reculons, bourré de gens, j'avais du mal à avancer et je n'avais pas la moindre idée de comment j'allais la retrouver. J'étais déjà en retard et sans elle, je ne me sentais pas à mon aise. Je me faufilais en cherchant une tignasse blonde et il me fallut plusieurs longues et agonisantes minutes avant de la repérer. M'approchant d'elle par derrière, je mis mon torse contre son dos en venant poser ma main sur le bas de son ventre. Found you. Criais-je à son oreille pour qu'elle puisse m'entendre par dessus la musique. Je la relâcha assez rapidement pour me mettre à danser sur le rythme qui vibrait autour de moi. Why did you bring me here ? It's not what we're use to.

J'oubliais à chaque fois à quel point j'aimais sentir son corps caresser le mien. Je retrouvais des sensations qui ne semblaient pouvoir exister qu'en sa présence. Je perdais pied alors même que je venais tout juste d'arriver. Elle se retourna vers moi avec son sourire éclatant et quand après quelques secondes de "Sex on fire" elle se mit sur la pointe des pieds pour m'embrasser, je ne pus qu'engager dans ce jeu dangereux. Ce n'était pas le deal, et en même temps c'était tellement agréable que je ne voulais pas me plaindre.
Lorsque son visage se détacha du mien, je la retins avec une main dans sa longue crinière blonde. You're a smart and beautiful devil... Grognais-je avant de la forcer à se tourner à nouveau. Si elle ne me faisait pas face, je risquais moins de craquer. Ou du moins c'était ce que je pensais, parce que lorsqu'elle se remit à frotter son cul contre mon bas ventre, que sa tête se pencha à arrière pour se caler sur mon épaule... Elle s'offrait à moi et je ne lui résistait jamais lorsque la danse nous portait. La pencher en avant pour répondre à mes pulsions n'était pas une option, pas ici ou même jamais. Mais l'idée même de m'arrêter là me semblait inconcevable.
Ma main, posée sur son ventre nu, la maintenait contre moi alors que le rythme des musiques nous faisaient nous déhancher l'un contre l'autre. Je crevais de chaud, mais je ne la lâchais plus. J'étais en transe, dans un autre monde, je n'étais pas le Neven calme et posé de d'habitude, il y avait un côté bien plus sauvage que je réussissais à exprimer lorsque j'étais avec Lullaby. C'était effrayant. Libérateur.

J'étais parti deux minutes pour nous chercher à boire et en revenant elle était avec un autre homme. Ils dansaient, et une pointe de jalousie fit son apparition en moi. Je n'en avais clairement pas le droit parce qu'elle était libre de faire ce qu'elle voulait, seulement j'avais pensé pouvoir avoir la soirée entière avec elle. Je fus surpris lorsqu'elle le quitta pour revenir danser avec moi.

C'était toujours très agréable de rejoindre Lullaby pour aller danser. Nous arrivions à être en symbiose lorsque nos corps s'exprimaient et non nos mots. Et ce soir, notre grand final avait été explosif. En la voyant repartir sur son vélo, un grand sourire sur le visage, j'eus l'impression pour la première fois depuis longtemps d'avoir le cœur léger. Je m'étais amusée, j'avais pu passer du temps avec elle, et maintenant j'allais pouvoir aller me coucher l'esprit plus tranquille.

Je n'avais pas eu de nouvelles depuis quelques semaines et je ne m'en étais pas plus préoccupé. J'étais assez pris par le boulot, car entre les oiseaux et la recherche d'une personne pour m'aider, je n'arrivais quasi plus à me libérer du temps pour moi. Alors quand j'avais reçu son message, je n'y avais pas prêté attention immédiatement. J'avais attendu la fin de la journée pour le regarder. Nous voir ? Mais pourquoi ? Qu'est ce qui se passait pour qu'elle ai besoin que l'on se voit ? Lullaby ne me demandait plus d'être avec elle pour être avec elle, les seuls moments que l'on partageait c'était pour danser.

J'avais pris ma moto pour aller chez elle et avant de couper le contact, je m'étais demandé si c'était vraiment un bon plan d'être là. L'ambiance était très différente de celle des clubs que l'on fréquentait. Je craignais un peu de découvrir le pourquoi elle avait besoin de me voir chez elle. Craintes qui ne firent que m'envelopper un peu plus lorsque je vis son visage dans l'encadrure de la porte. Holy shit, elle n'avait pas l'air en forme. Je la suivis à l'intérieur et elle ne tourna pas autour du pot avant de m'annoncer qu'elle était enceinte.

Non. Répondis-je du tac au tac. Je n'avais jamais voulu de gamin et ça me paraissait tellement logique qu'il n'y en ai jamais dans ma vie, que je me retrouvais dans une sorte de déni. T'as du te tromper. Ce n'est pas possible. Pas en une fois. Pas moi. Pas avec elle.

Sans m'en apercevoir, j'avais mis de la distance entre elle et moi. J'avais envie de repartir et d'oublier cette conversation. Ok, j'aimais beaucoup Lully, mais pas - plus - comme ça, et je n'avais certainement pas envie de construire une famille avec elle. J'étais fait pour être tonton, pas papa. Encore moins avec elle et sa famille dysfonctionnelle. Peut être que si je fermais les yeux assez longtemps, tout ce qu'elle avait dit disparaitrait... Putain de merde ! Comment j'avais réussi à me foutre dans un bourbier pareil ? J'étais plutôt prudent comme gars. Je n'avais eu qu'un seul faux pas.

Tu ne comptes quand même pas le garder ?

Lullaby m'avait foutu un coup derrière la tête avec cette annonce de grossesse, mais le point positif c'était que l'on était tous les deux d'accord sur l'issue finale de celle ci. J'avais quand même les jambes en coton et l'envie de partir au plus vite pour fuir la situation, ça me mettait terriblement mal à l'aise. J'avais été con, la baiser dans les toilettes de ce bar avait été une erreur, je m'étais clairement laissé emporter par les sentiments que j'avais toujours pour elle. C'était dangereux.

S'il n'y a que ça, je te l'offre ton avortement. Dis-je avant de vider le verre d'eau qu'elle m'avait tendu. Le liquide frais me permis de reprendre un peu pieds, même si l'idée de devoir l'accompagner pour avorter ne me plaisait pas vraiment. Payer ok, lui tenir la main pendant qu'on lui retirait le truc... Non merci. Je n'avais pas l'estomac assez accroché pour ça, j'allais être plus un boulet qu'autre chose pour elle. Seulement elle me voulait là et je ne me voyais pas lui dire non alors que j'étais aussi coupable qu'elle.

Après une minute ou deux, elle me foutait déjà dehors et j'étais mal. Je voyais que comme moi, ça n'allait pas. Nous avions beau faire les fortes têtes, avoir des mots tranchants et blessants, tout cela nous impactait beaucoup. Je n'avais plus envie d'être seul.

Tu veux aller danser ? Lui proposais-je. C'était une main tendue dans sa direction, une envie de la soutenir et de recharger mes batteries.

Ça faisait longtemps qu'elle n'était plus montée derrière moi à moto et maintenant que je la sentais contre mon dos, je me rendais compte à quel point cela m'avait manqué. Je lui avais filé mon casque, histoire qu'elle soit un peu protégée, mais ma main sur sa jambe nue m’indiquait que j'allais devoir être prudent. Sa robe ne la protègerait de rien en cas d'accident et je... Et quoi Neven ? Pourquoi je ressentais à nouveau ce besoin maladif de la protéger ? C'était débile, car nous n'en étions plus du tout à la dans notre relation.

A peine étions nous arrivés, qu'un homme s'était approché d'elle. Il ne fallait pas être très cortiqué pour comprendre qu'ils avaient couché ensemble. Putain, ça me mettait dans une rage... Que je réussis à contenir  de justesse. Je n'étais pas là pour faire des vagues, elle pouvait bien aller baiser qui elle voulait, c'était le moment de profiter, car niveau conséquence il n'y en aurait pas. J'étais le couillon qui avait déjà merdé plusieurs semaines auparavant.
Sans lâcher un mot, je l'emmena sur la piste de danse et je me perdis rapidement sur le rythme de la chanson diffusée. C'était plus simple d'être moi même lorsque son corps se déhanchait contre le mien. Puis même si je surveillais autour de nous pour fusiller du regard quiconque la regarderai, je passais un moment plutôt agréable. Je ne pensais quasi plus au clandestin que l'on devait déloger demain. J'avais même mes mains qui reprenaient leurs mauvaises habitudes en allant frôler les courbes parfaites du corps de Lullaby.

J'aime danser avec toi. Confirmais-je en lui mordillant le lobe de l'oreille.

J'avais toujours très chaud avec elle, mais ce soir un peu plus. Je ne voulais pas la lâcher et tous les hommes qui avaient le malheur de la regarder se faisait fusiller du regard. Elle avait du succès. Trop à mon gout.
Andrew réussit à débarquer comme une fleur, sans que je ne le vois, et à voler ma cavalière pour une danse. Je lui aurais foutu mon poing dans la gueule pour cela si elle ne m'avait pas fait comprendre mainte fois qu'elle n'avait pas besoin d'un chevalier pour la protéger. Elle se débrouillait. Mais fucking hell non en fait ! Je la voulais. C'était un besoin primaire, et même si je faisais tout pour l'enfuir depuis des semaines, la voir avec un autre était en train de me rendre complètement fou.

Lullaby semblait avoir cette facilité incroyable à communiquer avec tout le monde, ce soir c'était avec Andrew, mais je savais pertinemment qu'il y en avait eu bien d'autres avant lui. Je n'arrivais pas à calmer cette rage qui bouillonnait en moi, c'était stupide car elle ne m'appartenait pas. C'était juste incontrôlable. Et quand elle revint vers moi, j'eus du mal à déserrer la mâchoire pour lui répondre. Elle me parlait d'une rouquine que je n'avais même pas vu tellement leur danse avait alpagué mon attention.

Pas intéressé. Marmonais-je en la regardant s'asseoir à côté de moi et commander des shots. Elle allait encore me faire boire, alors que je ne tenais pas l'alcool... C'était un terrain glissant, mais fuck, je ne pouvais pas faire pire que ce que j'avais déjà fait.

Heureusement que les shots étaient là pour faire descendre les informations, car j'avais un peu de mal à les digérer. Lullaby voulait que je l'emmène au restaurant ? Revenir bosser avec moi ? Elle voulait plus avec moi ? Mais non... J'étais sur le cul, la bouche entrouverte de stupeur. Tu dis ça sur le coup des émotions et des hormones. Ce n'est pas vraiment ce que tu veux. Ma main était crispée sur mon verre vide et je la regardais avec des billes à la place des yeux. Lully ? Elle ne pouvait pas faire ça, la soirée se passait si bien, même après l'annonce qu'elle m'avait faite. On devrait commencer par virer le clandestin avant de parler de quoi que se soit d'autre. Une chose à la fois, non ? Je freinais des quatre fers, pas parce que je n'en avais pas envie, mais parce que justement j'en avais trop envie. Ça me faisait peur. J'aimais ce semblant de normalité que l'on avait réussi à reconstruire grâce à la danse et je ne voulais pas perdre ça.

On ira manger des fish tacos à la sortie de la clinique.