Best combo ? Old friends and cats ! | Hazel

“Mais c’est pas vrai ! C’est quoi ce jeu à la con encore !” Je me rencogne dans le canapé alors que mon écran s’obscurcie pour afficher un sinistre “game over” en lettres rouge sang. Je souffle distraitement sur une mèche de cheveux pour la dégager de devant mes yeux avant de me redresser en soupirant. D’un pression sur le bouton “home” de la manette, j’affiche le menu principal de la console. Dans le coin supérieur droit, j’vois l’heure et j’me rend compte qu’il va être temps que je me prépare. J’suis contente de ce petit rendez-vous qu’on s’est fixé avec Lily, ça fait tellement longtemps qu’on n’a pas eu l’occasion de se poser pour discuter toutes les deux. On va en avoir des choses à s’dire, pas sûre qu’on ait assez de la soirée. J’ai encore quelques minutes devant moi alors je prends le temps de me préparer, j’enfile un jean et un chemisier blanc à manches courtes puis je dompte mes cheveux en un chignon destructuré. J’apprécie mettre autre chose que des sweats de temps en temps, pour sortir avec les amis, c’est l’occasion de se montrer sous un autre jour. Par contre, je ne sais définitivement pas me maquiller, ma mère et Alfie ont bien tenté de m’initier mais j’ai pas été réceptive, ça ne m’intéresse que très relativement.

Le bar à chat, il n’est pas si loin que ça mais j’préfère quand même prendre mon vélo, au cas où la soirée se prolongerait, ça me permettra de revenir plus rapidement au bercail. Sur le trajet, j’ai la tête qui turbine un peu, j’repense à deux trois choses qui se sont passées dans ma vie dernièrement. J’sais pas trop si j’dois mettre ces choses là sur le tapis ce soir, pourtant, ça me ferait certainement du bien j’imagine. Non, non, on se retrouve pour passer une bonne soirée, j’vais pas aller m’épancher. J’finis par tourner au coin de la rue, j’m’illumine en voyant Lily devant le bar à chats…elle a l’air de reprendre son souffle, la main posée contre la façade. “T’as couru ou quoi ?” J’lui lance en descendant de mon bolide. J’prends l’anti-vol que je passe dans les rayons de la roue et que j’accroche au lampadaire en face du bar. Comme si quelqu’un pourrait avoir envie de voler cette épave. Je réponds à l’étreinte de Lily qui a craint d’arriver en retard, donc oui, elle a bien couru. “Hé pas d’soucis hein, on n’est pas à la minute !” J’rigole un peu, j’suis vraiment heureuse de retrouver ma copine. “Moi aussi Lily, allez viens, y a des heures de papotages et de ronrons qui nous attendent derrière la porte.” Je passe mon bras autours du siens et je l’entraîne à ma suite dans ce paradis des amateurs de chats.

Lily et moi, c’est une amitié qui remonte bien loin en arrière. Quand on s’est rencontrée, on était à l’école, j’étais déjà assez infernale à l’époque et Lily, au contraire, j’la voyais comme une de ces gamines qui astique le premier rang de la classe, fragile et naïve. J’me suis gravement trompée à son sujet, j’me suis rendue compte qu’elle savait montrer les crocs quand c’était nécessaire, qu’elle ne se laissait pas marcher sur les pieds et surtout qu’elle savait ce qu’elle voulait, c’était pas une suiveuse Lily, et ça j’ai apprécié. A partir de là, j’suis allée vers elle et j’me suis déridée, on a fini par devenir de bonnes amies. On a passé des moments assez cool ensemble, on a la discussion facile et nos sujets de conversations se trouvent être aussi divers que variés. C’est à la fin de l’adolescence qu’on a fini par s’éloigner un peu, la faute à nos chemins de vie différents. Non mais…Elle est INFIRMIERE…’voyez l’truc ? Autant vous dire que j’vais pas tellement lui rendre visite au travail…Nous passons au comptoir pour prendre nos boissons avant de s’installer à une table au pied de laquelle somnole un petit chat calico. “ Oh ça fonctionne plutôt bien ! J’ai travaillé en collaboration avec Teddy Kelly il y a quelques temps, j’dois dire que ça a été un tremplin et je tirerai les feux d’artifice de la Fête de la Mangue, tu viendras voir ça ?” Je verse un petit sachet de sucre dans mon café à la noisette que je touille en regardant mon amie. “ J’trouve que t’as la mine épanouie, ça fait plaisir à voir ! Ton boulot doit bien se passer non ? Tu bosses avec les enfants malades, c’est ça ?” J’ai fait tout les efforts du monde pour avoir l’air dégagé quand je lui ai posé la question parce qu’en réalité, ça m’intéresse réellement de savoir comment se passe ce travail qui la passionne tant. J’espère juste sincèrement que je vais échapper aux détails quoi…

J’acquiesce en reposant ma tasse, elle a raison, j’ai eu une chance assez incroyable que la vie mette Théodore sur ma route, tant pour le côté professionnel que pour la personne qu’il est…et de penser à lui, ça me pince un peu le coeur parce que j’voudrais qu’il se voit comme moi j’le vois, qu’il remonte sur scène, qu’il fasse un doigt à sa situation pour embrasser le bonheur qu’il mérite. J’secoue doucement la tête pour mettre ces pensées de côté et j’dessine un sourire sur mes lèvres. “ Cool ! J’te réserverai une place de choix pour qu’t’apprécies le spectacle !” Le petit chat qui faisait sa sieste au pied de notre table se lève puis s’étire de tout son long avant de porter son regard doré sur mes genoux. “Tu viens ?” Que j’lui demande en tapotant mes cuisses. Il a l’air un peu dubitatif dans un premier temps puis, finalement, il se ramasse sur lui-même pour se détendre tout en souplesse et atterrir, avec la légèreté d’une plume, sur mes genoux. J’lui gratouille la tête tout en écoutant attentivement Lily, j’suis contente d’entendre qu’elle se sente aussi bien dans son travail, ça ne doit pourtant pas être une sinécure mais c’est une battante cette fille, j’l’imagine bien mener rigoureusement sa barque sans se départir de sa détermination. "T'étais tellement décidée à faire ce taff, et t'as eu raison, t'as trouvé ta voie comme on dit..." J’finis par me figer. Ha bha j’l’avais pas vu venir celle-là. J’fronce brièvement le nez “Heu…ouai…c’est possible que ce ne soit pas ma tasse de thé…” J’ai pas forcément évoqué ça avec elle, d’ailleurs, c’est pas quelque chose que j’évoque avec grand monde, parce que j’considère que c’est une faiblesse. J’étais haute comme trois pommes quand j’me suis retrouvée catapultée dans cet hôpital, j’en garde des souvenirs vagues, des images stroboscopiques qui m’reviennent en mémoire mais toujours, le sentiment tenace de l’horreur qui déferle comme une lame, qui pénètre les recoins de l’esprit et qui te marque à vie. Le p'tit chat, il quitte mes genoux en rechignant un peu parce qu'il doit sentir la légère tension qui a raidit mes jambes.