j'suis à peu près sûr d'être à peu près quelqu'un de solide - manwë

Il avait brisé ses liens avec bien des gens après cette histoire de meurtre, il s’était isolé, il avait perdu tout ça, l’affect que l’on peut donner et recevoir aussi. Il s’était enfermé dans un quotidien monotone où il courrait pour se défouler, buvait pour oublier, travaillait de temps en temps pour s’occuper, sortait en ville à l’occasion, par nostalgie de la vie qu’il avait choisie d’abandonner. Lorsqu’il sortait, ça n’était jamais grandiose, il buvait la plupart du temps et/ou il se battait… Et s’il se donnait vraiment du mal socialement, il se retrouvait dans un lit ou dans une cabine de wc avec une fille quelconque, une étrangère de Bowen, de préférence. Juste pour exister, un peu. Il était comme sa vue, il s'effaçait peu à peu.

Maddie était venue rapporter de la vie à son existence, de l’humanité dans sa manière d’être. Elle avait ouvert une brèche dans laquelle certaines personnes venaient s'engouffrer à sa suite. Il avait même repris contact avec certaines personnes, succinctement, presque dérangé lui-même par son comportement. Cette gamine changeait beaucoup de chose dans sa vie, il ne savait pas si c’était une bonne chose, mais il était incapable de la faire fuir comme tous les autres. C’était comme si elle avait soulevé son masque du méchant croque mitaine et qu’elle avait vu en dessous quelque chose, son humanité tout simplement, qui l’empêchait d’être crédible une seule seconde dans son rôle de méchant. Il ignorait si elle avait conscience de tout ça, cette adorable petite mangeuse de raviolis…

“ Ouais, enfin… Rien d’exceptionnel. “ Surtout que les locaux ne lui appartiennent même pas. C’était un endroit où il ne se rendait pas souvent, pourtant, il s’était occupé de retaper entièrement ce magasin / atelier après que celui-ci ait été vandalisé. L’endroit était plutôt confiné, peu éclairé, mais dégageait une atmosphère rustique et industrielle qui semblait intriguer les clients. Le brun n’avait désormais qu’un petit stock à la vente, il ne fabriquait pas assez pour remplir les étales et il s’en fichait pour ainsi dire. Ce magasin allait disparaître avec lui, alors à quoi bon, hein ?

Il claque la porte, il ne ferme que rarement à clé son domicile. Il s’en fiche et personne n’est assez dingue, jusque là, pour entrer par effraction. Il n’y avait de toutes manières rien à prendre, à moins d’être fan de raviolis… Ils se mirent donc en chemin, ce fut l’occasion de s’allumer une clope et de croiser oh mon dieu ! Des êtres humains !

Man avait l’habitude de marcher vite, mais il prit un peu plus son temps en compagne de Maddie. Il leur fallait un peu de temps pour arriver à l’ouest de la ville. Il fut étonné que la brune ne pose pas de questions, mais cela finit par arriver alors qu’ils n’étaient plus très loin. “ J’touche un peu à tout, mais j’suis pas musicien. “ Bien sûr qu’il l’était, mais ça lui ferait trop mal d’avoir cette étiquette de babos musicos en plus du reste. Il disait laisser la musique aux autres, pourtant, il possédait un talent certain et une polyvalence dingue. Il était aussi bien capable de manipuler un violon, qu’une basse ou encore une harpe ! Il fabriquait, réparait et s’en séparait. Les instruments ne faisaient que passer entre ses mains tatouées.

Ils arrivent devant un magasin au rideau baissé. Modestement intitulé : artisan luthier. Il ne s’était clairement pas cassé la tête. Il ouvre donc la boutique, pour la première fois depuis deux semaines. Il n’était pas certain de pouvoir payer le loyer auprès de Blake encore longtemps avec le peu qu’il faisait, mais devinez ? Ouais ! Il s’en fout. “ Voila, c’est ici. “ dit-il sans enthousiasme en allumant la lumière. Il se demandait bien pourquoi il avait emmené Maddie ici, peut-être pour qu’elle sache où le trouver si par tout hasard il était ici plutôt que chez lui… Ou juste parce que ça commençait à faire un bail que personne n’avait mis les pieds ici avec une curiosité saine comme Maddie le faisait. “ Je ne crois pas que cet endroit va exister encore longtemps. “ finit-il par lui avouer en allant s’asseoir sur le banc devant la table de travail où se reposait une guitare qui attendait désespérément qu’il daigne finir de la refixer.

Je ne réalisais pas tellement l'influence que je pouvais avoir sur Manwë. Parce que ce que je voyais moi, avant tout, c'était l'influence qu'il avait sur moi. J'saurais pas tellement expliquer pourquoi ça avait cliqué entre nous dès le premier jour. J'lui avais un peu tenu tête, comme pour montrer qu'il ne me faisait pas peur, malgré ses airs de râleur et de bourru et puis, de là, était née une espèce de relation assez inqualifiable. Mais le jour où tout ça avait été scellé, c'est quand il m'avait sauvé d'une agression. A partir de ce jour là, il avait répondu présent à chaque seconde. Il avait vu la détresse dans laquelle j'étais et je m'étais attachée à lui, très vite. Trouvant en lui une protection paternelle qui m'avait toujours manqué. J'crois aussi que j'ai une profonde attirance pour les gens qui ne mentent pas, qui sont entiers et qui ne se cachent pas. Et Manwë, il avait cette sincérité. C'était du vrai avec lui. J'prenais chacun de ses mots comme argent comptant. Parce qu'il était pas du genre à parler pour ne rien dire. Ca avait du poids, d'la portée. C'est aussi pour ça que j'étais venue le voir aujourd'hui. Pour qu'il m'aide à y voir plus clair. Ces conseils, ils étaient précieux et j'les appliquais à la lettre. J'avais refusé, une fois, son aide, pour mon sevrage mais ça m'était bien resté en tête qu'il avait voulu m'aider. Alors j'savais que j'pourrais compter sur lui, quoi qu'il arrive. En l'espace de quelques semaines, Manwë avait pris une place très importante dans ma vie. J'savais à quel point il pouvait être clivant à Bowen. Mais moi, j'voyais que du beau chez lui. J'ignorais totalement les histoires qui circulaient à son propos. C'est pas que j'voulais pas y croire, mais c'était pas ça que j'voulais retenir de Manwë. C'était pas un assassin. C'était pas comme ça que j'le voyais. Il était beaucoup .. beaucoup plus beau que ça. Il était loyal, j'le savais. Il s'était engagé à me protéger, et j'm'engageais moi de mon côté, à ne jamais le décevoir. J'pourrais pas supporter d'lire de la déception dans ses yeux. Impossible.

Sans trop savoir pourquoi, j'me mettais à le questionner sur sa profession. Il réparait des instruments de musique. J'trouvais ça assez beau comme métier, d'redonner de la vie comme ça. Je n'aurais jamais soupçonné que Manwë pouvait faire ça, à vrai dire, j'ignorais beaucoup de choses sur ce métier. Ca sonnait comme quelque chose de très flou en moi et j'avais pas hésité une seconde lorsque Manwë me proposait d'me montrer tout ça. Il avait un magasin, et même s'il soulignait qu'il n'était pas exceptionnel, j'étais tout à fait convaincue que j'allais trouver ça chouette. Parce que j'étais comme ça, assez curieuse de tout, émerveillée pour un rien. On s'mit rapidement en route, à pied. J'marchais à côté de Manwë, et j'me sentais bien. On était assez silencieux, comme souvent, mais le silence il était juste réconfortant. On avait pas besoin de parler. J'le questionnais cependant sur son potentiel profil de musicien. J'imaginais bien que si il fabriquait ou réparait des instruments, il devait être en mesure de savoir s'ils étaient bien accordés. Il ne qualifia pas de musicien pour autant. J'gardais ça dans un coin d'ma tête, parce que j'avais comme l'intuition qu'il minimisait la vérité. On arriva finalement, Manwë ouvrit le rideau de la devanture et on entrait. C'était un atelier, assez classique. Un atelier qui débordait de plein d'éléments dans chaque recoin. J'entrais alors, posant mes yeux absolument partout. J'aimais bien l'énergie que dégageait ce genre d'endroit. Une énergie feutrée, assez douce, reposante, entourée des instruments silencieux, en attente de retrouver leur essence. Tandis que je m'étais approchée un peu d'un violon abandonné là, dans un coin, les mots de Manwë me firent tourner la tête vers lui. "Ah bon?" Je m'approchais alors de lui, regardant la guitare posée devant lui. "Tu n'aimes plus ce que tu fais?" Délicatement, je posais mes doigts sur la guitare, la regardant. "C'est dommage.." que j'disais un peu pensive. ".. c'est assez noble comme truc, j'trouve, de redonner une seconde vie, une seconde chance, aux instruments." J'm'accoudais sur le plan de travail, pour rapprocher mon visage de la guitare. "De quoi elle a besoin cette guitare là?" J'voyais bien, bien évidemment, qu'elle était cassée, mais j'me rendais pas spécialement compte du travail qu'il fallait effectuer dessus pour la réparer. Et ça m'intéressait, premier degré.

Il était assez soulagé d’être arrivé à sa boutique sans encombre, si seulement il n’avait pas autant de difficultés à supporter les gens… Le brun se faisait violence, souvent, pour ne pas devenir une bête sauvage et pourtant, il savait qu’il n’était pas très loin de l’être. Maddie changeait ça, sans le voir, comment le pourrait-elle ? Il ne jouait pas un rôle avec elle, il ne faisait pas semblant, c’était comme ça, naturellement doux et paisible. Même lors de leur première rencontre, lorsqu’il s’était montré assez peu agréable au point de la faire pleurer. C’est probablement à cet instant, qu’il avait flanché. Lorsqu’il usé de son manque d’empathie pour éloigner les gens de lui, et que son empathie, justement redoutable, lui revenait en pleine gueule. Peut-être qu’un jour elle se rendra compte qu’il était loin d’être celui qu’elle pensait, pourtant, il n’avait eu de cesse de lui dire qu’il n’était pas quelqu’un de bien. Il n’avait pas des réactions toujours normales avec les gens, il ne savait plus se comporter en société et rien n’allait en s’améliorant. Rien. Il pensait qu’elle ne s’en rendait pas compte, parce que c’était impensable qu’elle l’ait juste… Accepté tel qu’il est.

En ouvrant l’atelier, il fut incapable de se rappeler la dernière fois qu’il avait levé le rideau pour accueillir du monde. “ Les clients ne se bousculent pas à ma porte, Maddie. Entre autres… “ Même s’il n’y avait pas d'autres luthiers dans cette petite ville, certains préféraient faire plusieurs kilomètres plutôt que d’entrer ici… Alors, il devait bien se faire une raison. Il n’était pas un visage accueillant pour cet endroit, pire, c’était un vrai repoussoir. Heureusement, il avait ses fidèles clients, des clients qu’il devenait peu à peu  par son retard alors qu’il ne croulait pas sous l’activité. Alors oui, la responsabilité de l'échec de ce magasin était dû aux clients qui fuyaient l’endroit, mais aussi à lui… Qui ne trouvait plus souvent la force de venir en ville. Il ne le dit cependant pas, c’était englobé dans cet : entre autres. Car il y avait un troisième élément en ligne de compte… “ Et j’deviens de moins en moins productif, personne ne prendra la suite de cet endroit. “ Elle ne savait pas, Maddie, qu’il devenait aveugle. Cela faisait quarante ans qu’il devenait aveugle, on lui avait donné vingt ans de vision, il avait doublé la mise. En ne suivant aucun traitement, en n’ayant aucune hygiène de vie. Comme quoi… La science…

“ Celle là ? “ qu’il demande un peu surpris par la question, il hésita une seconde, puis il allume une petite lampe orientée de manière à ne pas éblouir ses pupilles malades. “ Elle a morflé, par négligence. “ Il la retourne vers Maddie pour aligner le manche face à ses grands yeux observateurs, ou pas… La plupart des gens ont du mal à voir à l'œil nu ce genre de détail qui pourtant, fausse toute une guitare. “ Si tu regardes bien, tu verras qu’elle n’est plus droite à deux endroits. C’est ce qui arrive quand l’on laisse une guitare trop longtemps sans cordes, sans tension, le bois travaille et gondole. Si tu met des cordes maintenant, elles ne seront jamais parfaitement parallèles, elles vont frotter les endroits gondolés et produire des fausses notes. Il faut mettre des tiges en métal dans la longueur du manche et essayer de redresser la courbure… “ Il lui désigne les truss rod, c’est étrange pour lui de parler de ce qu’il fait, de ce que son travail demande comme savoir-faire. Les gens déposent leurs instruments et ils récupèrent sans se demander le travail effectué derrière. Ça lui avait toujours convenu. Il soupire en reposant la guitare sur le plan de travail. “ J’suis tombé dans ce métier par hasard, j’avais passé la majeure partie d’ma vie à bosser comme videur et à m’faire virer. Alors, c’est pas si grave si ça s’arrête. “ Pourtant, de ce havre de paix, il en avait besoin, c’était bien l’unique pont qui le reliait encore à la société… Et après donc, que se passerait-il ? Il s’en fichait.

J'essayais de ne pas trop me poser de question par rapport à ma relation avec Manwë. Parce que quand j'me mettais à y penser, j'y voyais pas tellement clair. C'était juste inexplicable entre nous. Il était à la frontière entre un ami, un père de substitution et un vrai protecteur. Et ce mélange un peu approximatif, moi ça m'allait bien. Mais j'crois que j'me rendais pas tellement compte de la personne que j'avais en face de moi. Il était assez associable dans l'idée, c'était pas le genre à faire des câlins, à s'épancher, à rire bien fort, à faire le clown. Non, il était tout en retenu, et j'crois qu'il ne le faisait pas tellement exprès. Mais moi j'me sentais bien juste avec lui. J'savais rien de son passé, j'avais entendu des trucs mais ce n'était pas compatible avec l'homme que j'avais en face de moi. Celui qui avait pris soin de moi la nuit où j'étais défoncée, celui qui m'avait écouté lorsque j'lui parlais de mon père, celui qui m'avait cuisiner - même s'il insiste pour dire qu'il ne les a pas préparé pour moi - de délicieuses raviolis, celui qui m'avait fait comprendre qu'il serait toujours là pour moi.

Alors quand on était entré dans son magasin, je n'avais pas spécialement compris pourquoi les gens ne se bousculaient pas à sa porte. Très probablement à cause de cette rumeur vis à vis de son père. J'en avais entendu parlé, mais j'y croyais pas, j'voulais pas y penser. J'avais haussé les épaules. Ne trouvant rien à redire. J'me mettais à réagir comme Manwë, préférant parfois le silence plutôt que des mots qui ne servaient à rien. Il m'avait apaisé, en un sens, Manwë. Lorsqu'il m'avait fait comprendre que ça ne servait à rien d'se cacher derrière des sourires faussement joyeux. Ca m'avait bien fait réfléchir, ça m'avait fait grandir aussi. Manwë m'expliqua ensuite qu'il devenait de moins en moins productif. Je fronçais un peu les sourcils. "Par manque d'envie? Ou il y a autre chose?" C'était peut-être pas évident de garder d'la motivation, de faire tourner une boutique comme ça, quand on s'appelle Manwë Druid. J'tentais quand même de rester positive, parce que cet endroit, il avait beaucoup de charme. Il y avait une aura qui se dégageait de cette odeur de bois et du calme des instruments, juste posés là, en attendant une nouvelle vie. "Tu trouveras p'tete quelqu'un intéressé par l'endroit, quand tu voudras t'en séparer." Cela dit, des luthiers, ça courait pas les rues.

En m'approchant de Manwë, j'me penche vers la guitare qui est posée devant nous. J'essaye de l'analyser, mais j'vois pas trop ce qui cloche. Alors j'le questionne, curieuse au premier degré. Et je l'écoute, avec beaucoup d'attention. Mon regard suit ses mains qui effleurent l'instrument et j'pose mes yeux à la recherche du défaut. Tout ce qui me raconte, j'en comprends pas la moitié, mais j'sens d'la passion dans sa voix. Et clairement, j'pourrais écouter n'importe qui parler avec cette passion là, de n'importe quel sujet que je serais intéressée. "C'est super minutieux comme travail.." que j'dis un peu pensive. "Ca doit d'demander beaucoup de précision et de patience aussi." J'relève les yeux vers Manwë quand il me parle de son ancien travail. "J't'imagine mieux ici que videur d'une boite de nuit. Tu passais ton temps à casser des gueules, c'est pour ça que tu te faisais virer?" que j'lui demande, un tout petit sourire en coin. Puis encore une fois, je pose mes yeux sur la guitare, et j'passe mes doigts le long du manche, toujours un peu pensive. Cet endroit à un don pour m'apaiser, j'me sens juste bien là, entourée de tout ce bois. "Comment t'a découvert ce métier ? C'est quelqu'un qui t'a tout appris?" J'regardais un peu autour de moi, son magasin, il avait un peu l'air d'un débarras, c'était un atelier certes, mais ça manquait de clarté, d'ordre, pour s'y sentir vraiment bien. "Si tu veux, j'pourrais te donner un coup de main pour mettre un peu d'ordre par ici. Et puis apporter un peu de décoration, pour qu'tu te sentes mieux dans cet endroit." J'étais prête à lui accorder d'mon temps pour faire tout ça. Et promis, j'allais pas décorer son atelier avec des licornes et des bisounours, juste quelques plantes vertes et des lumières indirectes, histoire de feater un peu mieux avec l'aspect chaleureux de tous ces instruments de musiques.

Manwë avait parfois l’impression de jouer un rôle, le rôle que les autres lui imposent. Soit de monstre, soit de mec beaucoup trop bien… À croire que personne ne le voyait vraiment tel qu’il était. Un homme bon complètement déglingué par la vie. Puis il y avait quelques individus sortis de nulle part qui semblaient le voir. Ou bien, était-ce une illusion ? Il n’en savait rien, il savait seulement que la présence de la p’tite Maddie n’était pas anodine dans sa vie à lui. Une vie dans laquelle il ne faisait que très peu de place aux autres, parce que les autres font beaucoup trop de dégâts et qu’il était arrivé à un stade de sa vie où il ne sait pas s’il aura la force de réparer ça, encore et encore…

Faire une place à Maddie, ici, dans son atelier, ça ne le rendait pas particulièrement anxieux. L’angoisse ce n’était pas quelque chose qui le tiraillait au quotidien, il s’était fait une raison depuis tellement longtemps. Il était bien plus flegmatique en général qu’anxieux pour quoi que ce soit. Il se laissait porter par le flow de cette rencontre, de ce lien étrange. Il lui avait dit, il la protégerait désormais. Parce qu’il l’appréciait, vraiment. Parce qu’il n’était pas insensible à l’aura de la brune, cette petite flamme vacillante dans un monde bien compliqué. Elle était touchante, dans une moindre mesure elle lui rappelait sa mère, pas uniquement à cause de la drogue… Mais pour cette quête à jamais insatisfaite de découvrir qui elle est, de trouver le bonheur. C’est bien parce qu’il l’a trop vu chercher le bonheur, au point d’en crever, que lui, il avait renoncé à chercher le sien.

Il lui explique que cet endroit est voué à disparaître, que c’est déjà un échec. Il a haussé les épaules, l’air de dire : sans doute. Sans doute oui, la motivation était partie bien loin et il y avait bien d’autres choses… D’autres raisons. “ Même avant toutes ces histoires, personne n’a voulu travailler ici.. Ou… Avec moi. “ Ce n’était sans doute ni le lieu ni le travail le problème, ouais, c’était bien sûr à cause de lui. Peu de doute possible. Encore, il hausse les épaules, résigné. C’est juste comme ça.

Ça lui change les idées, de parler de cette guitare. Il lâche un léger rire avant de répondre “ Ouais, c’était une des principales raisons de mes innombrables renvois. “ Il avait souvent dépassé les bornes, mais au moins, les femmes qui venaient s’amuser étaient vraiment dans une safe place lorsqu’il surveillait. Il avait gardé ce petit côté d’ailleurs, lorsqu’il veille sur quelqu’un, il ne le fait pas à moitié. “ Ici, c’est beaucoup plus calme. “ Ça l’éloigne de sa violence, de ses pensées meurtrières.

Il lève un regard vers la brune, pour s’assurer que ça l'intéressait vraiment de savoir comment il avait pu finir dans cette branche. “ Crois le ou non, avant j’vivais en ville… Et avec des gens. Ouais… J’avais un colocataire. Il jouait d’la guitare et j’lui réparais, enfin, j’bricolais aussi pour ses gars dans son band et même si j’trouvais leur musique épouvantable, ils s’en sont vraiment bien sorti dans l’métier. Ils sont partis à Sydney et j’ai pas choisi d’les suivre. Il fallait que j’reste… Ici. “ Pour tuer un homme. Il était peut-être bien passé à côté de la gloire, de la richesse, par esprit de vengeance. Qui pourrait comprendre ça ? La suite de l’histoire est évidente, il a continué, il s’est formé et voilà. Pas très intéressant à raconter, alors il fait l’impasse.

“ Tu…” Ouais, elle n’avait pas beaucoup mieux à faire de ce qu’il avait compris et puis, ça lui permettrait de garder un oeil sur elle, si elle venait ici ? “ J’ai pas d’quoi te payer à temps plein. “ Hors de question de sortir un salaire pour la jeune femme avec l’immonde argent de son père. Alors ils devront faire réellement fonctionner cet endroit, s’ils décidaient qu’elle vienne aider par ici. “ T’as vraiment envie de trainer ici ? “ Il ne voulait pas qu’elle soit polie, juste sincère. Il ne serait pas vexé. “ J’sais plus c’que c’est… D’bosser avec quelqu’un. “ Il se sentait un peu plus vulnérable que prévu en avouant ce fait, le fait qu’il ne sait plus vraiment ce que c’est, de voir quelqu’un régulièrement, tout simplement. D’avoir des relations sociales, globalement. " Ça m'déplairait sans doute pas... J'ai juste oublié c'que ça fait... " Passer d'une vie en colocation à l'ermite de l'espace caravaning, c'était un sacré changement et il ne savait pas s'il y aurait de retour en arrière pour lui.

Il soupire doucement avant de finalement se décider à se mettre au travail concernant cette fameuse guitare, comme quoi, un peu de compagnie ça donne aussi un peu de motivation.

Manwë, il m'avait connu dans tout un tas de situations, bien différentes les unes des autres. A commencer par cette rencontre, lorsque je débordais beaucoup trop de bonheur, faussement bercée d'illusions. Et puis il m'avait aussi ramassée à la petite cuillère lorsque j'avais atteint le fond du gouffre. Il avait été de ceux qui m'avait aidé à remonter la pente, à me faire raccrocher à la vie. Chacun de ses mots avaient un gros impact sur moi, beaucoup plus que je ne le pensais. Tout comme ma mère, il faisait partie des personnes maintenant que j'voulais plus décevoir. J'voulais plus être l'ombre de moi-même, j'voulais plus être la p'tite brebis égarée, qui fait n'importe quoi et qui s'laisse aller aux vices. J'voulais reprendre le contrôle sur ma vie, et j'crois que j'm'en sortais pas si mal depuis quelques temps. Depuis que j'avais éloigné les gens toxiques, et que je m'étais rapproché des gens qui comptaient. L'arrivée de Ciàn aussi, mon père biologique, dans ma vie, me bousculait un peu, mais au fond, c'était peut-être un socle supplémentaire dans ma recherche d'équilibre. J'avais besoin d'être entourée, d'me sentir protéger, d'me sentir épauler, et Manwë, il faisait tout ça à la perfection, sans forcement s'en rendre compte. Quand j'étais dans son espace vital, quand il était près de moi, j'avais comme l'impression que rien pouvait m'arriver, que j'pouvais tout lui dire, que j'avais pas besoin d'faire semblant.

Aujourd'hui, il m'ouvrait les portes de sa boutique. J'en découvrais un peu plus sur lui, sur son activité, sur son environnement. Il semblait assez résigné vis à vis de son magasin, comme s'il attendait juste que le commerce se meurt. C'était un sauvage Manwë dans ses approches sociales, mais j'crois qu'il me laissait une p'tite place et je manquais jamais de m'engouffrer dans les petites brèches qu'il ouvrait pour moi. Apriori, c'était pas un spécialiste du travail en équipe, personne n'avait voulu s'associer avec lui, peut-être qu'il n'avait jamais laissé la possibilité à quelqu'un de le faire. Je laissais en silence ses quelques mots avant qu'il ne me parle de son passé de videur. Je l'imaginais bien assez virulent, sans pitié pour les fauteurs de troubles, n'hésitant pas à user de la force pour les dégager. C'était peut-être ça qui lui avait fait défaut mais force est de constater que Manwë, il était toujours droit dans ses bottes. C'est du moins l'impression que j'en avais. Manwë soulignait le calme de cet endroit. J'regardais un peu autour de moi, c'est vrai qu'il y avait une certaine forme de quiétude qui se dégageait de tous ces instruments. Je hochais la tête à ses mots.

Luthier, c'est pas un métier commun et j'me demandais bien comment Manwë avait trouvé cette voie. J'le regardais, attentivement, parce que j'étais vraiment curieuse, premier degré. Ca me permettait aussi d'en apprendre un peu plus sûr lui. Il m'expliqua alors, longuement son parcours. C'était pas habituel d'entendre autant de mots de sa part, alors j'en perdrais pas une miette. Aussi bourru qu'il était, Manwë avait été en colocation. J'souris un peu lorsqu'il soulignait le fait qu'il avait été en ville, un jour, avec des gens. C'était assez difficile de l'imaginer en colocation mais ça avait eu au moins le mérite de lui permettre d'apprendre à bricoler des instruments.

Et puis, j'sais pas trop pourquoi, mais j'lui proposais mon aide pour redonner un peu de vie à cet endroit. C'était assez lugubre, pas très éclairé, et il manquait clairement d'une petite touche de décoration pour rendre l'endroit attrayant, pour faire revenir la clientèle. Manwë semblait assez surpris de ma proposition. J'secouais la tête quand il parlait de salaire. "C'est pas un problème. Vois ça juste comme une envie d'aider à mieux faire tourner la boutique." Je haussais un peu les épaules et je reprenais. "J'vais continuer à travailler au domaine viticole le matin, et le reste du temps, j'serais là. Et si ça fonctionne, j'pourrais être là plus souvent." J'lui fais un p'tit sourire, pour qu'il comprenne bien que passer du temps avec lui, c'était quelque chose qui m'allait complètement. J'allais peut-être passé pour un p'tit bernic, à traîner dans ses pattes, mais j'pouvais me rendre utile. Manwë semblait un peu dubitatif quant au fait de travailler avec quelqu'un. J'pouvais comprendre, il y tenait à sa tranquillité. Alors j'tentais de le rassurer, avec un petit air espiègle. "J'te promets que j'me ferais toute petite!" Manwë finalement se pencha sur cette guitare qui avait besoin de réparation. J'restais à côté de lui et j'le regardais faire. Chacun de ses mouvements étaient minutieux, il semblait assez concentré. Moi, j'voulais pas le déranger, j'voulais pas le déconcentrer, alors j'restais bien silencieuse. Mais j'loupais rien de ce qu'il faisait. "Si j'peux t'aider à quelque chose.." que j'soufflais presque en murmurant pour éviter de lui faire perdre le fil de ce qu'il faisait. Puis, regardant un peu autour de moi, je repérais un morceau d'étagère qui était bien en bazar. Je m'approchais, et j'me rendais compte que j'étais bien trop petite pour l'atteindre. J'déplaçais alors le plus silencieusement possible une chaise et j'montais dessus pour être à hauteur. Il y avait quelques boites avec des outils, et j'décidais de remettre un peu d'ordre. Un peu maladroitement, j'faisais tomber un bocal rempli de p'tit clous. Le fracas de la chute claqua dans le silence de l'atelier. Toujours debout sur la chaise, j'me retournais vers Manwë, avec une p'tite moue désolée. "Oups. Tu regrettes déjà hein?" que j'lui dis en minaudant un peu, descendant de ma chaise pour aller ramasser les objets tombés au sol.

Il ne savait pas comment il pouvait se retrouver là, avec Maddie qui lui disait vouloir venir travailler ici. Il avait tendance à se laisser porter par les événements lorsqu’elle est là. Elle a éveillé chez lui une certaine curiosité, celle d’une vie différente. Elle avait ouvert une brèche et c’était Hazel qui s’y était engouffrée sans même qu’il ne s’en rende encore compte. Quelque part… Maddie était à l’initiative de sa découverte du bonheur, s’il se rendait compte de ce qu’il vivait ces derniers temps.

Il a simplement acquiescé, si elle faisait revenir du monde ici, il pourrait sans doute la rémunérer davantage. Il pourrait la payer, avec l’argent de son père. Un fric dont il ne voulait pas faire usage, qu’il laissait pourrir à la banque, incapable de décider qu’en faire. Il n’avait pour ainsi dire, pas envie de penser à ça, faire comme s’il n’y avait rien, comme si le problème ne se posait pas, c’était bien plus simple. Il avait utilisé qu’une petite partie jusque là, pour payer son avocate bien au courant de cet héritage, et puis au début il s’était permis quelques dépenses, il est vrai… Avant de bien vite se raviser, de se sentir terriblement sale.

“ Toute petite, hm ? “ Il n’était pas convaincu. Il ne s’opposait pas à la proposition de Maddie, il se disait que s’il faisait l’effort de venir travailler tous les après- midi et non pas uniquement quand ça lui chante, il retrouverait une certaine stabilité. Sa présence semblait déjà faire de l’effet, parce qu’il se décidait à travailler sur cette fameuse guitare.

Son regard d'émeraude se lève sur la brune lorsqu’elle lui demande ce qu’elle pourrait faire pour l’aider. Il n’eut pas vraiment le temps de répondre qu’elle trouva une occupation sur l’une des étagères. Il faut dire que même si l’endroit était propre, c’était assez désorganisé. Lui, il s’y retrouvait, dans son bordel organisé. Il avait une petite envie de sourire qu’il refrène malgré tout, jusqu’à ce qu’il entende un fracas perturber le calme de l’atelier. Ok, il ne s’attendait pas à du silence, mais là !

Il penche la tête pour analyser la situation, elle ne semble pas blessée, c’est déjà ça. “ Fais attention… Il y a ce qu’il faut dans l’placard. “ Il désigne le dit placard à balais d’un signe du menton. Il aimerait beaucoup qu’elle cesse de l’attendrir comme ça, parce que contrairement à ce qu’elle fantasme, il n’a aucune idée de comment avoir un comportement paternaliste. Il sait épauler dans les mauvais moments, c’était un peu sa spécialité même, mais pour ce qui est des bons moments, du partage, il était souvent exclu. De part lui-même ou part les autres, il s’était fait oublier, trouvant une forme de paix à défaut d'être heureux.

Sous les bruits de clous que l’on racle, que l’on ramasse, leur tintement au fond d’un bocal, il poursuivait son travail. Il fut assez productif malgré tout, par cette présence sans doute. “ Hé… Tu veux bien appeler l’client pour lui dire que sa guitare est prête pour demain ? “ Franchement, parler aux gens c’était une corvée pour lui, sauf avec ceux qu’il choisi. Alors, puisqu'elle est là… Non ? Il lui adresse enfin un p’tit sourire en lui tendant son vieux téléphone portable. “ Le numéro est dans l’grand cahier. “ Il y avait deux trois cahiers sur le bureau, de trois couleurs différentes, mais lui, il les différencie avec leur taille. “ Hm… J’espère qu’il ne va pas être désagréable… Il attend depuis un moment. “ Ouais à y réfléchir, c’était un peu envoyer la jeune au casse-pipe, mais il ne la bordait pas, il ne la prenait pas pour une petite fille, il était persuadé qu’elle saurait s’en débrouiller. Parce que si elle veut vraiment trainer ici, elle devait s’faire à l’idée que y’a pas grand monde qui l’aime et que franchement les gens agréables ne se bousculent pas par ici. “ S’il devient con, tu lui dira que j’lui dois une branlée pour The Larrikin. Il comprendra… “ Il pouvait bien partager avec elle ses munitions ceci dit. Bien qu’il continuait de travailler, il écoutait avec attention ce qu’il se passait juste à côté.

Il pensait pas trop au fait que son portable c’était l’accès à ses messages, que ce soit les multiples menacés qu’il recevait très régulièrement, comme les mots qu’il échangeait avec Hazel. Manwë, c’était définitivement pas le geek de l’année.

Alors voilà, j'crois que c'était acté, j'allais traîner par ici beaucoup souvent que je l'imaginais et cette idée, elle me plaisait bien. J'avais p'tete imposé ma présence à Manwë, j'savais pas trop, comme c'était pas un causant j'arrivais pas tellement à savoir si ça lui procurait du plaisir de savoir qu'il allait m'avoir dans ses pattes encore plus que d'habitude. Mais j'étais persuadée, de toute façon, qui si Manwë avait eu une seule once d'hésitation, il me l'aurait dit. Il mâche jamais ses mots, même avec moi. Alors s'il avait été contre, il m'aurait simplement lâché qu'il avait pas envie d'un p'tit bernic accroché à ses basques, j'aurais juste haussé des épaules et on serait passé à autre chose. Mais non, j'crois que c'était officiel. J'avais ma p'tite place ici. Et j'comptais bien, d'une, remettre un peu de lumière, de décor et de chaleur dans sa boutique et de deux, l'aider au maximum, comme je pouvais. Je hochais simplement la tête lorsqu'il semblait un peu tiqué quand au fait que j'allais me faire toute petite. J'levais ma main vers lui et j'faisais un tout p'tit écart entre mon index et mon pouce, pour imaginer la place que j'allais prendre. "Petite, comme ça." J'avais un p'tit peu de malice dans les yeux mais c'était assez sincère. L'idée, c'était pas non plus de le déranger, juste de lui redonner de la motivation pour travailler et puis j'lui offrais un peu de compagnie aussi. Alors qu'il se mettait justement à réparer cette guitare, j'avais trouvé une occupation. J'étais pas très adroite et j'avais fini par faire tomber un bocal. Forcément, ça brisa le silence collégiale de l'atelier et j'croisais les yeux de Manwë, j'étais bien désolée là. Il me montre d'un signe de tête un placard avec ce qu'il fallait pour ramasser mes bêtises. J'me remets au travail en silence, je ramasse ma bêtise et je reprends ma tâche. J'remets pas mal d'ordre. Enfin, c'est pas que c'est en bazar, c'est juste que j'me dis qu'il faudrait que tout ça, ça ait une vraie unicité. Comme avec des boites ou des bocales identiques, avec des p'tites étiquettes. Ce genre de truc, qui rendait le tout plus chaleureux. Plus instagramable. (même si j'suis tout à fait convaincu que ce genre d'argument ne plairait pas spécialement  à Manwë.) Finalement, il décide de me donner la première vraie mission. J'dois appeler un client. J'écoute ces consignes tandis que j'empoigne son téléphone. D'après ce qu'il me dit, j'dois m'attendre à avoir quelqu'un de pas très aimable au bout du fil. "J'vais gérer t'inquiète pas!" que j'lui dis, l'esprit léger. J'ai jamais eu vraiment peur de parler à des inconnus et j'suis sûre qu'il sera ravi de savoir que sa guitare est prête. J'ouvre le grand cahier et je trouve le contact du client en question. Un certain Brett Warren. J'compose le numéro et je m'accoude au comptoir. J'prends ma p'tite voix de fille polie.

"-Oui, bonjour, artisan luthier de Bowen au téléphone, vous êtes bien monsieur Warren?
- Manwë? Qu'est tu fous ? Pourquoi t'as une putain de voix de nana?"
J'me racle la gorge.
"- Non, non, c'est pas Manwë, c'est Maddie. Je.. je suis en stage chez lui."
Au bout du téléphone, il y a comme un blanc. J'reste focus, j'vais me débrouiller sans Manwë. Comme j'ai dis. Je reprends.
" - Je.. je vous appelle pour vous dire que votre guitare sera prête demain. Elle est toute réparée, toute belle, à vrai dire.
- Mais qu'est ce que c'est ces conneries?"
J'me laisse pas démontée.
"- Dites donc, monsieur Brett Warren, c'est quoi ce langage là? J'vous appelle pour vous annoncer une bonne nouvelle, un peu d'entrain tout de même. J'répète au cas où, votre guitare est prête."
Je l'entends qui grommelle au téléphone.
"- Vous avez bien noté, c'est bon? .. parfait. Alors j'vous souhaite une agréable soirée. Ah hé, monsieur Warren?
- Quoi encore ?
- Manwë vous doit une branlée à The Lurrakin. Cordialement."

Je raccroche, toute fière de moi. J'ai bien écorché le fameux truc auquel Manwë doit une branlée à Monsieur Warren, mais j'sais absolument pas du quoi il en retourne, alors j'ai pas retenue le mot. En fermant le téléphone, je vois une notification, provenant tout droit d'Hazel. J'garde ça dans un coin de ma tête et je m'approche de Manwë. "Tous tes clients sont aimables comme des portes de prison?" que j'lui demande assez sérieusement. J'lui tends son téléphone et j'me cale à côté de lui, les deux coudes sur le plan de travail, ma tête posée dans mes mains. J'laisse un petite silence et j'tiens plus. J'dois lui dire qu'il a reçu un message. "Héé, Manwë, j'crois que t'as reçu un message." que j'lui dis, assez malicieusement. J'avais déjà essayé de lui parler d'Hazel, un peu plus tôt, mais ça n'avait pas pris sur lui. Peut-être que là, il allait finir par faire 1+1 et comprendre de quoi je parlais. Parce que moi, j'étais bien curieuse.

Manwë savait bien qu’il laissait sa boutique à l’abandon depuis un an, il travaillait quand ça lui chantait ou que ça devenait trop urgent de payer certaines factures. Le brun se fichait pas mal de tout ça, il y avait pas mal d’argent dans cette boutique, pour que le jour où il fermera, la vente des instruments présents lui permette de vivre quelque temps. Sans doute… S’il arrive à tout vendre, bien qu’il ne se fasse pas de souci pour ça. Le facteur Maddie, il ne l’avait pas pris en compte dans l’équation. Elle se cherchait une voie, et lui… Il se cherchait une raison de venir lever le rideau de cet endroit tous les matins.

Après qu’elle ait mis du désordre et rangé à nouveau, il lui propose finalement une mission un peu différente. Ça ne semble pas la refroidir, de devoir se frotter à des clients mécontents, alors soit… Il la laisse filler avec son téléphone, sans se soucier du reste, laissant une oreille traîner un peu, au cas là… De ce qu’il entend, la brune se débrouille très bien avec Warren. Il esquisse un léger sourire, dans le dos de la jeune femme, parce qu’elle l’amuse un peu. Il reprit un air un peu moins amusé lorsqu’elle revint vers lui, bien qu’une lueur malicieuse luisait toujours dans ses yeux verts lorsqu’elle revint près de lui.

“ Une bonne partie oui, mais j’suis pas mal responsable de leur amabilité. “ Il ne pouvait pas jouer les victimes dans tout ça, il avait beaucoup trop de retard alors qu’il avait pris des acomptes, bref, sa gestion était déplorable. Il n’était pas commerçant lui après tout, juste un artiste, et un mec en galère qui se débrouille comme il le peut. “ Mais t’as bien géré l’truc… “ Était-ce un compliment ? Oui… Mais il n’allait pas non plus lui faire une petite tape sur le dessus de la tête pour la féliciter, faut pas trop lui en demander à cet homme bourru. Lui, ça lui avait évité de devoir menacer quelqu’un, du moins, pas de lui même, de rester calme en gros… De gérer un peu sa colère ? C’était presque bizarre, mais pas déplaisant, juste un peu déroutant…

Comme pas mal de choses dans sa vie ces derniers temps.

Comme la présence d’Hazel dans sa vie, une présence inqualifiable, qu’il se répétait être une mauvaise idée, qu’il était pourtant incapable d’éloigner de lui. Il se disait que la vie le ferait tôt ou tard, pas trop tard sans nul doute. Un jour, il s’en persuade. Il reprit son téléphone sans le regarder, prenant le temps de terminer son travail avec une Maddie qui le regardait d’un peu trop près à son goût. “ Hm ? “ Il avait reçu un message, il y avait quoi de si extraordinaire à ça ? Voila bien ce que demandait son regard en retour à la lueur malicieuse qui l’observait. Afin de comprendre, il consent à ouvrir son portable et ce fameux message d’Hazel :

Hazel a écrit:

Maaaan, mon Manwë des îîîles, devine qui c'est ?   Jpensais à toi, j'me dis que t'es pas dans mon lit, c'est grave pas cooool !! J'serai pas contre un p’tit doigt see ?....allez, bisous p'tit cul.  

Les sourcils de l’homme s'envolent littéralement à la lecture de ce message, ses yeux se permirent une deuxième lecture pour s’assurer de ce qu’il était en train de lire, il en oublia la présence de Maddie. Pas longtemps, bien entendu, il tourne doucement la tête vers la brune en fermant l’écran de son portable. “ Aucune chance pour que t’oublie ça, hein ? “ Dommage, parce que lui, il n’avait aucune idée de quoi faire dans ce genre de situation, en tout cas, certainement pas encourager la conversation…  

J'savais pas tellement si c'était moi ou lui qui avait le plus à gagner de cette situation. Mais clairement, on était pas là pour faire les comptes et dans l'idée, si ça pouvait être un minimum donnant-donnant, alors c'était le principal. J'avais pas hésité trop longtemps à lui proposer ce p'tit deal, de traîner un peu plus souvent par ici. Ca me plaisait bien cet endroit, et puis, l'activité de Manwë, elle m'intriguait pas mal. J'étais pas musicienne pour deux sous, ma mère n'avait jamais eu suffisamment d'argent pour me payer des cours, mais j'me sentais bien dans cet atelier. Et j'crois que j'avais envie de donner une seconde vie, une seconde chance à ces instruments, comme on m'avait donné à moi une seconde chance. C'était un peu métaphorique tout ça, mais ça m'plaisait bien comme idée. Ma présence ici, chaque après-midi allait donner un rythme à ma vie et peut-être aussi à la sienne. Manwë, il allait pouvoir se remettre un peu plus sérieusement au travail, et peut-être que bientôt il n'aurait plus de clients mécontents à appeler. Mais pour le moment, c'était la tâche qu'il m'avait donné. Appeler un client qui ma foi n'avait pas vraiment sa langue dans sa poche. J'crois qu'il attendait depuis longtemps mais j'm'étais pas laissée démonter. Peut-être qu'il allait débouler dans l'atelier la colère sur le visage dès le lendemain mais en tout cas, moi, ça me plaisait bien d'être la p'tite standardiste personnelle de Manwë. Et ma fonction prit une toute autre tournure lorsque je voyais le message que Manwë venait de recevoir. Je ne l'avais pas ouvert mais il avait défilé, en haut de l'écran et j'avais pu en lire le contenu. J'étais revenue comme si de rien vers lui, lui tendant son téléphone et faisant une réflexion sur ses clients. "Eh bah ça va changer à partir d'aujourd'hui. J'en suis certaine." J'étais peut-être un peu optimiste pour le coup. Ok, les commandes allaient peut-être être honorées plus rapidement, mais il n'en demeurait pas moins que Manwê était probablement le gars le plus bourru de tout Bowen. C'était bien que je gère le contact client après tout. J'y apporterais ma p'tite touche de féminité, un brin de douceur et un joli sourire et ça finirait par passer. Je hochais la tête. "C'était marrant en tout cas." que j'lui dis avant de poser mes deux coudes sur la table et d'le toiser d'un regard vraiment malicieux. Ouais, le message d'Hazel là, il tournait presque en boucle dans ma tête. C'était ultra intrusif mais j'pouvais pas m'empêcher de lui parler de ça. Manwë, il prit son téléphone et j'crois que j'prenais un malin plaisir à voir son visage de décomposer. C'était clairement pas de chance pour lui, ça c'était jouer à quelques secondes. J'me retenais de rire, mais un beau rictus venait élargir mes lèvres que je gardais fermement closes. J'laissais le temps à Manwë d'écarquiller les yeux bien comme il fallait et finalement, il reporta son attention vers moi et je secouais la tête avec ferveur pour répondre à sa question. "ZERO!" J'me mettais à ricaner, presque comme une gamine. "T'en reçois beaucoup des messages comme ça .. Manwë des îles?" J'me moquais un peu de ce surnom ma foi très originale. Ca me surprenait même qu'il se laisse appeler ainsi. Mais connaissant Hazel, j'crois qu'elle ne lui laissait pas tellement le choix. Elle était géniale cette fille, et j'sais pas si Manwë savait qu'on était copines toutes les deux. "C'est de elle dont je t'ai parlé tout à l'heure, dans le mobil-home. Ton "AMIE"." L'occasion est vraiment magnifique, mais j'ai pas envie non plus d'le mettre dans une situation d'inconfort. Même si, je pense, qu'il l'est déjà largement. Je balaye d'un geste de la main devant moi et j'le regarde toujours amusée. "Allé, c'est promis, je t'embêterais avec ça qu'une seule fois par jour!" J'continue à ricaner avant de porter mon attention vers la guitare, comme pour lui montrer que pour aujourd'hui, j'en ai fini avec ça. Sauf s'il veut en parler. Là, clairement, je serais bien, bien présente.

Il lui faudra certainement du temps pour s’habituer à cette présence, il était si solitaire que ça ne le dérangeait pas de passer des jours entiers sans voir personne. Même, il appréciait ces journées. Alors avoir quelqu’un ici, dans son quasi sanctuaire, il n’aurait sans doute pu le faire qu’avec bien peu de personne. Maddie apportait un peu de vie à cet endroit et il savait qu’elle avait besoin de lui, encore un peu. Il ne savait pas comment ils en étaient arrivés là, mais c’était juste comme ça. Et à cause de tout ça, maintenant, lui-même ressentait l’étrange besoin de garder un œil sur elle, d’être sûr qu’elle va bien.

Il l’avait missionné, elle s’en était très bien sortie et avec son optimisme, elle pensait que les clients seraient plus agréables à la longue. Le pire, c’est qu’il voulait bien la croire pour une fois, mais ça serait grâce à elle, pas lui.

Puis il eut ce message. Le pire de tous, sans doute, qu’Hazel aurait pu lui envoyer au moment où Maddie avait le téléphone entre les mains. Zéro chance qu’elle oublie, il l’aurait parié tiens… “ Non, pas beaucoup. “ Grognait-il, n’ayant pas vraiment apprécié le surnom des îles. Où est-ce que Hazel était allait chercher un sobriquet pareil ? En tout cas, ça avait l’air de bien l’amuser, la Maddie et il ne pouvait pas lui en vouloir. “ Je ne sais pas si je dois me sentir rassuré que tu connaisse si bien mon “AMIE”. “ Il avait tenté de l’imiter, mais venant de sa propre bouche, ça le fit juste grimacer. Il n’était pas prêt à assumer publiquement cette… Quoi au juste ? Il n’en sait rien… Bordel, voila qu’il commence à se demander si Hazel se considérait en couple avec lui, au point d’en parler avec ses petites camarades. Non, ça serait absurde… Bordel, Maddie est sa p’tite camarade ? BORDEL, IL ÉTAIT INFINIMENT TROP VIEUX POUR ELLE !

“ Une seule fois par jour ? J’te crois… “ soupirait-il en reprenant son tournevisse de précision pour le pointer vers la p’tite brune comme on menacerait avec une arme blanche, bien que là, ça n’avait pas grand chose d’impressionnant. “ Va pas t’imaginer des trucs. Elle est certainement ivre ou que sais-je… “ Ouais, c’était la seule explication qu’il trouvait à ce message auquel il n’avait clairement pas l’intention de répondre ! “ Et puis pourquoi j’me justifie, t’as pas un autre truc à casser plutôt que d’ricanner, hm ? “ Et malgré lui, il affiche un p’tit sourire. Il ne s’explique clairement pas comment il arrive à se retrouver dans cette situation grotesque, mais se concentrer sur le travail, c’était pas si mal.

Quelques minutes plus tard, il terminait. Il réalise à nouveau la présence de Maddie avant de se lever pour aller chercher un jeu de cordes. “ Bon, c’est le verdict. “ Il lui montra comment mettre la première corde et l’art de faire le nœud proprement avant de lui confier la mission pour les prochaines. La basse de son travail c’était de savoir changer des cordes correctement et Maddie se débrouillait étonnement à merveille. “ C’est… Très bien. “ Dit-il, presque gêné de distribuer un compliment. Il examine à nouveau le manche, tout semblait correct, mais le test ultime était bien de jouer un p’tit morceau. Après quelques notes pour accorder l’instrument, il s’employa modestement à jouer Zombie, des Cranberries avec une certaine paix sur le visage et plus de douceur que personne ne pouvait soupçonner de sa part... À part Hazel des îles, sans doute. “ Prête à être rendue. “ Déclare-t-il à la fin du morceau en reposant l’instrument sur la table. “ Pourquoi tu m’regarde comme ça ? “ Il arque son petit sourcil interrogateur, s’attendant à n’importe quelle connerie pouvant sortir de sa bouche.

Manwë, il était assez secret. C'était pas le genre à s'épancher sur sa vie privée alors même si on passait pas mal de temps ensemble ces dernières semaines, j'savais pas trop c'qu'il en était de sa vie. J'tentais de prendre quelques infos sur son passé quand il voulait bien m'en parler mais c'était toujours une sacrée besogne d'le faire causer. Alors là, quand j'reviens d'un appel téléphonique à l'un de ses clients, et que j'tombe sur ce message, c'est du pain béni. En vrai, le message est ultra, mais genre ultra intime, j'crois qu'Hazel serait pas super high de savoir que j'avais lu ça, mais en vrai, moi ça me fait rire. J'ai pas encore pris le temps d'analyser la différence d'âge tout ça, j'suis pas du genre à accorder de l'importance à ça. Tout ce que je vois là, c'est que Manwë, j'l'ai un peu pris la main dans le sac et que j'compte m'en servir pour avoir quelques informations. Mais Manwë, c'est toujours le même alors il grommelle plutôt que de parler. J'manque pas de bien lui souligner que cette Hazel, j'la connais bien. On s'était rencontré à la supérette et devinez quoi? Le premier sujet de conversation qu'on avait eu, c'était Manwë. Je hausse les épaules à son questionnement. "Ca change pas grand chose en vrai que j'la connaisse." J'marque une p'tite pause et je reprends, avec un regard amusé. "On s'fera une soirée pyjama avec elle, juste pour qu'elle me raconte tout ce que toi, tu veux pas me dire." Finalement, j'lui promets que j'lui en reparlerais pas trop souvent, juste histoire de remuer le couteau dans la plaie, de temps en temps. J'continue de ricaner quand il semble ne pas me croire et qu'il tente vainement de justifier le message d'Hazel. "Ouais ouais, en pleine après-midi, j'vois pas d'autres explications." que j'dis bien ironiquement, mais finalement, il se reprend et m'envoie un p'tit pique accompagné d'un léger sourire. Moi aussi j'souris, beaucoup plus que lui, toujours très amusé par la situation. "J'ricane pas." que j'dis presque dans un murmure, étouffant un nouveau rire. J'me contente ensuite d'me redresser comme pour retrouver mon sérieux. Finalement, Manwë retourne à son travail et j'reste à côté de lui, regardant chacun de ses gestes. Il s'lève en silence et va chercher un jeu de corde. Il s'emploie à poser la première, m'expliquant au passage la marche à suivre et me donne ensuite la guitare pour que je continue la suite. J'ai tout bien écouté et j'me concentre, suivant chaque étape, du mieux que je pouvais. J'crois que j'faisais du bon travail parce que Manwë me gratifia d'un p'tit compliment que j'relevais pas. Mais dans le fond, ça me faisait bien plaisir ce qu'il venait de me dire et surtout, j'avais pris pas mal de plaisir à replacer les cordes sur cette guitare. J'rends la guitare à Manwë et il s'emploie à l'accorder. J'reste silencieuse à côté de lui, entendant les notes de musique changer de hauteur, sans perdre une miette de ce qu'il faisait. Et puis, là, il s'met à jouer, et genre, c'est beau. J'peux pas le dire autrement. C'est doux, c'est calme, et j'vois le visage de Manwë apaisé, concentré aussi, mais serein. C'est la première fois que j'le vois comme ça. Et ça me réchauffe le coeur. Vraiment. Genre, j'me sens super privilégiée d'entendre ça. C'est comme si le temps s'était arrêté. Et lorsque les dernières notes se font entendre, j'reste à le regarder. Sans pouvoir détourner mes yeux de lui. Il voit bien que j'bouge pas et que j'suis comme hypnotisée. Sa voix me rappelle un peu à la réalité et j'ai un p'tit mouvement bref de tête pour me sortir de mes songes. J'souffle un peu. "C'était beau." que j'dis assez simplement. Puis j'plisse un peu des yeux, comme si j'cherchais à sonder son âme. "Tu m'as menti." Je marque une pause. "T'es un musicien Manwë." J'porte mon regard vers la guitare. "Quand t'en joue d'ce truc là, t'as pas le même air." J'relève les yeux vers lui et j'me mets à sourire un peu. Juste parce que je sais que tout ce que je viens de dire là, ça va sûrement lui faire ni chaud ni froid. "Avec ça là, tu vas la faire bien craquer ta p'tite rousse." Ouais, là c'était plus fort que moi et j'ai des p'tites étincelles dans le yeux, bien contente de ma bêtise.

hj : j'ai adoré ta réponse

Manwë n’était pas particulièrement à l’aise lorsqu’il était question de parler de lui-même, que ce soit de son passé ou même de ses relations présentes. Il n’aimait pas parler, de manière générale. Pas même pour bavasser de la pluie et du beau temps, alors évoquer sa vie sentimentale avec Maddie était complètement exclu. Elle disait connaître Hazel, au point de se faire une soirée pyjama, il ne pu contenir une légère grimace en imaginant le contenu de ce genre de soirée… Il avait déjà eu un aperçu avec Ella, lui trainait avec Marcus et Caleb, mais la petite fille bégayante traînait souvent dans leurs pattes. Le brun s’en était accommodé, bien que lorsqu’elle avait commencé à se faire des amies… Il n’avait jamais compris ce principe de se retrouver entre copines dans des pyjamas grotesques et manger un tas de sucreries tout en discutant de sujets plus idiots les uns que les autres. Il n’avait pas vraiment envie de figurer un jour dans ce genre de conversations. “ Il n’y a rien à dire. “ dit-il presque sèchement finalement, agacé, mais pas agressif. Il tente même de justifier le contenu du message, conscient de s’enfoncer plus qu’autre chose, il la somme de cesser de ricaner bêtement, ce à quoi… Elle parvient à avoir malgré tout, le dernier mot.

Ils se remettent à bosser, il s’employa à lui expliquer comment faire pour changer les cordes et la voir s’appliquer lui arrache un petit sourire et même un peu plus tard, d’un compliment ! Il testa l’instrument après un accordage rapide, se laissant lui-même un peu trop porté par ce morceau d’une grande douceur. Il se laisse voyager au fil des notes, emportant l’espace d’un moment tout ce qui le torture de l’intérieur. La musique lui faisait plus de bien qu’il ne l’admettra jamais, qu’il ne s’en rendait compte lui-même. Les notes versent délicatement dans son âme un flot de douceur dans son âme, elles formaient la voix de tout ce qu’il ne savait dire. Ses doigts tatoués glissaient sur les cordes avec à peu près cette même suavité qu’il déposait sur la peau d’Hazel et la sérénité qu’il se dégageait à ce contact. Sa rousse, il l’avait dans la peau, au moins tout autant que la musique. Peut-être même plus.

Il arque un sourcil lorsqu’elle l’accuse de mentir ! Puis finalement il balance la tête en signe de négation avec un léger sourire en coin après la qualification de musicien. “ Ce truc, c’est une guitare et… Tu m'emmerdes avec tes conneries Maddie Reynolds. “ A court d’arguments ? Ouais, complètement ! Il baisse les yeux sur l’instrument avant de se lever et d’aller le ranger dans sa sacoche et le placer du côté des instruments prêts, soit… Ce n’était pas la place qui manquait de ce côté là. Il balaye la pièce du regard, en silence, avant d’à nouveau reporter son attention sur la petite brune. “ Tu reviens demain ? “ Elle était fragile, instable dans ses idées, c’était pour ça qu’elle était venue le voir. Il aurait pu lui dire la semaine prochaine, mais il voulait l’avoir à l'œil, au moins quelques jours.

Aaaah Manwë et sa légendaire façon d'couper court aux conversations qui ne lui plaisent pas, j'crois que j'men lasserais jamais. Ca m'amuse bien dans le fond toute cette histoire avec Hazel, j'vois que ça l'agace un peu, forcément, que j'aille fourrer mon nez dans ses p'tites affaires. Mais c'est plus fort que moi et pis, qu'on soit honnête, j'y suis pour rien moi qu'il se soit entiché d'une de mes copines. Je hoche la tête quand il me dit qu'il n'y a rien à dire, et on passe à autre chose. C'est toujours comme ça avec Manwë, on reste jamais s'épancher des heures sur des sujets. Il reprend son travail et finalement teste la guitare. Et j'reste scotchée, parce que ouais, Manwë, il m'avait bien caché ce p'tit côté sensible et artiste une fois une instrument entre les mains. J'le vois bien qu'il a l'air bien apaisé, comme j'les jamais vu. Les traits de son visage deviennent doux, sereins. J'peux pas m'empêcher d'le faire remarquer tout en rajoutant une p'tit touche d'humour avec l'histoire de sa belle rousse. Et la réponse tarde pas à tomber, j'ricane encore une fois. Mais j'rajoute rien. J'le suis du regard et lorsqu'il se retourne vers moi, je hoche la tête lentement. "Compte sur moi." J'voyais bien que ça le tenait à coeur de m'avoir un peu à l'oeil, c'était p'tete une manière un peu déguisée pour lui de me surveiller, d'être sûre que j'allais pas re-basculer. J'avais bien remonté la pente là, dans ma vie. Enfin, ça en prenait le bon chemin. J'avais toutes les cartes en mains pour diriger ma vie, plus intelligemment que par le passé. Mais tout comme Manwë, j'savais que j'pouvais vaciller aux moindres petits obstacles. Et même si j'me convainquais que j'étais bien forte maintenant, plus stable, ça restait bien précaire. J'me lève à mon tour et j'vais récupérer mon sac à dos que j'avais laissé dans un coin de la pièce. Puis, j'm'avance vers Manwë. J'repense à tout ça, une fraction de seconde, de tout ce qu'il fait pour moi, de c'qui m'apporte de stabilité, de confort et de sécurité. Alors, sans trop réfléchir, j'me blotti contre lui, quelques secondes. "Merci." que j'dis très simplement, en fermant les yeux. Puis j'me détache, tout aussi rapidement. J'sais bien que Manwë, c'est pas sa tasse de thé les élans comme ça, mais c'était plus fort que moi. Ce merci, il englobe tellement de choses, tellement d'étape que j'ai franchis alors qu'il était là. J'me recule et j'lui fais un p'tit signe de la main avant de tourner les talons et de quitter la boutique. J'vais revenir demain, et les jours d'après. Parce que ici, c'est comme un refuge, un endroit où j'sais qu'il ne pourra strictement rien m'arriver. Ou si, mais que des choses positives, des choses bonnes pour moi. Pour nous.

FIN