#23 - une chose est sûre on restera la meilleure famille qu'on n'ait jamais eue - Daniel

17h. "...cinq, six, sept, huit neuf, dix, attention j'arrive!" J'me décale du mur contre lequel je m'étais appuyé pour cacher mes yeux. J'me retourne et j'me mets à chercher, un peu partout dans l'appartement, en commentant tout ce que je fais. "Aloors petite Prunille, je suis sûre que tu es .... DERRIÈRE LE RIDEAU!" J'écarte le rideau, en faisant des grands gestes et personne. "Ohh mais tu es tellement bien cachée, je suis sûr que tu as disparu ! C'est de la triche ça Prunille!" Je l'ai bien vu ma petite nièce, avec sa petite couette qui dépasse de derrière le comptoir. J'fais genre. Et forcément, la petite, elle s'met à glousser en écoutant mes bêtises. Alors, elle sort de sa cachette, d'un bond, en écartant les bras. "Mais non Tontoooon, je suis lààà!" J'rigole avec elle avant de l'attraper pour venir la chatouiller ce qui redouble encore un peu plus les rires de la petite fille. "J't'ai trouvé!"

Ouais, quand je suis avec Prunille, on s'demande bien lequel des deux est le plus gamin. Avec elle, j'retombe toujours en enfance et j'crois que j'me lasse pas de jouer avec elle. Faut dire que là, j'lui ai offert une après midi de QUA-LI-TÉ. Après une p'tite sieste, parce que quand même, faut pas déconner, on a prit un p'tit goûter à base de brioches et de jus d'orange. Et puis, c'était séance de maquillage. Alors ouais, du coup, les tartines de maquillage pour enfant que j'ai sur les joues, les paupières et le front, apposées avec une approximation d'enfant de quatre ans .. c'est pas ma tête de tous les jours. Mais j'peux rien refuser à ma petite nièce, alors quand elle a commencé à me dire qu'elle voulait me maquiller en princesse, j'ai pas pu résister à son p'tit regard malicieux. J'essaye de passer le maximum de temps avec Prunille, parce que c'est le petit soleil de la famille Bishop. Elle est si adorable. Comment ça j'suis un tonton gaga?

Alors qu'on est encore en train de rigoler ensemble, et que j'essaye tant bien que mal de lui expliquer les règles d'un cache-cache et que non, on ne doit pas sortir de sa cachette avant que l'autre nous ait trouvé, on entend sonner à la porte. "Oh, c'est qui tu crois?" La petite fille me regarde avec ses grands yeux. Je hoche la tête. "Je crois que c'est ton papa, tu vas lui ouvrir?" Prunille, elle virevolte jusqu'à la porte, elle s'met sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée et elle libère la porte d'entrée, pile poil devant son père, Daniel. Mon frère à moi. J'suis content de le voir, et là, à ce moment précis, j'ai bien oublié d'enlever le maquillage de mon visage. "Héé Dani, on t'attendait pas si tôt!" J'lui souris, content d'le voir. Parce que j'suis toujours content de voir mon frère.

@Daniel Bishop

18h30. J'entends des pas derrière la porte. J'imagine bien ma petite Prunille sur le bout de ses orteils tenter d'ouvrir la porte d'entrée... et réussir. Elijah avait accepté de garder la p'tite quelques heures, le temps que j'aille couvrir une séance de dédicace d'un auteur à la librairie avec mon équipe. Je pouvais toujours compter sur ma famille pour garder la petite en mes absences non voulues. C'est vrai que je n'aimais pas trop me "servir" de leur gentillesse envers elle, ils ne sont pas là pour ça. Devenir papa célibataire n'avait pas été simple, même si je voulais toujours faire croire que je faisais ça les yeux fermés, j'ai mes moments de faiblesse qui se comptent sur bien plus que les doigts d'une main. Mais voilà, j'étais l'homme de la famille, depuis la disparition de mon père. J'étais celui sur qui il fallait pouvoir compter n'importe quand. Alors, il fallait être fort, n'importe quand. Même quand la femme enceinte de ton enfant décide de ne pas en vouloir, ou encore à terme de vous abandonner. Même à ce moment là, il a fallu être fort et ne pas vaciller. Parce qu'il y avait Aurora, parce qu'il y avait leur mère et Elijah. Puis Prunille, plus que tout, de qui j'étais responsable maintenant, seul.

Je dois avouer que ma famille, en particulier Elijah, s'en sortait comme un chef avec elle. Un vrai tonton gâteau, la vie de ma fille serait bien vide sans sa présence. Ma choupette ouvre la porte et alors que je l'attrape pour lui faire un gros câlin et un tour dans les airs, je tombe nez à nez avec mon frère, maquillé de travers (et donc je comprenais l'activité qu'ils ont dû avoir avec Prune), qui était étonné de me voir si tôt. Je gloussais avant de faire comme si je chuchotais à Prune mais qu'il pouvait tout à fait m'entendre : Tu as embellis tatie dis-moi mon p'tit chat lui fis-je avant de tourner ma tête vers Elijah, riant. Mais papa, c'est pas tatie, c'est tonton! me répondit-elle en levant les bras, mine de ne pas comprendre. Je ris de plus belle. Je sais mon amour, je taquine tonton. lui fis-je en posant mes lèvres sur son front. Je faisais mine de la sniffer puis de faire une grimace. Oooh t'as tellement joué avec tonton que tu sens la souriiiiis on va aller te doucher ma p'tite tâche lui fis-je alors en lui faisant des guillis avant de la reposer au sol. J'attrapais la main de ma fille qui me tirait déjà à la salle de bain. La dédicace a finit plus tôt que prévu, oui. Tu restes manger? proposais-je alors à mon petit frère. Viens te débarbouiller à la salle de bain, que j't'appelle pas Tatie Roro. déconnais-je alors en allant vers la pièce voulue afin de laver la petite. Pyjama licorne? lui proposais-je alors comme pyjama après la douche. Et puis une foie l'eau coulée, c'était parti pour la chanson de la douche bien connue...

En sortant, je proposais un temps calme avec des livres à ma fille pour pouvoir aller, en ayant toujours évidemment un oeil sur elle, dans la cuisine ouverte pour préparer le dîner. Merci de t'être occupé d'elle, t'es un super tonton, frérot. le remerciais-je alors comme il se doit, tout en préparant les légumes. Quoi de neuf p'tit frère? lui demandais-je alors, plus sérieusement, maintenant que nous étions entre nous quelques minutes.


@Elijah Bishop

Quand je suis avec Prunille, le temps il défile à une vitesse folle. Faut dire que c'es p'tit machins là, ça use beaucoup d'énergie et ça prend absolument tout mon temps. Mais ça me dérange pas, bien au contraire. Passer du temps avec ma nièce, ça me rend heureux, j'ai l'impression de profiter vraiment d'la vie, de la voir grandir, de la voir s'épanouir, ça me galvanise. Et puis, j'crois que j'craque toujours quand elle m'appelle tonton. Avec sa petite voix et son air malicieux. Il faut dire que mon frère, il fait tout pour elle, et j'vois bien à quel point ça lui prend du temps à lui aussi. Alors quand j'peux la garder de temps en temps, pour qu'il puisse souffler un peu ou pour s'occuper de son boulot, c'est tout bénéf' pour tout le monde. Alors qu'il vient d'arriver, il prend sa fille dans les bras et moi j'reste un peu en arrière, souriant béatement devant la petite fille. La réfléxion de Daniel me fait rire et j'porte automatiquement la main à ma joue, mes doigts ressortent tâchés d'un espèce de maquillage collant bleus avec des paillettes. Ouais, j'étais vraiment au climax de ma beauté là. Daniel annonce le programme pour Prunille, ça sera douche et pour ma part, démaquillage. Je hochais la tête à sa proposition. "Carrément pour l'invitation, j'avais plus rien dans mon frigo, c'est parfait!" que j'lui lance, amusé. En vrai, on faisait pas souvent les courses avec Alexis mais on mourrait pas de faim. Ca m'amusait surtout de me faire passer pour un p'tit irresponsable au yeux d'mon grand frère, parce que je sais que ça l'agaçait un peu. J'les suivais dans la salle de bain après les quelques mots de mon frère. "Ouais, c'est vraiment collant ce machin là! J'sais pas comment elles font les nanas avec ce maquillage." Bon, pas sûr que les femmes utilisent le maquillage "spécial enfant" mais quand même, j'étais pas mécontent de me débarrasser de tout ça. Prunille passa sous la douche, et enfila son beau pyjama de licorne. J'la regarder, amusé, une fois le visage débarbouiller. "Woo, il est splendide ce pyjama! Tu m'le prêtera un jour Prunille?!" La petite, toujours très première degré, eu un grand sourire. "Mais naaaan Tonton, t'es trop gros pour le mettre." J'perdais mon sourire une seconde, avant de me mettre à rire. "Hé dis donc toi, j'te permets pas!" que j'lui disais avant de l'entendre rire. Finalement, j'attendais Daniel dans la cuisine, tandis qu'il installait sa fille avec tout un tas de livres dans le salon, pour un p'tit temps calme. Elle en avait besoin, vu toute l'énergie qu'elle avait dépensé dans l'après midi. J'retrouvais Daniel à la cuisine, je m'étais installé sur une chaise du comptoir. J'lui souris, sincèrement. "C'est normal Dani, ça m'fait vraiment plaisir de passer du temps avec elle." Tandis qu'il préparait le repas, j'me penchais vers lui. "T'as besoin d'aide pour quelque chose?" Autant, Daniel me faisait confiance pour garder sa fille, autant il devait très probablement fortement douter de ma capacité à cuisiner quoi que ce soit. Mais j'demandais, par politesse. Je haussais les épaules à sa question, réfléchissant un peu. "Oh bah pas grand chose. Tu sais, la routine quoi. Enfin, j'suis pas allé bossé ce matin, j'avais un peu la flemme, du coup, c'était cool, on a fait une journée tranquille avec Alexis. Tu sais, elle est toujours un peu secouée par l'accident tout ça." Je restais songeur deux secondes. Daniel, il savait à quel point Alexis était importante pour moi et il savait aussi ce qu'elle avait traversé depuis l'accident de voiture. J'regardais un peu autour de moi et j'regardais ensuite mon frère, toujours concentré sur ses légumes. "Dis, si tu veux être le meilleur frère de l'univers, tu me servirais une p'tite bière?" J'lui faisais un grand sourire, j'étais un peu en mode pacha mais c'était toujours un peu comme ça. Dani, il était habitué.

J'aime super fort mon petit frère, vraiment. Je ferais tout pour lui, vraiment tout. Le seul truc, c'est qu'il a le don de m'exaspérer d'une seconde à l'autre. Il s'occupe super bien de la p'tite poule, c'est vrai. Je peux lui faire confiance les yeux fermés pour ça. Mais alors pour prendre soin de lui, c'est une tout autre histoire. Et ça, ça me rend fou. J'ai beau avoir tout fait pour être le meilleur grand frère possible, être un peu un père quand on a perdu le nôtre pour lui, cela nous a déjà valu quelques engueulades. Depuis que Prunille était apparue dans nos vies, il y en avait moins. Probablement parce que je me retenais, histoire qu'elle ne soit pas témoin de nos haussements de ton. J'élevais Prune dans le calme, dans la sérénité et le positif. Il n'en est pas moins que j'avais par contre adopté une nouvelle manière, calme et positive, de dire à mon petit frère qu'il dépassait les limites.
Quand je lui proposais de manger à la maison, il me fit la blague (ou pas?) qu'il n'avait plus rien dans son frigo, que ça tombait donc bien. Je levais les yeux au ciel et pourtant, je savais que ça pouvait vraiment être la vérité... Et ça, c'était difficile de ne pas tiquer là-dessus. On allait dans la salle de bain et il fit un commentaire sur le maquillage. Je ris. Tu demanderas à Alexis de te maquiller, la prochaine fois. lui répondis-je alors, amusé. Il demandait à Prune si elle pourrait lui prêter son pyjama et elle lui disait qu'il était trop gros. Il rigolait, bien sûr, n'empêche que je devais la reprendre gentillement. On dit tonton est trop grand ma chérie, pas trop gros. C'est tonton donc il le prends pas mal mais c'est un vilain mot, trésor, d'accord? lui fis-je alors en l'embrassant sur le front, la portant vers le salon pour lui installer des bouquins histoire de faire un temps calme le temps de faire à manger pour tous les trois. Je me faisais une joie d'accueillir mon petit frère, quand même, parce que ma fille était la meilleure du monde mais être avec un adulte c'était quand même mieux. Enfin, adulte... Il me demandait si j'avais besoin d'aide mais je savais que c'était juste de la politesse. Bats les pâtes de ma planche à découper, on va finir aux urgences avec toi. fis-je alors encore une fois avec humour. Je lui demandais ce qu'il y avait de neuf et c'est là, encore une fois, qu'il allait falloir prendre sur soi. Il me parlait du fait d'avoir loupé le taff pour rester avec Alexis qui avait un traumatisme. Je laissais un silence. Il allait falloir que je le dise. T'sais je veux bien comprendre que tu ne veuilles pas laisser ta meilleure amie seule dans un moment pareil, mais ce n'est pas elle qui va te ramener de l'expérience et un salaire... Elle a pleins d'autres amis qui pourraient prendre le relais... lui fis-je alors. C'était plus fort que moi, mon côté paternel/fraternel, mais Elijah savait très bien en me disant ça que je n'approuverais pas. J'avais peur qu'il perde son taff et qu'il n'en trouve pas. Bah oui, on appelle l'ancien taff pour nous dire qu'ils l'ont viré parce qu'il préférait rester chez lui que de venir bosser? J'avais souvent peur d'où mon frère allait finir... Je ne sais pas pourquoi il était si naïf sur ce point là. J'espère que tu ne te taperas pas d'avertissement, c'est tout. lui fis-je alors en haussant les épaules, mettant ma préparation dans un plat au four. Il me demandait de lui servir une bière pour être le meilleur frère de la Terre. C'est pas possible, il est vraiment incroyable jusqu'au bout. Je sortais deux verres pour servir de la bière. Tu as revu Aurora quand, pour la dernière fois? lui demandais-je alors, une fois les verres servis et le plat mis au four. Je m'asseyais sur les tabourets de l'îlot central, m'appuyant sur mes coudes, regardant mon petit frère.


@Elijah Bishop

Je sais parfaitement que j'exaspère mon frère. J'mentirais si j'disais que j'le fais pas exprès. Ca a toujours été comme ça entre nous. Lui, le grand frère si parfait, responsable, que ma mère adulait et adule encore aujourd'hui, et moi, le p'tit fougueux qui rame et qui n'est que flemme. Faut dire que j'faisais rien pour arranger mon cas. Mais j'avais toujours fonctionner comme ça. Me confortant presque dans ce rôle que j'm'étais moi-même donné au fil des années. C'était le bon plan d'être un je-m'en-foustiste, comme ça, personne n'attendait jamais rien de moi, pas de pression, pas de déception. (Malin le gars non?) Mais du coup, ça me valait souvent des réflexions de mes proches, à commencer par ceux de Daniel. Ouais, ok, il avait pas tord dans le fond, mais depuis que notre père s'était fait la malle avec la secrétaire, il avait comme pris un peu son rôle et moi j'l'avais jamais accepté. Même si, j'dois bien le reconnaître, il avait d'un grand soutient pour ma mère. Mon frère, j'l'aimais, énormément. C'était pas ça la question. Et d'autant plus depuis que Prunille faisait partie de nos vies. Ca nous avait pas mal rapproché, parce que j'lui montrais que d'un côté, il pouvait me faire confiance à 100% concernant sa fille. Pour ça, j'le décevrais jamais, j'en étais convaincu.

Après son retour à la maison, Daniel avait décrété que c'était débarbouillage pour tout le monde. Prunille à la douche et moi démaquillage. Ouais, on s'était vraiment bien amusé avec la petite et j'avais passé une super journée. J'avais accepté de rester manger et très vite, on se retrouva dans la cuisine. Daniel avait repris sa fille concernant sa sortie sur le fait que j'étais "trop gros". Moi ça m'avait fait rire mais il avait raison dans le fond, de la reprendre, avec bienveillance. Les enfants n'avaient pas de filtre, et j'aimais bien voir la façon dont il accompagnait Prunille dans son évolution. C'était vraiment un super papa. La petite faisait un temps calme pendant qu'on était dans la cuisine. Daniel avait rapidement balayé l'idée que je puisse l'aider à cuisiner. J'avais ris à sa réfléxion. Je haussais les épaules. Ouais, c'était mieux pour tout le monde que j'reste bien loin d'un couteau de cuisine. Et moi ça m'allait bien. Finalement, j'lui racontais ma journée, j'avais glissé un peu innocemment que j'étais pas allé bossé aujourd'hui, soulignant bien que j'avais pu ainsi rester auprès d'Alexis. Mais j'me doutais bien que Daniel il allait tiquer. J'levais les yeux au ciel en écoutant son p'tit sermon. "Oh come on Dani, c'est pas un drame. J'irais bosser demain et puis voilà. Mon patron est cool. Il a p'tete même un peu pitié de moi, alors il m'prend pas trop la tête." Ouais, j'disais ça comme si j'étais fier de cette situation. Mais ça me dérangeait pas moi, d'attirer la pitié de mon boss. Il était vraiment sympa, j'crois qu'il avait pas tellement besoin de moi à la station service, il m'avait embauché pour arranger ses affaires à lui et moi ça m'faisait un p'tit salaire, donc tout le monde était content. Je haussais moi aussi les épaules lorsqu'il me parlait d'avertissement. J'le regardais, avec un p'tit sourire amusé. "T'inquiète pas, je gèèère, fais pas ton rabat-joie." J'lui lançais un p'tit signe de la tête, avec un sourire digne d'un gamin. Ouais, j'cherchais un peu mais c'était toujours comme ça entre nous. Finalement, j'lui demandais poliment une p'tite bière et tout en me la servant, il me demanda si j'avais reparlé à Aurora dernièrement. Ce sujet me tendait vraiment beaucoup. Je grimaçais un peu, jouant avec l'étiquette de la bouteille de bière. "Baah, non, depuis son départ, on s'est pas reparlé. J'crois qu'on a fait un trait l'un sur l'autre." Ca me faisait royalement chier cette histoire. Le sujet Aurora était toujours assez délicat, Daniel il pensait pas à mal en me posant la question. J'crois qu'il espérait surtout que ça finisse par s'arranger entre nous un jour. Mais depuis les quelques mots que j'lui avais lancé à l'aéroport, les derniers en fait, on avait jamais repris de nouvelles. J'en demandais jamais non plus, préférant fuir que d'affronter. Lâche en plus d'être immature. Ca faisait maintenant presque 5 ans qu'elle était partie. Un gouffre c'était crée entre nous. J'avais marqué une pause et j'avais rajouté, toujours assez sérieux. "J'préfère me concentrer sur les gens qui sont là. Vraiment là tu vois." A commencer par Daniel, qui était très probablement l'une des personnes les plus importantes de ma vie, malgré mon attitude de petit con avec lui.

Je suis tout à fait conscient d'avoir été un peu la figure paternelle de mon frère et de ma soeur. Aujourd'hui, je me retrouve papa d'une vraie petite fille et j'ai encore mes deux petites ancres accrochées qui en plus de ça ont décidé d'être en froid. Un froid entre deux de ses enfants, ce n'est pas évident à vivre. J'avais envie d'en parler, peut-être que j'avais envie de ça s'arrange, c'est vrai. Malheureusement, mes deux grands bébés étaient légalement des adultes, même si pour le cas d'Elijah la question se pose encore parfois, et ils doivent se débrouiller tout seuls. Mais bon, un peu d'aide et d'idées dans le tête ne peuvent pas faire de mal.
Avant ça, il me fatigue à me dire que son patron l'aimait bien, ou avait pitié, mais qu'il retournerait bosser le lendemain et que ça irait. Tout ira toujours avec Elijah, moi qui suis super à cheval sur les responsabilités, oui, ça me fatigue et ça me dépasse surtout. Elijah le sait, il le sait très bien. Il en joue même parfois, comme là maintenant, à boire ma bière à me regarder faire. Je l'aime comme il est mais parfois j'aimerais bien pouvoir arrêter de m'inquiéter pour sa p'tite bouille. Je ne suis pas rabat-joie, juste ton grand frère qui veut que tu te rendes compte que la conscience professionnelle ça existe et que c'est important lui fis-je alors en soupirant, attrapant à mon tour ma bière pour en boire deux gorgées. Bon et du coup elle est où, là, Alexis? Si elle avait besoin de toi, elle aurait pu venir. J'ai trois enfants, oui, mais j'ai aussi tendance à être le papa de tout le monde. Au travail, mon équipe aime bien souligner mon côté très paternel.
Le sujet Aurora était arrivé sur le tapis parce que je souhaitais en parler. Evidemment, mon frère faisait celui qui passait au dessus de ça, qui avait des "principes". Je soupirais, encore. Décidément. Je ne suis pas certain qu'elle ait fait un trait sur toi. Et toi non plus, d'ailleurs. lui fis-je alors. Vous faites ce que vous voulez mais je pense que ce serait bien d'avoir une discussion, de s'écouter, de se dire ce que vous avez ressenti chacun de votre côté. Même si c'est pour conclure que vous n'avez plus rien à faire avec l'autre... Est-ce que j'allais sortir mon argument fatal? Pourquoi pas. ça me ferait plaisir, à moi, en tout cas. fis-je en me redressant, regardant ma bière avant de reposer mes yeux sur lui. Puis je tournais la tête vers Prunille. Je pense que même Prunille doit le sentir, tout ça. On est une famille, Eli... Je n'aimais pas trop faire ce genre de choses mais je les aimais tous les deux aussi fort et aussi profondément. Je trouvais cette histoire un peu ridicule et je savais très bien qu'avec un peu de communication ça irait mieux. Il fallait bien que je tente le coup, non?


@Elijah Bishop

Mon frère, c'est mon exemple. Même si j'tiens à faire exactement tout le contraire de lui, d'une parce qu'être un adulte responsable c'est beaucoup trop épuisant pour moi et de deux parce que j'prends un malin p'tit plaisir à le faire soupirer, mon grand frère. J'manque jamais une occasion de faire le zozo, la conscience professionnelle était une concept qui me passait largement au dessus de la tête. J'le regarde, mi sérieux- mi amusé (beaucoup plus amusé que sérieux pour être tout à fait honnête.) "Conscience .. professionnelle.." que je répète comme si je cherchais à mettre du sens sur ces deux mots. Puis finalement je hausse les épaules. "J'connais pas." que j'rajoute avec un grand sourire. Daniel, il prend quand même le temps de prendre des nouvelles d'Alexis. "Elle est avec son gars, on prend comme la relève de la garde tu vois, pour pas la laisser toute seule." Comme si Alexis c'était la reine d'Angleterre et qu'on devait tout le temps la protéger. C'était un peu ça en ce moment et moi, ça me paraissait normal d'être là pour elle. Alors qu'on sirotait notre bière pendant que Daniel faisait à manger et que je le regardais, on arriva beaucoup trop vite sur le sujet sensible. Rori. J'savais que ça plaisait pas à Daniel qu'on soit en froid tous les deux. Et moi ça me tendait un peu ce sujet. Je l'écoutais attentivement, j'voyais bien qu'il essayait de me convaincre de rentrer en contact avec elle mais moi, c'était pas dans mes plans. C'est elle qui était partie, alors c'était à elle de venir me parler, logique implacable. Et puis là, Daniel, il sortit l'argument imparable. A savoir, comment lui ça le faisait se sentir tout ça. J'baissais un peu le regard, c'est vrai que j'm'étais juste imaginer que Daniel lui ça le faisait chier sans vraiment penser aux conséquences que ça pouvait avoir sur sa propre santé mentale de devoir dealer avec un frère et une soeur qui ne se parlent plus. Et comme si ça suffisait pas, il mentionna Prunille. J'suivais son regard vers ma petite nièce, adorablement sage en train de feuilleter ses livres. J'me laissais à la culpabilité et j'replongeais mon regard dans celui de Daniel secouant la tête. "Eh bah voilà, t'es réussi ton coup Dani, j'culpabilise maintenant." que j'dis presque en boudant. J'croisais mes bras sur mon torse, me reculant sur ma chaise, j'soupirais un peu. "Bien sûr que j'ai pas fais un trait sur elle. Mais elle a fait un choix. Elle est partie. Elle nous a abandonné, toi, Prunille, maman et moi." J'remettais toute la faute sur elle, incapable de comprendre que non, elle avait abandonné personne et que c'était moi qui avait mis d'la distance en lui lâchant une horreur avant qu'elle ne prenne l'avion. "même pas en rêve que j'viens te voir là-bas, ta place elle est ici et nul part ailleurs." J'regarde mon frère, presque désespéré. "J'crois que j'saurais même pas quoi lui dire." La vérité, c'est que j'pensais à elle, très souvent, j'choppais des informations sur comment elle allait, au détour des conversations avec mon frère ou notre mère, mais sans jamais demander plus, sans jamais faire mine de m'en soucier. Alors qu'au fond, j'aurais rêvé de l'avoir à nouveau dans mon cercle, et qu'on soit une famille, entière.