Il est où le bébé ? Feat Ava

C'était le deuxième rendez-vous avec le gynécologue depuis son arrivée à Bowen. Ariane était toujours aussi stressée et elle ressemblait à une petite boule de nerf depuis qu'en plus, elle avait appris qu'il y avait deux bébés dans son ventre. Malgré son désir hardant d'accuser Ciàn de cette nouvelle incroyable, la blonde n'avait pas eu le courage de lui faire face après avoir fui la queue entre les jambes. Alors, c'était seule qu'elle s'était rendue à l'hôpital pour faire un nouveau bilan. Pour une fois, ce n'était d'ailleurs pas de son fait mais de celui du médecin qui avait bien remarqué le choc de l'annonce.

Pauvre Ariane, vêtue de sa robe blanche longue, elle ressemblait presque à une mariée si on oubliait le petit ventre qui commençait à se voir indéniablement. Elle entrait dans son quatrième mois de grossesse et depuis la fameuse annonce, les bébés semblaient enfin s'autoriser à prendre toute la place. Bientôt, elle allait roulée. Mais là, assise sur la chaise de la salle d'attente, elle était passablement stressée, les mains sur le ventre comme pour protéger les deux petites choses du monde extérieur et surtout de sa propre anxiété. Cependant, l'arrivée d'une jeune femme accompagnée de son bébé la fit sourire et la rendit un peu curieuse. « Ooooh ! Je crois que les hormones me travaillent bien mais votre bébé a l'air si sage ! Quel âge  a-t-il ? »

Elle sourit franchement avant de rougir un peu de son total manque d'éducation. Ariane fit une petite moue contrite avant de rajouter rapidement. « Je suis désolée, je ne voulais pas vous sauter dessus... Je suis un peu... Beaucoup en fait, angoissée par tout ça et voir une maman en forme me donne de baume au coeur... »

Voilà un mois et demi que j'ai accouché et aujourd'hui, j'ai rendez-vous à l'hôpital pour un contrôle ultime avec ma gynécologue. Ce matin, j'ai eu le temps de prendre une douche et d'enfilée un t-shirt que ma fille avait besoin de moi. Ces derniers jours, elle est dans un pic de croissance et a besoin d'être constamment dans mes bras pour être réassurée. Evidemment, c'est avec un grand bonheur que je la mets dans son écharpe de portage et que je vaque à mes différentes occupations. Ce matin ne faisait donc pas exception et je glissais ma fille avec beaucoup de délicatesse dans son écharpe rose. Elle se calma presque instantanément sous mes yeux pleins d'amour. Cela me laissa le temps de me préparer et d'arriver à l'heure à l'hôpital à pieds habitant à quelques centaines de mètres de mon lieu de travail.

Familière des lieux, je ne mis pas longtemps à me repérer et rejoindre le bureau du gynécologue. On m'indiqua que le médecin avait environ une heure de retard. Je le comprenais mais je ne m'étais pas préparée à cela. Heureusement, j'avais appris maintenant à sortir avec le nécessaire pour ma fille. Changes, tenues de rechange, j'étais parée pour quelques heures à chaque sortie même la plus infime. Moi qui avait l'habitude de sortir légère, j'étais maintenant équipée d'un sac à langer et de ma fille comme seconde peau, pour mon plus grand bonheur.

Je pris donc place dans la salle d'attente entourée de quelques femmes. Je m'installai à côté d'une blonde dans sa belle robe blanche. Elle s'adressa presque instantanément à moi en me disant qu'Elizabeth était sage et s'enquit de son âge. Je n'eus pas le temps de lui répondre qu'elle enchaînait déjà en s'excusant. Je percevais évidemment son angoisse et j'eus un petit sourire compatissant. J'étais à sa place il y a encore peu et je ne pouvais que comprendre son angoisse. Je lui répondis donc d'une voix douce et pas trop forte afin d'éviter de réveiller ma fille :

"- Merci beaucoup, c'est vrai qu'elle est très sage. Elle a six semaines. Et vous, vous en êtes à combien ? Ne vous inquiétez pas, je comprends tout à fait votre angoisse mais ça va aller, vous allez gérer."

Ces phrases étaient mon mantra depuis le début de ma grossesse et de cette maternité. Elle était inscrite en lettre d'or dans mon esprit et je ne cessais de me la répéter. La dire à une autre femme me semblait donc essentiel.

Ariane ne se rendait pas compte que sa méthode d'approche aurait pu être très intrusive et qu'elle aurait sans doute mérité qu'on l'envoie balader. Elle était presque si soulagée de voir une mère en bonne santé accompagnée de son jeune enfant que la demoiselle avait aussitôt adressé la parole à l'inconnue, la bombardant un peu de questions. La blonde s'excusa bien vite, accompagné d'un sourire avant de reporter son attention sur la petite qui semblait parfaitement à sa place, bienheureuse et en excellente santé.

La jeune femme écouta attentivement la mère et ses mots eurent le don de la rassurer. C'était un peu idiot et inexplicable mais, son coeur se réchauffait aussitôt. Elle en avait même les larmes aux yeux, fichues hormones. « Est-ce que je peux lui caresser la main ? » Ariane attendit la réponse de la mère avant de faire quoi que ce soit puis, après avoir à peine effleurer la peau de la petite, elle leva les yeux vers le visage d'Ava, un très large sourire sur le visage.

« Merci beaucoup. La dernière fois, le gynécologue m'a dit que j'attendais des jumeaux. Je vous avoue que depuis, je suis bouffée par le stress. Et puis... J'aimerais que le père soit là mais j'ai bien peur qu'il soit en colère contre moi. » Nouveau soupire, elle reposa un instant ses yeux sur la petite qui chouina très légèrement avant de rajouter en riant un peu. « Oui, tu as raison petit ange, l'important, c'est maman. Au fait, je m'appelle Ariane. » Ariane ne se serait vraiment pas cru maternelle, elle ne savait même pas vraiment ce qu'une mère devait faire mais elle se surprit à se dire que finalement, elle pouvait le faire ?

Je laissais évidemment la femme prendre la main d'Elizabeth. Compliante, ma fille se laissa faire, se blottissant même un peu plus contre moi. Mon coeur de maman fondait quand elle faisait cela. Je lui caressais doucement le sommet du crâne. Ce petit duvet tout doux était un appel à la tendresse. J'écoutais évidemment ma voisine de chaise pour essayer de la rassurer comme j'aurais aimer qu'on me le fasse il y a de cela quelques mois.

Des jumeaux, c'était l'annonce que je redoutais au moment des premières échographies. Déjà un enfant, et seule, c'était du sport alors je ne m'imaginais pas avec deux. J'essayais de cacher cette impression à la future mère derrière un grand sourire. Je pense qu'elle s'inquiétait déjà suffisamment et elle devait bien savoir que cela allait être un peu coton. De plus, elle m'indiqua que le père n'était pas là et j'eus un pincement au coeur. D'une part, je compatissais pour elle de devoir assumer toute seule. D'une autre part, cela faisait écho à ma propre histoire et je ne pouvais donc que comprendre. Je décidais de me confier un peu à elle :

"- Je compatis. Je suis mère célibataire. Vivre cette expérience seule, aussi belle soit-elle, n'est pas aussi facile qu'on le pense."

De la manière dont elle regardait ma fille, je devinais une grande tendresse chez Ariane. Elle avait déjà de l'amour à donner, cela se sentait. Elizabeth chouina quelques secondes, je me levais pour marcher quelques mètres, la solution la plus simple pour l'apaiser étant de la bercer. Cependant, marcher ne m'empêchait pas de répondre à la future maman.

"- Enchantée Ariane, je m'appelle Ava et voici Elizabeth."

Cette inconnue semblait douce et forte. Ariane avait presque l'impression qu'elles auraient pu se rencontrer dans une autre vie et devenir amies. Elle observait aussi le petit bébé visiblement bien confortable contre sa maman. La blonde sourit un peu plus en entendant la voix de la jeune femme. Elle n'avait pas tord, la journaliste s'en doutait bien mais elle était encore un peu dans le déni. « Je veux bien vous croire. Ces petits êtres semblent terriblement exigeants. »

Ariane regarda la mère se lever pour marcher. Très exigeants. Elle sourit un peu plus en entendant les réponses. « Ce prénom adorable lui va bien. Enchantée Ava et Elizabeth ! » Elle se cala un peu mieux dans le dossier de sa chaise, observant un instant une des patientes s'en aller avant de reporter toute son attention sur Ava qui semblait être une magnifique mère de famille. « J'imagine que ça doit être difficile pour vous. Vous avez de la famille ici ? Je viens d'arriver, ça fait deux petites semaines et je me demandais si tout le monde se connaissait. »

Elle effleura son ventre presque par réflexe avant de jouer avec un bout de son vêtement. Ariane tentait de s'imaginer à la place d'Ava avec un bébé derrière et un devant. Non, vraiment, elle priait vraiment pour que Ciàn accepte la situation et l'aide. Surtout si elle venait à ne pas survivre à l'accouchement. Pauvres petits, il ne devaient pas être seuls... Elle le refusait, elle ne voulait pas qu'ils vivent le manque qu'elle avait vécue. Ariane soupira un peu.

"- Surtout la nuit...Oh désolée, je vous dis ça alors que vous angoissez déjà."

Je me rendis immédiatement compte qu'il n'était pas le plus judicieux de montrer ainsi les côtés négatifs de la grossesse à une jeune future maman de jumeaux de surplus. Moi même, je n'aimais pas entendre ce genre de choses pendant ma grossesse. J'étais bien consciente moi même que cela allait être compliqué sans qu'on me le rappelle sans cesse.

Le prénom d'Elizabeth était une véritable évidence à la naissance de ma fille. J'avais attendu le dernier moment pour découvrir le sexe mais je connaissais déjà le prénom. Tiré de mon livre préféré, Orgueil et Préjugés, je trouvais également qu'il allait parfaitement à ma fille. Après, je n'étais pas la plus impartiale pour donner ce genre d'informations évidemment.

"- Non, je suis originaire de Melbourne et mes parents vivent toujours là-bas. Je dois avouer être un peu seule ici mais j'essaie de trouver mes marques. Les gens sont vraiment très sympas. Dites vous que j'ai perdu les eaux au beau milieu de nul part avec un inconnu qui a réussi à me supporter. Une vraie belle histoire."

Une fois Elizabeth calmée, je pris de nouveau place à côté de la blonde. Elle me paraissait vraiment très sympathique et discutait avec elle rendait l'attente moins longue. Habituellement, j'aurai sorti mon livre et j'aurai attendu en trépignant un peu du pied. Au moins là, je pouvais discuter et rassurais cette future mère.

La jeune femme s'imaginait déjà avec deux petits qui hurlaient à tour de rôle et elle, une loque fatiguée qui ne rêvait que de dormir un peu. Cette vision l'angoissait et la faisait rire en même temps. Alors, elle se contenta de sourire en entendant la phrase sur le sommeil de la petite. « En vrai, ce n'est pas ce qui me stresse le plus, le déficit du sommeil. Je suis journaliste, il m'est arrivé de devoir très peu dormir. Ce qui m'inquiète le plus, c'est de ne pas comprendre ce dont ils auraient besoin. » Ariane eut un léger soupire avant de se redresser.

La jeune femme adorait vraiment le prénom de la petite et celui de la mère. Elles avaient un charme ensemble qui était touchant et qui rassurait Ariane. Elle pouvait le faire. Ce serait compliqué mais, elle était prête à avoir ce lien qui semblait unir la mère et la fille qui se tenaient devant elle. La blonde les observait d'un oeil admiratif et très tendre. Après tout, la médecine faisait des progrès alors, elle pourrait très bien se retrouver là dans quelques mois. « Oh vraiment ? C'est vrai que les gens sont gentils. Vous avez encore des contacts avec votre sauveur d'un jour ? »

Ariane s'imaginait déjà, avec sa chance, perdre les eaux en plein milieu d'une rue bondée. Elle serait capable de glisser et de tomber. Mais, la demoiselle essayait le plus possible de ne pas penser au moment où les bébés voudraient sortir. Même si cela finirait par arriver... Non, elle ne voulait pas. L'image de sa mère s'imposait bien trop à elle pour le moment. Le dernier au revoir et le manque qui, ensuite, s'était fait cruel. Aujourd'hui encore, elle en ressentait les effets. Ne pas y penser. Pas maintenant. Surtout pas maintenant sinon, elle allait encore pleurer comme une débile.

Je ris en écoutant les paroles de la future mère. Je me revoyais tellement en elle il y a quelques semaines de cela. Moi aussi je m'inquiétais d'être suffisante pour mon enfant. Je pensais ne pas y arriver, que j'étais complètement nulle à pouponner. Finalement, aujourd'hui, j'étais plus sereine. Je comprenais ma fille quand elle pleurait et je pouvais anticiper ses besoins. Je me devais de rassurer la jeune femme à mes côtés par rapport à ce point là du moins.

"- J'avais peur de ça aussi au début mais, même si elle ne parle pas, Elizabeth arrive très bien à se faire comprendre croyez moi. En plus, leurs besoins sont assez primaires."

A l'évocation de mon accouchement, je me revoyais au milieu de Mount, à faire ma petite randonnée alors que je perdais les eaux au milieu de nul part. Je revoyais cet homme, cet inconnu même, qui a pris pitié de moi probablement et qui a contacté les secours. Ce temps incroyablement qu'ils ont mis à venir, il l'a comblé en me parlant de lui, en comblant mes inquiétudes. J'étais tellement reconnaissante d'avoir croisé son chemin ce jour là. Je me sentis sourire en pensant à ce jour qui aurait pu pourtant être bien plus chaotique et qui, d'un point de vue extérieur devait l'être d'ailleurs.

"- Non, je n'ai pas encore eu l'occasion de le revoir mais j'ai son contact. Si vous voulez tout savoir, il m'a même prise en photo quelques heures avant d'accoucher. Entre deux contractions, j'ai pris la pose. Un grand moment de ma vie."

Cette jeune maman avait un petit don pour rassurer la blonde. Peut-être le fait que son bébé soit si doux et calme. Ou alors que l'inconnue nommée Ava semblait à la fuis sûr d'elle et en même temps capable d'affronter n'importe quoi ? Ariane n'en savait rien mais elle prenait cette énergie positive. « C'est vrai. Mais Elizabeth a l'air si délicate et fragile. On dirait un ange. »

Depuis quand tombait-elle autant en émois devant des bébés ? C'était nouveau. Sans doute se faisait-elle vraiment à l'idée d'être mère et cela lui donnait envie de chouchouter n'importe quel enfant en bas âge. En parlant de l'accouchement d'Ava, elle remarqua l'expression étrange de celle-ci. Visiblement, ça avait été une sacré expérience et cela fit sourire Ariane. Ça ne semblait pas être un mauvais souvenir !

« Oh, si ça c'est pas un bon moyen de se détendre ! » Ariane rit un peu avant de se redresser et de toucher un peu son ventre. Serait-elle pareil ? Ciàn serait-il là au moment fatidique ? Tout son être lui hurlait qu'il serait là. Mais, elle ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter, un autre sujet de plus à ajouter à sa liste d'angoisse naissante. « J'espère que vous allez encadrer la photo, ce sera un excellente souvenir pour Elizabeth. Une naissance magique. »

Je remarquais le toucher de la jeune femme sur ce ventre légèrement rebondi tout en souriant. J'avais longtemps appréhendé ce geste, le trouvant si caractéristique de la femme enceinte. Moi qui était indécise quant à la poursuite ou non de ma grossesse, j'avais eu du mal à appréhender également ce nouveau corps que la vie m'imposait. Néanmoins, à la fin de ma grossesse, j'osais toucher ce ventre. Aujourd'hui, je pouvais le dire, il n'y a pas meilleure sensation que de sentir la vie sous sa main lorsqu'on touche ce ventre. Après mon accouchement, j'avais senti ce vide en moi et j'avais encore la nostalgie de la vie d'Elizabeth en moi. Evidemment, l'avoir contre moi me réconfortait tout autant que cela le faisait pour elle d'ailleurs.

"- Je n'y avais pas pensé mais c'est effectivement une excellente idée...Même si, il faut l'avouer, je n'étais pas au meilleur de ma forme, je dois probablement être rouge sous l'effort."

C'était même un euphémisme à vrai dire. J'étais transpirante d'avoir monté en partie le Mount. J'avais les jambes telles des poteaux du fait de la rétention d'eau. J'avais les bras très lourds de la gravité. Bref, je n'étais pas sous mon meilleur angle. Pourtant, lorsque je m'imaginais, je ne pouvais me voir autrement qu'heureuse et épanouie. J'allais donner la vie à mon enfant. Certes, pas dans les meilleures conditions. J'aurai évidemment aimé être entourée du géniteur d'Elizabeth mais il ne faisait pas parti de la nouvelle équation de ma vie. A la place, j'étais avec un inconnu ce que je ne souhaitais évidemment pas à la future mère à mes côtés. La voyant seule, sa situation personnelle m'intriguait et je me laissais dans le bain, la questionnant un petit peu à mon tour. avec le plus de bienveillance possible.

"- Et vous, vous êtes accompagnée dans ce projet ?"