I'll always be a scream away, that you can hear across the creek (aïnhoa)

T’étais un gars de voile, Oskár, t’aurais pas dû essayer d’aller voir ailleurs. C’était le karma. Le vent, trahi, te punissait sûrement. T’étais coincé à Murray’s Creek, avec un canoë fissuré qui laissait rentrer l’eau, et une rame perdue en mer. T’avais décidé de te payer une petite expédition différente aujourd’hui, une journée sur la mer qui aurait dû rester calme, si tu te fiais à l’application de vents que tu avais sur ton téléphone. Malheureusement, la météorologie n’étant pas une science exacte, le vent s’était levé alors que tu étais au large, et t’avais réalisé que si tu maîtrisais bien la voile, il en était tout autre du canoë. Tu avais cherché à te réfugier sur la côte, n’importe quelle petite plage en bordure des falaises ferait l’affaire en attendant que la tempête passe. Comble de malheur, t’avais échappé ta rame, alors tu avais dû laisser les vagues te pousser jusqu’à la crique devant laquelle tu étais heureusement bien positionné. En arrivant tout près de la plage, ton canoë - dont tu ne contrôlais pas vraiment le mouvement - se heurta à un gros rocher qui émergeait à peine de l’eau pour signifier sa présence. Le dessous de ton embarcation brisa, et tu vis l’eau commencer à pénétrer dedans. Tu blasphémas dans ta langue natale, plusieurs fois. Ta mère devait avoir les oreilles qui sifflaient, à la maison, loin d’ici. Tu te jetas à l’eau pour finalement nager jusqu’au bord, traînant ton canoë pour les quelques mètres restants. Tu le tiras sur le sable et tu le laissas le loin possible de l’eau, pour éviter que les vagues ou la marée montante l’emporte. Quoique … brisé comme ça, il ne t’était pas de grande utilité pour retourner chez toi. Tu soupirant en levant les yeux vers les falaises vertigineuses qui t’entouraient. T’avais pas d’eau, pas de nourriture, rien. Et t’étais coincé sur ce petit bout de plage inaccessible depuis la terre. À moins que tu t’essaies à escalader l’une des falaises, celle qui te semblait la plus facile, la moins haute, aussi ? T’étais pas désespéré et débile à ce point-là, pas encore, mais d’ici quelques heures … Ouais. Quatre heures plus tard, tu mis la main sur une première fissure dans la roche, et le pied sur une partie plate de la roche, et tu commenças à grimper. Grand fou.

La chaleur incandescente de l'été australien écrasait tout sur son passage, le soleil prêt à brûler des peaux, obligeant tous les habitants à se protéger avec de la crème solaire à l'indice élevé. Aïnhoa avait trouvé la journée parfaite pour partir faire une escapade sur l'eau, après s'être tartinée d'écran solaire. Laël était à l'école et allait dormir chez un copain après, elle avait donc plus de vingt-quatre heures rien que pour elle. Elle avait pris un jour off au cabaret, avait préparé un délicieux pique-nique, emporté quelques bières, pris son carnet où elle notait ses raps et des phrases qui lui venaient, ou toute idée digne d'être couchée sur papier. La voilà qui était partie louer un kayak pour la journée, pour ensuite prendre la direction de Murray's Creek. Elle y était déjà allée plusieurs fois, avec Laël, Judas et d'autres potes, puis juste avec Laël, suffisamment confiante pour les emmener à bon port et les ramener. C'étaient des petites excursions qui valaient de l'or, la jeune femme aimait beaucoup l'endroit, sympathique et pas trop prisé, au vu de son accès moins facile. Aujourd'hui, c'était seule qu'elle partait, histoire de se ressourcer, de se faire son petit moment à elle. Elle avait tout le temps du monde, le soleil descendait bien tard en cette saison. Son kayak heurta le sable en milieu d'après-midi, donc, et ses bras fatigués d'avoir ramé contre le vent parvinrent tout de même à tirer l'embarcation plus loin sur la plage. Elle rangea la rame, saisit son sac à dos étanche, et commença à marcher pour se trouver un petit coin de paradis personnel, au pied d'un arbre. En passant, elle remarqua un canoë en bien piteux état, mais ne tiqua pas. Quelqu'un l'avait sans doute abandonné ici. Elle ne réfléchit pas plus loin à comment cette personne avait regagné la ville, se disant qu'elle ne devait pas être seule, et n'y donnant tout simplement pas plus ample réflexion. Jusqu'à ce que, au bout de quelques minutes de marche sur le sable brûlant, elle remarque une silhouette agrippée à la falaise. Pas très haute encore, mais tout de même. Qu'est-ce que cette personne pensait faire, là, exactement. Aïnhoa s'avança, posant son sac non loin, avant de poser les poings sur les hanches, levant le nez vers les contours d'un corps masculin. Elle ouvrit la bouche en un grand O de surprise, plutôt certaine d'avoir reconnu Oskár. Elle ne l'avait plus vu depuis des lustres, à part pour échanger un signe de la main de loin, en de rares occasions. « Je suis pas la plus calée en escalade mais... T'es pas censé être assuré ? » lança la brunette, suffisamment fort pour qu'il puisse l'entendre. Aucune idée de ce qu'il essayait de faire, mais ça n'avait pas l'air des plus safe.

Tu te sentais un peu con, là, à quelques mètres au-dessus du sable, bien loin toutefois d’être en haut de la falaise. Il ne fallait pas que tu relèves la tête trop souvent pour constater ta maigre progression, car ça te donnait le vertige, ça te déséquilibrait et tu risquais de tomber en bas. Certes, t’étais pas encore bien haut, t’allais pas mourir d’une chute, mais tu n’étais pas à l’abri de te casser un membre, si tu tombais mal. Tu fermas les yeux un moment, te disant qu’il fallait peut-être te raisonner et redescendre en bas, mais même là, tu ne savais pas si tu arriverais sans perdre pied. Rendu là, c’était plus facile de monter que de rebrousser chemin, mais pas moins dangereux, au contraire. T’étais un tout petit peu dans une impasse, tout seul sur ce grand rocher, n’entendant que tes voix intérieures qui te maudissaient d’être sorti à la tempête alors que maintenant, c’était le gros soleil. Tout seul, pas tant que ça. T’entendis une voix en-dessous de toi et ça te fit sursauter, au point qu’un de tes pieds glissa. Tu juras dans ta langue maternelle. Tu réussis quand même à te maintenir en place et à ramener ton pied à son emplacement initial. « Aïnhoa !? » Tu jetas un coup d'œil par-dessus ton épaule, tes yeux vers le bas, apercevant la slameuse les deux pieds dans le sable, les poings sur ses hanches. Tu ne l'avais pas trop vue depuis un an, et voilà qu'elle était là au moment où t'avais l'air le plus idiot. « Et toi, t’es pas supposée avoir une approche un peu plus douce pour pas effrayer l’pauvre gars qui escalade sans être assuré ? » T’essayais l’humour pour ne pas laisser entrevoir ta panique. « Ça faisait quatre ou cinq heures que j’étais coincé ici, j’suis fucking déshydraté, y’avait personne à l’horizon, j’crois que j’ai un peu perdu la tête. » Et si ça continuait comme ça, t’allais tomber dessus, aussi.

La jeune rappeuse mesura l'imprudence de son approche peu après avoir prononcé ses mots, avant même qu'Oskár ne lui réponde. Elle l'avait probablement surpris, alors qu'il était en suspension à quelques mètres du sable certes, mais une hauteur suffisante pour qu'il se fasse bien mal voir se mette en danger s'il lâchait sa prise. Le Mexicain glissa sous le coup de la surprise, arrachant à la jeune femme un hoquet du même acabit. Elle ne feignit pas son soulagement en voyant qu'il s'était rattrapé, et non écrasé au sol juste devant elle. « Ouais, sorry, c'était pas le truc le plus smart à faire. » reconnut-elle, l'inquiétude à peine surmontée, lisible dans sa voix. Ceci dit, c'était pas sa faute s'il avait tenté l'escalade d'une falaise à pic sans aucun matériel. D'ailleurs, elle n'avait toujours aucune idée de ce qu'il foutait là-haut. « J'poserai mes questions légitimes plus tard, mais j'ai de l'eau, si jamais t'as envie de descendre de ton promontoire. » rétorqua la brune en levant son visage tacheté vers Oskár, qui faisait toujours face à la roche. Il avait l'air moyennement à l'aise, et comme elle l'avait précisé, elle poserait ses questions plus tard. Pour le moment, elle entendait seulement qu'il était bien déshydraté, et qu'il allait falloir qu'il redescende les quelques mètres gravi jusque-là. Sans attendre de réponse, elle commença elle aussi à grimper la paroi rocheuse, juste d'un mètre, tendant son bras en soutien au garçon, au cas où. Elle venait seulement d'arriver, encore pleine d'énergie, et si elle n'avait aucune formation en escalade et n'était pas capable d'aller le chercher, elle pouvait au moins offrir un peu de ses muscles pour le soutenir dans le retour à la terre ferme.

Le truc qui n’était pas très smart à faire, c’est d’avoir commencé à grimper à cette paroi. Mais à quoi avais-tu songé, Oskár ? Même des adeptes d’escalade n’osaient pas se mesurer aux falaises de Murray’s Creek. Toi, tout d’un coup, tu t’improvisais free climber ? Y’avait sûrement des défis un peu moins grands que ça par lesquels débuter ta pratique. En même temps, c’était la panique qui t’avait fait agir de la sorte. Tu t’étais mis en mode survie quand t’avais constaté, plusieurs heures après ton “échouement” ici, que t’avais rien à boire alors que le soleil commençait à plomber, et qu’en tout ce temps, personne d’autre ne s’était rendu jusqu’à la crique. Bordel, si Aïnhoa avait été là vingt minutes plus tôt, tu ne te serais pas retrouvé dans un tel pétrin. Pour une fois, les coïncidences vous ramenaient l’un à l’autre, mais juste avec un tout petit décalage. « Ah ben maintenant que t’es là, crois-moi que j’aurais bien envie d’en descendre, ouais. Mais je sais pas trop où mettre mon pied pour redescendre, et si j’regarde direct sous moi, j’garantis que je chute. » Tu la vis te contourner. Tu la perdis donc de vue. Tu ramenas ta tête droite, fixant la roche devant toi. Elle était passée de l’autre côté. Tu tournas donc la tête vers la gauche cette fois, et tu la vis commencer à grimper à son tour. Tu fronças les sourcils. « J’crois pas que venir me rejoindre ici aide qui que ce soit. » Relevas-tu, avant de comprendre qu’elle s’était juste rapprochée un peu, à une hauteur plus que raisonnable du sol, pour tendre son bras vers toi, au cas où. « Tu saurais me guider pour que je mette les pieds à la bonne place ? » Heureusement que t’avais une endurance musculaire assez bonne, autrement, après vingt minutes à te tenir ainsi contre la paroi rocheuse, ton corps aurait tremblé comme une feuille et tu serais tombé de fatigue.

Rendue à un mètre de hauteur le long de la roche, dans un bien maigre soutien au garçon, Aïnhoa s'assura d'avoir une prise ferme et solide, autant que possible, si elle devait aider Oskár. Elle ne risquait pas grand chose si elle tombait, lui un peu plus. Il lui signala qu'il n'avait en réalité, aucune idée d'où mettre les pieds. Elle entendait à son ton le stress qui devait le tenailler, après les heures à rester là sans rien pour s'hydrater, et une ascension périlleuse que personne n'aurait tenté pour le plaisir. Il parvenait en tout cas à garder un calme impressionnant, au vu de la situation. « Je suis téméraire mais pas à ce point. » répliqua la jeune maman alors qu'Oz lui signalait que le rejoindre n'était probablement pas une excellente idée non plus. « Oui. T'as une prise plutôt large pour ton pied droit, à environ cinquante centimètres plus bas, tout droit puis quelques centimètres à gauche. Ça a l'air stable vu d'ici. » commença-t-elle à le guider, analysant les aspérités de la roche qui ne semblaient pas trop dangereuses. Il n'y en avait pas beaucoup, des espaces larges et plus confortables, elle cherchait déjà la suivante pour son pied gauche. Il allait devoir faire avec. « Euhm... Tu crois que tu peux t'accrocher avec la main droite un peu plus bas, et mettre ta main gauche là où était la droite ? Et comme ça tu peux descendre ton pied gauche vers le bas, dans une prise plus à gauche, elle est plutôt petite, mais avec la pointe des orteils ça devrait aller, si t'as une bonne prise sur le reste. » continuait à expliquer la brune en suivant la progression de son ami.

Aïnhoa commença à t’indiquer où mettre tes pieds. Une prise large à droite, cinquante centimètres plus bas. Tu hochas tête, demeurant silencieux et concentré, et tu fermas les yeux en t’imaginant la paroi rocheuse alors que ton pied quittait sa prise actuelle pour descendre. Dix, vingt, trente, quarante, cinquante, t’essayais de deviner la distance qui te séparait de moins en moins du point indiqué par Aïnhoa. Tu sentis effectivement une saillie où t’arrivas à poser le pied. Le gauche, maintenant. Un après l’autre, t’arrivas à descendre en suivant les recommandations de la rappeuse. T’étais un peu moins haut que tout à l’heure déjà, et ton cœur battait un peu moins vite, aussi. « Ok, je vais essayer. » T’enlevas ta main droite pour aller t’agripper un peu plus bas, ta main gauche reprenant l’espace un peu plus confortable délaissé par ta droite. Tous tes muscles se contractaient à chaque mouvement, t’avais rarement autant forcé, aussi longtemps. T’aurais jamais pu te rendre jusqu’en haut, Oskár, tu ne savais pas à quoi t’avais pensé. « Là ? » Demandas-tu alors que ton pied gauche, ou du moins le bout de tes orteils, effleuraient une toute petite inégalité dans la roche. La slameuse t’indiqua que c’était bien l’endroit dont elle parlait, alors tu hochas la tête et tu continuas. Malheureusement, au moment de bouger ensuite ton pied droit, tout ton poids se retrouvant sur le pied gauche et la fine saillie ne tint pas le coup. La roche s’effrita sous ton pied et tu perdis ton équilibre. Tes mains n’arrivèrent pas à trouver assez de poigne sur les roches pour te rattraper. Tu tombas vers l’arrière, dans un cri grave et court. Heureusement que t’avais pu parcourir quelques mètres vers le bas, réduisant donc d’une grande distance ta chute. T’eus même pas trop le temps de comprendre ce qui se passait que tu tombais déjà le dos dans le sable. La respiration coupée, tu écarquillas les yeux en cherchant ton souffle quelques secondes.

La couturière suivait attentivement la progression d'Oskár, lui indiquant s'il devait aller un peu plus vers la gauche, vers la droite, le haut, le bas. C'était lent et incertain, mais il avait déjà redescendu une bonne partie de la falaise. Aïnhoa était prête à tendre le bras, pouvant presque lui offrir une assistance s'il en avait besoin, après qu'il soit encore redescendu d'un cran. La chance du jeune homme s'épuisa cependant, car la dernière saillie rocheuse indiquée par sa guide, ne tint pas le coup, le laissant faire face à une chute inévitable. Aino tenta de le rattraper, alors qu'elle ne se trouvait que légèrement plus bas, sur la gauche, malheureusement, le poids et la vitesse de la chute l'empêcha de faire quoi que ce soit, si ce n'est se faire entraîner par le mouvement. Elle retomba heureusement sur ses pieds, se retrouvant à quatre pattes dans le sable, alors que son ami, quant à lui, était tombé en arrière. « Oz ! » s'écria la jeune femme en se relevant et se précipitant vers lui. Il devait avoir eu le souffle coupé à l'impact, aussi elle lui laissa quelques secondes, avant de l'assaillir de questions. « Tu peux respirer ? Tu peux bouger ? » s'inquiéta-t-elle en analysant la situation. Il n'avait pas l'air de quoi que ce soit de cassé, mais cette conclusion était le résultat d'un coup d’œil absolument pas formé dans le domaine médical. Aussi ne pouvait-elle faire autre chose que de vérifier si le principal était encore fonctionnel. Si oui, c'était déjà plus que bon signe.

Tu t’étais retrouvé à tomber sur le sol malgré tout, malgré les indications d’Aïnhoa. Au moins, elle t’avait sauvé quelques mètres de chute. Sans elle, la finalité n’aurait sans doute pas été la même. T’avais le souffle coupé pendant de longues secondes, mais tu ne pensais pas avoir quoi que ce soit de cassé. Tu levas les bras pour te tapoter la poitrine, comme dans l’urgence, alors que la slameuse avait couru jusqu’à toi en te demandant si tu pouvais respirer ou bouger. « Je … je crois que ça va. » Arrivas-tu à verbaliser, le souffle encore un peu coupé. Tu te redressas sur tes coudes, la poitrine légèrement surélevée. Tu grimaças un peu, tu t’étais fait mal au dos, ça c’était bien clair, mais rien d’extrême. Tu bougeas tes pieds puis tes jambes, ça semblait aller de ce côté-là aussi. « Heureusement que tu m’avais fait gagner quelques pas vers le sol … J’crois pas que je m’en serais aussi bien tiré, sinon. » Tu finis de te redresser, cette fois assis les fesses dans le sable. Tu t’étiras le dos, essayant de le remettre le plus droit possible, les épaules tirées vers l’arrière. « Par contre j’prendrais bien un peu de cette eau que tu as, si l’offre tient toujours … J’vais bientôt voir des mirages, sinon. » Lâchas-tu, faisant référence aux illusions d’eau dans le désert. En plus de l’effort physique du canoë et de ta tentative d’escalade, la chaleur du soleil était très forte et accentuait ta transpiration.

La jeune femme ne céda pas à la panique, mais son cœur avait loupé un battement ou deux au moment de la chute, et avait tambouriné deux fois plus fort contre ses côtes en voyant Oskár étendu sur le dos. Venue tout de suite s’enquérir de son état, inquiète, le garçon la rassura sur son état, l’air plus ou moins confiant dans le fait que son corps avait supporté le choc. Elle l’observa de la tête au pied alors qu’il vérifiait si son système moteur était intact, ce qui semblait être le cas. « Putain, tu m’as fait flipper. » souffla-t-elle, sur le ton du soulagement, mais pas encore remise de cette belle frayeur. « Je vais te chercher ça. » affirma Aino en se relevant, alors qu’elle avait déjà en tête d’aller chercher sa gourde, l’eau pour le pauvre cascadeur déshydraté étant la priorité maintenant qu’il était établi qu’il ne s’était pas brisé la colonne vertébrale. Elle courut jusqu’à son sac à dos déposé au pied d’un palmier, revint apporter à Oz le liquide de la vie. L’eau était encore un peu fraîche. Elle avait un litre et demi avec elle, il devrait pouvoir éviter les mirages. Une fois qu’il se fut enfin partiellement réhydraté, la jeune maman l’aida à se relever. « Viens, ce serait pas une mauvaise idée de te mettre à l’ombre, aussi. » dit-elle en s’offrant en soutien en passant sous le bras du Mexicain, sûrement encore secoué de cette fameuse chute, pour qu’il puisse prendre appui sur elle. « Donc tu disais, heureusement que j’étais là pour te sauver la vie ? » reprit Aïnhoa en revenant sur les mots du brun prononcés un peu plus tôt, lui lançant un regard en coin teinté de malice, alors qu’ils rejoignaient le pied du palmier et l’ombre bienvenue que ce dernier offrait.

Un rire nerveux s’échappa d’entre tes lèvres. « Ouais, moi aussi je me suis fait flipper. » Admis-tu. T’étais un adepte de sensations fortes seulement quand tu ressentais que tu avais un certain contrôle, par exemple quand tu pouvais diriger ton voilier et le positionnement de la voile. Là, t’avais pas eu l’impression d’avoir de contrôle. Tu te permis de demander à Aïnhoa un peu d’eau, parce qu’après cette journée imprévisible et éprouvante, t’avais l’impression que tu perdrais connaissance dans les prochaines minutes si tu ne t’hydratais pas un peu. Elle revint rapidement vers toi avec une bouteille d’eau d’un litre et demi. Tu l’attrapas sans qu’elle se fasse désirer. « Merci. » T’en bus trois-quatre bonnes gorgées, les yeux fermés, savourant ce rafraîchissement salvateur. Tu refermas la bouteille. « That felt fucking good. » Tu remercias encore la slameuse et tu hochas la tête quand elle proposa d’aller vous mettre à l’ombre. Encore un peu sonné de ta chute, tu ne refusas pas l’aide d’Aïnhoa qui passa sous ton bras pour te soutenir. Tu marchas jusqu’au palmier, à l’ombre, et tu t’y laissas tomber, dos appuyé au tronc. Tu souris, tournant un regard amusé vers la jeune femme, à sa remarque. « En même temps tu m’en devais bien une, hein. » Dis-tu, faisant référence à la fois où tu l’avais sortie de Holbourne Island alors que le dernier ferry avait quitté pour la journée. « Mais, ouais … par chance t’étais là. J’sais pas à quoi je pensais, sérieux. » Ce que le désespoir pouvait faire …

Sans blague qu'il avait eu peur, sûrement bien plus qu'elle. Une mauvaise chute, parfois, ça pardonnait pas. Mais son ami était toujours en un seul morceau, peut-être à deux doigts de défaillir, tout de même, ce à quoi la slameuse remédia en allant lui chercher rapidement sa gourde encore remplie d'eau. Elle but quelques gorgées elle aussi après lui, même si elle n'en était pas au même stade de déshydratation, il était judicieux de ne pas se faire avoir par la chaleur de l'été australien. Elle lui rendit juste après. « Garde-la, t'as encore un bon litre devant toi avant d'avoir une chance d'échapper à l'insolation. » dit-elle avec un sourire en coin, même si elle était à moitié sérieuse. Il valait mieux qu'il ne boive pas tout d'une traite, mais boire quelques gorgées régulièrement mais en suffisance était important vu le nombre d'heures qu'il avait dû passer sans rien boire, par cette chaleur. Une fois protégés par l'ombre du palmier, et bien assis sur la terre ferme, plutôt que suspendus à une roche périlleuse, la conversation prit une tournure plus légère. « C'est vrai ! Je vois que les bons comptes font les bons amis. » rétorqua Aïnhoa, l'air taquin, en voyant que le garçon était prompt à lui rappeler qu'elle lui devait une fière chandelle. Il n'avait pas tort, et elle n'avait pas oublié. « Je te l'aurais bien rendu plus tôt, mais à un moment j'ai cru que t'avais disparu de la surface de la Terre et que j'allais m'en tirer comme ça. » continua-t-elle avec humour, même si elle pointait de façon assez obvious le fait qu'ils ne s'étaient plus vus depuis des lustres. « Bon, du coup, tu m'expliques comment t'en es arrivé à t'improviser grimpeur professionnel ? » l'interrogea la brune en revenant sur ce qui avait amené Oskár à se retrouver dans une telle situation.

Tu repris la gourde sans te faire prier. T’avais pas voulu abuser et réduire à zéro vos provisions d’eau, enfin, ses provisions d’eau, à Aïnhoa. Toi, t’avais pas été assez prévoyant, comme si prendre la mer autrement qu’à bord de ton voilier te désorganisait totalement. Tu bus quelques gorgées de plus. « Merci. J’vais quand même nous en garder au cas où, on sait jamais ce qui peut arriver, j’suis bien placé pour le savoir maintenant. » Tu souris, avant de suivre Aïnhoa jusqu’à l’ombre du palmier, prenant appui sur elle. Tu ris à sa réponse à ta pique. « Tu sais bien que je ne le pense pas sérieusement. » Dis-tu légèrement en lui jetant un coup d’oeil. Tu serais toujours là pour aider Aïnhoa, peu importe la situation peu importe le nombre de fois. Après la petite aventure d’aujourd’hui, tu savais que c’était pareil pour la slameuse. Tout d’un coup tu t’en voulus d’avoir un peu disparu, dans la dernière année, surtout qu’elle tournait le couteau dans la plaie. « Ah non tu t’en serais pas tirée aussi facilement. » Continuas-tu avec un sourire taquin. Tu soupiras à sa question, désignant du menton le canoë échoué. « C’truc tout brisé c’était mon embarcation y’a plusieurs heures de ça. C’est pas très facile à naviguer en pleine tempête, t’as été chanceuse t’as évité les forts vents on dirait. Je pensais que j’allais devoir passer la nuit ici, y’avait pas un chat et je pouvais pas rembarquer dans le canot, il est percé, ça servait à rien d’essayer. J’ai un peu paniqué et perdu la tête avec cette chaleur et cette soif, j’pensais crever alors … que ce soit de soif ou d’une chute. » Tu haussas les épaules avec d’échapper un petit rire. Il valait mieux ça qu’en pleurer. Pis, t’avais retenu la leçon. Tu tournas la tête vers Aïnhoa, la tête toujours posée contre la base du palmier. « T’as raison que j’étais un peu disparu de la surface de la Terre. C’est cool de te revoir après tout ce temps. »

Aïnhoa hocha la tête avec un léger gloussement, quand le garçon suggéra de ne pas épuiser leurs réserves d'eau, appelant à la prévoyance après sa petite mésaventure du jour. Il avait raison, même si la brunette doutait qu'une mauvaise étoile ne vienne leur apporter des problèmes supplémentaires. Si la plupart de ses rencontres avec Oskár avaient commencé dans un contexte défavorable, elles s'étaient toujours bien terminées, et elle commençait à faire confiance à ce pattern. « Oui oui, rattrape-toi. » s'amusa Aino en prenant un air faussement méfiant, que son sourire railleur venait contredire. Évidemment qu'elle savait qu'il n'était pas sérieux. Même si elle avait été sincère en lui disant qu'elle lui revaudrait ça, quand l'occasion se présenterait. Si la couturière ne voyait certainement pas l'amitié en termes de comptes et de dettes, ça lui faisait plaisir de donner en retour et de remercier comme il se devait, et ça lui paraissait normal. Elle s'esclaffa quand il lui assura, toujours dans leur petit jeu humoristique, qu'il ne l'aurait pas laissée s'en tirer comme ça. « Aaah, c'était à toi, ce truc alors ? » s'exclama-t-elle en tournant la tête vers le canoë inutilisable qu'elle avait dépassé en marchant un peu plus tôt, sans se dire une seconde qu'il appartenait à quelqu'un venu jusqu'ici aujourd'hui. Les explications d'Oskár venaient illuminer ses questionnements quant au comment et pourquoi il s'était retrouvé dans cette situation, la laissant incrédule. « Ben merde. Sans blague que t'as paniqué... » commenta-t-elle en imaginant le garçon livré à lui-même, sans eau, nourriture, et sans savoir si quelqu'un le trouverait. « Et t'avais pas ton tel' ? » La question était probablement stupide, s'il avait eu son téléphone sur lui, il n'en serait sûrement pas là à lui raconter son après-midi catastrophique. La brunette reprit son sac à dos pour en sortir des biscuits salés et de l'houmous, ainsi qu'une pomme, son casse-croûte prévu pour cette après-midi tranquille avec elle-même. Elle déposa le tout entre eux deux, incitant son ami à se servir, et sorti également sa crème solaire. Clairement, elle, elle était venue préparée, heureusement pour le Mexicain. Elle sourit quand il rebondit sur ses propos, admettant qu'il avait effectivement un peu disparu de la circulation. « Ouais, trop, ça me fait plaisir aussi ! » sourit la jeune maman, toute la sincérité exprimée dans ses traits joyeux. « So, what have you been up to ? » demanda-t-elle par la suite, n'ayant même pas vraiment un semblant d'idée de ce qu'il s'était passé dans la vie d'Oz, sachant qu'il n'était pas du genre à poster sur les réseaux sociaux, de ce qu'elle avait constaté, son dernier post datant d'il y a deux ans.

Tu ris en hochant la tête alors qu’Aïnhoa tournait la tête vers ton canoë, enfin, celui que t’avais loué du coup. « Yup. Il faut mettre l’emphase sur c’était. Je ne sais pas s’il faudra que je le rembourse ou d’quoi, je l’avais loué au centre nautique. » Tu grimaças. Ce n’était pas trop dans tes plans de rembourser un canoë qui devait bien valoir plus de mille dollars australiens. T’espérais que le centre nautique ait une sorte d’assurances pour ces risques-là. T’avais lu en diagonale seulement le formulaire que t’avais signé en partant. Ça aussi, ça t’apprendra. Il ne fallait plus jamais présumer que tout irait bien. À la question de la slameuse, tu secouas la tête doucement. « Nan, j’ai quasi rien emmené … j’avais vraiment envie de décrocher, aujourd’hui. Mais de là à me retrouver comme Robinson Crusoe … » Tu esquissas un sourire. La prochaine fois que tu aurais une idée du genre, tu prendrais au moins ton voilier, celui-là tu le connaissais par cœur et même si tu n’étais jamais à l’abri du risque là-dessus non plus, tu le maîtrisais déjà mieux qu’un canoë. Aussi, t’essaierais de t’échouer sur une plage où le reste du monde était accessible. Fini, les falaises. Tu suivis les gestes d’Aïnhoa du regard alors qu’elle sortait biscuits salés, houmous et pomme. Elle t’invita à te servir. « Merci, c’est gentil. » Tu te servis un biscuit salé enrobé d’houmous, avant d’admettre ton absence de la dernière année. Tu souris alors qu’elle partageait la joie de te retrouver, mais ton sourire se crispa un peu quand elle te demanda ce que t’avais fait pendant ce temps. Tu soupiras. « Ah … J’aimerais trouver une bonne excuse, une bonne explication à ce silence-là, mais … » Tu secouas légèrement la tête en baissant les yeux sur ton biscuit salé à moitié mangé, entre tes doigts. « J’en ai pas. J’étais en amour. Et visiblement, je suis le genre de personne pour qui ça éclipse tout le reste. » Ce que tu n’aimais pas, Oskár, comme constatation.