blinded by the lights (joy)

Elle faisait la fière un peu plus tôt, Guérande, mais finalement tout cet alcool ingéré, ça la rattrapait assez vite ! Ça réconfortait un peu Elmo, quand même, qui aurait franchement eu honte d’être le seul de leur duo à ne pas tenir son alcool. Étant donné qu’elle avait poussé le bouchon plus loin que lui en calant cul-sec deux verres de fort un à la suite de l’autre, la rousse était même dans un pire état que lui, ce qui était franchement une première. Elmo, c’était généralement lui qui ne savait pas boire. Là, il était entre les deux. Pas assez ivre pour pass out sur le canapé, mais juste assez pour avoir le sourire bien trop facile, et les yeux baladeurs aussi. Ses envies furent rapidement revirées de bord quand la jeune femme lui annonça qu’elle ignorait si elle allait lui sauter dessus ou plutôt lui vomir dessus. L’option deux ne réjouissait pas du tout Elmo, à un point tel qu’il était prêt à décliner l’option un, juste au cas où. « Tu n’vas pas me manger, mais me régurgiter, ça peut-être … » Blagua-t-il parce qu’elle était bien trop facile - la joke, pas la fille. Elmo lui proposa de la ramener. Elle semblait bien partie dans son monde et c’aurait été con qu’il lui arrive quelque chose. « Je pensais surtout à aller te reconduire au moins jusqu’à chez toi, peut-être m’assurer que t’as bien monté tes escaliers et que t’as été capable de déverrouiller ta porte, et après, … tu sauras sûrement te débrouiller ? » Il esquissa un sourire, plongeant son regard dans le sien. Elle avait vraiment un magnifique regard, ça, il ne mentirait pas en prétendant le contraire. Elle lui demanda ce qu’il y avait. « Non, rien. T’es belle, c’est tout. » Admit-il.

Elmo s’était trouvé très drôle avec sa blague de manger vs régurgiter, mais vu le regard que la rousse venait de lui lancer, elle, elle ne trouvait pas cela drôle. Le jeune homme arqua légèrement un sourcil, son rire s’estompant en même temps que la réponse de la jeune femme. Il haussa les épaules. « Ouais généralement. » C’est vrai que de manière générale Elmo était plutôt du type à faire rire, et ça avait fonctionné un peu plus tôt avec elle, aussi, d’ailleurs. Bon, passons. La fille à la robe noire ne semblait pas d’accord avec l’idée de rentrer tout de suite chez elle. En même temps Elmo n’avait pas trop envie qu’elle soit encore plus torchée dans une heure et que ce soit lui qui doive s’en occuper. C’est vraiment cette histoire de vomi qui avait flippé la switch. Il savait de quoi il avait l’air, lui-même, quand il buvait jusqu’à en vomir, alors il n’avait pas trop envie de gérer une autre personne victime de cet abus. Au moins, elle semblait essayer de renverser la situation, avec son verre d’eau. « Ok, alors. Va pour la petite pause. » Un instant de silence s’installa entre eux, ils se dévisageaient sans rien dire, jusqu’à ce que la rouquine lui demande ce qu’il y avait. S’en suivit un compliment bien placé et elle le lui rendit. « Merci. » Parce que la blague ne pourrait durer éternellement, elle lui demanda finalement son vrai prénom. Il rit un peu, avant de répondre : « Elmo. C’est pas vraiment mieux, hein ? » Il se servit à son tour un verre d’eau. « Et toi ? » Ça pouvait difficilement être pire que Guérande.

Adorable, c’était pas trop le qualificatif qu’Elmo aimait qu’on lui donne. Il détestait l’idée d’être mignon aux yeux de quelqu’un étant donné que c’était tout sauf l’image qu’il souhaitait renvoyer. En tant que sportif, rockeur, skateur, fêtard, séducteur, disons que ça lui heurtait un peu l’égo qu’on le désigne ainsi. Il eut une légère grimace, essayant de se rappeler que la rouquine parlait de son prénom, pas de lui directement. « Adorable, hein ? Laisse-moi deviner, t’as une peluche rouge en tête quand tu me regardes, maintenant ? » Demanda-t-il sans grand enthousiasme, malgré un léger sourire forcé. Son prénom était beaucoup plus doux et joli. Joy. Étrangement, il trouvait que ça n’allait pas forcément non plus avec l’image qu’elle, elle renvoyait. Au début de leur échange, elle respirait tout sauf la joie, la rouquine. La faire rire avait été un challenge. « C’est joli. » Répondit simplement Elmo, ne désirant pas élaborer sur les réflexions qu’il venait de se faire. Ça ne servirait à rien dans le moment. Lorsque Joy les ramena à la réalité, soit qu’il était bientôt l’heure de la fermeture, Elmo balaya à son tour la salle du regard. C’est vrai que les lumières étaient beaucoup moins tamisées qu’un peu plus tôt, et que les gens quittaient les lieux les uns après les autres. « Ah ouais on a raté le last call pendant qu’on parlait, on dirait. » Il reporta son attention sur la jeune femme. « Bon alors, où est-ce que t’as envie d’aller ? » La plupart des bars ou des boîtes allaient fermer elles aussi, si ce n’était pas déjà fait.

C’était plutôt bien rattrapé. Elle ne voyait pas en lui la peluche rouge - même si Elmo aurait mis sa main au feu qu’elle y avait sûrement songé même juste pour quelques secondes … c’était le cas de tout le monde, après tout. Non, ce qu’elle voyait en lui, c’était un portrait plutôt juste de sa personne. Enfin, pour le gars qui voulait juste profiter de sa soirée. Le fait d’être d’agréable compagnie, c’était un bonus. « Avoue que finalement, t’es plutôt contente que je sois pas réellement reparti d’où je venais. » Il esquissa un sourire. Il apprit finalement le vrai prénom de son interlocutrice. Joy. Rien à voir avec ce qu’elle dégageait un peu plus tôt, quand elle lui avait dit de repartir d’où il venait, justement. Il y avait eu le coup de la gifle au serveur, aussi. Pis le moment où elle avait pensé lui vomir dessus. Rien qui rime avec joie, dans son attitude. Heureusement, là, c’est vrai que la discussion était plus légère, plus l’fun. Elle aussi, finalement, elle était d’agréable compagnie. Assez qu’Elmo n’avait pas trop vu le temps passer et le moment de fermer les portes du Delirium était déjà arrivé. Les employés avaient sans doute hâte de passer la serpillière et de foutre le camp. Un peu comme lui quand il travaillait jusqu’à la fermeture du café. « Ok … Bon, tout va être fermé à cette heure, ça fait que … J’vais devoir improviser un peu. » Il sourit, puis se leva. Ensemble, ils quittèrent le cabaret, se retrouvant dehors avec toutes les personnes qui traînaient le pied à rentrer chez elles, aussi. Il réfléchit un moment, se demandant si l’idée qu’il avait en tête était vraiment une bonne idée. « Est-ce que t’aurais envie d’un café ? » Proposa-t-il.

Elle reprit ses mots, presque mot pour mot, et ça fit sourire Elmo. Elle y jouait bien, au jeu, celui auquel ils jouaient depuis le début de leur soirée commune. Le flirt, la séduction. Si leurs premières échanges n’auraient pas laissé présager cette tournure, il faut dire que oui, Elmo était plus content d’être venu vers elle. Il hocha la tête, sans perdre son sourire. « J’avoue. » Déclara-t-il seulement, la voix intense, le regard aussi. Puis, ce moment en suspens fut interrompu par la fermeture du cabaret Delirium. Il n’était pas rare qu’Elmo étire les minutes jusqu’à ce qu’on verrouille carrément les portes d’un bar derrière lui. Il avait donc l’habitude de ce genre de fin de soirée, où toutes les âmes sur le trottoir semblaient tout d’un coup errantes. Joy et Elmo ne faisaient pas exception. Puis, l’italien eut une idée, idée qu’il n’aurait sans doute pas dû concrétiser avec sa question, mais tant pis. Joy acceptait. « Suis-moi, c’est pas loin. » Tous les cafés étaient fermés, un peu passé deux heures du matin. La plupart n’ouvriraient que dans trois heures, au grand minimum. Elmo jeta un coup d’oeil à la rouquine qui semblait avoir un peu froid. « Ça te réchauffera, en plus, le café. » Quelques coins de rue plus loin, Elmo s’arrêta devant le petit café où il bossait. Il sortit ses clés et déverrouilla la porte. À la droite, en rentrant, il se positionna devant le système d’alarme enclenché. Avant de composer le numéro, il regarda Joy du coin de l’oeil, un sourire aux lèvres. « Regarde pas. » Il s’assura qu’elle avait détourné le regard avant d’appuyer sur les quatre chiffres qui retirèrent le système de sécurité. « Qu’est-ce que je te prépare ? » Demanda le barista après avoir ouvert une seule des lumières. Il se dirigea derrière le comptoir.

Sur le chemin vers le café, quand Joy parla de l’hiver, Elmo s’arrêta de marcher et la regarda en pouffant de rire. « Alors toi, ton verre d’eau, il a pas encore tout à fait fait son effet. » La nargua-t-il. Certes, c’était la nuit, mais au mois de décembre en Australie c’était le début de l’été, alors les températures nocturnes descendaient rarement en-dessous de 16°C. « J’admets que c’est plus frais ce soir mais l’hiver, really ? » Ou peut-être qu’elle n’était pas australienne, Joy, et que tout ça était une grosse adaptation, si elle venait tout juste d’arriver au pays. Pour Elmo ça avait été bien difficile de s’habituer à ce temps à l’envers, c’est vrai. Cependant, après sept années passées ici, il s’y était fait. Le jeune homme reprit sa marche jusqu’au café où il bossait. Pendant qu’il déverrouillait la porte, Joy devina qu’il travaillait ici. Pour pousser un peu plus le truc, il lâcha : « J’en suis le propriétaire, même. » Complètement faux et jamais Elmo ne serait capable de gérer une telle business. Mais bon, il avait menti d’abord sur son prénom, il pouvait maintenant jouer à ce jeu-là avec sa carrière aussi. Parce qu’une carrière, il n’en avait pas trop, là, à part faire des dessins obscènes dans de la mousse à café. Après avoir enlevé le système d’alarme, l’italien se dirigea vers le comptoir, prêt à préparer à Joy le café de son choix. Encore une fois, elle laissait la décision entre ses mains. « Ce que je sais faire de mieux … pour le café, ou pour autre chose ? Nan parce que j’ai plein d’autres talents que barista, tu sais. » Lui répondit-il avec un sourire et un regard charmeurs, s’accoudant au comptoir.

Dans certaines circonstances, Elmo s’avérait très bon menteur. Surtout quand c’était devant les femmes. Triste skill à avoir dans son inventaire, je vous l’accorde. Même avec autant d’alcool dans le sang, il réussit à garder son sérieux même alors que Joy déclarait ne pas du tout le voir comme un propriétaire. Pouah, lui non plus ! Et certainement personne de l’entourage d’Elmo ne le verrait dans ce rôle-là non plus. « Ah non, et comment ça ? » Demanda l’italien avec un petit air intéressé. Il voulait bien l’entendre lui dire qu’il avait plutôt l’air du gars immature avec zéro sens des responsabilités. Ou alors elle tournerait ça un peu plus joli, pour ne pas l’offenser. Joy, elle lui demanda s’il n’était pas encore en train de lui mentir. « Non, j’te mens pas. C’est mon petit bébé, cette place. » Dit-il en regardant le café alors qu’il venait d’ouvrir les lumières, tamisées. Foutaises. Il avait été viré de son ancien café et il s’était ramassé ici, mais la place était bien moins cool que le Bowen Brew & Bakery, son ancien job. Elmo s’en alla derrière le comptoir, prêt à préparer à Joy le café de ses rêves, mais ça ne semblait plus être tout à fait l’objet de ses désirs. Il avait d’autres moyens de la réchauffer un peu. « J’te montre, alors. Y’a aucun soucis. Le café pourra attendre. » Lentement, il fit le tour du comptoir, ne la lâchant pas du regard. Il la retrouva de l’autre côté, où elle attendait, patiemment. Il esquissa un sourire, approcha son corps du sien, et s’empara de ses lèvres. L’une de ses mains se posa contre sa nuque, l’autre contre sa hanche droite.