you can put some joy up on my face (léo)

Avouons qu'après une annonce pareil, une fois le choc passé, Léo aurait bien du mal à avoir l'air étonné, ou tout autant choqué que maintenant, si Woody devait le lui annoncer par lui-même. Heureusement, même s'il le considérait encore comme son ami, il ne le voyait plus régulièrement. La vie, les différentes histoires qui avaient parfois opposés les deux hommes, les avaient éloignés, c'était un fait. Ils avaient même été fâchés à une époque, pour les beaux yeux d'une certaine Freja d'ailleurs. Toujours est-il que, même si Léo n'avait aucune rancœur envers son ami d'enfance, il savait pertinemment que la rumeur de sa paternité aurait le temps de faire le tour de la ville avant qu'ils ne se revoient. Ainsi, quand le jour viendrait, il pourrait juste invoquer les Writers, ou des bruits de couloir, au lieu de jour l'étonné, ce serait plus simple ! Quatre ans, ça commençait à faire, effectivement. Elle avait sacrément bien caché son jeu, Sara. Léo ne savait pas s'il était choqué, révulsé, ou même impressionné que cette femme qu'il considérait comme la personification de l'ennuie et de la mievrerie, ait réussi à ne pas revenir pleurer dans les bras de Woody dès qu'elle avait su qu'elle était enceinte. Pour une fois, il serait même capable de la trouver courageuse. Même si c'était, évidemment, dégueulasse pour le barbu de l'avoir privé de sa gamine. Il n'était par contre pas étonné que Woody ne soit pas fâché, il acceptait tout, quand ça venait d'elle. Il est peut-être surtout choqué, la colère arrivera peut-être plus tard. Ou bien il la trouve inutile, le temps perdu est perdu. Maintenant il a probablement envie de la connaître. Sauf que s'il se fâche contre Sara, il sait qu'elle est capable de repartir à tout moment. Léo cherchait à comprendre. Il avait plus de recul que Freja dans cette histoire, pour lui ce n'était pas une affaire de sentiments. Et puis en ce moment il avait un cœur tout mou aussi, peut-être que ça l'aidait à relativiser. Il adressa un sourire désolé à la brune. Tu n'as pas sauté au plafond ? T'abuses ! Il échappa un petit rire un peu moqueur, évidemment, il avait probablement trop d'attentes, Woody ! Il l'écouta sans rien dire, fixant la route et laissa passer un silence avant de reprendre la parole. Je comprends ton point de vue. Elle avait sûrement la trouille aussi. Imagine que Woody l'ait rejetée. Je ne la défends pas, OK ? Sara c'est pas ma grande copine. Oui, c'est dégueulasse dans un sens. Mais tu le sais bien, tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Il lui lança un regard désolé. J'essaie juste de te dire que c'est leur histoire, ne te rends pas malade pour ça. Est ce qu'elle espérait encore quelque chose, par rapport à Woody ? Le photographe en était persuadé. Et il ne pouvait pas l'en blâmer. Elle lui expliqua un peu plus et Léo comprit d'où venait sa colère, elle se sentait trahie. C'est pas tellement contre elle que tu en as, mais plutôt contre Woody. Il a probablement joué sur deux tableaux ouais… en même temps ce n'aurait pas été un mal que tu quittes cet idiot de Concho pour lui. Léo arqua un sourcil, son désamour pour le danseur n'était pas un secret. Et depuis qu'Alba l'avait trompé avec lui, il ne cherchait même plus à s'en cacher, il le détestait. Il chercha à apaiser l'esprit de Freja, ils n'étaient pas à Bowen, pour quelques jours, elle pouvait tout oublier et profiter. Il rit à la réflexion de la norvégienne. Matteo peut faire babysitter si besoin !
La première chose que Freja avait voulu faire en arrivant, c'était de se baigner dans la méditerranée, en plein mois de décembre, elle était folle, mais évidemment Léo ne s'était pas défilé. Puis ils s'étaient installés confortablement dans la maison, la première soirée s'était très bien passée, même si tout le monde était épuisé, ils n’avaient pas fait long feu. Et puis quand ils étaient arrivés, Matteo avait annoncé à Léo qu'ils voleraient très tôt le matin au-dessus de l'Etna, ils ne pouvaient pas se coucher tard. Le lendemain le réveil à quatre heure avait piqué mais ça valait le coup, Léo avait vécu un moment hors du temps, il avait réalisé un rêve de gosse en survolant un  volcan en éruption. À son retour il avait trouvé Freja et les enfants dans la piscine, la vision de cette sirène lui avait fait reprendre son appareil pour prendre quelques photos. Elle était si belle, elle était toujours parfaite devant l'objectif. À présent, les gamins étaient à la sieste et ils étaient tous les deux en maillot au bord de la piscine, un verre de vin à la main. La dolce vita, Léo n'en doutait pas ! Alors, Matteo ? Il te bouffe du regard depuis que tu es arrivée ! Léo ne pouvait pas lui en vouloir, à l'italien, Freja était une bombe. Lui même ne se privait pas vraiment.

Avoir un autre point de vue, ça aide à y voir plus clair et c'est exactement ce que Léo est en train de t'aider à faire. Si on se met à la place de Woody deux minutes, on comprend aisément qu'il en a marre de perdre du temps et qu'il veut profiter du temps présent. Du temps qu'il lui reste. C'est horrible à penser et ça te brise le coeur rien que d'imaginer une vie où il n'est plus mais il faut être réaliste, à moins que la maladie de Woody ne trouve un remède incroyable, il ne fera pas de vieux os. Peut-être que toi non plus, tu n'en sais rien. Personne n'en sait rien. Mais les chances sont plus en ta faveur qu'en celle de ton meilleur ami. « Tu crois qu'elle ferait ça ? Repartir aussi vite ? Lui arracher à nouveau sa fille ? » Demandes-tu, sérieusement. Tu ne penses pas que Sara ait un mauvais fond. Tu ne la portes pas dans ton coeur et encore moins maintenant que tu sais qu'elle a caché une fille à Woody. Mais tu ne penses pas que ce soit une mauvaise personne qui fait du mal volontairement aux autres. Néanmoins, tu ne la connais pas. Pas plus que Léo, sans doute. Tu ris lorsque le photographe affirme que tu abuses de ne pas avoir sauté au plafond en apprenant la paternité de Woody. C'est sans doute ce que ce dernier aurait voulu mais tu n'en étais juste pas capable. Toi, tu ne fais pas semblant. Tu ne mens pas, ne trompes pas. « Oui, tu as raison, c'est leur histoire. Mais je n'aime pas beaucoup que tu aies raison à propos de Sara. » Dis-tu avec un sourire au coin des lèvres. Dans le fond, tu es d'accord avec les dires de Léo, ce n'est juste pas simple à accepter. Ce n'est pas simple de se dire que, justement, c'est leur histoire et qu'elle ne te regarde pas. Toi qui aurais toujours voulu avoir un pied dans la vie de Woody, en ce qui concerne sa fille, c'est quelque chose sur lequel tu n'auras jamais quoi que ce soit à dire. « Ne parle pas comme ça de lui. » Réponds-tu, autoritaire, lorsque Léo parle de Conchobáhr. « Il est vraiment incroyable, tu sais. J'ai été aussi touchée que toi par ce qu'il s'est passé entre lui et Alba mais ça n'enlève pas la personne incroyable qu'il est. » Défends-tu ton ami et ancien amant, petit-ami. D'un ton plus léger, tu fais savoir au photographe que tu as bien l'intention de l'emmener danser et de profiter de la chaleur italienne, à tous les niveaux. Les italiens ont un don pour la fête que tu apprécies grandement. « On verra s'il fait ses preuves, je ne laisse pas mes enfants à n'importe qui. » Répliques-tu en souriant, jetant un coup d'oeil à l'arrière, sur tes enfants, impassibles.

La route fut bien plus courte que tu ne l'imaginais. Pas étonnant quand on voit toutes les choses dont vous avez discuté, Léo et toi. Tant de temps à rattraper et pourtant, c'est comme si votre amitié n'avait pas bougé d'un poil. Peu importe le temps qui passe, vous finissez toujours par vous retrouver comme si vous ne vous étiez jamais quittés. Il n'a pas fallu longtemps pour que vous preniez vos marques dans la maison. L'endroit est sublime et la compagnie de Léo, toujours des plus agréables. Après une séance photo improvisée, sous l'oeil avisé de l'australien, vous vous posez au bord de la piscine alors que tes enfants sont à la sieste. En entendant les mots de Léo, tu ne peux t'empêcher de mater du coin de l'oeil son corps d'Apollon. L'homme n'a rien à envier à personne, il est incroyablement beau. Un peu comme ce fameux Matteo qui est très agréable à regarder. « Ah ouais ? Ecoute, je ne vais pas mentir, je le trouve très beau aussi. Je n'ai pas encore eu vraiment le temps d'apprendre à le connaitre mais ça ne saurait tarder. » Dis-tu, un sourire malicieux aux lèvres. « Et toi alors ? T'en es où dans tout ça ? » Sous-entendu, dans sa relation amoureuse avec Alba. Il est toujours question d'elle, de toute façon, c'est une évidence ces deux-là. Si Léo t'a avoué être un peu perdu, tu ne sais pas si c'est à propos de ça ou non.

Il était impossible pour Léo de savoir de quoi Sara était capable. Cette femme était une véritable énigme pour lui à présent. S’il l’avait prise pour la personne la plus ennuyeuse et prévisible au monde durant un temps, il devait admettre que ce n’était plus le cas. Est-ce qu’elle avait changé, depuis leur adolescence, ou bien est-ce qu’il n’avait juste pas pris la peine de la connaître suffisamment ? Ça il n’en savait rien et en vérité ça ne changeait pas grand-chose. Du moins aujourd’hui ce n’était pas la question. Je sais juste que c’est une mère à présent. Et qu’elle ferait tout ce qu’il faut pour ce qu’elle pense être bien pour sa fille. Tu comprendrais ça, j’imagine ? Cette conversation le ramenait malgré lui à des souvenirs bien tristes, de plusieurs périodes où il avait laissé sa relation avec Alba s’envenimer, quand elle avait quitté Bowen pour repartir à Brisbane, l’éloignant de son fils pour quelques précieuses années. Ou encore, il n’y a pas si longtemps que ça, quand il avait laissé son addiction pour l’alcool prendre le dessus et qu’elle avait à peine déguisé sa menace de lui retirer la garder de Jonah. Certes, c’était toujours pour le bien de leur fils, toujours parce que Léo avait déconné. Mais à chaque fois ça brisait un peu le lien entre le père et son enfant. Si Woody s’était montré moins enthousiaste pour connaître sa fille, s’il avait même refusé de la connaître au départ, peut-être que Sara n’aurait pas eu le choix que de repartir. On sentait que le sujet était sensible, pour Freja qui subissait malgré elle cette situation, qui devait probablement lutter contre ses sentiments et qui ne savait pas comment se positionner pour soutenir son ami. C’était sensible pour Léo aussi, parce que ça réveillait plein de souvenirs et ça faisait écho également à sa situation actuelle, différente, mais pas moins difficile. Il haussa les épaules en souriant avec un air contrit. Lui non plus, il ne pensait pas, un jour, avoir raison au sujet de Sara. Il laissa cependant échapper un vrai rire amusé lorsque Freja chercha à défendre Concho, ça, par contre, c’était au-dessus de ses forces, cet homme, Léo ne le supportait pas. Il ne s’agit pas que de ce qu’il s’est passé avec Alba. Mon monde tournerait bien mieux sans lui. Point. Au fond, il n’y avait rien d’autre à ajouter, Léo et Concho se détestaient, pour plein de raisons, les deux hommes s’étaient fait du mal, à des époques différentes. Ils n’étaient pas faits pour se supporter, c’était ainsi, fin de l’histoire. Je ne dis pas que tu dois le laisser seul à la maison avec tes enfants, mais juste le temps d’une danse, que je puisse te faire tourner un peu la tête. Il sourit, mais elle ne l’écoutait déjà plus vraiment, elle était trop occupée à admirer ses petits, telle une louve.
Le lendemain, au bord de cette piscine, les deux amis profitaient d’un moment de répit, de tranquillité bien méritée. Le vin était bon, la compagnie plus qu’agréable, Léo aurait pu rester ici, à profiter du climat italien, de l’hospitalité de Matteo qui s’était éclipsé une heure ou deux pour un vol imprévu avec des clients. Cet homme savait recevoir, il leur laissait tout l’accès à sa maison, à ses voitures, il cuisinait pour eux, il était drôle, brillant. Et, oui, incroyablement beau, Léo savait le reconnaître. Ça n’avait pas échappé à Freja non plus. La brune détaillait l’australien, elle ne manquait aucune miette, il savait qu’il l’attirait et dans une autre vie, ils se seraient déjà retrouvé dans une chambre ou dans la piscine sans aucun vêtements. Mais il ne s’agissait plus de ce genre de relation entre eux, Léo, même s’il ne se cachait pas pour la regarder, ne la ne toucherait plus. Il hocha la tête en portant son verre à ses lèvres. T’as pas vraiment besoin que je joue les entremetteurs de toute façon, j’te fais confiance. Il reposa le verre et passa une main dans ses cheveux. Je crois que ça pourrait marcher cette fois. Après tout ce temps, malgré les hauts et les bas, je crois qu’on va s’en sortir, avec Alba. Évidemment, à ce moment-là, Léo ne savait pas que d’autres épreuves les attendaient, mais il avait enfin accepté qu’il ne voulait que la blonde et qu’il était prêt à se battre pour que ça fonctionne.

Evidemment que tu le comprends et c'est justement parce que tu le comprends que tu n'acceptes pas qu'elle n'ait pas été honnête envers Woody. Qu'elle lui ait volé ces premières années de vie de sa fille. « Oui mais je n'aurais jamais empêché le père de ma fille de la connaitre. Et encore moins de savoir qu'elle existe. » Dis-tu en soupirant. Tu n'es pas dans la situation de Sara mais tu sais que tu n'aurais pas fait vivre cela à un homme. Sauf si l'homme en question était réellement mauvais mais ce n'est pas le cas de Woody. Peu importe ce qu'il s'est passé entre eux, il méritait de connaitre sa fille. En parlant de tes ex, le nom de Conchobáhr arrive sur le tapis. Un nom qui donne la nausée à Léo et, quelque part, tu peux le comprendre. Tu sais que leur histoire ne remonte pas à cette histoire avec Alba, tu sais que la haine vient de plus loin, de plus longtemps. Mais ils ont tous les deux changés. Et pour les connaitre tous les deux, tu sais que ce sont deux belles personnes qui se fourvoient sur l'autre. Néanmoins, tu comprends aisément que tu ne feras pas changer d'avis le photographe. « D'accord, je te laisse croire ce que tu veux. » Réponds-tu en levant les mains, en signe de paix. Tu ne veux pas t'aventurer sur ce terrain glissant et préfères virer sur le sujet de vos vacances et de ce fameux Matteo. « Mais tu me fais déjà tourner la tête. » Dis-tu en arquant un sourcil, un sourire malicieux aux lèvres. « On en rediscute dans quelques jours, lorsque j'aurai fait sa connaissance. » Finis-tu par dire plus sérieuse.

Après avoir découvert un peu plus la maison et avoir passé une bonne nuit, vous vous retrouvez, Léo et toi, autour de la piscine. Tes enfants sont à la sieste alors c'est le moment où tu peux réellement souffler et profiter. « Non en effet. J'espère juste qu'on ne te dérangera pas en pleine nuit. » Le taquines-tu. C'est finalement au tour du photographe de se confier un peu plus sur sa situation amoureuse. Il vit une histoire compliquée avec Alba, parsemée de hauts et de bas. Mais tu sais qu'ils sont fait pour être ensemble et que leur histoire est une évidence pour tou.te.s. « Je suis heureuse d'apprendre ça. » Dis-tu sincèrement. « Comment a-t-elle réagi en apprenant qu'on se retrouvait en Sicile ? » Léo et toi avez un passé. Aujourd'hui, il n'y a plus que de l'amitié - et quelques petits flirts sans arrière pensée par-ci par-là - mais ça n'a pas toujours été le cas. Tu ne sais pas comment tu réagirais à la place d'Alba mais pas forcément bien.

Est-ce qu’un jour Freja et Léo arrêteraient de flirter l’un avec l’autre ? C’était un jeu entre eux, depuis leur première rencontre, c’était le genre de jeu auquel on pouvait se brûler. Ils avaient déjà succombé à la tentation que l’autre suscitait. Ils étaient doués tous les deux dans l’art de la séduction, de la sensualité aussi, ils savaient quoi dire, quelle attitude adopter, quel regard lancer, appuyé, mais pas trop, quels mots prononcer. Ils étaient bons pour ça, alors évidemment ç'avait fait des étincelles. Pourtant, si Léo était un grand amoureux, s’il était capable de rapidement s’attacher à une femme, même d’avoir des sentiments, sentiments qui pouvaient tout aussi vite repartir, il n’en avait jamais eu pour Freja. Entre eux, ça n’avait été que physique et totalement amical. Beaucoup de personnes étaient dubitatives face à ce genre de relation, soi-disant que ça ne pouvait pas fonctionner, qu’un des deux finissait toujours par tomber amoureux. Jusqu’à preuve du contraire, ça n’avait jamais été le cas, ils étaient capables d’être des amis honnêtes, même des collaborateurs pour le travail sans que leurs ébats ne furent jamais un sujet à proprement parlé. Sans non plus que leurs différentes aventures ou histoires d’amour ne soient tabous ou un problème. Quoique, une seule avait probablement égratigné Léo, mais il s’en était remis. Alors si la sulfureuse norvégienne avait envie de s’envoyer en l’air avec le bellâtre italien, qu’elle ne s’en prive pas. Léo pourrait même trouver ça excitant et à une autre époque, il aurait pu être tenté de pousser le vice à proposer qu’ils s’amusent tous les trois. Mais ça, ce n’était plus au programme pour l’australien. Je pourrais parier pour qu’il ait une pièce secrète dans ce manoir ! Il pouffa un peu de rire, ils étaient comme des gamins. Il hocha la tête en souriant. Lui aussi était heureux, ça se voyait. Lui qui n’avait jamais vraiment voulu se caser, d’une histoire sérieuse, il se voyait à présent vieillir avec la même femme, si c’était Alba. Ils avaient tellement souffert avec l’autre, mais encore plus sans l’autre. Ils s’étaient fait du mal, ils en avaient bavé pour enfin trouver un équilibre. Et cette fois, il y croyait. Il arqua un sourcil en entendant la question de Freja, un peu surpris, pourtant il n’aurait pas dû l’être. Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres. Tu veux dire, après qu’elle a vu la vidéo que tu as postée sur Insta ? La veille au soir, Léo s’était baigné dans la Méditerranée, un pari stupide, que Freja avait filmé et posté sur les réseaux sociaux. En soi, la vidéo ne faisait rien de mal, mais on le voyait torse nu, en short, on le voyait rire, s’amuser, prendre du bon temps. Et Alba n’avait pas manqué de réagir dans la soirée, elle s’était montrée méfiante, alors qu’elle n’avait pas à l’être. Elle savait qu’il n’y avait rien entre son compagnon et la brune, que même s’ils étaient capables d’être proches, Léo ne ferait plus rien maintenant qu’il était avec elle. Il y avait pourtant toujours le doute qui subsistait, une sorte de jalousie latente. Alors même que de lui et elle, celle qui avait un jour eu des sentiments pour Freja, c’était Alba. C’était cette relation-là, d’ailleurs, que Léo avait eu du mal à accepter. Une fois dans sa vie, il y a très longtemps, brièvement, il avait été jaloux de Freja, du fait qu’elle soit si proche de celle qu’il aimait. Et aujourd’hui c’était visiblement le contraire. Elle me fait confiance. Elle doit me faire confiance. Parce qu’aussi bandante que tu sois, il ne se passera rien entre nous, parce que je l’aime. Léo pouvait parfaitement utiliser des mots crus et de la tendresse dans une même phrase, mais Freja savait ce qu’il voulait dire. Je voudrais qu'on s'installe ensemble, mais je n'ose pas lui demander. Il esquissa un sourire presque intimidé, pour Emerson, c'était un sacré pas en avant.

Ce ne serait pas pour te déplaire, s'il y avait bel et bien une pièce secrète dans ce manoir. Tu es du genre à vouloir tout tenter pour ne pas mourir avec des regrets. Tu as déjà beaucoup tenté à ce niveau-là mais es toujours en quête d'apprendre. Peut-être que l'ami de Léo pourra te faire découvrir de nouveaux aspects de toi-même que tu ne connais pas encore, qui sait. « Tu attises ma curiosité... Je devrais peut-être faire un tour du propriétaire. » Dis-tu, un sourire en coin et en haussant plusieurs fois les sourcils. Le ton est léger, comme toujours. Il y a toujours une petite touche de séduction entre vous mais plus au point que celle-ci vous pousse à céder à la tentation. Aujourd'hui, vous n'en êtes plus là et c'est très bien comme ça. Tout ce que tu souhaites, dans le fond, c'est le bonheur de Léo. Celui-ci semble l'avoir trouvé auprès d'Alba avec qui il vit une belle et grande histoire d'amour depuis plusieurs années maintenant. « Oups. » Réponds-tu d'abord en ne pouvant t'empêcher d'en rire. « C'était juste un moment de vie que j'avais envie de partager. J'aime te voir rire. Il n'y avait pas d'arrière pensée. » Ajoutes-tu pour te justifier. Tu ne cherchais aucunement à piquer Alba ou à la rendre jalouse, bien au contraire. Léo fait partie de tes amis proches et comme tous ceux qui font partie de ton cercle, il finit sur ton Instagram. S'il y a bien un réseau social que tu apprécies, c'est celui-là. « Attends que j'te saute dessus en pleine nuit, on verra si tu résistes. » Rétorques-tu, taquine. Tu ne ferais jamais ça, tu le respectes bien trop tout comme son couple, d'ailleurs. « Tu as beaucoup de chance de vivre ce genre de grand amour. Chéris-le. » Tu ne sais pas si Léo croit vraiment au grand amour, probablement pas. De ton côté, tu n'y as pas cru pendant longtemps mais à présent, tu sais qu'il existe. Et tu sais le reconnaitre quand tu le vois. En ce qui concerne Léo et Alba, c'est vraiment le cas. En entendant les derniers mots du photographe, ton sourire s'élargit davantage. « Léo ! Mais tu aurais dû commencer par là ! » Tu te redresses un peu plus, voulant tout savoir, tout connaitre. C'est une sacrée étape pour l'australien et pour son couple. Mais une belle étape surtout. « De quoi as-tu peur ? Tu penses qu'elle pourrait refuser ? » Tu es persuadée du contraire mais tu peux entendre les doutes de ton ami. Surtout pour quelqu'un qui aime sa liberté autant que Léo.

Il avait sorti ça comme une blague, Léo, en vérité il n’en savait rien, s’il y avait une pièce secrète ou non dans la propriété. Et il n’avait surtout pas envie de savoir. Il avait beau être aventurier, il n’en restait pas moins plutôt classique dans l’intimité. La réponse de Freja lui arracha néanmoins un sourire, il n’en attendait pas moins d’elle. Fais, tu me diras si tu trouves quelque chose de croustillant. Il lui lança un regard équivoque en haussant les sourcils. Pour finalement revenir à la tumultueuse vie sentimentale du photographe. S’il était heureux avec Alba, ils en avaient connu, des tempêtes et encore aujourd’hui tout était si peu stable, un mot et ils vacillaient, une vidée postée sur les réseaux sociaux et elle tiquait. Ce n’était pas grand-chose, Freja avait raison, elle n’avait fait que partager un moment de vie entre deux amis qui se retrouvaient. Mais pour Alba, ça ne semblait pas si limpide, elle qui savait que son australien et la norvégienne avaient eu un passé, elle qui était également brouillée avec Freja. Léo et la brune étaient à des milliers de kilomètres de Bowen, dans une destination de rêve, à une époque, elle aurait eu raison de s’inquiéter, mais plus aujourd’hui. Je sais tout ça, tu n’as pas à te justifier auprès de moi. Il savait par ailleurs que pour Freja rien n’était vraiment grave, jusqu’à ce que ça aille trop loin, elle aimait jouer avec le feu. Il éclata d’un rire réellement amusé, imaginant si bien la belle tenter de se glisser sous ses draps en pleine nuit. Évidemment que je résisterai, je suis parfaitement comblé ! Et c’était vrai, entre Alba et lui, il y avait toujours eu une alchimie totale, surtout dans l’intimité, au point qu’il n’ait jamais eu envie de voir ailleurs quand tout allait bien entre eux. Il lui adressa un sourire un peu plus doux. Totalement conscient qu’il avait de la chance, oui, notamment après tout ce qu’ils avaient vécu, toutes ses erreurs, elle lui avait redonné une chance, puis deux, tellement de chances. Peut-être aussi parce qu’ils étaient conscients, à force, que la vie les mettait toujours sur la route de l’autre, alors il fallait arrêter de lutter. Et pour mieux appuyer sur les paroles de Freja, il lui confia qu’il voulait qu’ils s’installent ensemble. Oui, je pense. Il gigota sur sa chaise, ne sachant pas vraiment comment formuler sa pensée. Pourtant, c'était simple, il fallait déjà qu’il précise. C’est pas juste s’installer ensemble en fait. Je me suis inscrit dans un programme pour être parent d’accueil, pour recueillir une petite fille que j’ai rencontrée au Laos et dont sa famille est en grande difficulté. Il n’y a rien de fait et je souhaite de tout cœur que rien n’arrive, mais si c’est le cas, il faudra ajouter un bébé au tableau. Alors c’est un gros bagage, surtout pour Alba. Donc oui, elle pourrait refuser. Il soupira doucement en portant son verre de vin à sa bouche.

Tu hoches la tête pour toute réponse, un sourire amusé aux lèvres. Tu découvriras bien vite ce qu'il en est, tu en es persuadée. Pour l'heure, la discussion vire sur la relation amoureuse de Léo. Une relation qui semble subir quelques vagues, par ta faute. Tu ne te doutais pas qu'en mettant une vidéo du photographe, réalisant un défi stupide, cela lui causerait des problèmes. Toi, tu adores capturer des moments de vie et les partager. C'est aussi une façon pour toi de tenir un journal de bord que tu peux consulter quand tu es nostalgique, tout simplement. « Aïe, mon égo en prend un coup. » Plaisantes-tu. Tu sais pertinemment que Léo résisterait parce qu'il est fou amoureux d'Alba. De toute façon, tu ne chercherais pas à le tenter. Tout ce que tu veux c'est son bonheur. Et c'est ce qu'il semble avoir trouvé auprès de la blonde puisqu'il t'explique vouloir emménager avec elle. Enfin, si la jeune femme accepte, ce que Léo redoute un peu. « Quand tu dis "je", ça veut dire que ce n'était pas la décision d'Alba ? » Demandes-tu afin d'y voir plus clair. Etant passée par là, tu ne peux qu'approuver son choix, son envie. C'est une démarche magnifique mais qui demande beaucoup d'investissement et d'ajustements. Sa vie sera complètement chamboulée après ça. « Elle est comment ? » Demandes-tu à propos de cette petite fille dont il parle. S'il a décidé de s'engager auprès d'elle, c'est qu'elle doit être exceptionnelle. Elle aurait beaucoup de chance d'être accueillie par Léo car tu sais qu'il saurait s'en occuper comme si c'était sa propre fille depuis toujours. Te levant pour aller chercher un ravitaillement, tu glisses dans une flaque d'eau au bord de la piscine. Tu te retrouves sur les fesses, tes mains ayant amortis ta chute, heureusement. Tu pars dans un rire, épuisée de toi et de ton tempérament maladroit. « Merde alors, c'est peut-être le signe que je ne devrais pas boire ce verre de plus. » Répliques-tu au photographe en te relevant doucement.

Léo avait beau avoir beaucoup de défauts et fait pas mal de faux pas avec les femmes. Quand il était amoureux et que tout allait bien dans son couple, il n'était pas infidèle, il n’en éprouvait pas le besoin. Alors quand bien même il aurait la plus belle femme du monde face à lui, même si Freja Ivanova s’invitait dans son lit, il la repousserait sans ciller. Il pouffa de rire, probablement qu’il aurait eu la même réaction qu’elle, mais tout ça n'était qu'un jeu entre eux, un jeux bon enfant, même s’il n'était pas au goût de tous et que beaucoup ne les comprenaient pas. Pourtant ils avaient leurs limites, leurs règles tacites, puisqu'il n’y avait aucun sentiment, ni l’un ni l'autre n'irait trop loin s’il y avait un ou une partenaire quelconque et encore plus une histoire d'amour en jeu, c'était aussi simple que ça. Et ils le savaient parfaitement. Malheureusement ça finirait par leur jouer des tours, même si ce soir ils étaient loin de l’imaginer. Avec bien plus de sérieux, le photographe se confia sur ses doutes concernant sa relation et aussi ce grand projet dont il peinait lui-même à croire qu’il l'avait entrepris. Ça ne lui ressemblait tellement pas, à Léo, de vouloir un autre enfant dans sa vie, lui qui avait longtemps refusé l’idée même d'être père. Et voilà qu'à présent il voulait se battre pour cette petite fille qui n'était même pas de lui. Il comprenait la confusion de la brune, lui-même était perdu. On n'a pas le même vécu, concernant cette rencontre déjà. Peut-être son passif au sujet de son adoption... Je ne sais pas. Je suis retourné quelque fois au Laos et elle n’a jamais cherché à m’accompagner. Et puis, nos retrouvailles sont finalement assez récentes, c'est arrivé lors de notre premier séjour d’ailleurs. Mais c'est Alba qui m’a poussé à me proposer comme parent d'accueil, donc elle sait que ça me tient à cœur. Mais c'était une chose que de le pousser dans ses projets, c'en était une autre que d'y prendre part. C'était là la nuance. Alba avait certes encouragé Léo, mais elle n'avait pas proposé de mettre son nom sur le dossier et lui n'avait pas cherché à l’en persuader. Cependant il espérait bien que si Kai venait les rejoindre, elle craque autant que lui sur ce bébé. Il esquissa un sourire attendri. Elle est si petite, vulnérable. Et pourtant quand elle pose son regard sur moi j’ai l’impression qu’elle peut réaliser l’impossible. Comme me faire totalement craquer alors que je n'aime pas les gosses. C’est indescriptible ce truc qui se passe. Il avait changé, Léo ! Il observe Freja se lever et fut aux premières loges pour la voir glisser sur la flaque. Il se redressa vivement et s’approcha d'elle. Ça va, rien de mal ? Elle se relevait déjà, sans manquer de faire un trait d’humour. On va te confisquer les clés de la cave, oui ! Dit-il en riant avec elle. Une fois que Freja fut relevée, il se réinstalla dans sa chaise. Toi aussi tu as senti ce lien avec Zoé ? Il savait que la norvégienne avait vécu le même genre de parcours qu'il s’apprêtait à faire, alors son expérience pourrait être d’une grande aide.

C'est ce que tu aimes dans ta relation avec Léo, le fait de pouvoir parler de tout sans tabou et sans crainte. Vous pouvez passer d'un ton léger et enfantin à quelque chose de bien plus sérieux. Vous vous confiez sans avoir peur d'être jugé. C'est comme cela que ce fameux projet arrive sur le tapis. Léo t'explique qu'il a fait plusieurs aller-retours au Laos et que c'est là qu'il a fait la connaissance de cette petite pour qui il s'est porté famille d'accueil. C'est le projet d'une vie et c'est surtout la décision d'une vie. Tu ne peux que le pousser dans ce sens, toi qui as découvert la maternité grâce à Zoé. Aider un enfant qui n'a pas les mêmes chances que vous, vous avez pu avoir, c'est quelque chose d'inexplicable à tes yeux. « Si elle t'a poussé à te proposer comme famille d'accueil, c'est qu'il y a quand même quelque chose derrière... » Tu ne vois pas Alba proposer cela sans y réfléchir réellement. Elle est plutôt mesurée en temps normal. Et surtout, tu penses réellement qu'elle a pour intention d'affronter son futur avec Léo. Alors, pourquoi proposer cela si elle ne pense pas faire partie de l'équation d'une façon ou d'une autre ? Mais tu n'es pas dans leur histoire, tu n'as pas tous les tenants et les aboutissants après tout. Tu souris en voyant ses yeux briller alors que le photographe parle de cette petite fille. Tu as l'impression de te voir, quelques années auparavant. « Tu dis que tu n'aimes pas les enfants mais tu n'agis pas comme quelqu'un qui n'aime pas les enfants. » Dis-tu, le ton léger. Il est si doux, si gentil, avec tes enfants. Puis, c'est un super papa et il sera sûrement exceptionnel comme père d'accueil aussi. Alors que tu te lèves pour reprendre à boire, tu glisses sur une flaque d'eau. Heureusement, plus de peur que de mal. « Tout va bien. » Le rassures-tu avant de rire à ses mots. « En même temps, quelle idée d'avoir une cave si attirante aussi ! » Le bon vin qui y coule à flots est un appel du pied, clairement. Abandonnant l'idée de reprendre à boire, tu reprends place aux côtés de l'australien. « Oui, je l'ai senti tout de suite. Puis, j'ai toujours eu l'impression qu'elle était arrivée dans ma vie pile au moment où j'en avais besoin. En fait, on pense que c'est moi qui l'ai sauvée mais c'est tout l'inverse. » Expliques-tu en souriant. « Je trouve ça fabuleux que tu veuilles faire cela pour cette petite. Mais ce n'est pas un parcours facile. Souvent, ces enfants ont vécu bien plus de choses qu'on ne peut l'imaginer et il faut pouvoir dealer avec ça. » Zoé, de son côté, a eu une mère biologique accro à la drogue et à l'alcool. Un père inconnu et un beau-père qui la maltraitait. De quoi commencer sa courte existence de la pire des façons. Heureusement, aujourd'hui, cela semble être une petite fille épanouie et qui ne manque de rien.

tw : consommation d'alcool. Evocation de sujets tels que l'abandon, la mort et l'adoption

Léo était fébrile à l’idée d’aborder ce sujet si personnel avec Freja. Avec n’importe qui d’ailleurs, la jeune femme étant la première personne à qui il en parlait à part Alba et les assistantes sociales. Il avait tellement peur, de tellement de choses. C’était quelque chose qui lui tenait à cœur, il s’était rarement battu pour autre chose que lui-même au final. Certes, il participait régulièrement à des opérations humanitaires, c’était une cause à laquelle il tenait particulièrement. Certes, à la fin de la mission, il rentrait chez lui avec l’esprit plus léger, la sensation agréable d’avoir été vraiment utile à quelque chose, mais ça n’avait pas foncièrement changé qui il était ni sa petite vie tranquille. Alors que Kai, elle avait tout bousculé, s’il arrivait à en avoir la charge, il pourrait changer sa vie et elle changerait assurément la sienne du tout au tout. Et Alba le savait, oui, sûrement, mais ils n’avaient jamais abordé le sujet de faire ça ensemble. Elle n’était pas stupide, si elle partageait la vie de Léo, alors oui, elle allait prendre part à celle de cette enfant, elle savait, elle était elle-même adoptée. Mais Léo avait toujours beaucoup de doutes. Il confiait tout ça à Freja, parce qu’elle était son amie, parce qu’il lui faisait confiance et il savait qu’il n’y aurait pas de jugement dans ses réponses. Il savait aussi qu’elle avait connu le même parcours avec Zoé, ç'avait son importance. Il lâcha un soupir qui exprimait ses nombreux doutes à ce sujet. On ne sait même pas si la petite aura vraiment besoin d’une famille d’accueil. Peut-être que tu as raison, je ne sais pas. Il avait envie de croire que la brune avait raison, mais d’expérience, il savait que rien n’était jamais acquit entre Jensen et lui. Il lâcha un rire un peu gêné, effectivement Léo venait de dire qu’il n’aimait pas les enfants alors qu’il avait invité Freja et ses deux gamins ici et que, pas plus tard que cet après-midi, il avait joué durant un long moment avec Zoé dans la piscine. Ce qu’il voulait dire par là, c’est qu’avant Jonah et même après d’ailleurs, il ne s’était jamais vu papa, il n’avait jamais considéré la paternité comme quelque chose d’essentiel à sa vie. Jonah lui était tombé dessus. Et tout portrait à croire que c’était la même chose pour Kai. Finalement, il était devenu papa par accident, comme il avait rencontré les femmes de sa vie de la même façon. C’était à sa manière à lui de tomber amoureux, au hasard des rencontres. Quelque part, c’était assez beau. C’est parce que tes enfants sont cools ! Se justifia-t-il dans un sourire. Son fils aussi, il l’était, c’était le plus cool des gamins, son surfeur. Il fut ensuite témoin d’une chute plutôt mémorable de Freja, à quelques centimètres près, elle finissait dans la piscine. Heureusement, plus de peur que de mal, ils pouvaient reprendre leur discussion, en laissant tomber le vin, ce qui n’était pas une si mauvaise idée finalement. Il sourit à l’histoire que Freja lui racontait, il pensait exactement la même chose pour Kai. Lui qui avait passé sa vie à parcourir le monde, à se nourrir de rencontres, mais qui restaient à la fin, pour la plupart superficielles. Au fond de lui, le photographe sentait que tout ce chemin l’avait mené à elle, à cette rencontre en particulier, pour donner un sens à cette vie. Il hocha la tête, le discours qu’elle lui servait était sensiblement le même que ce que l’association lui avait servi, il savait, oui, sur le papier, il savait. Il savait aussi que même en ne l’ayant vu que quelques fois au cours des derniers mois, il tenait à elle, probablement trop et que si elle venait vivre avec lui, il ne voudrait plus jamais qu’elle reparte. Il pensait à elle comme un papa pensait à son enfant et ça l’effrayait beaucoup. On lui avait dit qu’il faudrait savoir rester détaché, parce que la placer chez lui ce n’était pas l’adopter, c’était une position temporaire, de transition. Il savait tout ça, il avait accepté et signé les papiers en toute conscience, mais dans la réalité, saurait-il vraiment dealer avec ça ? Sa mère est morte suite à un typhon qui a tout dévasté. Son père doit survivre en ayant tout à reconstruire, perdu toutes ses cultures, son gagne-pain, sa femme, on m’a dit que sa santé mentale s’était passablement dégradée. C’est pourquoi on m’a proposé de me tenir prête pour l’accueillir, si le fallait. Elle a déjà un passif qui risque de s’alourdir. Il baissa les yeux, cette situation lui était insupportable, rien qu’en parler, il se sentait à fleur de peau. Avec Alba on les a rencontrés, ses parents, sa mère me l’a mise dans les bras quelques heures avant de mourir. On a partagé leur table, c’étaient des gens tellement bons et généreux. Il y a un lien qui s’est tissé. Je ne peux pas me dire que si ça tourne mal, elle sera confiée à de parfaits étrangers qui ne savent rien de son histoire, tu vois ? Moi, je pourrais la lui raconter, elle saura combien elle était aimée. Il avala d’une traite la fin de son verre de vin avant de devenir trop sensible.

Tu chéris ces moments précieux partagés avec Léo. Au-delà des taquineries, du petit flirt que vous entretenez entre vous, il y a une vraie et belle amitié. Aujourd'hui encore, vous le démontrez en abordant un sujet des plus sérieux qui risque de bouleverser la vie entière du photographe. Être famille d'accueil demande un tel investissement que ça peut être quitte ou double. Il ne faut pas s'attendre à ce que tout se passe à merveille tout le temps, ce serait trop facile sinon. D'autant plus que, souvent, les enfants accueillis trainent un bagage des plus lourds derrière eux. C'est plus facile d'affronter cela à deux, en couple. Léo aurait tout à gagner de faire cela avec Alba mais, visiblement, celle-ci n'a pas montré son intérêt. Tu l'as fait seule, Léo en sera capable également. Mais pour son couple, c'est sans doute mieux si les choses se concrétisent pour tous les deux. Tu souris assez largement quand l'australien affirme que tes enfants sont cool. Evidemment qu'ils le sont. Pas toujours mais la plupart du temps. Tu te sentiras toujours chanceuse pour cette famille que tu as construite par toi-même. Rien n'était gagné pourtant. « C'est vrai qu'ils le sont. » Réponds-tu simplement en jetant un rapide coup d'oeil au babyphone. Ils dorment toujours tous les deux à point fermé, quelle chance ! Et quel plaisir d'avoir ce temps libre avec ton ami. Quel plaisir de le voir se confier de la sorte et de te faire confiance pour cela. Tu es extrêmement touchée par les explications de Léo à propos de cette petite. Ce qu'elle a vécu - et ce qu'elle devra sans doute encore affronter - n'a rien de simple pour un adulte alors n'en parlons même pas pour une petite fille de son âge. Léo est sans aucun doute sa meilleure chance. Malgré tout, tu sais qu'être famille d'accueil demande un gros investissement de temps mais surtout de sentiments. Tu as tout de suite aimé Zoé comme si c'était ta propre fille et tu ne sais pas ce que tu aurais fait si tu avais dû la rendre à sa mère biologique, finalement. « Ça doit être d'autant plus dur si tu as rencontré ses parents et que ce sont des gens bons. » Te concernant, tu ne pouvais qu'en vouloir à la mère de Zoé pour la vie qu'elle avait fait endurer à sa fille de huit mois. Pour Léo, c'est l'opposé. « C'est indéniable qu'elle sera mieux à tes côtés. Je sais que tu lui apporteras tout ce dont elle a besoin. » Réponds-tu en souriant sincèrement. Mais il y a quand même un sujet qui fâche que tu te dois d'aborder afin de préparer ton ami, au cas où. « Tu te sens capable de gérer son départ, si jamais son père la récupère ? C'est une hypothèse qu'il faut envisager. C'est horrible mais c'est possible. » Tu n'es pas là pour casser l'ambiance mais plutôt pour mettre en lumière tous les points importants d'une famille d'accueil.

C’était libérateur de parler de cet énorme projet à Freja, Léo savait qu’il pourrait être incompris ou ne pas être pris au sérieux. Il avait cette réputation d’homme courant d’air, qui ne tenait jamais en place, toujours sur la route. Beaucoup savaient qu’il était devenu papa de Jonah par accident et qu’il n’en voulait pas au départ. Quant à ses relations amoureuses, elles avaient fait parler, fait sourire même. Bref, pour beaucoup, il n’était pas sérieux ni constant. Alors ce genre de décision, évidemment que ça ne lui ressemblait pas. Cependant, il avait beaucoup changé au cours des dernières années, il s’était assagi, calmé, posé. Que ce soit avec les femmes, ou bien dans sa vie en général. Il avait pris conscience qu’il devait arrêter de courir après le temps ou le monde. Il avait aussi développé une conscience écologique qui ne collait pas avec son mode de vie toujours dans les avions, alors il essayait de changer. Et dernièrement, il avait réalisé que cette petite fille était probablement la raison à tous ses voyages, toutes ses rencontres. Freja était sûrement une des seules personnes à pouvoir le comprendre et réellement le soutenir, Léo le savait et il en avait besoin. Elle l’avait toujours soutenu, elle était maman elle aussi, son parcours était relativement similaire à celui de l’australien. Et oui, ses gamins étaient cools. Le regard qu'elle jeta sur le babyphone fit sourire son ami. On avait beau avoir les meilleurs enfants du monde, à la fin de la journée, on aspirait tous à un moment de répit, à redevenir des adultes à part entière et pas simplement des parents. Léo se confia davantage, notamment sur sa rencontre avec Kai et ses parents. Malheureusement sa mère n'était plus de ce monde, mais elle avait encore son père, un homme si courageux. Encore une fois Freja le comprenait. Sa question le surprit un peu, pourtant elle était légitime. Il en avait déjà parlé avec les services sociaux. Oui, évidemment. Je ne souhaite que leur bonheur. J’espère que son père sera capable de la reprendre et qu’ils auront une belle vie. Même si je dois en avoir la garde, je lui souhaite que ce soit temporaire. Pour Léo ça semblait couler de source, malgré l’attachement qu’il avait pour cette enfant. Il était parfaitement conscient que même si sa vie dans un pays riche, son statut privilégié, donnait l'impression qu'il pourrait offrir une meilleure vie à Kai, c'était totalement biaisé. Ce n'était pas parce qu'elle avait grandi au milieu de nulle part, dans une culture totalement différente, dans un milieu plus modeste, qu'elle en était moins heureuse. Cependant ce n'était évidemment pas aussi simple, il se voulait fort, il se protégeait. La vie lui apprendrait néanmoins rapidement qu'il n'aurait pas ce genre de considération à avoir, mais pour le moment il ne savait encore rien. Tu crois que c’est une folie, cette décision ? Il s’inquiétait mine de rien, malgré ses airs sur de lui, Léo était rongé par le doute.

Il n'y a pas grand monde qui peut comprendre ce que cela fait d'être famille d'accueil pour un enfant. Il faut l'avoir vécu pour cela. Alors, ça te fait plaisir - et te touche - que Léo te fasse assez confiance pour t'en parler. Cela prouve que votre amitié est bien moins superficielle qu'elle peut laisser paraitre. Derrière ces petits flirts, ces jolis compliments et ces regards complices, il y a bien plus. Il y a cette amitié que vous forgez depuis tant d'années maintenant. C'est pour cette raison que tu te permets de lui poser cette question qui fâche. Ou plutôt, qui peut être difficile à entendre. Tu perçois un petit peu la surprise chez Léo mais sa réponse est des plus honnêtes malgré tout. « C'est toujours ce qu'on se dit mais dans les faits, c'est bien moins simple. Enfin, ça, tu dois t'en douter, j'imagine que je ne t'apprends rien. » Réponds-tu. « Il faut juste s'y préparer et encore, je crois qu'on ne peut jamais être totalement prêt. » Parce qu'il y a toujours une part de nous qui espère être sa famille de toujours. Sa famille pour toujours. Tu ne l'as jamais avoué au début car tu te persuadais que la mère biologique de Zoé allait récupérer la garde. Mais lorsque les choses sont devenues plus concrètes, tu t'es vraiment rendue compte que, si elle avait dû s'en aller, tu aurais été littéralement anéantie. Tu souris plus largement en entendant sa question. « Oui et non. C'est une décision folle dans le sens où ça va chambouler complètement ta vie. » Et en même temps, pour la meilleure des raisons. « Mais je pense que tu es assez mature et réfléchi pour ne pas prendre cette décision à la légère. Alors non, je ne pense pas que ce soit une folie pour toi. Je pense que tu es exactement là où tu devrais être. » Ajoutes-tu sincèrement. Tu ne pourrais pas être plus heureuse pour lui. « J'espère juste que, si cela se concrétise pour toi, tu parviendras à régler les choses avec Alba. Je pense réellement qu'être à deux est plus facile. Pas que pour s'occuper de la petite mais aussi pour toi, pour ton moral et pour ton couple. » Parce que ce sera une épreuve quoi que Léo en pense. Une belle épreuve mais une épreuve quand même.

Ce n'était pas pour parler de son projet que Léo avait invité Freja à le rejoindre. Au contraire, il avait même espéré ne pas y penser durant quelques jours, mais il fallait admettre que ça occupait une bonne partie de son esprit, cette attente, le fait qu'il doutait encore que ce soit une bonne décision par rapport à son couple. Mais finalement, discuter avec la brune le libérait un peu, il se sentait plus léger, comme s’il avait un poids en moins sur les épaules, plus apaisé aussi, malgré les questions de Freja. Parce qu’elle posait toutes les questions, même celles qui dérangeaient et elle avait raison. Il hocha la tête, comme un enfant à qui on faisait la leçon. Il se préparait à tout. Oui je m’en doute, je sais. C'était cruel effectivement, de se dire que J'ai allait peut-être le rejoindre mais qu’elle lui seraient certainement retirée alors même qu'ils tissaient ce lien si particulier. Il se pensait fort, Léo, inébranlable, il devait l'être. Après tout, il n'était pas son père. Il avait posé sa question comme s’il recherchait à ce que Freja le conforte dans son projet, comme s'il en avait besoin. Peut-être en avait-il besoin, oui. Il esquissa un sourire, il était exactement là où il devait être. C'était ce qu'il pensait depuis le départ, comme si c’était écrit, malgré les épreuves à venir, peut-être le déchirement que ce ne soit qu’éphémère, il devait accompagner cette petite fille. C'est ce que je crois aussi. Il hocha la tête, la suite était moins agréable, mais néanmoins nécessaire. Rien n'était acquis dans son histoire avec Alba et ce serait une nouvelle montagne à déplacer. À savoir s'ils étaient encore capables de se soutenir, s'ils étaient assez forts. On pouvait lire le doute sur le visage de l’australien, mais il haussa les épaules. On n’en est pas là. Parfois c'était plus simple d’éviter les questions qui le dérangeaient. Et toi, à part me dire que Woody était papa, tu ne m’as pas parlé de toi. Tu en es où ? C'était une question assez générale, Freja pourrait bien lui parler de sa vie sentimentale, professionnelle, ce dont elle avait envie, peu importait.