Vers l'infini et au bar !

Réservé:

Il y avait un côté pratique à ce qu’un tattoo shop se soit installé à deux rues du Elm. Marcus, amateur de tatouages depuis toujours, avait adopté Bo comme tatoueuse officielle quasiment dès son arrivée à Bowen. Il aimait son style, c’est ce qui l’avait attiré en premier lieu et à force, elle était devenue une amie. Il passait au shop quand il avait du temps à tuer, parfois juste pour discuter de tout et de rien, parfois pour passer sous les aiguilles, ça dépendait. La tatoueuse bossait comme une folle depuis qu’elle avait ouvert, elle avait du mérite et du talent, Marcus avait parlé d’elle autour de lui, autant qu’il avait pu, afin de faire un peu sa pub. Mais il lui avait aussi conseillé de lever le pied de temps en temps et de passer prendre un verre, quand elle en avait envie. Visiblement ç'avait porté ses fruits parce qu’elle poussait régulièrement la porte du Elm depuis quelque temps. Salut ! Il était toujours content de la voir s’installer au comptoir. Le barman hocha la tête à sa commande, sans pouvoir s’empêcher de se demander qui aimait vraiment la violette ? J’avoue qu’un verre de rhum dans le nez avant d’ouvrir, c’est peut-être moyen. Il sourit avant de lever son t-shirt pour montrer son travail à l’artiste. Le projet, c'était un gros tatouage qui prendrait tout le bras du barbu, pour l’instant, elle avait fait l’épaule et s’était arrêtée au biceps. Ça m’a démangé pendant quelques jours, maintenant ça va mieux. Heureusement que j’suis pas le genre de personne à faire le lézard sur la plage. Un tattoo en plein été, ce n’était pas forcément le plus malin, mais il ne quittait pas souvent son bar alors il n’y avait pas beaucoup de soucis à se faire. Et puis il n’était pas non plus à son coup d’essai. Elle déposait la monnaie sur le bois vernis tandis qu’il lui tendait son verre. J’ai plus de parapluies, mais je fais des brochettes de marshmallow et Tagada, ça change ! C’était l’idée de Sierra, sa serveuse et il fallait dire que ça plaisait bien. Il avisa le pourboire qu’il déposa dans une coupelle. Merci pour Sierra. Il ne les gardait jamais pour lui.

Marcus connaissait peu de personnes comme Bo. La brune disait toujours ce qui lui passait par la tête, sans filtre, un peu comme une enfant. C'était drôle, le barman ne s'ennuyait pas avec elle. Déjà elle lui racontait cette anecdote qui lui fit hausser un sourcil, avant de partir dans un éclat de rire. Tu dois en avoir pas mal à raconter des histoires comme ça ! Dans le monde du tatouage on rencontrait de tout, que ce soit les clients ou les artistes, il en savait quelque chose aussi. Il lui était arrivé une ou deux fois de se raviser de faire un tattoo, parce que l'artiste, bien que son travail lui plaise sur le papier, ne lui semblait finalement pas fiable. La jeune femme observa son travail avant de retrouver sa place avec un air satisfait. Marc avait toujours été bon élève, à écouter les conseils, à suivre les recommandations, à faire son travail consciencieusement, ça ne datait pas d'hier, ça faisait partie de lui. Ce n'était pas pour rien qu'il avait sauté une classe dans ses études. Et pour ses tatouages c'était la même chose, il en prenait soin. C'était plutôt simple aussi, pour un homme qui détestait la plage. Une petite claque et ça repart ! Tu aurais dû en faire ton slogan. Affirma-t-il, non sans un petit rire étouffé. Décidément, leur conversation volait plutôt bas aujourd'hui ! Il attrapa la fraise avec un sourire et la croqua sans demander son reste. Il n'avait pas vraiment la dent sucrée, mais il fallait admettre que ces petites gourmandises se laissaient manger toutes seules. Pourquoi ce ne serait pas la mienne ? Qu'il demanda, faussement offusqué. OK ok, c'est une idée de Sierra. La gamine avait mis du temps à se faire à son job, mais il fallait avouer que maintenant que les choses allaient mieux entre eux, elle se montrait plus motivée et elle avait même quelques idées intéressantes. Alors, quoi d'neuf depuis qu'on s'est vu ? Marcus était au courant que le shop de la tatoueuse battait de l'aile, mais il espérait qu'elle arriverait à s'en sortir.

Meilleur public que Marcus, il n'y avait pas, il riait à toutes les blagues, même les plus nulles. Il n'était pas forcément le mec le plus drôle, parfois, il avait envie de dire un truc et il se ravisait, même s'il se soignait depuis quelques années, il avait tout un passé de rat de laboratoire, à l'image soporifique et aussi un caractère timide et réservé qu'il avait dû forcer pour parler avec les clients, pour avoir l'air plus cool aussi. Mais il était tellement passionné par son job que finalement ça allait beaucoup mieux. Et puis il était ici chez lui, c'était plus simple d'être à l'aise. Garde la sous le coude, quand même, elle est bonne ! Il imaginait sérieusement ce slogan sur une sorte de panneau lumineux. Mais en vérité, même lui n'aurait peut-être pas le cran de l'afficher, il y avait toujours les idées et la réalité était différente.
Aujourd'hui les choses allient bien mieux avec Sierra, mais il fallait admettre que la blonde n'avait pas toujours été l'employée de l'année. Elle était têtue, buttée. Elle n'avait pas envie de travailler au Elm à la base et ça s'était très vite vue, elle ne s'en était pas cachée. Mais à force et suite à une bonne discussion honnête, ils avaient fini par s'entendre. Après tout, elle avait besoin de ce job et Marc avait besoin d'elle, c'était gagnant-gagnant, mais autant que cette collaboration soit agréable pour tous les deux. Je la garde, désolé, maintenant que les chose vont bien entre elle et moi ! Trouve-toi une autre perle. Il se servit un verre d'eau gazeuse avant de reprendre. Pourquoi tu n'envisages pas de louer un siège chez un autre tatoueur en ville ? Tu garderais ta clientèle, tu serais toujours ta propre patronne, par contre, tu n'aurais plus les frais de local et tout le bazar. Ils parlaient toujours honnêtement, Bo et Marc et le barbu était au courant des préoccupations de la tatoueuse, alors il tentait de réfléchir à des solutions, même si elle y avait certainement déjà pensé.

C’était toujours sympa d’avoir Bo qui passait prendre un verre au bar, au moins Marcus savait qu’il allait rire de bon cœur. Elle était facile, elle le faisait rire et elle était également bon public, ce qui n’était pas mal pour un homme qui doutait de ses talents d’humoriste. On aurait dit deux gamins dans une cour d’école qui gloussaient comme des cannes. La tatoueuse riait encore de leurs bêtises quand il se reprit un peu. T’as rien à perdre. Mais il doutait qu’elle aille vraiment la publier, son annonce. Parce qu'au contraire, elle avait déjà pas mal perdu et elle perdrait encore plus à prendre quelqu'un avec elle. Clairement, son commerce n’allait pas fort, ce n’était pas le moment pour elle de prendre un employé et pour quoi faire ? Faire des cafés, dans un shop de tatouage ? Ils savaient tous les deux que ce ne serait pas raisonnable et qu’elle n’avait pas d’argent à perdre là-dedans. C’était réellement dommage que shop batte de l’aile, parce qu’elle était bonne tatoueuse, Bo, elle était bosseuse, sérieuse, elle avait sa patte et sa clientèle. Mais son local était un gouffre financier. J’suis pas vexé, non. Mais si tu n’étais pas venue à Bowen, tu ne m’aurais jamais rencontré quand même et ça, ma pauvre, tu serais passée à côté d’un truc ! Qu’il rétorqua en toute modestie avec un large sourire qui prouvait qu'il n'était pas sérieux Comment ça se fait que tu as hérité de cet endroit ? Il connaissait vaguement l’histoire, Marcus, mais pour lui, un local ça se revendait et basta, pourtant il savait que ce n’était pas aussi simple pour la brune.

Un peu que la vie était douce à Bowen ! Marcus défendait sa petite bourgade bec et ongles depuis des années. Il savait que ce n'était pas la destination la plus prisée d’Australie, mais il y faisait bon vivre. Ce n'était ni trop grand ni trop petit, ça bougeait quand même pas mal et avoir assez de touristes en été pour bien faire vivre la ville. Lui, il n'avait pas tellement de points de comparaison, il avait tenté de partir une année pour ses études supérieures et il était vite rentré au bercail quand le mal de la maison s'était fait sentir. Ça ne l'avait pas empêché de faire de brillantes études, d'avoir un avenir qui se profilait. Il n'avait pas vu beaucoup de pays, non, mais il se sentait bien, ici, alors pourquoi partir ? Il en connaissait des nouveaux qui pensaient ne rester qu’un temps et qui finalement étaient toujours là ! C'est sûr que ça te change d’Adelaïde ! C’est un drôle de cadeau qu'il t’a fait quand même, ton père. Il n'était même pas certain que Bo n'ait jamais voulu ouvrir son shop, c'était carrément un cadeau empoisonné. Moi, comme tu le sais, je vis juste en face, dans un appartement, c'était celui de ma grand-mère avant, elle m’a élevé. Ma fenêtre donne sur le Elm et je ne sais pas l’expliquer, j'ai toujours été attiré par ce bar, depuis tout gamin. En vrai, c'était une histoire sacrément tordue, mais il n’en avait rien à faire du jugement des gens. Et il était persuadé que Bo l’aimerait bien, elle avait son côté tordu, elle aussi, c’est pour ça qu’il l’appréciait.