Appel entre Kay et Alexis

3 mars 2024, 22:30

Le regard vide depuis de longues minutes, incapable de décrocher de son prénom, l’envie de craquer était bien trop forte. Il s’était dit qu’il ne le ferait pas pourtant. Il devait lui laisser de l’espace… Et pourtant, une petite voix dans un coin de sa tête lui disait de le faire. De toute façon, elle a bloqué le numéro, elle ne verra jamais. Alors finalement, il approchait l’appareil jusqu’à son oreille, prêt à tomber sur une boîte vocale, dans le simple but d’entendre sa voix.

*Appel Alexis.*

Plongée dans un sommeil peu reposant, comme tous les jours depuis déjà trois semaines, Alexis se réveilla en entendant son téléphone vibrer. Son coeur s'arrêta certainement pendant une seconde ou deux en voyant le prénom de Kay s'afficher. Le seul prénom qu'elle avait souhaité voir à chaque fois qu'il sonnait, le seul qui n'était jamais apparu. Sauf là. Elle n'avait absolument pas tenu sa promesse de le garder bloqué, pas que ça ait changé quoi que ce soit avant ce soir. Les mains tremblantes, elle glissa son index sur l'écran pour décrocher. Un délai de quelques secondes fut nécessaire ne serait-ce que pour trouver le courage de parler. '' Kay? '' dit-elle finalement.

C’était censé biper, encore et encore, jusqu’à entendre la voix d’Alexis. Pourtant, ce n'était pas une messagerie, mais bien elle.
"Oh shit…"
Un premier brin de réponse pour un mec qui n’avait clairement pas préparé son coup.
“Je… J'pensais pas que… Que t’aurais décroché”
Il bredouillait ses mots, complètement pris au dépourvu, laissant les silences traduire sa gène et son désarroi.

Elle avait attendu cet appel tous les jours après l'hôpital, elle avait espéré qu'il change d'avis, Kay et qu'il veule de son aide, qu'elle soit là avec lui. Cet appel, il n'était jamais venu et Alexis n'avait que continuer à s'enfoncer dans la déprime jour après jour. Tellement que là, elle n'avait aucune idée de comment se sentir en entendant finalement la voix de Kay. « Je.. J'pensais pas que t'appellerais un jour. » Elle était toute aussi perturbée que l'Anglais en ce moment, ne s'attendant certainement pas à ça alors qu'elle venait de se réveiller. « Pourquoi t'appelles maintenant? » Que maintenant, après trois semaines à imaginer le pire.

Pourquoi il appelait ? Même lui n’était pas bien certain. Il ne s’attendait pas à avoir une discussion, alors comment répondre à cette question ? “Hum… En fait, je… J’avais besoin de…” De l’entendre ? Lui parler ? La sentir un peu près de lui malgré tout ça ? De lui avouer combien elle lui manquait ? Il avait pas mal de raisons, mais aucune qui ne semblait être utile à dire. “Mais, oublie. C’est débile… J’aurais pas dû appeler. Je pensais que j’aurais été direct sur messagerie… J'suis désolé, j'devrais pas faire ça.” Pas mal de pauses dans son discours. Il luttait intérieurement pour ne pas craquer et tout lui raconter parce qu’être dans ce lieu, tout seul, ça jouait sur son moral et il n’avait qu’une envie d'être près d’elle, comme si les derniers mois n’avaient été qu’un terrible cauchemar duquel il pourrait sortir.

Dans un monde idéal, Kay l'aurait appelé bien plus tôt. En fait, dans un monde idéal, Alexis elle n'aurait pas eu à quitter l'hôpital. Le fait d'se retrouver sans nouvelles, sans contact, ça avait été horrible. Comme si elle était en sevrage, elle aussi, en sevrage de lui. C'était définitivement pas quelque chose qu'elle gérait bien alors d'entendre sa voix ce soir, oui ça la perturbait, mais ça la soulageait aussi. C'était très contradictoire. '' Je... '' commença-t-elle sans pouvoir finir sa phrase. Elle ne savait même pas quoi lui dire, y'avait trop de choses qui se bousculaient dans sa tête, trop de choses qu'elle avait envie de lui mentionner. '' Non, s'il te plait. '' Ça, c'était sorti bien plus rapidement que sa vitesse de pensée. L'idée de raccrocher et de retomber dans le silence, ça l'effrayait. '' Attend, encore juste un peu. '' lui demanda-t-elle avec une petite voix, presque suppliante. Elle avait juste besoin de l'entendre, Alex. '' Est-ce que... Est-ce que tu vas bien? '' le questionna-t-elle, faute de pouvoir lui dire tout ce qu'il se passait dans  sa tête, elle pouvait au moins se rassurer là-dessus.

La décision d'appeler n’avait pas été évidente. Le fait de lui parler l’était encore moins. Il y a tellement de choses qu’il aurait voulu lui dire, mais qu’il ne pouvait malheureusement. L’impact de ses mots pourrait être bien trop fort et il se sentait bien égoïste d’avoir envie de formuler tout ça. Pourtant, la réaction d’Alexis ne faisait que lui donner encore plus envie de le faire. “Je… Ça va mieux, oui… Je crois.” Dit-il bien timidement. Il n’avait pas plus envie qu’elle de raccrocher. Rien que d’être en silence, mais la savoir au bout du fil ça le réconfortait un peu. “J’suis pas à Bowen, si jamais… Si jamais t’as peur de me croiser ou quelque chose comme ça.” Il se raclait la gorge, ne sachant pas ce qu’il voulait bien s’autoriser à dire. “J’le serais pas avant encore quelques semaines, t’as pas à t’inquiéter de ça.” Avoua-t-il, finalement. C’est lui qui avait poussé pour qu’elle prenne ses distances, au moins là, elle saurait qu’elle pouvait sortir tranquillement sans avoir peur de le croiser à chaque coin de rue. “Tu sais que j’suis désolé, n’est ce pas ?” Il laissait quelques secondes de silence, bataillant avec lui-même pour ne pas trop en dire ou se retrouver à être maladroit dans ses mots. “J’suis désolé de t’avoir fait vivre tout ça, d’être aussi con, de pas être à la hauteur… Et j’suis désolé de t'appeler comme ça… Je sais que j’ai pas le droit, mais… J’avais juste besoin d’entendre ta voix, même si ce n'est qu’à travers une messagerie vocale.” Et voilà, il s’était lancé et il en avait encore trop dit. Un bon pic de culpabilité le frappait encore. Une forte envie de se frapper la tête contre un mur le traversait soudainement.

S'ils pouvaient rester les deux au bout du fil pendant des heures sans parler, juste pour sentir la présence de l'autre, c'est bien ça qu'Alexis ferait. Elle n'avait été que l'ombre d'elle-même durant ces trois dernières semaines et maintenant qu'elle avait entendu la voix de Kay, elle ne savait même pas comment elle pourrait revenir à ça. Au moins, de savoir qu'il allait bien, ça lui faisait un p'tit baume. « Ok... Je.. J'suis contente. » dit-elle sans vraiment savoir quoi répondre. Contente n'était clairement pas le bon mot, y'avait pas une once de joie chez Alexis depuis leur rupture. Ça ne s'améliorait pas en sachant qu'il était physiquement loin d'elle. « J'suis pas inquiète de te croiser, Kay. » lui souffla-t-elle après une petite pause. C'était surtout l'inverse qui faisait qu'elle ne sortait pas de l'appart. « J'sais pas comment faire quand j'te croise pas. » ajouta-t-elle tandis que sa voix se brisait. Elle avait peur de sortir et d'pas le revoir nul part, que ce soit finalement réel le fait qu'il devait plus faire parti de sa vie. Alexis, tout ce qu'elle voulait c'était de tomber sur lui. Un petit silence s'installa, silence durant lequel Alex n'avait qu'une envie, lui dire tout ce qui lui passait par la tête, mais les mots ne sortaient pas. C'est Kay qui brisa ce silence avec des excuses. « J'le sais... » dit-elle finalement, retenant clairement ses larmes à l'autre bout du fil. Elle aussi, elle avait eu besoin d'entendre sa voix. « T'es où? Je... Je peux venir te voir.. J'peux venir et on peut s'en parler. En face. » balbutia-t-elle, perdant le peu de self control qu'elle avait. Ça la prenait à la gorge, cette douleur, ce manque. Ça lui faisait tellement mal.

Après trois semaines sans se voir, c’était normal d’avoir des réserves de chaque côté. La communication n’avait jamais été leur fort à tous les deux, ce n’est pas maintenant que ça risquait de changer. Il doutait donc qu’elle ait envie de le croiser, même si elle semblait dire l’inverse. En fait, c’est surtout que se croiser ne semblait pas être la meilleure solution, compte tenu de son état. L’espace, c’est ça qui semblait nécessaire, bien qu’il n’en ait pas plus envie que ça. La question fatidique ne tarda pas à arriver, celle sur sa localisation. “Non, non… C’est pas une bonne idée… Je…” Bredouilla-t-il, sans trop savoir comment esquiver. Il se concentrait sur la dernière partie de sa phrase pour ne pas répondre. “Pourquoi y a que moi qui semble faire des efforts là-dessus ? Pourquoi tu m'cries pas dessus ?” Sa voix se brisait sur cette question. Il se sentait craqué complètement et ce n’était que le début. “C’est putain de dur… Mais j’essaie de faire la bonne chose pour une fois… Tu le sais ça, pas vrai ?” Les larmes lui montaient. Son état mental n’était pas des meilleurs, dans un gros down déjà avant de l'appeler, mais là, c’était la goutte d’eau. “Tu me manques tellement… C’est douloureux combien tu me manques… Mais j'peux pas te voir et je ne devrais même pas te dire ça, parce que tu mérites mieux qu’une putain d’épave à la dérive…” Reprit-il avant de s’effondrer totalement. Une main sur son visage, pour retenir les larmes. Plus ils avaient ce genre de discussion, plus ça rendait la chose douloureuse, parce que ça revenait toujours au même. Et cette sensation extrême, d’être en train de s'apitoyer sur son sort, accentuait d’autant plus la rage qu’il avait pour lui-même.

C'était vrai que c'était Kay qui faisait tous les efforts. La seule chose qu'Alexis voulait, c'était d'le voir, d'être avec lui. Même si la chose logique à faire était de s'éloigner, elle n'en semblait pas capable. Ça lui demandait une force qu'elle n'avait tout simplement pas. Pourtant, c'est elle qui aurait du vouloir cette distance, c'était elle qui avait été blessée. Ça semblait s'être envolé dès qu'elle avait vu Kay à l'hôpital, voyant juste son mal à lui. Ça lui avait aussi juste rappelé à quel point elle ne se voyait pas sans lui. La peur de le perdre avait pris toute la place. '' Je.. J'suis... J'suis désolée. '' dit-elle finalement d'une voix triste. Il essayait de faire la bonne chose, mais elle, elle n'arrivait pas à faire la part des choses. Alexis le laissa parler, faute de trouver les bons mots. Ça n'avait jamais été son fort de savoir s'exprimer, encore moins dans un moment pareil où juste de sortir de son lit était difficile. Cette conversation avec Kay, elle la brisait un peu plus parce qu'elle se rendait bien compte qu'il ne comptait pas la laisser revenir vers lui. Les larmes qu'elle avait jusque là retenues roulaient librement sur ses joues, tandis que son coeur se serrait un peu plus en entendant la voix brisée de Kay. '' Tu me manques tellement à moi aussi... Est-ce que j'peux faire des efforts à partir de demain? '' Là, elle ne se sentait pas capable de juste raccrocher, pas là-dessus. '' J'pourrai te crier dessus dans quelques jours, si tu veux. ''   Elle força un petit rire, mais il fut bien vite étouffé par ses larmes. Elle ne faisait vraiment aucun effort, lui crier dessus dans quelques jours ça impliquait de se reparler ou même de se revoir. Elle soupira après un petit silence, devant bien se rendre à l'évidence que plus elle résistait, plus c'était dur pour Kay. Et pour elle aussi. '' Si c'est ce que tu veux, demain... J'te laisserai aller. '' Elle n'en serait probablement pas capable, restant une épave chez elle, comme si son monde s'arrêtait de tourner, mais elle devait au moins prétendre de faire l'effort pour lui. Parce que ça semblait être ça qu'il souhaitait.

Ils semblaient juste s’embourber dans cette situation tous les deux. Alors qu’Alexis aurait dû le détester, c’était elle qui voulait qu’ils se voient et Kay qui tentait de mettre de la distance. La situation était inversée et s’en était encore plus déroutant. Une chose restait commune chez les deux, le manque de l’autre et un besoin presque vital de se parler. Il avait enchaîné des journées de haut et de bas, le Britannique, alors qu’il était au plus bas de ce qu’il avait pu être depuis son arrivée au centre, craquer semblait inévitable. “Hum, hum” Il acquiesçait comme il le pouvait, même si ce n’était pas trop compréhensible, mais lui aussi ça lui allait de ne pas raccrocher tout de suite et qu’ils reprennent leurs distances que le lendemain. Il la laissait parler un peu, restant silencieux, comme pour essayer de retrouver un semblant de contenance. “Ce n'est pas ce que je veux… Y a pas une once de mon corps qui veut ça.” Reprit-il bien sérieusement avant de tousser pour se redonner un coup de boost. “I mean… Toi, nous… C’était le truc le plus positif dans ma vie. J’ai pas envie de perdre ça, mais ça peut pas être la solution pour tout… Et tout le reste viens foutre un putain de bordel et entacher ce positif. La solution simple serait de te supplier dans l’espoir que tu me pardonnes, mais ça nous achèterait combien de temps avant que tout éclate à nouveau ? J’veux pas prendre le risque de te blesser encore et encore… Je t’aime trop pour ça. Je veux que tu sois heureuse Alexis et il faut se rendre à l’évidence, comme je suis actuellement, j'pourrais pas faire ça, je suis trop toxique. J’aimerais pouvoir dire que non, mais tout ce qui s’est passé depuis janvier vas contre ça.” Dit-il finalement avant un long soupir. C’était le plus de mot qu’il avait enchaîné depuis le début, sans trop prendre de pause et au fur et à mesure ça le brisait un peu plus. Les conversations avec Alexis se ressemblaient bien trop depuis quelque temps et plus il se répétait, plus le vide en lui s’agrandissait. “Peut-être qu’un jour ça sera mieux… Je bosse là-dessus… Mais j'peux pas te demander de m’attendre, Alexis, parce que ce serait pas juste. Tu mérites d’être heureuse et pas de rester accrochée à un mirage.” Il déglutissait ses mots, sentant comme un poignard dans son cœur à chaque syllabe prononcé. Tout ce qu’il avait voulu éviter de lui dire sortait peu à peu, sans qu’il n’arrive vraiment à contrôler quoi que ce soit.

Mine de rien, Alex elle restait accrochée à l'idée que pourrait être leur relation. Être passée aussi près de le perdre, ça avait éveillé une énorme peur en elle. Ça lui avait fait oublié tout le négatif, toute cette trahison. Elle avait eu si peur, qu'elle avait été prête à passer par dessus absolument tout, mais Kay, il n'avait pas tort. Les risques, ils étaient encore bien présents et Alex, fallait qu'elle garde en tête à quel point elle avait eu mal lorsqu'il lui avait avoué l'avoir trompé. Fallait qu'elle se rappelle à quel point son coeur s'était brisé en mille morceaux. Elle ne cessait plus d'avoir mal depuis janvier, c'était constant et ça venait de la même source. C'est juste que c'était tellement facile de mettre ça de côté et de focus sur tout l'amour qu'elle avait pour lui. En faisant ça, elle s'oubliait, elle s'enfonçait et la roue ne faisait que tourner autour d'elle sans que rien ne change. Elle le laissa parler, restant silencieuse. Alexis, elle se rendait compte que même si elle aimait Kay de tout son coeur, il pouvait encore lui faire du mal, ça restait sur la table et ça semblait pas être quelque chose qu'il pouvait contrôler. Ce n'est pas parce qu'ils s'aimaient et qu'ils le savaient plus que jamais, que tout devenait désormais parfait. C'était pas elle qui allait le changer et ça, fallait qu'elle le réalise. Elle resta silencieuse pendant qu'il parlait, fermant les yeux pour bien assimiler chaque mot. Ça lui faisait mal de devoir renoncer, mais comment pouvait-elle faire autrement? Fallait se rendre à l'évidence, Kay avait des choses à régler avec lui-même, fallait arrêter d'se voiler la face. Fallait qu'elle le laisse faire. Sans elle. Après un silence, elle avala sa salive, respirant juste avant. « I guess que j'aurais voulu qu'on soit... J'sais pas, assez fort ensemble. Que j'puisse t'aider, faire une différence... Je sais pas, c'est con. » dit-elle complètement incertaine de chaque mot qu'elle venait de prononcer. Faute d'être capable de bien s'exprimer, elle espérait que Kay comprenne un peu. Elle aurait voulu être là pour lui, être enough et aller contre leurs odds , mais là... Elle devait prendre un pas de recul et le laisser aller. « Un jour peut-être. » souffla-t-elle doucement, tristement.

Tout ça, pour lui, ce n’était pas une remise en question de l’impact de leur couple sur la situation ou sur lui. Forcément, que c’était bien plus positif pour lui d’avoir Alexis dans sa vie. Forcément, qu’il aurait aimé l’avoir à ses côtés dans cette épreuve. Forcément, qu’il l’aimait et que ça l’apaiserait de pouvoir avancer avec elle. Le truc, c’est que dans cette dynamique, rien n’était équilibré. Le boulet, dans cette relation, c’est bien lui. “C’est pas con… C’est juste que j’peux pas me reposer toujours sur toi, Alexis. Pas après tout ce qui s’est passé.” Dit-il en soupirant. Elle avait déjà fait tellement d'efforts de son côté qu'il ne pouvait pas lui demander de faire plus. Il devait avant toute chose se reprendre en main, tout seul, pour être capable d’avancer et de potentiellement mériter l’amour de la Brésilienne. “Notre dynamique, là, elle n’est pas équilibrée du tout…” Dit-il en déglutissant. Mine de rien, ce n'était pas évident d’arriver à mettre des mots là-dessus. “C’est toi, celle qui nous rend forts, Alex. Tu fais tous les efforts pour nous deux. C’est pas juste pour toi.” Clairement, le Britannique avait besoin de grandir et d'apprendre à faire les choses mieux. Il ne sera jamais capable de bien faire les choses avec elle s’il ne sait pas gérer sa vie. Depuis bien trop longtemps, il écoutait ses pulsions, sans se soucier des autres ni de lui-même. Il avait besoin d’apprendre à être bien dans sa tête avant de pouvoir s’impliquer dans une relation. Surtout qu’Alexis, même si elle était prête à passer outre toutes les merdes qu’il avait causé, elle n’allait pas avoir de la patience toute sa vie. Il allait avoir besoin de se gérer, parce qu’à ce rythme, y a bien un moment où elle en aurait marre. Peut-être que s’il voulait garder l’espoir d’un jour la retrouver et surtout que ça dure, c’était bien la seule solution. “Anyway… Je devrais te laisser.” Dit-il à contre-cœur, d’une voix peu convaincu.

Elle n'avait jamais vraiment réfléchi au fait que c'était elle qui faisait tous les efforts dans leur relation. Certes, elle en faisait et c'était pas toujours facile de dealer avec les conneries de Kay, mais Alex n'avait pas eu l'impression que tout reposait sur elle. C'était p'tête ça le problème, le fait qu'elle ne s'en rendait pas compte et que Kay s'en rendait désormais compte qu'il n'y mettait pas du sien. C'était peut-être parce qu'elle n'avait pas de comparatif sain qui faisait en sorte que pour elle tout était normal. Sauf que le fait d'avoir un petit ami complètement défoncé la moitié du temps, qu'il trompe sa copine pour ça et qu'il finisse par od, y'avait rien de normal à ça. P'tête que cette séparation, aussi difficile était-elle, était ce dont Alexis avait besoin. C'était ce qu'il semblait dire en tout cas. C'est pas pour autant que sur le coup, elle l'acceptait et comprenait. À chaque phrase que Kay disait, Alexis avait envie de réfuter, de répondre avec un ''oui, mais''. Mais elle ne le fit pas, elle le laissa parler, l'écoutant silencieusement. Elle sentait qu'elle avait grandi énormément dans cette relation, mais au final avait-elle juste répété les erreurs du passé en s'oubliant et en omettant son self worth? Ça, elle allait devoir y réfléchir éventuellement. C'était pas ce qui primait dans sa tête en ce moment, encore moins lorsqu'il mentionna vouloir raccrocher. Elle sentit plutôt la panique l'envahir à l'idée que ce moment soit déjà terminé. Elle l'avait dit, demain elle ferait l'effort, mais ce soir c'était autre chose. Elle aurait tellement aimé savoir où il était, ce qu'il faisait, mais elle avait bien compris qu'il ne voulait pas lui partager ça. « On avait dit demain. » dit-elle expressément avant qu'il ne puisse lui dire au revoir. « Demain, les efforts. » précisa-t-elle. Elle n'y était pas encore prête, elle n'y serait probablement jamais à se dire qu'elle devait avancer sans lui, mais là spécifiquement, elle n'était pas prête. « On peut être encore un peu déséquilibré. » déclara-t-elle avec un petit sourire dans la voix. Elle ne les croyait pas si déséquilibré que ça, c'est pour ça qu'elle se permettait de reprendre ses mots avec légèreté, une autre preuve qu'elle ne faisait pas tant d'efforts que ça, Alexis. « On peut faire comme si de rien était juste pour quelques minutes, tu penses? » lui demanda-t-elle en fermant les yeux. Elle avait envie de raccrocher avec un autre souvenir que les mots précédemment échangés, si c'était possible. Ça risquait d'être douloureux après, mais sur le coup, peut-être que ça la ferait sentir bien l'espace d'au moins quelques secondes. Ça faisait un moment qu'elle ne s'était pas sentie bien là.

Ils tournaient peut-être en rond depuis quelque temps, les conversations allant toujours dans la même direction. Pourtant, les mots semblaient toujours un peu plus clairs à chaque fois. Ils avaient besoin de faire sens, tous les deux de leur côté, pour réussir à trouver un équilibre dans cette distance qui se faisait si compliquée. Dans le fond, il n’était même pas sûr de lui, Kay. Il n’était pas sûr d’avoir la meilleure solution, mais coincé au fond du trou, il n’avait d’autres choix que de mettre en place des actions. Ils semblaient être arrivés à une conclusion, la suite logique aurait été de raccrocher, même si aucun des deux n’en avait vraiment envie. Le truc, c’est qu’Alexis, elle osait le verbaliser et en l’entendant dire ça, son cœur se serrait un peu plus. “Hum, hum… Si tu veux.” Acquiesça-t-il timidement. Son regard se perdait quelque temps sur la porte, n’ayant pas envie de se faire interrompre par son coloc de chambre. “Je pense que j’ai plus trop de temps, par contre...” Avoua-t-il sans rien préciser d’autre. L’heure défilait, mine de rien, et il n’allait pas tarder à devoir se coucher. Ce n’était pas forcément dans son idée qu’Alexis découvre l’endroit où il se trouvait à cause d’un mec trop bruyant ou des soignants. Il finissait quand même pas s’allonger sur son lit, gardant le téléphone contre son oreille alors qu’il fixait le plafond silencieusement. Toute conversation, à partir de ce moment-là, semblait devenir futile. Ils ne pouvaient pas vraiment se parler comme avant et ça lui paraissait bizarre, à Kay, de demander à son ex comment se passe le cours de surf ou comment va le chien… “Ça paraît étrange et déplacé de demander ça, mais… Comment tu te sens, toi ? Ça va ?” En réalité, ils auraient très bien pu rester en silence tous les deux, juste pour apprécier la présence de l’autre sans une conversation potentiellement gênante. Pourtant, le silence semblait tout aussi inconfortable que les paroles. Entre eux, c’était plutôt basé sur un savant mélange entre regards et contacts physiques, alors quand on venait à enlever ça de l’équation, ça rendait la chose légèrement plus compliquée.