Appel entre Kay et Alexis

Même si Alexis voulait repousser le moment de raccrocher au maximum, c'est vrai que c'était un peu débile de sa part d'espérer une conversation normale. Même si elle essayait, même si elle avait juste besoin de parler avec Kay de tout et n'importe quoi, d'entendre sa voix... Leurs conversations n'étaient plus normales depuis bientôt deux mois. Elles tournaient autour des mêmes sujets, elles amenaient leur lot de douleur et à chaque fois, Alexis peinait à s'en remettre, elle en ressortait un peu plus brisée. Alors même là, en se disant qu'ils pouvaient faire comme si de rien était, fallait se douter que ce n'était pas possible. Kay lui, il semblait pas savoir comment s'en sortir d'ailleurs. Probablement qu'il se disait les mêmes choses qu'elle, il était juste plus lucide à propos d'elles. Il savait que ça n'amènerait rien de bon et il en était à un stade où s'infliger ça, il en avait pas envie. Probablement. C'était facile pour Alexis de spéculer. Même si elle arrivait à bien verbaliser certaines choses, les intentions qu'elle lui prêtait c'était autre chose. « Okay... » dit-elle simplement alors qu'il précisait qu'il n'avait plus trop le temps. Elle ferait avec. Cinq secondes ou cinq minutes, elle ferait avec. La réalité, c'était aussi qu'elle ne savait pas quoi dire lui. Elle aurait voulu lui parler de ce qui se passait avec Elijah, de l'ambiance à l'appartement, du fait qu'elle n'arrivait pas à en sortir ou même à manger. Elle lui aurait bien dit qu'elle ne s'était pas pointé au travail depuis trois semaines, que le pauvre Gizmo était aussi déprimé qu'elle. Mais comment lui dire tout ça sans ajouter à sa culpabilité? C'était pas son but non plus. Elle aurait juste pouvoir aimer parler avec lui comme ils le faisaient avant, parler de tout. C'est juste que Kay, il ne pouvait plus être sa personne go to. Il pouvait plus être sa personne tout court. Alors à sa question... Elle ne savait pas quoi répondre, Alexis. Ça n'allait pas, non. « Oui, ça va... T'en fais pas. » dit-elle simplement. Ça lui semblait plus simple. De toute façon, avec tout ce qu'elle lui avait déjà dit, il devait bien se douter que non, il n'avait juste pas besoin de savoir à quel point. Cherchant finalement comment agir, c'est bien avec beaucoup de tristesse qu'Alex se rendait compte que ce ne serait pas possible de faire comme si de rien était, même pour cinq minutes. Leurs vies et leurs bonheurs avaient été trop entremêlés pour que maintenant, l'un sans l'autre puisse parler de quoi que ce soit sans que cela ne ravive une certaine douleur. Y'avait pas de sujet insignifiant dont ils pouvaient discuter, juste comme ça. « C'était pas une si bonne idée, finalement. » Alexis soupira, se rendant finalement à l'évidence. C'était fini. Cette conversation, cette relation. Un faisait plus mal que l'autre, mais dans les faits, raccrocher lui semblait aussi difficile que de quitter l'hôpital ce soir-là. « Tu pourras raccrocher, toi? S'il te plait. » lui demanda-t-elle, soufflant presque ses paroles. C'est elle qui était partie la dernière fois, c'était à son tour. « Kay je.... Prends.. Prends soin de toi. » dit-elle, étouffant ses premiers mots comme si elle n'avait plus le droit de les dire. C'était un peu ça.

C’était étrange de lui demander comment elle allait. Après tout, tout ce qui se passait, c’était de sa faute à lui ou alors c’est lui qui l’initiait. Il se doutait bien que ça ne devait pas être la folie de son côté non plus. Forcément, que ça n’allait pas. Ça s’entendait à sa voix, à sa façon de répondre et de lui demander de ne pas raccrocher. Pourtant, elle disait le contraire à voix haute. Un sourire triste se dessina sur le visage du Britannique, comprenant alors qu’il n’aurait pas de vraie réponse. Il ne pouvait pas forcément lui en vouloir pour ça, il faisait exactement la même chose de son côté : Mettre un masque pour ne pas inquiéter l’autre. En-tout-cas, lui, en disant que ça allait, il le faisait pour ne pas l’inquiéter. Une part de lui ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle le faisait pour ne pas avoir à lui répondre, parce qu’elle n’en avait pas envie et qu’il avait fini, une bonne fois pour toutes à gâcher ce lien entre eux. La preuve, elle finissait par dire elle-même que discuter n’était plus une bonne idée. “Ah… Ok.” C’était awkward, certes, mais pourtant, il n’avait pas envie de raccrocher, Kay. Il aurait préféré endurer le silence encore un peu pour ne pas couper court à tout ça. La conclusion d’Alexis, elle semblait définitive, comme si elle avait finalement pris conscience de ce besoin d’espace. Ce qui avait déclenché tout ça ? La question de l’anglais. Du coup, il s’en voulait d’avoir encore brisé un moment. Il soupirait, incapable de cacher sa déception et pourtant, il savait en lui qu’elle méritait cet espace. “Toi aussi Alex.” Murmura-t-il en grimaçant. Le vide en lui s’agrandissait violemment, alors qu’il devait être celui qui allait rompre ce contact. Ça semblait si définitif que ça lui déchirait le cœur. Sentant une nouvelle fois les larmes monter, le brun en venait à se dire qu’il aurait dû être plus fort et ne jamais appeler. S’il avait appelé dans un moment de faiblesse, il allait raccrocher dans un moment de détresse, ne voyant que le néant que l'absence d’Alexis allait créer en lui. “Je… Hum… Alors, bonne soirée, I guess...” Il n’était certain de rien, sauf qu’elle lui avait demandé de raccrocher et qu’il allait se plier à sa demande. Quelques secondes furent tout de même nécessaires avant qu’il ne se décide à décoller son portable de son oreille pour raccrocher. Éclatant cette petite bulle qu’avait créée la voix d’Alexis autour de lui pour retrouver le silence oppressant de cette chambre qui n’était pas vraiment la sienne, malheureux et vidé de toute énergie.  

vendredi 7 mars, 00h15

L'alcool déjà bien présent dans son corps donnait à Alexis l'envie incontrôlable de voir Kay, de lui parler. Cette envie était là depuis leur appel, cinq jours auparavant. C'est juste qu'elle lui avait dit qu'elle ferait des efforts. C'est juste que là, elle n'en pouvait plus. C'était presque comme si on l'empêchait de respirer en lui demandant de couper les ponts avec lui. Elle s'était changée les idées comme elle le pouvait, Alexis, mais ce soir la seule solution qu'elle avait trouvé, c'était de se saouler la gueule. En aucun cas, ça ne pouvait avoir des répercussions positives, surtout pas lorsqu'elle se retrouva avec son téléphone qui sonnait. C'était pas prévu, qu'elle l'appelle, c'était même bien trop spontané pour que ça donne un résultat intelligent, mais il était un peu trop tard alors que c'est la boîte vocale qui retentit au bout du fil. Bien vite, le beep se fit entendre et elle se retrouva comme figée, devant laisser un message.  Après quelques secondes de silence, c'est une Alexis un peu vexée qui prit la parole. « Je... Tu... Tu vas vraiment pas me répondre? Tu vas me laisser parler dans le vide comme ça?? » s'indigna-t-elle. Beep. La messagerie coupa, laissant Alex blessée et un peu confuse. On entendait sûrement à son ton les effets de l'alcool et si Kay ne s'en était pas rendu compte, il comprendrait sûrement à son deuxième message parce que oui, elle était en train de l'appeler à nouveau. Il faut aussi préciser que non, elle n'avait pas conscience de l'heure qu'il était. C'est donc sans surprise qu'elle tomba à nouveau sur la boîte vocal. « J'comprends... Je sais que j'ai dit que j'ferais des efforts pour te laisser aller, pour prendre mes distances... J'ai pris cinq jours, c'pas rien non? C'est assez il m'semble... J'arrive pas... J'arrive pas à faire plus, j'ai besoin de toi. J'ai tellement besoin de toi, Kay. » Alexis prit une pause dans son discours sûrement un peu incohérent, tandis que quelques larmes coulaient sur son visage. Y'avait tellement d'émotions contradictoires qui la traversaient depuis janvier, elle n'en pouvait plus. « Tu m'as abandonné, Armstrong. Comme un lâche. On était sensé être une équipe toi et moi et t'as pas respecté ta part. » ajouta-t-elle en se fâchant un peu. « Et j'suis vraiment... » Beep. La messagerie coupa à nouveau, fâchant un peu plus Alex alors qu'elle appuyait un peu plus agressivement sur le nom de Kay dans son téléphone, pour l'appeler encore. Et hop, un troisième message. « Je sais même plus c'que j'disais... Mais ce que je sais, c'est que c'est pas juste. C'est PAS juste. J'ai rien demandé moi. T'as tout décidé tout seul. T'as décidé à ma place aussi et... Et... C'est pas juste. » dit-elle d'une voix ferme, mais bien embrouillée par toutes ses pensées et la tequila bue. Elle prit une nouvelle pause, en profitant pour respirer un peu. « En tout cas. Merci de m'avoir laissé me prendre ta messagerie, ça m'indique tout ce que j'avais besoin de savoir... » dit-elle avant de raccrocher, cette fois avant le beep. Ça lui aura fait au moins une chose sur laquelle elle aura eu le contrôle ce soir parce qu'on sait bien que ce n'est ni sur ses émotions, ni sur ses paroles, ni sur la fluidité du message qu'elle en avait eu. Si au départ cet appel devait lui faire un peu de bien, c'est surtout l'inverse que ça causa, laissant une Alexis bien cocktail, bien remontée et bien brisée, comme si elle ne l'était pas déjà assez.