Workin' on the night shift + Livio

Les patrouilles du soir, loin d’être le job le plus palpitant du monde, mais il fallait bien le faire. Cooper savait très bien qu’il ne le ferait pas tout au loin de sa carrière. Encore quelque temps, des formations et un grade à prendre avant d’en être finalement libéré. C’ici là, il le prenait en positif, se baladant dans la ville jusqu’à ce qu’on l'appelle pour quelque chose ou qu’il tombe sur quelqu’un. En général, c’est plus l’été que les soirées s’avéraient chargées, mais là, avec la fête de la mangue en cours, ça bougeait aussi pas mal. La preuve, il avait déjà empêché un groupe de jeunes de grimper sur les statues de la place de la ville, dissipé une bagarre devant un bar et empêché un homme de prendre sa voiture, tout ça en l’espace d’une petite heure. Heureusement pour lui, la fin de son service s’approchait doucement, encore quelques minutes à patrouiller dans la ville et ses collègues prendraient le relais. Avec son binôme, ils arpentaient donc les rues, discutant en même temps, pour retrouver le chemin du commissariat. La nuit promettant de nombreuses surprises, ils arrivaient à peine à l’angle du bâtiment qu’il repérait dans un coin un homme en train d’uriner au beau milieu de la route. Surement, qu’il n’avait pas conscience de l’endroit où il se trouvait, ni de la dangerosité de la situation. Dans tous les cas, Cooper ne put s’empêcher un soupir avant de dire à son collègue de se garer près de l’homme en question. Surement, qu’il devait être alcoolisé alors ils ne seraient pas trop de deux pour aller lui parler. Ce fut lui le premier sorti du véhicule, prêt à appréhender l’homme. “Bonsoir monsieur. Vous avez conscience que ce que vous faites là est passible d’une amende ?” Demanda-t-il calmement pour annoncer sa présence. Las de la situation, il ne comptait pas vraiment faire durer la discussion. “Je vais être dans l’obligation de vous demander de nous suivre jusqu’au poste s’il vous plaît.” Il restait cordial, ne sachant pas vraiment comment allait réagir l’homme en face de lui.

L'un des plus gros problèmes de Livio, c'était qu'il ne faisait jamais dans le juste milieu. Les extrêmes, ça le connaissait et ça lui connaît au coeur depuis des années. Et là, après une année à se morfondre et à subir son corps endolori par son accident, voilà que ses extrêmes lui revenaient en pleine face. Il avait regagné en mobilité, oui, mais dans sa tête, il n'allait pas bien. Et quand il n'allait pas bien, il était plutôt bon pour enchaîner les stupidités. Il recommençait à sortir, à boire, trop, beaucoup trop - les semaines où il n'avait pas les enfants, évidemment - à essayer de combler leur manque avec l'alcool qui le soulageait de manière éphémère. Comme ce soir. Ce fut le barman qui mit fin à sa beuverie, tant et si bien qu'il quitta le bar, ses béquilles en main, en pestant rageusement. Ce n'était pas un violent, Livio,râleur, oui, mais violent non. Alors il prit ses clics et ses clacs sans faire trop de bruit. Sans doute qu'au fond de lui, il savait qu'il exagérait. Habitant à quelques rues d'ici, il ne voulut pas faire un appel à un taxi, alors il marcha, comme il le pouvait avec ses béquilles. Il savait qu'il allait mettre longtemps à revenir chez lui et cela ne l'aurait pas dérangé, si sa vessie ne se rappelait pas autant à lui  ! La pudeur bien loin, il prit quand même la peine de voir que personne ne se trouvait dans le coin, puis baissa la fermeture éclair de son jean afin de sortir son matériel, l'envie d'uriner bien trop pressante. Manque de chance... une voiture arriva et pas n'importe quelle voiture : une voiture de police ! Faisant comme si rien n'était, il garda un naturel déconcertant, sifflotant innocemment. Manqué. Les policiers ne furent pas dupes et l'abordèrent bien vite. Il regarda le policier, qui s'adressait à lui, et arqua un sourcil : "Bonjour Monsieur, vous avez conscience que ce que je fais là est un besoin primitif humain ?" Bon, ça, ce n'était pas obligatoire, mais il n'avait pas pu se retenir de le dire. Livio était de mauvaise foi quand il savait qu'il avait tord. "Je peux au moins terminer ?" enchaîna-t-il, avec son sourire de petit con, terminant sa tâche avant de se rhabiller et récupérer ses béquilles. Il tendit les poignets vers lui : "Je vais avoir droit aux menottes aussi ?" Etrangement, il prenait sereinement le passage au poste. Pour cause, il connaissait déjà l'endroit !

Un regard avait suffi à Cooper pour se sentir un peu désespéré sur l’issue de sa soirée. Vraiment, il n’avait plus la force de traiter avec ce genre de cas. Un cas, oui, parce qu’en plus d’uriner en pleine rue, l’homme face à lui empestait l’alcool (ce qui n’était pas bien étonnant vu le contexte de l’arrestation) et en plus de ça, il avait des béquilles à ses pieds. Un sacré combo qui avait le don de faire soupirer le policier. “Ce n'est pas le moment de faire le malin.” Annonça-t-il, bien las de la situation. Pas besoin de rentrer dans la provocation et encore moins de s’étendre sur le sujet. Ça avait l’air d’amuser le gars, qui enchaînait les remarques avec un petit sourire narquois. Cooper restait le regarder en silence, mais au moins, il était rassuré de ne pas avoir quelqu’un d’agressif en face de lui. Ça aurait été le pompon. “Pas besoin de menottes, j’imagine que même si vous essayez de fuir, on ne devrait pas avoir trop de mal à vous récupérer.” Dit-il froidement en pointant du doigt les béquilles. Un homme seul avec des béquilles en guise d’arme, contre deux policiers avec des matraques, ce n'était pas dur de comprendre quel côté avait l’ascendant dans cette histoire. D’une main ferme, il guidait l’homme jusqu’à la voiture pour qu’ils puissent parcourir les quelques mètres restant jusqu’au poste. “J’espère que la soirée fut bonne parce que la nuit risque d’être plus compliquée.” Annonça Cooper qui prenait le volant. Clairement, dans son état, il risquait de passer la nuit en cellule de dégrisement en plus de se prendre une jolie amende de 200$.