| | Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l' Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite. |
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| #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily | |
| | Auteur | Message |
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Invité | Sujet: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Dim 21 Avr - 5:59 | |
| C’était aujourd’hui que j’avais rendez-vous avec Emily. Aujourd’hui ? J’avais passé ma soirée dans un bar minable à boire bière par-dessus bière. Pour ne revenir à l’hôtel qu’aux petites heures du matin. Et voila que mon cadran me réveillait à… 11h00 ? Je me levais d’un bond et grimaçais. Assis sur le bord du lit, j’empoignais ma tête des deux mains. Je n’avais définitivement plus 20 ans. C’était passé ces années où je pouvais boire comme un trou et me réveiller le lendemain sans en ressentir le moindre contre effet. Pourtant, je m’étais assuré ne pas être saoul. Tes un vieux maintenant. En prison, on ne se rendait pas compte d’à quel point on pouvait prendre de l’âge. Tout était toujours pareil, la seule exception était les nouveaux détenus qui entraient et d’autres qui sortaient. Je me levais du lit et du attendre quelques secondes avant de finalement me diriger lentement jusqu’à la salle de bain. J’empoignais mon flacon d’aspirine qui trainait sur l’évier et en avalais deux, suivi d’une gorgée d’eau. Je me nettoyais rapidement le visage et rasais consciencieusement ma barbe de plusieurs jours qui me donnait un air de mauvais garçon. Je m’habillais, faisant attention de ne pas mettre n’importe quoi. Je n’étais pas très doué pour agencer correctement mes vêtements. Elle avait dit 11h30 ou 12h30 ? Il était déjà 11h15 et je n’étais pas encore rendu. Je pestiférais contre mon imbécilité tout en me munissant de mon porte monnaie que j’enfonçais dans ma poche de pantalon. Je n’avais rien mangé depuis hier soir, mais je n’avais pas le temps d’y remédier maintenant. Je sortis de ma chambre et verrouillais la porte derrière moi. Évidemment, comme j’étais pressé je pris plusieurs minutes pour y arriver. Sur la rue, on me regardait bizarrement. C’était peut être mon air empressé, ou celui vaguement ressemblant d’un meurtrier qu’on avait arrêté il y a de cela 20 ans lors d’un braquage d’une banque. J’attrapais le bus au coin de la rue, payais mon billet et m’assoyais. En regardant ma montre, je vis qu’il était déjà 11h20 et me promettais de ne plus regarder. Lorsque je descendis, je me mis à marcher rapidement en direction du bloc appartement qu’elle m’avait décrit. Je du me retenir pour ne pas courir, inquiet d’arriver à l’heure. Et surtout de bousculer les gens qui semblaient avoir décidé de tous aller se promener en même temps… C’est ça, venez tous me ralentir.
J’entrais dans le bâtiment et me mis à la recherche de l’appartement #122. Je manquais tomber dans les escaliers par trois fois et perdis même ma chaussure une fois arrivé au bon étage. En passant devant les portes, je ralentissais légèrement pour regarder le numéro sur le battant. Je m’arrêtais en reconnaissant celui qu’elle m’avait donné et m’avançais vers la porte. Mon cœur battant la chamade. Je replaçais fébrilement mes cheveux qui ne ressemblaient plus à rien grâce à ma course folle à travers la ville et cognais à la porte. Ne restait plus qu’à savoir si j’étais en retard et surtout, quel accueil on me réserverait. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Lun 22 Avr - 0:14 | |
| Emily n'avait dormi que quelques heures. Elle avait bien trop de choses en tête pour pouvoir fermer l’œil. Et pour une fois, ce n’était pas Casey et tous leurs problèmes de couples qui l’empêchaient de fermer l’œil. C’était quelque chose de bien plus positif, quelque chose qui allait sans doute redonner un nouveau sens à sa vie : ses retrouvailles avec son père. Elle qui était pleine de principes concernant ses parents (elle avait répété des milliers de fois qu’elle ne voulait plus jamais les voir, quoi qu’il arrive) avait changé d’avis à l’instant où elle avait compris que son père se tenait en face d’elle. Elle l'avait d'ailleurs invité à venir lui rendre visite à son appartement. Histoire de lui montrer l’endroit où elle vivait mais aussi – et surtout – de passer du temps avec lui sans avoir son supérieur sur le dos pour les empêcher de parler autant qu’ils le voulaient. Elle espérait que tout se passerait bien et qu’ils parviendraient à avoir suffisamment de choses à se dire pour éviter les silences gênants. Après avoir passé plus d'une heure à ranger les moindres recoins de l'appartement, elle inspecta le salon une dernière fois. Elle voulait que tout soit parfait. Ian ne trouverait sûrement rien à redire puisque tout devait sembler génial à côté de la cellule qu’il avait occupé pendant ses quinze dernières années, mais elle tenait tout de même à lui faire bonne impression. Toc, toc, toc. C'était sûrement lui. Emily jeta un oeil à la pendule ; il était un peu en retard mais elle ne lui en tenait pas rigueur. D'ailleurs, elle n'avait pas vu le temps passer ! Inspirant un bon coup pour se donner du courage, elle se dirigea vers la porte d'entrée pour accueillir son père. « Salut », dit-elle en souriant doucement. Elle était un peu intimidée mais cette sensation disparait sans doute après quelques minutes. « Entre, je t’en prie ! » Elle le fit entrer à l’intérieur et referma la porte derrière eux. Elle le débarrassa de sa veste et l’invita à rejoindre le salon. « Comment tu vas ? » Elle s'inquiétait réellement de son bien-être. Sortir de prison après tout ce temps ne devait pas être facile à gérer. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle était censée faire, maintenant. Lui faire visiter l'appartement d'abord et discuter ensuite ? Lui proposer un verre et entamer une discussion puis lui faire faire le tour du propriétaire par la suite ? Elle se sentait carrément nulle et son père l'intimidait beaucoup. « Tu veux boire quelque chose, peut-être ? Ou tu préfères commencer par visiter l'appartement ? Sauf si tu n'as pas envie de visiter, évidemment... C'est comme tu veux », dit-t-elle finalement sans parvenir à cacher son anxiété. Comme d'habitude, elle pensait beaucoup trop et s'angoissait pour un rien. C'était dans son caractère, elle ne pouvait pas lutter : elle se posait toujours un milliard de questions toutes plus tordues les unes que les autres. Questions qui la tourmentaient tellement qu'elle finissait par agir maladroitement, de peur de mal faire. Elle devait avoir l'air parfaitement débile... Elle soupira doucement, essayant de canaliser ses émotions. Heureusement, son mari n'était pas là ! Savoir Casey dans les parages l'aurait angoissée davantage. Elle était presque sûre que son père et lui ne s'entendraient pas et elle voulait reculer au plus possible le moment fatidique de la rencontre. Ce "rendez-vous" comptait tellement pour elle qu'elle n'avait pas envie de tout faire rater. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Lun 22 Avr - 6:19 | |
| Depuis que j’étais levé je me demandais si notre dernière rencontre était réelle. Avais-je rêvé ce moment ? Est-ce que j’avais vraiment retrouvé ma fille ? Ou n’était-ce encore que le fruit de mon imagination ?
« Salut »
Je me retenais de pousser un soupir de soulagement en la voyant derrière la porte. Je lui souris et la salua à mon tour.
« Entre, je t’en prie ! »
J’entrais à l’intérieur de l’appartement et lui remis ma veste. Je jetais un coup d’œil rapide aux alentours puis ramenait mon regard sur Emily.
« Comment tu vas ? »
« Pas trop mal ! Et toi ? »
Je n’allais quand même pas lui dire que j’étais loin d’être dans un bon état et que j’avais passé la nuit dans un bar. Les aspirines que j’avais avalé il y a de cela une bonne demi heure avaient fait effet mais ça n’équivalait clairement pas une bonne nuit de sommeil.
« Tu veux boire quelque chose, peut-être ? Ou tu préfères commencer par visiter l'appartement ? Sauf si tu n'as pas envie de visiter, évidemment... C'est comme tu veux »
Je ne remarquais son anxiété que maintenant. Je l’observais un moment et lui souris, comprenant comment elle pouvait se sentir. J’étais aussi nerveux qu’elle, mais j’étais en mesure de le cacher. J’avais vécu de nombreuses situations stressantes pendant lesquelles je devais ignorer ma peur ou simplement ne pas la montrer. Là où j’étais allé, la peur était une ennemie et elle ne devait pas se voir. Si je démontrais le moindre signe de peur ou d’inquiétude, je devenais faible et une proie facile. J’avais retenu ma leçon et cachais ce genre de sentiment même si je n’avais rien à craindre de ma fille. C’était un bon moyen pour se défendre.
« Et si tu nous faisais du thé. Si ça a le don de me calmer moi, je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas pareil pour toi. »
C’était une boisson que j’appréciais. Et comme je me devais de garder l’esprit clair, c’était ce qu’il y avait de mieux.
« Tu me feras visiter l’appartement plus tard. C’est pas comme si ton patron allait venir nous embêter. »
Je lui fis un clin d’œil en m’avançant dans le salon. Je me demandais si son mari allait apparaître d’un moment à l’autre. Je ne connaissais rien de lui à part la relation qu’il avait avec ma fille. J’espérais seulement ne pas le voir tout de suite. Il fallait d’abord que je m’habitue au fait que ma fille soit maintenant une adulte et qu’elle soit mariée. L’Emily que je connaissais n’avait que 5 ans et se baladait encore avec sa peluche dans notre minuscule maison. Elle n’arrivait pas à prononcer le mot carotte correctement et ordonnait qu’on lui lise les livres de Winnie L’Ourson avant de dormir. Ça avait été les derniers souvenirs que j’avais eus d’elle avant d’être enfermé. Me retrouver aujourd’hui dans son appartement était un tout autre choc que de la voir dans ce café où elle travaillait. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Lun 22 Avr - 16:41 | |
| Se dire qu'elle était là, dans son appartement, avec son père était tellement irréel qu'elle avait bien du mal à y croire. Elle avait rêvé de ce moment des dizaines de fois sans jamais pensé que cela arriverait un jour. L'idée de le revoir était morte avant même d'avoir germé dans son esprit ; elle était persuadée qu'il allait passer le restant de son existence en prison et qu'elle n'aurait pas l'occasion de le revoir. Elle s'était vraisemblablement trompé. « Pas trop mal ! Et toi ? » Elle lui offrit un petit sourire, décidant de passer sous silence la nuit affreusement agitée qu'elle avait passé. Elle n'allait pas se lancer dans un monologue interminable pour lui expliquer tout ce à quoi elle avait pensé. Le principal était qu'il soit là, devant elle. Le reste de leur histoire s'écrirait petit à petit. Ils devaient apprendre à s'apprivoiser pour construire un lien durable - maintenant qu'il était de nouveau dans sa vie, il était hors de question qu'il en sorte. Elle avait bien trop souffert de son absence pour le laisser partir une nouvelle fois. « Ça va », répondit-elle simplement. Puis elle laissa son anxiété éclater aux yeux de son père, lui posant tout un tas de questions ridicules pour essayer de masquer ses angoisses. « Et si tu nous faisais du thé. Si ça a le don de me calmer moi, je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas pareil pour toi. Tu me feras visiter l’appartement plus tard. C’est pas comme si ton patron allait venir nous embêter. » Emily lui sourit un peu. Elle était bien plus proche de lui qu'elle le pensait... Elle aussi adorait boire du thé. Surtout lorsqu'elle était stressée. « Bonne idée », dit-elle en souriant. Elle le laissa s'installer dans le salon et s'éclipsa quelques minutes dans la cuisine pour leur préparer deux tasses de thé bien chaud. Elle retourna au salon une poignée de minutes plus tard, posant le plateau sur lequel elle avait déposé leurs boissons et quelques petites choses à grignoter devant Ian. « Et voilà », dit-elle en lui tendant sa tasse. Elle ne savait pas vraiment pas quoi commencer la conversation. Même s’ils étaient liés par le sang, elle avait l’impression de ne pas le connaître (était-ce seulement une impression, d’ailleurs ?) et elle ignorait comment faire pour remédier à cela. Ils mettraient certainement du temps à agir normalement, comme un père et sa fille sont censés le faire. Leur histoire n’était pas commune mais il avait fait l’effort de revenir vers elle et elle avait envie de tout faire pour lui laisser une place dans sa vie. Il avait quitté une fillette de cinq ans timide et angoissée, voilà qu’il retrouvait une jeune femme de vingt ans mariée, un peu moins timide mais toujours aussi angoissée. Le choc devait être aussi rude pour lui qu’il ne l’était pour elle. Elle l’observa quelques instants, essayant de trouver quelque chose à dire pour briser la glace. Elle avait des tas de questions à lui poser, bien sûr, mais elle ne me pouvait pas. Premièrement parce que le confronter à son passé risquait de le mettre mal à l’aise, mais aussi et surtout parce qu’elle n’était pas sûre d’avoir envie de connaître les réponses. Elle préférait s’inventer sa propre réalité, c’était bien moins douloureux. « Alors… », commença-t-elle avant de marquer une pause. « Tu as passé une bonne soirée ? » Bon, d’accord, ce n’était pas une question très intéressante. Mais c’était un bon début pour amorcer la conversation, non ? |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Mar 23 Avr - 2:24 | |
| Elle me répondit qu’elle allait bien et je décidais de ne rien dire. Je savais que j’avais tendance à en dire trop par moment et que ça pouvait occasionner des malaises. On me l’avait répété souvent par le passé mais la plupart du temps je disais tout ce qui me passait par la tête. Je n’avais pas de filtre. Mais je ne voulais pas inquiéter Emily encore davantage ou lui faire regretter son choix. Je ne voulais pas qu’elle me repousse alors que je l’avais finalement retrouvé. Je lui proposais de nous préparer du thé pour commencer.
« Bonne idée »
Elle quitta la pièce pour préparer les boissons et je m’avançais dans le salon. C’était une pièce tout ce qu’il y avait de plus ordinaire. Je pris place sur le canapé en face de moi, posais mes mains sur mes jambes et détaillais des yeux le moindre objet. Tout était bien rangé. Avait-elle nettoyé avant que je vienne ? Je ne pu m’empêcher de sourire à la pensée que quelqu’un ait pu prendre le temps de nettoyer son foyer avant ma visite. Mon environnement habituel était loin de ressemble à cela. En prison, tout était morne et gris. Avant même que je ne sois en prison, notre petite maison était loin d’être un exemple parfait de propreté. Nous laissions la vaisselle trainer sur le comptoir, la poussière emplissait chaque espace libre et les bouteilles de bière s’empilaient sur toutes les tables.
« Et voilà »
Je sursautais en la voyant apparaître, posant un plateau sur la table basse devant moi. Je me remis de ma frayeur en quelques secondes et pris la tasse qu’elle me tendait. Encore une fois, je m’étais perdu dans mes pensées, oubliant l’endroit où j’étais. Lorsque j’étais encore emprisonné, quelques semaines avant ma sortie, je m’étais demandé en quoi des rencontres hebdomadaires avec un groupe de soutient pourrait m’aider. Je comprenais maintenant en quoi elles consisteraient. J’avais développé d’étranges manies en prison et il allait falloir que je m’en débarrasse. Comme celle de sursauter au moindre son ou apparition. Je m’étais forgé une carapace dans l’espoir de me protéger des nombreuses situations intenses auxquelles j’avais assisté. Une rébellion de prisonnier, un suicide, de l’intimidation. 15 ans c’est comme une vie, une vie derrière les barreaux.
« Alors… Tu as passé une bonne soirée ? »
Je soufflais dans ma tasse de thé et en pris une petite gorgée pour ne pas me brûler.
« Rien de bien extravaguant, j’ai suivi le match de rugby à la télé. Je vais t’avouer que je déteste le rugby, mais c’était le seul poste que j’arrivais à capter. »
J’étendais le bras vers le plateau et pris un peu de ce qu’elle y avait mit. Mon ventre grondait d’une façon très peu élégante, ce qui me gênait.
« Et toi alors. Quel genre de soirée est-ce que tu as passé ? » Demandais-je en lui souriant.
Si je pouvais éviter de parler le plus possible de ma soirée d’hier, c’était tant mieux. Je ne voulais pas lui dire que j’avais été dans un bar pour y boire, c’aurait été la pire façon de commencer notre journée. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Mar 23 Avr - 20:00 | |
| Lorsqu'il sursauta à son retour au salon, la jeune femme se demanda si elle avait fait du bruit ou quelque chose qui aurait pu lui faire peur. Elle comprit bien vite que le problème ne venait pas d’elle mais certainement de ces années passées derrière les barreaux. Elle n’avait aucune idée de ce qu’était le monde carcéral. De ce qu’enduraient les prisonniers. De leur quotidien, de toutes ces choses horribles qu’ils voyaient se dérouler sous leurs yeux jour après jour… Elle savait que ce ne devait pas être facile, oui. Mais elle ignorait à quel point quinze années de prison pouvaient laisser des traces. Cependant, elle ne fit aucun commentaire. Elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise en lui parlant de ce passé qu’il préférait sûrement oublier. Elle lança donc une conversation plus que banale en lui demandant ce qu’il avait fait de sa soirée. « Rien de bien extravaguant, j’ai suivi le match de rugby à la télé. Je vais t’avouer que je déteste le rugby, mais c’était le seul poste que j’arrivais à capter. » La jeune serveuse hocha la tête en souriant. Elle était rassurée de voir qu’il s’était assagi et qu’il n’avait plus rien à voir avec l’ivrogne notoire qu’elle avait connu quand elle était plus jeune. Elle n’avait pas beaucoup de souvenirs de son enfance – sa mémoire avait fait un travail formidable en effaçant presque tous les événements tragiques auxquels elle avait été confrontée – mais elle se rappelait sans mal que son père avait un don pour toujours se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Comme s’il cherchait les problèmes. Savoir qu’il avait changé, dans le bon sens du terme, lui faisait vraiment plaisir. « Et toi alors. Quel genre de soirée est-ce que tu as passé ? » Elle tenta tant bien que mal de garder son sourire et de paraître tout à fait normale. Elle n’aimait pas mentir mais parfois, on n’avait pas d’autre choix. Elle avait passé une soirée catastrophique. Elle passait toujours des soirées catastrophiques, en réalité. Soit elle se disputait avec son mari (ce qui était arrivé la veille), soit ils s’ignoraient totalement… Et ce n’était pas beaucoup plus réjouissant. Mais ça, il était hors de question qu’elle le dise à son père. Ils venaient à peine de se retrouver, elle n’allait pas l’assommer avec ses problèmes idiots. « J’ai regardé la télé aussi... Rien de très passionnant », répondit-elle. Ce n’était pas vraiment un mensonge : elle avait bien regardé la télé… avant que Casey ne rentre à l’appartement pour provoquer la troisième guerre mondiale. Elle esquissa un petite sourire, comme pour le convaincre qu'elle disait vrai, puis elle prit sa tasse et avala une gorgée de thé pour se donner une contenance. Elle était toujours mal à l'aise quand elle devait mentir. Si certaines personnes étaient douées dans l'art de dissimuler la vérité, Emily, elle, s'apparentait plus à Pinocchio qu'autre chose... Il fallait qu'elle change de sujet au plus vite, avant que ses joues ne deviennent écarlates. « Au fait, tu as réfléchi ? Tu es toujours d'accord pour venir t'installer ici ? » Elle espérait qu'il ne le prendrait pas mal. Elle ne voulait pas se montrer trop intrusive ou brûler les étapes mais elle souhaitait réellement qu'il vienne vivre dans son appartement. Au moins, s'il était là, elle ne serait plus contrainte de passer ses soirées seule face à elle-même, à attendre le retour de son cher et tendre époux. Elle aurait de la compagnie. Et ils pourraient discuter comme bon leur semble, sans limite de temps. Et puis, avec Ian dans les parages, les disputes avec Casey se feraient peut-être moins fréquentes, qui sait ? |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Mar 23 Avr - 23:20 | |
| Je pouvais ressentir sa nervosité et je la comprenais. Je pouvais encore me repasser comme un film les paroles qu’elle m’avait dites lors de notre rencontre au café alors que je n’étais qu’un étranger pour elle. Ce qui avait retenu mon attention à ce moment avait été sa description de ses parents. Les mauvais souvenirs que nous lui rappelions et le manque de soutien parental. À chaque fois que j’y pensais, je me demandais ce que sa mère était devenue. Je n’avais pas l’intention de le lui demander. C’était sûrement mieux ainsi, que nous restions loin l’un de l’autre. À l’époque, j’aurais dit à quiconque voulait l’entendre que j’étais prêt à me débarrasser de ma vie présente pour m’enfuir et recommencer à zéro. J’étais prêt à renier ma famille et mes amis pour oublier toute la crasse dans laquelle j’étais coincé. Si seulement j’avais su ce qui m’arriverait à ce moment je n’aurais jamais osé y penser. Aujourd’hui, j’aurais voulu avoir élevé ma fille dans un environnement normal et même avoir d’autres enfants. Mais nous avions été dysfonctionnels et carrément stupide.
« J’ai regardé la télé aussi... Rien de très passionnant »
Au moins il y en avait une qui avait eu une soirée calme. Je m’adossais contre le dossier du canapé et me massais doucement le front, faisant passer ce geste comme tout a fait anodin. J’aurais du me douter que je ne me sauverais pas d’une gueule de bois aussi facilement. Les aspirines n’étaient pas un remède miracle. Je savais qu’il ne fallait pas que je recommence, que je reprenne mes vieilles habitudes. C’était peut être tout ce que je connaissais, mais si je n’y mettais pas assez du mien, je replongerais dans cet enfer. Il allait falloir que je trouve quelque chose pour occuper mes journées et m’empêcher de réfléchir aux mauvais souvenirs. Pour le moment, ma seule solution c’était l’alcool.
« Au fait, tu as réfléchi ? Tu es toujours d'accord pour venir t'installer ici ? »
Ah oui cette invitation. J’y avais pensé avant de venir ici, juste après avoir quitté le café. Je connaissais sa situation précaire avec son mari et je me demandais si je ferais bien d’accepter. Mon côté rationnel me disait de me mêler de ce qui ne me regardait pas et de rester à l’écart, de les laisser régler leurs problèmes ensemble. Mais ce n’était pas moi, ce n’était pas dans mon caractère de laisser passer ce genre de situation.
« Oui je suis toujours d’accord. Mais ce ne sera pas permanent. J’ai l’intention de me trouver un job dans le coin et de me trouver un appartement plus tard. Je veux pas être dans vos pattes des mois durant non plus. »
J’avais décidé d’être hébergé dans son appartement pour un certain temps. Je ne connaissais même pas son mari, ni son tempérament et bizarrement, je n’étais pas pressé de le rencontrer. Je sentais qu’avec ce qu’elle m’avait dit au café, je ne serais pas tout à fait neutre. J’avais été éloigné de la vie de ma fille pendant beaucoup trop longtemps pour pouvoir ignorer ses problèmes maintenant qu’elle était en face de moi.
« Ton mari travaillait aujourd’hui ? »
C’était une façon de la faire parler et d’en savoir plus. Une façon de lui faire comprendre que je n’avais pas oublié. Je ne connaissais pas la nature de leur problème et il ne se comparaît probablement pas à ceux que j’avais eus 15 ans auparavant alors que j’étais encore en couple. Contrairement aux autres pères qui avaient eu le temps de se préparer au jour où leur fille aurait un petit copain, j’avais apprit du jour au lendemain que ma fille était marié, ce qui m’empêchait de réfléchir posément à cette nouvelle situation. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Mer 24 Avr - 1:48 | |
| Emily le regarda porter une main à son front d’un air inquiet. C’était un geste parfaitement anodin qui n’aurait probablement pas alarmé personne… Mais la jeune femme, elle, ne pouvait s’empêcher d’angoisser inutilement. Une fois de plus, elle imagina le pire. « Ça ne va pas ? », demanda-t-elle sans le quitter du regard. Si ça se trouve, il était malade. Gravement malade. Et c’était pour cela qu’il était revenu vers elle. Pour la voir une dernière fois et se racheter parce qu’il se savait condamné. Cette simple pensée la paniquait mais elle se devait de ne rien montrer. Il y avait de grandes chances pour que son imagination lui joue des tours, encore une fois. Okay, Emily. Calme-toi. Tout va bien. Voilà ce qu’elle se répétait mentalement pour ne pas lui poser un million de questions sur son état de santé. Elle devait se faire violence pour contrôler ses angoisses quotidiennes et même si ce n’était pas chose facile, elle avait bon espoir que cela ne se remarque pas. « Oui je suis toujours d’accord. Mais ce ne sera pas permanent. J’ai l’intention de me trouver un job dans le coin et de me trouver un appartement plus tard. Je veux pas être dans vos pattes des mois durant non plus. » Emily esquissa un sourire sincère. Elle accueillait cette nouvelle comme un véritable soulagement. Elle ne serait plus seule dans son appartement, à attendre sagement le retour de son mari. Son père serait là. Et ils pourraient discuter, rattraper le temps perdu, tout faire pour construire une relation père/fille complice et durable. Tout ce qu’elle avait toujours souhaité, en somme. « Tu pourras rester le temps que tu veux. Ça me fait vraiment plaisir. » Elle n’avait même pas besoin de le préciser, cela se voyait dans ses yeux. Elle ne lui avait pas proposé de l'héberger quelques temps par pitié ou parce qu'elle s'y sentait obligée. Elle l'avait parce qu'elle en avait réellement envie. « Ton mari travaillait aujourd’hui ? » Cette question inattendue la désarçonna. Elle ne pouvait pas parler de Casey sans être étrangement mal à l’aise. Et surtout pas après ce qu’elle avait dit la veille. Elle avait confié ses problèmes de couple à un parfait inconnu sans savoir qu’en réalité, il s’agissait de son père. C’était très embarrassant. Elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille et se pinça délicatement les lèvres. « Il doit être à la fac », répondit-elle avant de bafouiller : « Enfin il est à la fac. » Elle ne pouvait pas sous-entendre qu’elle ne savait pas vraiment où il était. Elle devait jouer l’épouse complice qui connaissait l’emploi du temps de son mari sur le bout des doigts et qui savait parfaitement quand il allait rentrer à la maison. Même si en réalité, elle n'en avait aucune idée. Elle ne savait pas s'il était en cours ou en train de traîner dans un coin de Bowen avec ses amis. Elle ne savait pas quand il rentrerait à l'appartement, ni même s'il se déciderait enfin à lui dire plus que deux mots. Elle adressa un sourire crispé à son père, espérant qu’il ne remarquerait rien d’anormal. « Il a cours toute la journée, du coup tu ne pourras pas le voir aujourd’hui… Mais je te le présenterai bientôt, promis. » Ce n’était pas qu’elle en avait envie mais si Ian s’installait avec eux, ils allaient être contraints de se rencontrer à un moment ou un autre Emily savait déjà qu’ils ne s’entendraient pas mais fort heureusement, avec les sorties à répétition de Casey et cette manie de fuir le plus possible la vie de couple, ils ne se verraient pas souvent. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Jeu 25 Avr - 4:54 | |
| « Ça ne va pas ? »
Je tournais la tête vers elle et vis son air angoissé. Avais-je l’air si mal en point ? J’espérais ne pas être blanc comme un linge ou quoi que ce soit de ce genre.
« Rien de grave, juste une petite migraine. J’aurais peut être dû déjeuner ce matin. »
Espèce de sale menteur. Je me dégoutais moi-même. Étais-je horrible à ce point ? Est-ce que lui éviter des détails de ce genre lui ferait mal ? J’espérais avoir raison et surtout, ne pas recommencer. Je n’avais pas pu résister à la tentation hier soir et m’étais laissé aller. Ça avait été la seule fois depuis ma sortie, j’espérais ne pas succomber une seconde fois. Je ne m’imaginais pas revenir ici un soir alors qu’elle était toujours éveillée. Elle m’avait vu de nombreuses fois par le passé. Elle était toute petite et même après tout l’alcool que j’avais bu, j’arrivais à comprendre que ce n’était pas l’image que je voulais laisser de moi à ma fille.
« Tu pourras rester le temps que tu veux. Ça me fait vraiment plaisir. »
Et elle était sincère. Je le sentais dans le ton de sa voix et dans son regard. Je ne pu m’empêcher de sourire, ne comprenant pas tout à fait la raison pour laquelle elle était si généreuse à mon égard. Lui avais-je manqué durant tout ce temps ? Quel genre de souvenir avait-elle gardé de moi ? Je n’avais pas été à la maison très souvent, préférant passer mes journées dans des endroits très peu fréquentables. Pourtant je m’étais toujours sentit bien entouré de ma famille. Qu’est-ce qui m’avait poussé à agir de la sorte ? Il était trop tard pour essayer de trouver une explication.
« Il doit être à la fac. Enfin il est à la fac. »
Je fronçais le regard un moment, trouvant son hésitation à répondre des plus étranges. Je préférais ne pas relever et me contenter de hocher la tête. D’un autre côté, je me posais un tas de questions que je n’oserais pas lui demander pour le moment. Elle semblait encore timide et je ne voulais pas l’effrayer. J’aurais voulu savoir pourquoi n’allait-elle pas à l’école alors que lui y allait. Qu’était-il arrivé pour qu’ils se marient à cet âge ?
« Il a cours toute la journée, du coup tu ne pourras pas le voir aujourd’hui… Mais je te le présenterai bientôt, promis. »
« Comment il s’appelle ? Je ne me souviens pas t’avoir entendu dire son nom. »
Je détestais ne pas pouvoir mettre un nom sur un individu. Surtout dans une situation de ce genre. S’ils étaient mariés, elle ne portait donc plus mon nom de famille mais le sien. Sa mère avait-elle été présente à son mariage ? Peut être n’avaient-ils invités que peu de gens. Voila que je déblatérais de nouveau. Mais c’était tout ce à quoi j’arrivais à penser ; qu’est-ce qui était arrivé pendant toutes ces années pour que je me sente aussi perdu ? Je ne comprenais plus rien. C’était comme si on m’avait poussé dans un nouveau monde en me disant de me débrouiller comme je le pouvais. On avait changé mon monde le plus possible pour que le tout me confuse le plus possible, me brouillant complètement le cerveau. Je voulais simplement rattraper le temps perdu, si c’était encore possible. |
| | | Invité | Sujet: Re: #122 Ce n'est qu'avec le passé qu'on fait l'avenir. - Emily Ven 26 Avr - 18:30 | |
| « Rien de grave, juste une petite migraine. J’aurais peut être dû déjeuner ce matin. » La jeune fille hocha légèrement la tête, l'air de dire "Oh, d'accord. Je vois." mais malgré tout, elle n'était pas rassurée pour autant. Elle allait surveiller chacun de ses faits et gestes pour voir si cette "petite migraine" allait passer ou s'il lui cachait quelque chose. « Tu veux que je te prépare quelque chose à manger ? Ou de l'aspirine ? », demanda-t-elle avant de prendre l'assiette de biscuits qu'elle avait posé sur la plateau pour accompagner leur thé. « Tiens, prends. » Emily était tellement attentionnée que parfois, elle avait l'impression d'être étouffante. Mais elle n'y pouvait rien, elle s'inquiétait toujours pour son entourage Peut-être à cause de ses parents, justement. Parce qu'elle avait peur de perdre les gens dont elle était proche de la même manière que Ian et sa mère étaient sortis de sa vie. La discussion se porta ensuite sur son mari, rendant Emily encore plus mal à l'aise. « Comment il s’appelle ? Je ne me souviens pas t’avoir entendu dire son nom. » Non, elle n'avait pas dit son nom. Peut-être qu'inconsciemment, elle espérait qu'en ne parlant pas de lui, son père oublierait tout ce qu'elle avait dit lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Mais ce n'était pas le cas, apparemment. « Casey. Casey Kennington », répondit-elle en souriant un peu. Depuis deux ans maintenant, elle ne portait plus son nom de jeune fille mais celui de son mari. Elle n'était plus Emily Reid mais Emily Kennington. Et elle cochait la case "mariée" sur tous les formulaires qu'elle avait à remplir... Dieu que c'était étrange. Elle se leva soudainement pour aller chercher son téléphone. Elle voulait lui montrer une photo de son mari, pour qu'il puisse mettre un visage sur ce nom qui lui était inconnu. Elle s'installa à côté de Ian, essayant de masquer la gêne qu'elle éprouvait d'être si près de lui, puis elle fouilla dans son portable pour chercher une photo de Casey et elle. Une ancienne photo, du temps où il était un parfait petit-ami - et qu'il souriait encore. « C'est lui. » Elle adressa un petit sourire à son père. Même s'ils avaient été séparés pendant quinze ans et qu'elle prétendait se moquer de lui, l'avis de son père comptait beaucoup pour elle. Elle redoutait le jugement qu'il porterait sur son époux. Mais d'un autre côté, elle avait hâte de savoir ce qu'il pensait de tout ça. Il ne s'était probablement pas attendu à la retrouver mariée. Personne ne s'était attendu à ce qu'ils se marient, d'ailleurs. Parce que dix-huit ans n'était pas un âge pour se marier. C'était un âge pour vivre, pour apprendre, pour découvrir la vie et ne se soucier de rien. Mais elle s'en était rendue compte trop tard, malheureusement. |
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