au resto

Poppy & Amandine

© Kaiji
J'essaie de me motiver devant le bon hamburger aux frites et le verre de bière que j'ai commandé.
Pour ma première soirée à Bowen, j'ai décidé de m'offrir un repas dans un restaurant renommé.
Mais l'entrain n'est pas vraiment au rendez-vous. Arrivée la veille, je n'ai encore pas eu l'occasion de parler à qui que ce soit et je me sens complètement étrangère à tous les habitants de cette ville.
"Allez Amandine, à ta santé ! à cette année universitaire qui s'annonce !" me dis-je dans ma tête en me portant un toast à moi-même.
Et je vide mon verre d'un trait avant d'en commander un autre. L'alcool m'aidera peut-être à chasser toute la mélancolie cafardeuse qui ne veut pas me quitter.
Je remarque bientôt une grande et belle femme chatain. Elle vient s'assoir à une petite table non loin de la mienne. Elle semble seule aussi. Ses longs cheveux jettent des reflets auburn. Elle est très sexy dans t-shirt blanc et un short en jeans bleu foncé.
Je ne peux m'empêcher de la contempler, buvant sa beauté comme je bois la bière qui réchauffe mon corps. Dans ma griserie, je ne me rends pas compte que mon regard doit certainement sembler assez insistant.

Date fatidique. Deadline. Aujourd'hui, tu dois enfin rendre tes dessins. Du moins, c'est ce qui est prévu dans le message que tu ne cesses de vérifier sur ton téléphones toutes les cinq minutes. Tu maudis l'éditeur ainsi que l'auteur de ce livre. Et oui, tu as réussi à tous les boucler, malgré ta magnifique cuite de l'autre soir et tes nouvelles activités nautiques. Tu as les traits un peu tirés, tes cheveux sont rapidement attachés en une... chose qui ne ressemble à rien en particulier. T'as cet air naturel. Assise à ta table, tu vérifies que tu sois en possession de toute tes affaires, tu cherches à tuer le temps. Attendre seule, surtout à une table en plein milieu d'un restaurant, c'est tout sauf ton activité préférée. La ponctualité des rendez-vous professionnels a toujours été d'une importance capitale à tes yeux.

Le serveur passe régulièrement à ta table pour te demander si tu as besoin de quoique ce soit. Au bout de la troisième fois, tu commences à dessécher : ce sera un verre de vin blanc. Ton foie a du s'être remis de tes exploits de l'autre soir maintenant.

Tu te sens espionnée ce qui a le don de te mettre plus mal à l'aise que tu ne l'es déjà. Tu regardes autour de toi, puis fronces les sourcils. Oui, c'est bien toi le sujet de l'observation. Un problème ? La question se lit parfaitement sur ton visage.

Poppy & Amandine

© Kaiji
Lorsque la belle inconnue fronce les sourcils agacée, en interceptant mon regard trop indiscret, c'est la douche froide.
Brulée de honte je détourne mes yeux et me concentre sur mon verre.
Avec toute cette bière dans le ventre j'ai maintenant une forte envie d'aller au toilettes.
Je me lève et là c'est la catastrophe, le sol vogue dangereusement autour de moi.
J'essaie de me diriger vers la porte au fond de la salle, mais j'ai conscience d'avoir une démarche plus que chancelante. Quelle erreur ! Pour qui doit me prendre la jolie fille que je convoitais maintenant ?
Une fois que je me suis soulagée, je me lave les mains au lavabo puis me mouille le visage afin de reprendre mes esprits. Je n'ai pas trop l'habitude de boire et ces quatre bières m'ont été fatales. Je reste de longues minutes devant le miroir, j'espère que la fille sera partie lorsque je regagnerai ma place. J'ai trop honte du spectacle que je lui ai sans nul doute donné.

T'es pas une fille méchante, mais il faut croire que l'avoir prise sur le vif et que le coup des sourcils vont te permettre d'être tranquille, d'une certaine façon. Le flirt, être le centre de l'observation et de l'attention, c'est tout sauf ta dose de thé. Tu portes le verre à tes lèvres pendant que ton maudit téléphone vibre. Tu reconnais le numéro. Enfin un signe de vie. Tu salues tout juste la personne. La conversation te rend amère, presque déçue. « Vous vous moquez de moi ? » C'est pas vraiment comme un lapin, mais tout comme. Chose qui a le don de t'énerver. Tu n'es pas susceptible, tu ne prends pas mal cette absence, tu tiens juste à ce que les choses se passent dans le bon ordre. Tu n'élèves pas la voix, parce que ce type doit quand même te donner un chèque, plus tard et qu'en plus tu es dans un lieu public. « Très bien. À demain, alors. » Tu poses le téléphone, termines ton verre. C'est donc avec le ventre pratiquement vide que tu t'apprêtes à rentrer chez toi ou te poser Dieu sait où pour dessiner. Et puis, ton regard se pose sur la blonde qui tangue un peu en direction des toilettes. D'accord, elle t'a mise mal à l'aise toute à l'heure, mais tu ne tiens pas à avoir un éventuel accident sur la conscience. Tu laisses un billet sur la table, pour le verre et les tips.

Tu te tiens dans l'encadrement de la porte. « Vous allez bien ? »

Poppy & Amandine

© Kaiji
Ce n'est pas possible, voilà que la belle inconnue m'aborde d'elle-même, mais dans les pires conditions qui soient ! J'ai toute les peines du monde à retenir une horrible nausée qui me donne des vertiges atroces.
Je ne vais quand même pas vomir devant elle !
Elle me demande si je vais bien et je reprend mon souffle pour essayer de la rassurer.
Mais ça cogne bien trop fort dans ma tête.
J'ai juste le temps de me ruer à nouveau vers les toilettes et d'expulser dans la cuvette tout le repas que je viens d'ingurgiter.
Au lavabo, j'ouvre le robinet et le fait couler à grande eau pour me nettoyer.
Une fois ma figure lavée, je me redresse. Je suis toute pâle et me sens très faible, mais au moins la nausée est partie. Mes habits sont un peu sales, il va falloir que je me change.

D'une voix pâteuse je murmure en direction de la jeune fille que je devine derrière moi, sans avoir le courage de la regarder.

"je suis désolée... c'est vraiment pas très... enfin je veux dire... mais bon ça va mieux, ne vous inquiétez pas, merci beaucoup en tout cas".

Je n'ai plus qu'une envie maintenant, c'est qu'elle parte et me laisse seule avec ma honte. Je vais essayer de me trainer jusque chez moi si j'y arrive, me plonger sur mon matelas et tenter d'oublier cette horrible soirée, ma première soirée à Bowen...

C'est plus fort que toi, tu es o-bli-gée de te retourner pendant qu'elle se vide l'estomac au dessus de la cuvette. T'es un peu un petite nature avec ce genre de chose. Oui, t'es pas le genre de filles sur qui ont peut compter pour tenir les cheveux de sa pote alors qu'elle est dans cet état. Tu quittes la pièce sans rien dire. Mais non, tu ne vas pas la laisser décuver sur sa cuvette. T'es pas non plus la reine des gueule de bois, mais tu connais le remède de grand mère pour faire passer le mal. Le fameux café salé. L'un des serveurs au comptoir te regarde avec un air ahuri : oui une femme qui demande un tel café alors qu'elle a juste descendu un verre de vin ça parait très bizarre. De quoi je me mêle ? C'est exactement le message que tu lui fais passer avec ton regard. Après avoir laissé tes dessins sur le comptoir, il ne manquerait plus qu'un malheur s'abatte sur eux maintenant, tu reviens dans les toilettes et la jeune femme semble avoir survécu à son problème. Tu acquiesces alors qu'elle vient à s'excuser. « Il n'y a pas de mal. Vous devriez prendre ça pour vous remettre les idées à leur place. » Tu lui tends le café, attrapes ta veste soigneusement pliée dans ton sac, puis reprends avec ce sourire. « Ainsi que ça. Le temps de rentrer chez vous. » On peut te reprocher d'être mure, voire trop raisonnable, tu restes une fille altruiste.

Poppy & Amandine

© Kaiji
En plus d'être terriblement craquante cette fille a un cœur d'or !
Mon sentiment de honte diminue un peu, sans toutefois disparaître entièrement.
Après tout, si je n'avais pas été malade, peut-être le contact entre nous deux ne se serait-il jamais fait ?
Je bois le café en étouffant une grimace.
Beurk, ça fait vraiment bizarre un café avec du sel !
Néanmoins je me force à le boire pour ne pas mécontenter celle qui me l'a offerte.
Quand elle me tend sa veste, je la saisis avec un grand sourire de gratitude.

"oh c'est super gentil à vous ! Merci beaucoup ! Mais... et vous, vous allez avoir froid non ?"

Puis une idée germe dans mon cerveau. Grâce à cette veste, je vais pouvoir rester en contact avec elle !

"en tout cas je vous la ramène dès demain ! Laissez-moi juste votre adresse si ça ne vous dérange pas !"

Quand elle s'éclipse, je termine mon café à petites gorgées, finalement très satisfaite de la tournure qu'à prise la soirée.
Je serre la veste contre moi, c'est une jolie petite veste en jean bleu foncé, assortie au short que portait ma bienfaitrice.
Une fois dehors j'ai plaisir à l'enfiler. Elle a gardé le parfum agréable de sa propriétaire.

Quand je retrouve ma petite chambre universitaire si vide, je prends une bonne douche puis je m'étends sur mon lit...
Je repense à la fille du restaurant...
J'ai tellement hâte de la revoir demain. Je remets sa veste et m'endors de cette façon, ainsi j'ai l'impression de dormir dans son odeur...

Dès que le jour se lève, je prends un petit déjeuner rapide, grand bol de lait froid avec des corn flakes. Puis je pars gambader dehors ou brille un soleil magnifique, en accord avec mon humeur.
Je vais aller rapporter la veste !

Tu n'étais pas particulièrement attachée à cette veste, tu étais prête à la lui laisser définitivement même. Mais il faut croire que cette fille dont tu ne connais toujours pas le nom était prête à te la ramener. Tu la quittes, une fois que t'es certaine qu'elle ira bien. Pas de coma éthylique à l'horizon. Ta conscience sera tranquille pour le reste de la soirée. Et une fois arrivée chez toi, tu rejoins les bras de Morphée, maudissant l'éditeur.

Au réveil, tu reprends ton rituel du jogging, surtout vu ce que tu t'es enfilée l'autre jour à la boutique de Charlie. Pas question que ça s'installe définitivement sur tes hanches. Détour par la plage, évidemment, sans pour autant prendre le temps de saluer Lachlan ou Thad. Après tout, si tu as bien compris, tu risquerais d'avoir de la visite, t'as pas vraiment de temps à perdre aujourd'hui à les observer avec attention, à dessiner ou à t'aventurer dans l'eau. Tu accélères même le rythme pour avoir l'air présentable une fois chez toi. Pas question d'accueillir ton invitée avec cette bonne odeur de la fille qui vient de faire son exercice quotidien.

Douche rapide, tu as tout juste fini de te glisser dans un jean et une chemise qu'on sonne à la porte. Il en fallait de peu pour que tu sois encore en serviette. Évidemment, personne n'est à l'appartement, pas même Perry... Tant que vous y êtes, faites une croix sur le calendrier. Bien que tes cheveux soient encore mouillés et que quelques gouttes ruissellent sur ta clavicule, tu fais de ton mieux pour ouvrir le plus vite possible. Chose promise, chose due, c'est bien la jeune femme du restaurant. « Bonjour. Vous allez mieux ? »

Tu attrapes la veste en hochant la tête, alors que ça continue de ruisseler, perler sur ta peau. Avec ta chemise blanche, ça va se finir en drame à tous les coups, sauf que le temps te manque. Si monsieur l'éditeur a le droit de te poser un lapin, toi en revanche, t'as plutôt intérêt à être ponctuelle. Après tout, c'est lui qui a le chéquier et toi le compte bancaire à approvisionner. « C'était pas grand chose. J'allais quand même pas vous laisser dans le mal. » Pas encore d'enfant, ni dans les neuf prochaines mois, pourtant tu as déjà cet instinct maternel. Aucun doute, cela provient de ton activité de grande sœur poule. Enfin, tu as tout de même su te retenir et ne pas lui faire de réflexion, notamment sur le fait d'avoir bu autant seul. Non, tu ne comprends pas à quoi rime un tel comportement. Du coup, d'une certaine façon, Perry a un peu sauvé cette fille sans même avoir levé le petit doigt. Une blague quand on sait à quel point il est irresponsable. Puis, tu fixes la boite de pâtisseries du regard. Encore ? Entre ce cadeau et ta dernière visite à la boutique de Charlie, tu vas vraiment être bonne pour faire plus qu'un simple jogging chaque jour : Thad risque bien de gagner une nouvelle cliente régulière. « Merci, fallait pas. » Tu as un sourire gêné en relevant ton regard vers ton interlocutrice. « Je t'aurai bien offert un café, un thé ou autre chose, mais je dois partir travailler. » Tu te mords la lèvre. Sachant que tu vas déjà devoir te changer et qu'en plus l'appartement n'est pas en ordre, ce n'est pas le meilleur moment pour avoir une invité. « Merci, encore. »

Poppy & Amandine

© Kaiji
Je suis mortifiée. Moi qui m'étais imaginée que j'allais pouvoir passer l'après-midi avec Poppy à déguster les pâtisseries et à faire un peu mieux connaissance !
La porte se referme et quand j'articule enfin un "au revoir" en réponse au sien, elle a déjà claqué.

J'ai du mal à m'arracher à cet endroit. Qu'est-ce que je vais faire ? Retrouver ma chambre universitaire si triste et cafarder tout le reste de la journée ?
Le doigt sur l'ascenseur, j'hésite encore, puis je le retire.
Non, ça ne va pas se passe comme ça.
Je vais avoir l'air de la pire des pots de colle, des emmerdeuses, des chiantes, de tout ce qu'on voudra, mais je repartirai pas comme ça, je vais trop déprimer après.

Je retourne vers la porte fatidique...
Je sonne...
Quand elle s'ouvre au bout de plusieurs minutes enfin, je balance tout d'une traite.

"Excuse-moi de t'embêter encore hein ! J'ai bien vu que t'étais occupée ne t'inquiète pas, c'est juste que je me disais, peut-etre qu'on pourrait peut-etre se faire un ciné ce soir ? Y a des supers bons films en ce moment ! Enfin je sais pas ce que t'aimes mais tu verras y a plein de choix. Bon si tu peux pas ce soir, ça peut être demain y a pas de soucis, ou même au pire après-demain.. Enfin bon y a bien un soir dans la semaine ou t'es libre de toutes façons non ? Et si t'aime pas le cinéma on peut toujours faire autre chose bien sur ! J'ai dit le cinéma comme ça, mais on peut aussi aller en boite, ou à la plage ! T'aime bien la plage non ? En regarde ce soleil franchement ça donne envie non ?"
J'ai parlé avec un débit de plus en plus rapide et quand je termine, ma voix s'est faite suppliante...

Tu t'apprêtes à repartir te préparer pour ton rendez vous professionnel qui ne t'enchante pas plus que cela quand la sonnette retentit une nouvelle fois. À tous les coups, c'est un de tes quatre colocs qui a oublié ses clés. Tu lèves les yeux au ciel, reboutonnes ta chemise et fais marche arrière jusqu'à la porte. Une grande inspiration pour ne pas paraître énervé, puis tu ouvres en expirant.

T'as le temps de ne rien faire, pas même de cligner les yeux. Tu ne peux pas en placer une. Et tu dois ingurgiter une tonne d'informations à la seconde. Cinéma ? Oui, tu aimes le cinéma, en général. Tu n'aimes pas ce qu'il y a un box office en ce moment, ni les gens qui font du bruit avec leur pop corn et autres sucreries. La plage avec son soleil ? Oui, c'est beau. Tu y passes tous les jours pour ton jogging, dessiner, chercher de l'inspirer et t'initier au surf plus récemment. Une fois qu'elle a terminé son discours, tu es certainement aussi fatiguée, essoufflée qu'elle. Vraiment beaucoup d'informations, de propositions en si peu de temps. Et dire que tu ne l'as rencontrée qu'hier. En ce qui te concerne, tu aurais mis plusieurs mois à t'acclimater à Bowen si Perry ainsi que le reste de cet appartement ne t'avait pas entraînée à droite, à gauche. « Je... Ouais, pourquoi pas. » Plus mal à l'aise que toi à ce moment, ça ne doit pas être possible. Tu fixes ton interlocutrice qui semble presque désespérée. T'es vraiment pas capable de lui dire non là, pour une prochaine fois.

Tu as tout noté dans un coin de ta tête. Plage. Cinéma. Manger. Le prénom de ton interlocutrice, pas très anglophone soit dit en passant. Priant pour ne rien oublier d’ici samedi. Tu ne dis rien, mais aller à la plage juste pour la plage comme une bonne touriste, ça n’a jamais été ton grand « kiff ». Tu as tout juste eu le temps de glisser ton prénom avant que la blonde ne tourne les talons.

Les jours passent. Les cours de surf aussi ainsi que les crises de fou rire et les bleus. Éternelle maladresse quand tu nous tiens. Tes croquis s’accumulent dans ton carnet. De tout, de rien, surtout du surf.

Le jour fatidique, tu la rejoins sur la plage. Short en jeans, chemise. Tu la repères rapidement sur le sable. Tu la rejoins, puis te poses juste à côté d’elle. « Hey. » C’est ce que tu glisses en un souffle en guise de salue. « Alors, une idée de là où tu comptes m’emmener et de ce que tu veux voir ce soir ? » Non, le box office actuel n’est vraiment pas ta dose de thé, alors tu comptes lui laisser carte blanche, curieuse de savoir ce qu’elle aime.