surprise is key in all art (poppy)

Non, tu ne l’as pas évité comme une nunuche qui a embrassé quelqu’un pour la première fois. Disons que tu as passé l’âge pour ce genre de comportement.
Non, tu n’as pas essayé de remettre au lendemain tes exploits de surf à cause de motifs bidons, comme celui de te faire mal.
Non, ce n’est pas parce que tu as pris un an de plus entre temps et que tu l’as mal vécu.
Tu as toi même été assez prise ces derniers jours pour faire rapidement ton jogging sans avoir ne serait-ce que quelques minutes à lui accorder. Parfois, c’était lui qui était occupé d’ailleurs. Mais aujourd’hui, il faut croire qu’il y avait une urgence. Tu as ingurgité chaque mot à toute vitesse. Ça c’était de l’intervention rapide. C’est limite si tu n’as pas le temps de cligner les yeux avant qu’il reparte. Alors, non, tu n’as pas pu en placer une, tu n’as même pas ouvert la bouche pour essayer. Et il a osé éveiller ta curiosité, par dessus le marché. Tu te sens poussée à honorer cette invitation, aussi étrange soit-elle.

Ce… « rendez-vous » t’a tracassée toute la journée. Il a préparé, ou trouvé, quelque chose que tu « devrais adorer » selon ses dires. Style une activité ? Tu n’en as pas la moindre idée. Tu maudis son teasing. Du coup, tu ne sais pas comment te fringuer non plus. Tu opteras pour quelque chose de simple, passe partout et pratique : short, tee shirt, tennis, mais glisseras un jogging dans ton sac « au cas où ». Et tu partiras à vélo, là bas, sans rien dire à tes colocations, même pas à Perry. Une fois sur place, pile à l’heure, tu ne te fais pas remarquer. Tu laisses ton vélo appuyé contre un arbre et, les bras croisés sur la poitrine, te places de façon à être spectatrice du match improvisé entre adultes et enfants : Thad n’est pas aussi solitaire que tu l’as cru, ce serait presque une communauté ici. Entre nous, la vision où il joue au football avec des gosses est « mignonne », au point que la « non-sportive » qui se cache en toi pourrait ne pas s’en lasser. Tu souris pour le rassurer quand il vient s’excuser : t’en fais pas. « Va donc. » Tu le suis jusqu’à la porte et l’attends dehors. « Alors, tu vas enfin me dire ce que tu as prévu ? » Ton impatience se sent de plus en plus. Il ne manquerait plus que tu trépignes, tiens. Du moins, dans ta tête, c’est d’ores et déjà le cas.

T’es un peu comme une gosse le jour de Noël. Tu as vraiment de trépigner et de ressortir tes yeux-trop-mignons pour qu’il cède, mais tu te retiens. Tu n’as absolument pas la moindre idée de ce qui t’attend tu ne sais où. Pour le coup, il t’a un peu mise sous les nerfs. Pas un indice. Pas même un conseil sur quoi prendre ou comment t’habiller. Tu aurais même pu ne pas prendre ton vélo, mais ta jolie petite voiture hybride (tu n’es pas spécialement écolo contrairement à Thad, ahah), et finir en tandem sur le sien comme l’autre soir. Et en plus, s’il comptait sur toi pour un maillot de bain, ça tombe littéralement à l’eau : ledit maillot traîne quelque part. Tu le suis sans rien dire tout en te remuant les méninges. Tu ne connais absolument pas le coin, alors rien ne vient. Tu te contentes de profiter un peu de la vue et du calme. Tu t’assures qu’aucun obstacle ne se trouve sur les prochains mètres – il ne manquerait plus que tu provoques un accident – et tourne la tête vers ton voisin. « Je te jure, s’il te prend l’idée de me faire faire du cliff diving ou quelque chose comme ça, je saurai me venger. » Oui, parce que vous n’avez peut-être pas la même définition de dangereux. Tu peux toujours adorer l’adrénaline, mais pour le savoir il faudrait qu’il te pousse pour que tu te jettes, un jour, d’une falaise. Quant à la vengeance, tu n’as pas encore d’idée, sauf lui dessiner des moustaches au permanent en faisant un détour par sa caravane un soir.

Tu as beau fixer de nouveau le chemin, tu deviens blême quand il t’assure qu’il pensera au cliff diving pour une prochaine expédition. Ce sera sans toi, hein. Surprise ou pas surprise. Et vient le moment où vous devez terminer à pieds, alors tu l’imites sans broncher, que ce soit pour le vélo ou pour la vue qu’il y a en bas. La crique des amoureux ? Tu arrives à te demander si ce n’est pas un peu ironique tout ça : mauvaise idée de l’avoir autorisé à rire de toi ou de tes maladresses depuis votre rencontre. En attendant, tu restes sans voix avec tes petites étoiles dans les yeux. Soyons sincères, vu d’ici, c’est vraiment joli. Tu le suis, toujours ébahie par le lieux. Tu le suis du mieux que tu peux, évitant au passage tous les retours de branches qui menacent de t’agresser pendant que vous vous enfoncez dans la végétation. Si bien que tu répliques du tac au tac avec humour. « Pendant quelques secondes, j’ai failli me demander si tu m’avais pas amenée ici pour me perdre ou me tuer, puis cacher mon corps. Loin de la ville. » Oui, on peut décerner le prix de la connerie à toi, Poppy, quand tu t'y mets. Tu rattrapes Thad avant de finir égarée. « Mais après réflexion, j’ai rien fait de mal, donc il n’y aurait pas d’explication. » Tu fronces les sourcils en te remémorant le nom de ce paradis bowenien. « Tu les emmènes toutes ici ? » Confession numéro deux : à ton goût, vous ne jouiez plus vraiment quand il t’a raccompagnée l’autre soir. Si ?

Tu lui sors cette petite mimique digne d’un « gnagnagna » d’enfant pour lui répondre, consciente qu’il te fait dos et qu’il n’y verra rien. Tu souris intérieurement, parce qu’il prend toutes les perches que tu peux lui tendre ainsi que d’autres qui sont plus involontaires. Enfin, tu ne serais jamais allée jusque là, tu t’es trop exercée sur tes parents par le passé, assez pur t’en être lassée. Tu hoches la tête lors de ces interventions pendant que vous reprenez votre chemin sans que tu ouvres la bouche comme il finit par te le faire comprendre. Franchement, tu n’as toujours aucune idée de là où vous vous rendez. Tu ralentis quand tu vois installer la serviette, puis tu hausses un sourcil. Quoi maintenant ? Tu le rejoins, toujours sans un mot et écoute son discours avec toute l’attention du monde. Bouche bée. « Des koalas ? » Avec une pointe de surprise dans la voix cette fois. T’es pas une fan des zoos, voir des animaux en cage, ça aussi ce n’est pas ta tasse de thé. Tu n’y as probablement jamais mis les pieds, alors ces animaux, tu les as juste vus dans des livres, et encore. Une partie de toi le remercie pour la surprise avec un grand sourire quand une autre partie lui en veut un peu, car tu n’as rien pour dessiner, du coup. « Ça j’en sais rien. » Observer, c’est toujours quelque chose qui correspond plus à ton tempérament calme que le cliff diving. En plus, tu aurais hurlé comme une folle, incapable de bouger en haut de ladite falaise. Une véritable poule mouillée. Tu hausses les épaules, avant de reprendre, toujours en murmurant. « Ça a le mérite de ne pas être un truc de touriste. » Tu es du genre à préférer rester un peu ignorante sur les bords que d’être collée à des touristes irrespectueux. Comme quoi, on peut ne pas être une « écolo » et avoir un minimum de respect pour Dame Nature. Tu reprends ta contemplation des arbres dans l’attente des koalas avec un peu plus de patience que toute à l’heure.

Tu ne sais absolument pas comment prendre sa réflexion. Tu n’avais jamais voulu insinuer que tu souhaitais faire un truc touristique à la con (ni même de cliff diving, d’ailleurs). Tu avais peut-être quitté ton pays à contre cœur, mais au final, tu était assez satisfaite de la simplicité de cette ville, même s’il en fallait pour tous les goûts, comme ceux de ces fameux touristes. Quelque peu déçue, ton visage s’assombrit, mais tu t’abstiens de faire une remarque. Tu te contentes de repartir à la quête des koalas. Et même s’ils semblent être un peu capricieux ce soir, cela t’occupe l’esprit. Tu ne prends pas la peine de tourner la tête vers lui : il ne manquerait plus que tu sois déconcentrée dans ton observation ; mais tu lui réponds en murmurant, parce que ce serait un comble de faire fuir la faune aux alentours. « Ça y est, j’ai pris mon année de plus et peut-être une ride quelque part par la même occasion. » Aujourd’hui, tu lances cette nouvelle avec beaucoup plus de légèreté que l’autre soir. Le « drame » est passé et tu y as survécu. Et tu es surtout sobre. Puis tu reprends, un peu plus maussade. « Pour ce qui est du boulot, j’ai la chance de pouvoir choisir les projets sur lesquels je travaille, mais rien d’intéressant depuis la dernière fois. Alors je fais passer le temps, en dessinant de tout, et surtout de rien. » Vraiment rien de professionnel quoi : des amis, des connaissances, des inconnus, des paysages, des souvenirs et des surfeurs, ahah. « Et toi ? » Tu te permets un regard en coin. Tu étais sur le point de lui demander s’il avait déjà tué son client super chiant de l’autre jour, mais ton attention s’est concentrée sur son sourire. Là, tu te retournes complètement. « Qu’est-ce qui te rend comme ça ? » Tu hausses un sourcil tout en attrapant l’unique stylo et un micro carnet à dessins qui se cachaient dans la poche arrière de ton short. « Oh avant que je n’oublie… » Non le carnet ne servira pas pour ce que tu veux faire dans l’immédiat. Tu attrapes le bras de Thad sans te soucier d’une quelconque permission et note une série de chiffres, une dizaine. « Ça pourra toujours te servir si jamais tu as une autre idée de sortie, au lien de laisser tes pauvres clients seuls. » Même si une discussion face à face est toujours plus plaisante. Quant au carnet, c’est ton minimum vital pour dessiner. Tu ne t’en sépares jamais ou presque. La nature retrouve toute ton attention quand une petite bestiole grise pointe enfin le bout de son nez dans les branchages. Tu secoues la main de Thad pour lui faire signe.

Oui, il y a quelque chose de différent sur l’expression de son visage, sauf que tu te sens un peu conne de ne pas savoir mettre un mot dessus après avoir abordé le sujet. Tu hausses les épaules. « J’en sais rien, je trouve jusque tu es… différent. Enfin, j’ai peut-être eu une hallucination. » Ta réponse sonne comme si tu étais lassée de réfléchir ou de devoir deviner. En réalité, tu n’as pas envie de te prendre la tête toute seule alors que vous êtes loin de cette civilisation humaine, si compliquée : les animaux, ils mangent, dorment, copulent, et voilà. Ils ne sont pas du genre à se poser des questions existentielles sur la raison de sourire de leurs confrères. Encore un truc de filles, certainement.

Et le silence s’installe pour la parade du koala, jusqu’à ce qu’il fasse cette allusion avec les points communs que tu partages avec l’animal – parce qu’évidemment, le magnifique est passé à la trappe. Pour le coup de la pilosité, tu lui jettes un regard en bien en masquant un nouveau rire. Charmant. Mais tu ne peux pas t’empêcher de rougir. « Il manquerait plus que je me balade sur une branche avec de l’eucalyptus entre les dents. Je ferai sensation. » Tu aurais bien voulu faire une imitation en temps réel, mais votre nouvel ami à poil n’aurait guère apprécié d’être dérangé pendant son instant grignotage. Puis c’est bien beau de l’observer, mais tu voudrais bien profiter d’être à l’abris des oreilles indiscrètes pour lui demander un « petit service » à ton tour. Demi tour pour lui faire face définitivement, tu croises les jambes. « Tu te souviens quand j’ai du jouer le rôle de l’adorable copine amoureuse l’autre soir ? » Une petite pause le temps que ça lui revienne en tête. « J’aurai peut-être besoin que tu reprennes ton rôle si jamais on te pose des questions. Ça ne te dérangerait pas ? Sinon, je demanderai à quelqu’un d’autre. » Oui, tu t’es permise de ressortir cette petite histoire pour que l’on te laisse tranquille. Et s’il fallait réitérer l’expérience du baiser, tu ne serais pas celle qui dirait non. Tu es loin de te douter que vous avez un avis plus ou moins similaire sur l’autre.

Après avoir contenu une éventuelle crise de fou rire, tu es soudainement irritée par sa réponse : oui, parce que tu continues de tomber dans le panneau à chaque fois, quitte à ce que tu sois condamnée désormais. Et dire que tu étais certaine d’avoir vu de la satisfaction quand vous vous êtes quittés ce soir-là. Mais tu es réconfortée plus vite que prévu. À peine arrivée, ton amertume laisse donc place à l’enjouement de toute à l’heure. « C’est vrai que ce n’était pas une expérience désagréable. J’avoue que prendre goût ce serait tentant. » Tu conclues ton intervention étrange par un haussement d’épaules. Dans le genre tourner ta langues au moins sept fois dans ta bouche avant de l’ouvrir… Tu devrais songer à cet adage plus souvent. « Non non, t’en fais pas. » Tu manques d’interrompre de justesse Thad. Il est vraiment loin du « problème », si l’on peut considérer que le sujet de la blonde rencontrée quelques jours plus tôt était un problème. « Bon ne ris pas. Pauvre koala, tu pourrais l’effrayer alors que t’étais à deux doigts de perdre patience en son absence. » Après avoir jeté un coup d’œil en direction de l’animal, tu te rends compte que ouais bon… Le koala, il semble plus intéressé par ses branches d’eucalyptus que par votre présence ou votre conversation. Tu reprends. « J’ai rencontré une fille, on est allées voir un film. Je n’aurai jamais pensé qu’elle me draguerait. J’avais tout faux. Sauf que n’ayant aucune attirance par… » Tu cherches tes mots, à deux doigts de dire « congénères » – un peu trop bestiale comme terme – tu parviens à te reprendre juste à temps. « … La gente féminine, j’ai instinctivement ressorti cette excuse pour ne pas la froisser par mon refus. » Tu ne te voyais pas demander un tel service à Perry, bien qu’il n’aurait peut-être pas refusé. Franchement, tu le considères d’avantage comme étant ton véritable frère que comme l’adorable demi portion que tes parents ont adoptée. Alors sans façon ! Autant jouer à ce jeu avec quelqu’un qui connaît un minimum à ton sujet et avec qui tu pourras agir de façon naturelle si besoin. Ce n’est pas non plus le genre de service que l’on poste dans les petites annonces : pour le coup, tu pourrais vraiment tomber sur un lourd. « Enfin je pourrai toujours te dire que ma vie en dépend ou ressortir mes yeux de chien battu… » Et voilà, tu commences à prendre cette expression tout triste, telle une gamine qui vient de se faire disputer par un de ses parents. T’es loin d’être capricieuse, c’est juste que… voilà, tu n’oseras pas faire le premier pas.