surprise is key in all art (poppy)

Tu vires pivoine quand il se met à rire. Oui, ton histoire est absurde et tu es tentée de l’imiter. Et puis tu te sens quelque peu honteuse de ne pas avoir compris immédiatement les plans d’Amandine. Et dire qu’avec du recul, tu te rends enfin compte que tu avais eu de nombreux indices : elle s’était montrée très insistante pour que vous passiez cette fameuse journée ensemble, en plus de sembler gênée par ta présence. « J’en savais rien ! », tu lui rétorques en haussant légèrement la voix. Tu n’y avais vu que du feu. Et puis disons que tu avais encore un excellent vague souvenir de votre baiser en tête à ce moment. En somme, tu avais une bonne excuse. Tu es rapidement extirpée de tes pensées par son histoire. Cette dernière est horrible, tout droit sortie d’un scénario pour un téléfilm lambda pour ménagère. Pas moyen de te retenir de rire cette fois. Ou alors ? Tu hausses un sourcil. Ah c’est à ton tour de dire quelque chose ? Après tout, c’est bien toi qui quémandes son aide. Malheureusement, tu es à court d’imagination pour une histoire funky. Alors autant prendre la votre comme ça aucun de vous deux ne se plantera et personne ne pourra dire que c’est un mensonge ou un cliché. « Ou alors… C’est une fille qui a bu plus de verres que de raison, puis a embrassé le surfeur le plus canon de la ville qui lui avait tendu une perche pour qu’elle agisse de la sorte. Il l’a emmenée voir des koalas, seul un s’est pointé, mais elle a apprécié l’intention et a trouvé ça mignon. » Tu laisses passer quelques secondes de suspens. « Et elle est tombée amoureuse, finalement. » Aussi faux votre couple soit-il, tu saisis l’occasion, cette belle excuse, pour vérifier qu’il existe toujours une once d’alchimie entre vous deux. Sans le prévenir, tu t’approches furtivement de Thad et l’embrasses. C'est peut-être court, mais c’est encore mieux que l’image des poèmes et du tour de Bowen en calèche. « Oh et pour rendre encore plus crédible, mon prénom est Brune. Mais il n’y a que mes parents qui m’appellent comme ça. Après, tu connais le reste de l’histoire. » Tes préférences alimentaires, tes habitudes quotidiennes, ta maladresse… Non vraiment, il devrait s’en sortir à la moindre question. Maintenant que vous êtes au point avec – cerise sur le gâteau – un second baiser, tu te retournes pour faire de nouveau face au tableau de la faune typique australienne. Erf, avec tout ça, vous êtes parvenus à faire fuir le pauvre koala, unique témoin de ton aveu et de votre complot.

Tu ne sais absolument pas quoi lui répondre. Officiellement, c’est bel et bien un « entraînement » pour voir si vous êtes encore crédibles. Il ne manquerait plus que vous vous forciez pour les yeux de votre public. Par contre, pour le côté officieux… Tu en avais envie. Mais à défaut de lire en lui comme dans un livre ouvert – instant poétique, bonjour – tu ne te vois pas lui dire la vérité. Maintenant que vous êtes littéralement en tête à tête, tu as la sensation d’être une petite bête prise au piège. Une sorte proie face au grand méchant loup. D’ailleurs, Thad dans le rôle du grand méchant loup est une idée assez hilarante, mais tu te retiens de céder à une crise. Ce n’est pas le moment le plus opportun, malgré ta nervosité. Et pendant que tu te tracasses la tête avec tes pensées et que tu as quelques centimètres de distance pour « réfléchir » à sa question, il ne s’est pas dérangé pour faire le geste inverse. Du coup, t’es encore assez proche pour sentir son souffle quand il expire. Perturbant. En plus, tu as la sensation qu’il cherche à te mettre la pression pour que tu lui répondes ou que tu agisses. Ou les deux. Option supplémentaire, tu pourrais prendre tes jambes à ton cou, puis te perdre dans la végétation. Malheureusement, tu n’as pas pris le temps d’imprimer le chemin alors passer la nuit ou la fin de tes jours ici, ça t’inspire encore moins. Autant lui dire, ou lui bien lui faire comprendre, qu’en quelques semaines il ne t’a pas laissée aussi indifférente que tu voulais lui faire croire.

Tu ne sais pas comment tu t’y es pris, mais tu t’es retrouvée sur ses genoux, les bras noués derrière sa nuque et une nouvelle fois tes lèvres contre les siennes – le tout en moins de cinq secondes et d’une façon moins chaste que toute à l’heure ou que l’autre soir. « Je crois… que tu as la réponse à ta question. » Petite voix, tu es toujours agrippée contre lui le souffle court. Il n’est pas du genre à déconner quand il s’agit d’embrasser vraiment. Et toi, tu viens de sous entendre que oui, il peut t’embrasser. Ici, à l’abri des regards. En ville, sous le feu des projecteurs.

En ce qui te concerne, tu es arrivée à un stade où tu as un doute sur la frontière de votre « couverture » et de la sincérité, bien que tu le sois. Après tout, trouver plaisant d’embrasser autrui, que ce soit en public ou tranquille dans un coin comme c’est le cas, n’est pas un crime, et à ce sujet, tu n’es pas capable de savoir ce que Thad a en tête. Dilemme. Enfin, tu reviens à la réalité et tressaillis lorsqu’il t’annonce qu’il pourrait ne plus être capable de vous ramener à la civilisation. Pas dit qu’il voit ta tête, mais tu es effrayée à l’idée de passer la nuit en plein milieu de la végétation. Sait-on jamais s’il y a des bestioles moins tranquilles et adorables que les koalas dans les environs… « Franchement, on aurait fait dans l’originalité avec cette rumeur. » Tu feins tout de même un rire à cette idée : faire des cochonneries dans un bois, ce n’est pas ton style. Au final, ce ne serait pas plus mal qu’il ne puisse pas distinguer des détails, car oui, il se pourrait bien que tu te mettes à rougir lorsque ses lèvres effleurent ta joue. « Mais autant rentrer, je m’en voudrai si tu dormais mal et que tu serais de mauvais poil pour tes clients demain. » Tu te lèves et t’étires, avant de le suivre dans la végétation, de près : il ne manquerait plus qu’il oublie ta présence comme lors de votre venue et que tu te prennes cette fameuse branche dans la figure.

Une fois que vous êtes face à sa caravane, tu poses pied à terre sans pour autant quitter ton vélo. « Du coup, c’est ici que nos chemins se séparent ? » Après tout, il pourrait te proposer de t’accompagner jusqu’à ta résidence ou encore autre chose, les routes n’étant pas toujours très certaine une fois la nuit tombée. Ce serait triste que tu te fasses d’ores et déjà faucher dans une courbe par le premier venu.

En réalité, tu as uniquement besoin d'un lit douillet dans l'immédiat ainsi qu'une bonne nuit tranquille pour te remettre de tes émotions. Et quand bien même sa caravane ne serait pas bien grande, tu ne ferais pas long feu ce soir. Oui, observer un koala et embrasser un garçon, c'est fatigant mine de rien. Heureusement qu'il n'avait pas eu l'idée de te faire faire quoique ce soit de fou, comme l'histoire du cliff diving. « Oh une lady, carrément ? Enfin je vois le genre de ton chez toi. » Sourire espiègle, tu serais presque flattée d'être une lady tiens. Sourire qui finit par refléter une certaine fierté lorsqu'il tend le papier avec un numéro tel son sésame, ou du moins l'un des sésames, de cette soirée : tu ne vas pas rester sans nouvelles pendant plusieurs jours cette fois. Et du peu que tu le connaisses, les échanges pourraient être plutôt comiques. « Ça pourrait m'être aussi utile si une activité... périlleuse me traverse l'esprit. » Tu siffles quelques secondes, à croire que tu as déjà une idée derrière la tête alors qu’il n’en est rien. Pour le moment. « Bonne soirée Thad. » Tu te retiens de lui donner un sourire niais-pourri. Pourtant la tentation est forte juste parce que tu as bien compris que ce n’était pas son kiffe. Tu le remercies avec un baiser chaste sur la joue avant de reprendre le chemin du fameux appartement dix-sept. Franchement, si tu n'avais pas connaissance de ta maladresse, tu n'hésiterais pas à faire une petite danse de la victoire un fois que tu serais hors de vue.