la vérité est au fond du verre | maybelle

Qu'avait-il fait la veille ? Enfin, plutôt hier soir, avant que minuit ne passe et qu'il se retrouve entrainé dans ce bar par des élèves qui l'avait croisé dans la rue ? C'était passé vite, un peu trop vite pour lui, et le voilà qui tapotait un sol froid et en carrelage. Sa joue était comme attiré vers le sol, complêtement écrasée. Il n'arrivait plus du tout à bouger, comme si il avait des fourmis dans ses jambes ou ses mains. Benjamin était complêtement hors-sujet. Il le savait pourtant qu'il ne tenait pas l'alcool, mais justement après deux verres bien trop vite torché, il était souvent trop dans les vappes pour se contrôler à ne pas reprendre un autre verre. En plus il n'avait même pas fait attention à son argent, et avait payé des verres à ses élèves. Il savait même plus qui c'étaient d'ailleurs, surement trop morts pour s'en rendre compte. Et après un long trajet interminable vers les toilettes du bar, il s'était ramassé la figure en plein sur la cuvette, tombant au sol comme un idiot, et perdant de suite connaissance. Il s'était ainsi réveillé, ne sachant pas ce qu'il se passait et ne pouvant pas bouger. Ses yeux rouges le piquait, et ce bruit de fond qu'il entendait lui sifflait aux oreilles. Il essaya de dire quelque chose, mais il placa de suite sa main sur sa bouche et se jeta en direction de la cuvette, qu'il se tapa sur le crâne en se relevant, et commenca à vomir tout ce qu'il avait bu quelques minutes auparavant. En regardant ce qu'il y avait à présent au fond de la cuvette, son menton posé dessus et ses mains le tenant, il réussi à se rappeller de quelques trucs : Emrys bossait là, et il avait été ramassé par des élèves de son cours du soir. Mais qui déjà ? Il commença à se mélanger tout ses élèves, ceux de l'Art avec les petits enfants du cours du mercredi matin. Ils ont entre 6 et 10 ans Benjamin, c'est pas possible qu'ils soient là. Passant sa main dans ses cheveux gras, il commença à sentir son haleine et manqua de retomber au sol en sentant l'horrible odeur de la bière mélangé à une tequila. Il fallait qu'il sorte de là et reparte chez lui. Mais en attendant il resta là, à demi-couchée au sol, la tête posée sur la cuvette, à ronfler un bon coup.

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Encore une journée de travail qui se terminait. Et ce soir, pour la première fois depuis qu’elle travaillait ici, Maybelle devait assurer seule la fermeture du café. Une pression supplémentaire pesait sur ses frêles épaules de perfectionniste invétérée. Elle avait toujours peur de mal faire. Peur de se tromper dans les commandes, peur d'oublier un client, peur de ne pas être assez aimable ou, au contraire, d'être trop exubérante... Elle faisait de son mieux pour être une serveuse exemplaire mais ce n'était pas si facile qu'on pouvait le croire. Lorsque le dernier client quitta les lieux, la jeune blonde soupira de soulagement. Maintenant qu’elle était seule, elle pouvait se détendre un peu ! Elle ferma la porte pour empêcher d’éventuels fêtards de venir prendre un dernier verre puis elle rangea la salle avec minutie. Après avoir vérifié deux ou trois fois que tout était en place, elle se dirigea vers le vestiaire pour récupérer son sac et sa veste, prête à rentrer chez elle. C’est alors que les mots de son supérieur lui revinrent en esprit. Surtout n’oublie pas d'inspecter chaque recoin pour t'assurer qu'il n'y ait plus personne. Elle trouvait cette consigne idiote mais elle s’exécuta sans rechigner. La salle étant vide, le seul endroit où pouvaient se cacher des clients était les toilettes. Pas très attrayant mais elle s’en serait voulu d’enfermer quelqu’un à l’intérieur par inadvertance… Elle poussa la porte réservée aux femmes et examina rapidement les lieux : personne. Elle se dirigea alors vers le coin des hommes et tomba nez-à-nez avec un client visiblement bien abreuvé, à la limite d’agoniser sur le sol. « Okay… Comment est-ce qu’on gère ce genre de truc ? », souffla-t-elle, pour elle-même. Restant figée quelques secondes, elle s’approcha doucement de Benjamin, avança sa main dans sa direction… Puis se ravisa au dernier moment. Elle ne voulait pas risquer de lui faire peur. Il semblait tellement dans les vapes qu'il n’avait probablement pas remarqué sa présence, poser une main sur son épaule pour attirer son attention n'était pas l'idée la plus brillante qui soit. « Euh… Monsieur ? », demanda-t-elle d’un air hésitant, peu sûre de la marche à suivre. Évidemment, il fallait que ça tombe sur elle. Pendant son premier soir de fermeture, qui plus est. Si ça se trouve, c'était une sorte de bizutage concocté par ses collègues. Un bizutage idiot et complètement puéril. « Ça va ? » Question idiote, certes, mais c’était la seule chose qui était sortie de ses lèvres à ce moment là. Pourquoi n’y avait-il pas de guide détaillé de tous les cas de figure qu’une serveuse pouvait rencontrer au cours de son service ? Cela lui aurait été bien utile. Elle ignorait comment elle allait parvenir à régler ce problème. Parce que oui, trouver un homme complètement ivre sur le sol des toilettes du bar où elle travaillait alors qu'elle s'apprêtait à rentrer chez elle était un problème. « Vous pouvez vous lever ? », demanda-t-elle finalement en s’approchant de lui pour l’aider à se redresser, sans hésiter cette fois-ci.

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Benjamin avait les yeux fermés, à moitié endormi. Bien que complétement dans les vapes, il avait entendu la porte des toilettes s'ouvrir et des bruits de pas s'approcher. Mais il ne comprit pas ce que la voix féminine disait. Il entendait ces bruits comme si ils venaient de loin.  « Euh .. Mont cieux ? » Mont cieux ? .. Elle voulait dire quoi par un mont ? Une montagne, qui monte jusqu'aux cieux ? Benjamin comprenait tout de travers, sa tête mélangeant un peu tout les mots. Il restait en plus sans bouger de la cuvette, les jambes sortant de la cabine et son corps tout détendu par terre. « Cavate ? » Cavate ? Kr. Krav. Cravate ? Il se mit à faire une grimace, se demandant sérieusement où voulait en venir la personne. Il osa tout de même apporter sa main jusqu'à son cou, et remarqua qu'il n'avait pas de cravate. Ni même une chemise. Il était juste en simple T-shirt à col en V. Il fronça les sourcils tout en gardant les yeux fermés. L'inconnue se décida finalement à s'approcher de lui, assez pour qu'il comprenne enfin ce qu'elle lui disait : « Vous purée vous lever ? » Bon c'était déjà ça. A peine voulut-il se redresser de lui même, qu'il se retrouva comme entrainé par des bras le tenant. Un œil à demi-ouvert, il tourna la tête vers celle qui le portait : une petite blonde d'à peine quelques années. Pendant un bref instant il avait crut être chez lui, mais vu la dégaine de l'endroit, ce n'était surement pas ses toilettes. Et il ne devait pas franchement aider la pauvre fille : tout son corps était lourd, comme rempli de tout l'alcool qu'il avait bu et qu'il n'avait pas encore rejeté. De toute façon maintenant c'était déjà parti dans son sang et c'était pas prêt de s'en aller. Trouvant qu'il était trop brusqué d'un coup, c'est vrai quoi il était bien là couché sur le sol et la tête sur la cuvette, il bouscula un peu Maybelle qui tentait pourtant de l'aider.

- Hé, mais. Lâche. Lâche moi, ça bouge.

Sa voix était complétement déraillée, ayant du mal à mâcher ses mots. C'était presque à s'en mordre la langue. Il finit par se sentir mal, à voir ces drôles d'images dans la tête, et sa vue partant un peu dans tout les sens. La jeune fille près de lui avait parfois un double qui apparaissait sur le côté, et Benjamin posé contre le mur de la cabine, la regarda un moment avec des petits yeux et la bouche ouverte. Tel un zombie. Jusqu'à qu'il la ferma pour se retenir de tout vomir d'un coup, repartant la tête la première dans la cuvette, quitte à mettre entièrement sa tête dedans et se noyer. Bref, Benjamin avait trop bu.

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Cet inconnu venait sans le vouloir de conforter Maybelle dans l’idée que consommer de l’alcool n’était pas une bonne chose. Il avait l’air complètement à côté de ses pompes. Pâle comme un linge, nauséeux, hagard... Il n'y avait rien de très plaisant à être dans cet état et elle comprenait difficilement comment on pouvait apprécier boire jusqu'à en être malade. Laissant ses pensées de côté, elle tenta de le relever du mieux qu'elle put mais il ne l'aidait pas beaucoup. Son corps était lourd et elle était incapable de le soutenir s'il n'y mettait pas un peu du sien. « Hé, mais. Lâche. Lâche moi, ça bouge. » Évidemment. Elle aurait dû se douter qu’il n’allait pas se laisser faire docilement. Le faire décoller de là ne serait pas chose facile et même si elle n’était pas fluette, Maybelle n’aurait jamais assez de force pour le traîner jusqu'à la salle principale du café. Surtout s’il s’obstinait à repousser chacune de ses tentatives… « Tu m’étonnes que ça bouge », rétorqua-t-elle avec ironie. Pourquoi se gêner ? De toute façon, il avait tellement d’alcool dans le sang qu’il ne devait pas comprendre un traitre mot de ce qu’elle disait. Quoi qu'en réalité, elle n'en savait rien. Elle n’avait pas vraiment d’expérience dans ce domaine et elle ignorait ce qu’on ressentait réellement lorsqu’on était dans un état d’ébriété avancée. Sa seule et unique cuite remontait à trois ans et elle n'en avait gardé aucun souvenir. Si ça se trouve, elle avait été aussi misérable que l'homme qui se tenait en face d'elle à ce moment-là... L'horreur ! Elle croisa les bras, se sentant bien impuissante, puis elle observa Benjamin d’un œil fasciné. Comment pouvait-on boire à ce point ? Elle était persuadée qu’à un moment donné, une sorte d’alarme résonnait dans notre esprit. Une alarme du genre : "Hey, mec ! Je crois que tu as eu ta dose. Arrête-toi. Pose ton verre.  MAINTENANT !". Visiblement, ce client-là ne l’avait pas écoutée… Elle le regarda se précipiter vers la cuvette des toilettes avec dégoût, incapable de faire quoi que ce soit pour l'aider. « Je vais vous chercher de l’eau, bougez pas. » Une fois de plus, elle avait sorti une réplique complètement idiote. Ne bougez pas... Comme s’il allait soudainement se lever et courir le marathon ! Vu son état, il serait incapable de bouger convenablement pendant un bon moment. Si elle avait eu une solution miracle pour le rendre sobre sur le champ, nul doute qu’elle l’aurait fait sans hésiter. Mais jusqu’à preuve du contraire, elle n’avait pas de pouvoir magique – ni aucune espèce de notion pour s’occuper d’un homme ivre mort. Elle retourna dans la salle, attrapa une bouteille d’eau en vitesse et retourna immédiatement au chevet de Benjamin qui, comme de bien entendu, n’avait pas bougé d’un pouce. « Tenez, avalez ça », dit-elle gentiment en lui tendant la bouteille. Cela n’arrangerait sûrement pas les choses mais il se sentirait peut-être un peu mieux après avoir bu quelques gorgées. « Comment vous vous appelez ? » Elle n'était même pas sûre qu'il parviendrait à lui répondre mais s'il se souvenait de son nom, c'était un bon début.

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La tête littéralement plongée dans la cuvette des toilettes, Benjamin se décida à y rester jusqu'à ce que ses esprits reviennent. En plus il y avait cet affreux gout dans sa bouche qui le gênait, et sa gorge le brulait à présent. Il entendit des pas se diriger vers la sortie, mais il ne chercha pas à redresser sa tête pour voir que c'était juste Maybelle qui partait, surement trop hs pour ça. Alors il attendit quelque chose. Un bruit, qui vint à son oreille quelques secondes après. La personne revenait vers lui et commença à lui parler : « Tenez, avalez ça. » Instinctivement il avala sa salive, et s'étouffa avec. Il n'avait juste pas comprit sur le coup qu'elle était en train de parler de la bouteille d'eau qu'elle avait récupérée quelques secondes plus tôt. Se redressant un peu de la cuvette, il regarda en silence le plastique, et l'attrapa sans trop savoir ce qu'il faisait. Dans son état on agit plus par instinct que par raison. En tout cas c'était gentil de sa part de lui avoir ramener ça, et il commença à prendre une gorgée sans avaler au même moment où on lui demanda son nom. Il mit un temps de pause. Regardant Maybelle dans les yeux, il ouvrit tout doucement la bouche pour laisser couler l'eau tout le long de son menton jusqu'à son T shirt où de grosses taches apparurent. D'accord il était peut-être même pas en état de boire convenablement.

- B.E.N.J.A.M.I.N.

Le plus naturellement possible, il lui donna son nom tout en laissant toute l'eau couler un peu partout. Puis il avala une nouvelle gorgée, cette fois-ci bien profond dans sa gorge, et commença à tousser un bon coup. C'était à la fois agréable mais ça brulait quand même un peu. Dans son état d'inconscience plutôt importante, il était là à moitié couché au sol, se tenant assis du mieux qu'il pouvait, avec les yeux minuscules et rouges, la tête qui tourne, et l'eau dégoulinant sur son T-shirt. Encore heureux qu'il ne s'était pas vomis dessus. Regardant un instant la personne en face d'elle, il tenta de percevoir qui elle pouvait bien être.

- Êtes-vous un ange ?

Demanda t-il d'une voix douce et pure, comme si il était mort et qu'il voyait le paradis en fond, et Maybelle avec des ailes. C'est vrai qu'elle ressemblait un peu à l'une de ces créatures, ses cheveux étant dorées. Il en fallait peu pour le faire partir ailleurs.

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Cette situation était tellement irréelle que la jeune serveuse se demandait si ce n'était pas un rêve. Ou une mauvaise blague. Elle espérait que d'une seconde à l'autre, Benjamin - puisque c'était comme cela qu'il s'appelait - se redresserait en hurlant un "Je t'ai bien eu !" qui la rendrait probablement folle de rage mais qui la soulagerait tout de même. Mais non. À la façon peu ragoûtante dont il avala une gorgée d'eau, elle sut que ce n'était pas une blague de mauvais goût. Il était bel et bien ivre mort, pas de doute là-dessus. Elle le regarda faire sans broncher, s’abstenant de faire le moindre commentaire. Il n'arrivait même pas à boire correctement... Affligeant. L’alcool avait tout de même un sacré pouvoir : quelques verres et tous les miracles de l’évolution s’envolaient en une fraction de seconde, nous ramenant droit à un état primitif. Enfin, il se souvenait de son nom, c’était déjà ça... Elle l'observa quelques secondes. Il était là, avachi sur le carrelage, les yeux vitreux et le t-shirt trempé par l'eau qui s'échappait de sa bouche au fur et à mesure qu'il essayait de boire. Pour une première rencontre, c'était plutôt original. Pas de doute, la jolie blonde ne l'oublierait pas de si tôt. Elle décida de s'asseoir près de lui, gardant tout de même une distance raisonnable. Non pas qu'elle le considère comme un paria mais elle préférait éviter qu'il lui vomisse dessus. Il la regarda avec toute l'attention possible avant de lui poser une question pour le moins surprenante. Un ange. Il pensait qu'elle était un ange. Elle aurait pu éclater de rire mais elle se contenta de lui sourire chaleureusement. « Un ange ? Non, désolée… Je suis juste une serveuse qui s’en voudrait de vous mettre dehors alors que vous tenez à peine debout. ». Ses collègues auraient peut-être appeler un taxi ou mis ce type dehors sans ménagement mais Maybelle était bien trop altruiste pour le laisser repartir dans cet état. Aussi misérable soit-il, elle le trouvait plutôt attendrissant. « Vous vous sentez un peu mieux ? ». Si elle avait eu un appartement, la jeune femme l’aurait volontiers ramené chez elle. En tout bien tout honneur, évidemment. Juste le temps qu’il retrouve ses esprits et que tout l’alcool qu’il avait ingurgité s’évapore. Mais elle vivait encore chez ses parents et elle doutait que son père, l’homme le plus réac du monde, soit d’accord pour accueillir un inconnu sous son toit. La charité chrétienne avait des limites, se plaisait-il à répéter. « Qu’est-ce qui vous a poussé à boire autant ? ». Et voilà que sa curiosité reprenait le dessus. Cette faculté à ingurgiter autant d'alcool la fascinait, pour être honnête. On disait que les gens éméchés parlaient plus facilement, qu'ils se confiaient sans réfléchir et qu'ils disaient tout ce qu'il leur passait par la tête. Elle voulait voir si c'était réellement le cas - et Benjamin faisait un très bon cobaye. Peut-être avait-il des problèmes dont il voulait parler ? Ou peut-être pas. Elle se devait de lui poser la question, cela dit.

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