(#25) never look down ∞ heathcliff

Je n’aurais jamais pensé être autant fatiguée en étant fleuriste, bon certes… propriétaire d’une boutique de fleurs. J’étais seul à gérer mon commerce, du-moins, pour le moment. J’espérais grandement trouver une vendeuse pour me soulager de temps à autre, car aujourd’hui, je n’avais pas arrêté une seule seconde. J’avais visité les quatre coins de ma boutique, sans jamais oublier de faire bien attention à mes fleurs. La sonette de l’entrée n’avait cessé de sonner et j’avais failli vriller tellement elle m’agaçait. J’avais même pensé la passer à traver ma fenêtre. Enfin, c’était à ma grande surprise que je voyais que les gens n’avaient pas abandonné leur côté romantique, ou affectif en voulant offrir des belles fleurs. Je confectionnais moi-même mes bouquets, et gérait ma propre comptabilité. Mais plus les jours avançaient, plus j’avais du mal… J’allais devoir envisager d’agrandir un peu mon commerce. C’était bon signe, et j’étais très optimiste sur la chose, mais ça m’avait prise de court. Quoiqu’il en soit, après avoir terminé mes comptes de la journée et vendu mon dernier bouquet puis préparé les présentations pour le lendemain que je fermais boutique. J’errais tranquillement dans les rues, pensive et rêveuse et ne remarquait même pas que la trajet –habituellement long – fut court. Je ne voulais pas rentrer. J’avais peur de revivre comme tous les soirs le malaise qui s’instaurait de plus en plus entre mon colocataire et … moi. Je savais que l’on devait en parler, mais quelque chose au fond de moi m’en empêchait.

Comme si c’était une mauvaise idée.

Je pris une grande inspiration, me disant que cette fois-ci ça se passerait bien. « Et ça se passera bien » me murmurai-je, comme si ma pensée avait pris le contrôle de mon être. J’emboitai alors le pas, entrant dans l’enceinte du bâtiment, montant les marches pour ensuite me retrouver devant la porte qui n’était pas fermée… J’aurais espéré qu’il rentre tard, pour pouvoir me préparer psychologiquement à instaurer une certaine conversation, certes j’aurais pu y penser la journée mais… Mais pourquoi est-ce que je me dis ça ? Ce n’est pas si grave que cela, Heath ne doit pas prendre une place importante à ce point ! C’est le torse bombé que j’entrai dans mon appartement, découvrant toujours avec joie les jolies rideaux que j’avais installé au début de notre colocation… Quand tout allait bien. Je déposai mes affaires et mes clés sur la table, et découvrit qu’il était là. « Salut! » déclarai-je dans un ton enthousiasme qui cachait tant bien que de mal ma gêne. Je remarquais alors que je ne pouvais poser mon regard sur lui, j’essayais de l’éviter. Ne voulant pas, une fois de plus, que le silence s’installe et que l’ambiance se refroidisse je continuais « Tu as passé une bonne journée ? » sinon… Niveau originalité, je devais être la meilleure des nulles.

J'étais contente de pouvoir apercevoir un sourire sur son visage. Il semblait toujours impassible, cependant et cela m'avait toujours rassuré miné de rien. Avant, ne pas savoir ce qu'il pouvait ressentir ou même penser ne me dérangeait guère car je ne le connaissais et n'avait jamais eu l'intention de tout faire pour, mais maintenant... C'était comme si j'avais besoin de savoir. On avait besoin de parler. C'est d'ailleurs pour cela que j'avais hésité à continuer et heureusement pour moi, il m'avait répondu. « Je buche toujours sur cette affaire de disparitions d'enfants devant l'école. On est enfin passé aux choses sérieuses, j'pense que je vais pouvoir faire des essais de portraits. » plus il parlait, plus ça me donnait la nausée. Comment pouvait-on imaginer faire du mal à un enfant, l'arracher de sa famille pour ... Pour quoi d'ailleurs ? Mon visage se referma à l'entente de son activité d'aujourd'hui, je détestais ce qui pouvait se passer autour de nous, comme si l'ombre se propageait de plus en plus. Pourtant, savoir ce qu'il faisait m'intéresser. D'ailleurs son boulot était intéressant et il servait. Pas comme moi, simple fleuriste. « Et toi ? » et sa question me fit sortir de mes pensées, j'avais bien trop bu ses paroles. « Euh... Bien. Fatigante mais bien. » il me fallait juste du temps pour m'adapter a ma nouvelle vie et ce poste d'auto-entrepreneuse. « Tu veux un café ?» me demanda-t-il alors. « S'il te plaît. » répondis-je aussitôt avant de faire une grimace. J'avais accepté du café alors que je n'aimais pas le goût amer, mon pêché-mignon était le thé, toutes sortes de thé... Peut être que lui dire oui me rapprocherait plus de lui, ou nous rapprocherait... Mais c'était complètement stupide. Et pourquoi? « Ce soir, tu vas faire ton dessin alors... Enfin je veux dire tu vas travailler ? » je me suis toujours demandée s'il avait pris des cours de dessin ou si c'était un don. Je n'avais jamais osé lui demander si je pouvais le regarder dessiner. D'ailleurs en y pensant, je remarquais que l'on ne se connaissait pas ... « Bon, si tu as le temps, on mange pizza ce soir ? » Mon sourire avait réapparu sur mon visage, et je voulais bien que l'on mange ensemble. Après tout, on peut très bien mettre notre malaise de côté et s'apprécier ?



Spoiler:

Je sentais la forte odeur du café venir effleurer mes narines. Sur le coup je sentis mon visage se crisper de dégoût, ou peut être était-ce mon imaginations. Quelle idée aussi ! En plus, il n'avait même pas répondu, il était resté silencieux, ce même silence non pas angoissant mais ... Calme. Apaisant. Je m'assois alors, sans quitter mon regard de sa personne ainsi que de la machine en marche, puis je fais mine de regarder ailleurs quand il vient me passer la tasse chaude. Je le remercie, souriante, oubliant alors la question et la non-réponse. C'est pas grave me dis-je. Mais quand est ce que cette situation allait s'arrêter ? Si j'avais su... Je l'entend tourner sa cuillère, une douce symphonie que j'aimais écouter le matin. J'ai l'impression d'être au côté de mon père. Calme et impassible. « Par contre je n'ai mis ni lait ni sucre, je ne sais pas avec quoi tu le bois d'habitude... » je relève mon regard vers lui, la phrase restant coincée dans ma gorge. Ça me torture mon être de ne pas dire qu'en réalité je ne bois pas de café. « Ne t'en fais pas. » La chose positive, si on peut appeler cela du positif, c'est que son regard semble empli d'une chaleur agréable. Lumineux. « Et pour te répondre, oui je pense, enfin si j'y arrive. Sinon, je le ferais demain. » je ne l'écoutais qu'à moitié, alors que c'était la réponse que j'avais attendu. Sauf que je l'observais et j'essayais tant bien que de mal à l'assimiler a une fleur... Peut être a une rose, se défendant tant bien que de mal avec ses épines, mon dieu, nombreuses sont les fois ou je me suis faite saigner les doigt a cause de ces fleurs et pourtant elles restaient mes préférées. Enfin, il sourit. Il a un si beau sourire. Je le lui rends alors, sans répondre.

Le goût amer du café m'agresse mes papilles gustatives, et qui plus est, j'arrive a me brûler le bout de la langue. Je grimace, et abandonne ma boisson sur le côté. Pourtant, j'ai mis beaucoup de sucre. Beaucoup. Ce n'était plus du café au sucre, mais du sucre au café... Je lui propose une pizza party, ne sachant cuisiner et se faisant tard je pense que cela nous ferait du bien. « Oh ! Oui avec plaisir, ma foi pourquoi pas ! Considère que je te l'offre, enfin que je t'invite... même si on les mange ici. Enfin, t'as compris. » je ris, naturellement et discrètement. Pas de ces rires exagérés qui cassent plus les oreilles qu'autre chose, qui agacent et plombent l'ambiance. Je n'aime pas me rendre intéressante. J'aime rester dans mon monde, avec mes fleurs et mes rêves. Je bois une nouvelle gorgée, peut être vais-je aimer ... Ah non. « Tu fais quoi ce week-end ? » Sa question m'interpelle, me surprend. D'habitude, c'est moi qui parle. Qui pose les questions, qui m'intéresse. Mais au final, je ne me torture pas l'esprit. Je me lève pour laver ma tasse, puis lui répond. « Je vais a la boutique samedi matin pour terminer mes commandes du lundi, puis je pense faire ma larve toute l'apres-midi et dimanche je pense voir un ami, j'attend son SMS. » j'aurais aimé lui proposer de sortir avec moi samedi soir, mais les images de son corps, de mon corps puis de nos corps m'en empêchent. Je ne veux pas aggraver la chose. Mais peut être ai-je rêvé, peut être n'avons-nous rien fait ... En réalité, je ne me souviens que de très peu de choses. De fragments et la curiosité me fait des sévices a mon esprit, elle veut m'amener a vouloir savoir. Et je déteste ça. Je cesse de laver ma tasse, puis me retourne vers lui, toujours un sourire sur mon visage et sûrement mes yeux qui pétillent malgré la fatigue. « Tu commandes les pizzas? Je vais aller me doucher. » puis je presse le pas. Je me dirige vers la salle d'eau, peut être que ça me changera les idées. Peut être serons-nous plus détendus. J'enlève mon haut, alors que je ne suis pas encore entré, je n'avais pas perdu cette habitude. Et enfin, je reviens sur mes pas, me cachant timidement a l'embrasure de la porte ... Pourquoi cette gêne ? « Au juste, je prend une hawaiienne poulet ! » toujours un sourire, toujours.

Une fois débarrassée de mes vêtements  j'entrai dans la douche. C'était un petit habitacle mais étrangement ça me rassurait. Quand je devais réfléchir, c'était souvent sous la douche. J'adorais sentir l'eau ruisseler le long de mon corps, c'était comme de douces caresses qui ne me feraient jamais aucun mal. J'actionnai l'eau chaude, cette chaleur soudaine qui m'enveloppait, m'amenait dans un état de bien-être. Je passai mes mains dans les cheveux, plus aucune parcelle de mon corps n'étaient sèches. Pensant être seule, je chantais comme j'avais l'habitude de faire. Des chansons apaisantes aux chansons totalement délurées. Je m'éclatais toute seule, dans ma douche. Il commençait a faire rudement chaud tant que je mêlais un peu de l'eau froide, puis je me moussais. Un shampooing a l'odeur des fruits rouges qui rendait l'ambiance tout de suite plus pétillante et fraîche. J'étais enveloppe dans un éphémère bonheur. rien. « Euh Charlie ? Y a pas d'Hawaïenne poulet, t'as dû confondre. Tu préfères une « Chicken gourmande » ou une « poulet moutarde » ? » J'entends mal, mais je l'entends. Je n'ai pas aperçu qu'il était entré dans la salle d'eau, j'aurais jamais pensé qu'il puisse entré dans une même pièce que moi quand je suis ... Totalement nue. Peut être n'était-il pas gêné, est-ce moi qui rend les choses compliquées a être embarrassée pour un rien ? Après tout, cette nuit n'est qu'au passé. Encore mieux : il ne s'est jamais rien passé... Non. Il s'est passé quelque chose. Et on n'en a jamais parlé, même pas un peu. On a rien décidé. Et ça me perturbe... Ça me perturbe de rien savoir. Rien. Je remarque que je ne répond pas tout de suite, alors je me réveille, passe la tête a travers les rideaux de douche puis  « Euh... Je sais pas. Une Chicken Gourmande alors. Tu prends quoi, toi ?» Je ne comprends pas ma question. Après tout, je l'aurais bien vu tout a l'heure. C'était comme si inconsciemment, je cherchais à ce qu'il reste.
Inconsciemment.

J'enroulai activement mes cheveux dans la serviette après m'être vêtue d'un pyjama. Un tee-shirt avec une marguerite, et un short de nuit. Je sortis de la douche, laissant échapper la vapeur du lieu, et soudainement je me sentais moins oppressée par cette chaleur. Je me dirigeai vers notre pièce commune, puis lui dis « Merci de m'inviter, je te le rendrais. » Je lui souriais affectueusement, puis commençai a sécher mes cheveux a l'aide de la serviette et le questionna une fois de plus  « Elles arrivent dans combien de temps ? » je devais avouer que mon ventre faisait des caprices ...

J’étais réellement impatiente d’entendre la sonnette de notre appartement, je me demande même si je n’allais pas sauter sur le livreur en lui jetant les billets et faire ma vorace avec la pizza. Je n’avais jamais eu aussi faim, ou du-moins, je n’avais jamais été aussi impatiente. Serait-ce mon corps qui stressait, qui me donnait l’alerte rouge ? Tout le monde réagissait différemment, d’autres plus ou moins bien que certains. Je ne réagissais pas bien. Pas bien du tout, et ça tuait notre relation. Quoique, quelle relation ? Nous étions que de simples colocataires, on devrait en parler tout simplement. Pas de secret, on se partage un appartement, on le paie ensemble et on se fait confiance, pourquoi je n’arrive pas à lui parler de cette nuit… « Non tu n'as rien à me rendre, ça me fait plaisir. » si tu savais comme ça me fait plaisir aussi, et pourtant j’ai un petit pincement au cœur. Je m’attache à toi, Heahtcliff. Mais je n’arriverais jamais à supporter quelqu’un qui soit aussi silencieux et aussi indifférent que toi. Qui es-tu en réalité ? Est-ce réellement toi, sous ce masque inébranlable ? Je ne m’étais jamais posée ces questions en presqu’une demi année de colocation avec lui, pourquoi maintenant ! J’eus comme simple réponse un sourire, puis je le regardais ranger. Il était un peu comme moi, de ce côté-là. Je ne pouvais même pas faire mine d’aller nettoyer quelque chose : l’appartement était niquel. Aucune poussière, rien. Pas un objet qui ne soit pas à sa place. Puis j’ai faim moi. Je lui fais savoir par le biais d’une innocente question, il regarde sa montre puis lâche un rire. « Petite impatiente. J'ai commandé il y a cinq minutes, et ils m'ont dit dans une demie-heure, je te laisse faire le calcul. » et à mon tour je ris aussi. Seulement cinq minutes sont passées ? J’ai l’impression que le temps s’arrête petit à petit, doucement, pas à pas… c’est comme si le temps m’obligeait à parler avec lui, à parler de cette nuit. Notre nuit. C’est une torture psychologique que je m’afflige. « Oh, arrête de te moquer de moi, quand on parle de pizzas je suis intenable ! » je ris aussi, d’un rire franc, même si ce que je lui annonce est faux. Je sais me tenir, et je suis de nature patiente. Je devrais arrêter de tout faire de travers. J’expire un bon coup et m’en vais ranger mes clés ainsi que mon sac à leur place, soit à seulement trois pas. Je n’ose pas le regarder quand il relève ses yeux vers moi. Parle lui… Parle lui… « Tu veux qu'on boive un petit verre en attendant ? Il reste du rosé je crois. » la dernière fois il avait juste suffit à ce que ce genre d’invitation soit prononcée pour que tout bascule. Mais pourquoi devrais-je refuser ? Il n’a pas l’air de se souvenir, après tout. Il m’avait juste laisser un message comme quoi il était allé travailler, et même si j’étais nue dans son lit, peut-être que … mes hypothèses sont stupides. Pourquoi dois-je chercher des excuses. « Je ne peux pas refuser, mais… un ou deux verres seulement, après je suis pompette ! » Autant dire que je ne tenais pas l’alcool. Ça monte vite à la tête. Je me hate de chercher la bouteille restante, ainsi que deux verres à pieds, j’évite ainsi de ne rien faire. Je reste silencieuse et m’affligie un supplice. Nous devons en parler, nous devons. J’apporte les deux verres sur la table, relève mon regard sur lui pour lui sourire ( avec les dents, évidemment ) puis ouvre la bouteille et je nous sers. Une fois cela de fait, une fois que son verre et le mien sont remplis, je prends le mien dans la main et dit, comme pour porter un toast « A nous !» merde, mais qu’est-ce que je peux être débile, par moment ! Je ne perds pas mon sourire, et une fois cela de dit je bois une gorgée, évitant ainsi un certain questionnement de son regard. Tais-toi Charlie. « Enfin, à notre colocation...» Tais-toi.



Spoiler:

Il y a des jours où je souhaite intérieurement d'être muette pour cesser de dire des bêtises. Il n'y a aucune gêne a avoir, aucune. Alors pourquoi n'en parlons-nous pas ? J'ai besoin de poser cartes sur table, de tirer cette histoire au clair, que plus rien ne soit flous ou ombrageux. Est-moi qui vais trop loin, qui pense trop ou est-ce lui qui me montre clairement qu'il ne veut plus y penser ? Ou est le malaise dans cette histoire. Nous avions bu, beaucoup bu et nous sommes adultes. Il n'y a rien de grave, pas de maladies ni même d'un petit être qui pourrait éventuellement se former dans mon ventre. Non, rien de tout ça. J'ai pris des précautions dés le lendemain. Il fallait que j'arrête de penser, de m'enfoncer dans ce tunnel qui ne m'amènera nulle part. « Oui, donc à nous. » nos deux verres s'entrechoquent, offrant une douce mélodie de cristal. Une ambiance posée et classe, presque glamour s'installe. Je remarque son clin d'œil et je bois une gorgée. Puis une autre et je sens ce goût fruité descendre le long de ma gorge et n'éprouve aucun plaisir a boire. Mais je lui souris, car j'aime sourire et que la vie est trop courte, j'ne me permets pas de me morfondre... Je ressens comme une connexion soudaine entre mes neurones, un déclic. Si on en parle pas, comment pourrons nous avancer. Je prends une inspiration après une dernière gorgée mais il est trop tard.  « Que dirais-tu qu'on se fasse une soirée rosé-pizza-télé ? En fait, je pense que je vais repousser mon portrait à demain, je peux bien m'autoriser une soirée, et ça me ferait plaisir. » me propose-t-il. Je plonge mon regard et me noie dans ce mystérieux océan que sont ses yeux. J'y cherche une certaine sincérité dans ses paroles, dans cette proposition. En réalité, je n'y arrive pas, bien trop brouillon dans mon cerveau pour me concentrer dans son regard et puis... Ma raison m'ordonne de faire attention mais mon cœur m'incite a y croire et comme tout le monde le sait : la cœur a ses raisons que la raison ignore. Il la gouverne. « Si ça te fait du bien, je ne peux refuser. » je commence a lui tourner les talons, déposant d'un geste doux mon verre sur la table et me dirige vers notre petite cuisine. « Tu choisis le film, je prépare vite fait notre plateau- repas ? On se fait un apéritif avant l'arrivée des pizzas.  » ceci est un message voulant clairement dire : « désolée mais mon ventre grogne et je dois bouffer n'importe quoi pour le calmer et éviter une guerre mondiale dans l'estomac. » et puis, le temps qu'il choisisse un film, cela me permettra de me remettre dans le droit chemin et ne pas concentrer ma pensée sur lui. Et pas seulement : j'ai toujours été nulle pour choisir un film. S'il m'avait laissé... Je pense que je lui aurais fait baver de film à l'eau de rose nœud-nœud ou alors j'aurais opté pour une série comique, histoire de rigoler un peu. Détendre l'atmosphère ainsi que nous-mêmes.


Spoiler:

«Chef oui chef ! » et quand je l’entends, je ne peux que rire intérieurement. A notre première rencontre, qui était aussi la première fois que je visitais ce qui allait devenir mon appartement, je n’avais pu m’empêcher de le trouver étrange, quoique rassurant. C’était dans le sens où je n’avais pas pensé une seule seconde à ce qu’il me fasse du mal, et tout de suite je lui avais accordé ma confiance. J’étais bien obligée, nous vivions ensemble. J’attrape tout ce qui pourrait faire office d’apéritifs : un paquet de chips, et des cacahuètes. Je les installe dans des bols que je pose directement sur un plateau. Ma manie m’oblige à bien les positionner, et ainsi on remarque que les bols sont bien alignés. J’aime quand tout est droit, et bien rangé. Pour moi, le désordre signifie souvent un laisser-aller, et je ne me laisse pas aller de la sorte. J’admire mon plateau-repas, et j’ai l’impression d’avoir oublié quelque chose. Les chips sont là, les cacahuètes tout juste à côté, les pizzas arriveront bientôt et le rosé n’est pas très loin dans notre salon. Je me surprends à regarder s’il y a bien la bouteille, mais ce n’est qu’une excuse pour regarder Heathcliff. Je le vois prendre un dvd et je retourne à mes préoccupations. Après une réfléxion de quelques secondes, je me dis qu’il y a tout, et que je peux enfin retourner avec Heathcliff dans le salon, et ainsi commencer notre… Soirée improvisée. Mais je ne l’avais pas entendu entrer dans la cuisine, ni même senti sa présence qui était pourtant prés de moi. Quand je sentis un souffle caresser mon oreille, je ne pus que sursauter et ressentir une vague de chaleur au fond de moi. Mon cœur se serra à l’entente de sa voix et un sourire apparut sur mon visage  « Alors tu t'en sors, princesse ? » puis il rit et s’éloigne de moi, en sortant deux assiettes. Je le regarde, toujours avec un sourire, et mon sourcil se arque. Je ne comprendrais peut-être jamais ce garçon, autant il peut être distant et froid, autant il peut être chaleureux et taquin, comme maintenant. Il a une double face et c’est peut-être cela que j’aime chez lui. « Si je suis une princesse, tu dois me traiter telle quelle. » je lui souris, malicieuse et désireuse à la fois. Je prends notre plateau repas, me dirigeant vers le lieu désiré, prenant au passage la bouteille de rosé et nos deux verres laisser en plan – en manquant de tout faire tomber ( mais vu que Charlie est trop forte, elle repart comme si de rien n’était ) - et une fois débarrassé de mon plateau, je vais vers la télé, curieuse de savoir quel film il a choisi. Je regarde attentivement la boite ouverte, et applaudit ce choix. Rien qu’en regardant le titre ainsi que l’acteur, je ne peux que ressentir des frissons. La fin du film m’a toujours un peu bouleversé et j’avais toujours passé cette étape-là. Mais peut-être qu’auprès de Heath, ça passera mieux. « T’as de bons goûts. » je ne peux m’empêcher de le lui dire, j’ai toujours accordé une importance sur les goûts cinématographiques et littéraires des personnes que je côtoie. Mais il est vrai que je reste vraiment vieux jeu de côté-là. Je dépose ainsi la boite, nous ressers encore un verre de rosé et trempe délicatement mes lèvres dans le nectar. Un seul verre avais-je dit ?

Il me suit, je sais qu’il est derrière moi et là, il pose sa question « Ah oui ? Et ça veut dire comment, alors ? » je souris intérieurement avant de regarder le dvd qu’il avait choisi, faisant exprès de zapper totalement sa question pour le laisser sur sa faim. A vrai dire, je ne saurais lui répondre correctement, et je réfléchis à ce que je peux dire sans remettre le malaise entre nous, alors que nous étions moins crispés. De là, je lui dit qu’il a bon goût pour le film qu’il a choisi, et je me dis qu’il a bien du courage de me le faire regarder. J’ai toujours cette certaine envie que le protagoniste ne se suicide pas à la fin, alors que je sais que c’est une mort glorieuse qu’il a. Mais c’est comme ça dans tout les films, en particulier Titanic – où je pleure comme une madeleine – et Pearl Harbor. Je nous sers une nouvelle fois, regrettant aussitôt mais ne lui faisant pas voir. Je bois une gorgée et il me pose une question « Tu tiens bien l’alcool, toi ? » je le regarde avec des yeux un peu ronds, surprise par sa question. Il le sait, non ? Il le sait que je ne tiens pas, que je suis pompette après deux ou trois verres. Il me l’a dit un peu avant, et il … il le sait par rapport à … à notre dernière nuit ensemble… « Pas tellement. » je lui réponds donc comme si je lui apprenais un nouveau truc. Je ne veux pas relever sa question, je ne veux pas lui dire qu’il le sait bien. Ou peut-être qu’intérieurement, je veux oublier cette soirée, faire comme si de rien n’était ou bien au contraire… « Sinon ! » je pose mon verre sur la table basse, n’ayant plus aucune envie de finir le rosé, et je m’installe confortablement sur le canapé, collant mes pieds à mes fesses et posant ma tête contre ma main, de manière chaleureuse et infantine. Je le fixe tendrement et lui dit alors « Tu as une idée de comment tu pourrais me traiter en tant que princesse ? » et un sourire sur mes lèvres, un.