movie night + arthur

Quelques semaines étaient passées depuis que j’avais révélé la vérité à Arthur. Il s’était excusé par SMS, nous nous étions revus, je lui avais tout expliqué et aussi étrange que cela puisse paraître, nous avions… sympathisés. Plus que cela, même. Il nous arrivait de nous voir plutôt régulièrement et je devais avouer que j’adorais sa compagnie. C’était un garçon bien, gentil et surtout très à l’écoute. Le genre d’amis que tout le monde rêvait d’avoir – parce que oui, je le considérais comme un ami à part entière. Un ami particulier, même, puisque nous étions liés à jamais par tout ce qu’il s’était passé.

Ce soir-là, je devais le retrouver chez lui pour une « soirée films » et j'étais impatiente à l'idée de le rejoindre. J'avais la certitude que nous allions passer un bon moment - et sans arrière pensée qui plus est. Après m’être préparée rapidement (bon, j’avais tout de même mis une heure à choisir ma tenue et à coiffer ma chevelure d’un mauve éclatant), j’étais passée au supermarché du coin pour acheter quelques trucs : paquets de bonbons, chocolats, pop-corn… Tout ce qu’il fallait pour passer une excellente soirée, en somme. Une fois tout cela terminé, je me dirigeais chez lui avec mon entrain habituel avant de frapper à la porte de son appartement. « Salut, salut ! », m’exclamais-je joyeusement lorsqu'il ouvrit, un grand sourire aux lèvres. Plus j'y pensais, plus je me rendais compte que cette situation était... impensable. Jamais je n'aurais pu imaginer que j'allais retrouver le père de mon fils et encore moins que nous finirions par devenir de bons copains. Mais c'était le cas. Et même si je ne l'avais jamais clairement envisagé, c'était la meilleure chose qui puisse nous arriver. Enfin, à moi en tout cas. Lui avoir dit la vérité m'avait soulagée et le fait de pouvoir en parler librement, de ne plus porter ce fardeau toute seule, m'aidait à me reconstruire peu à peu. J'étais encore loin de tourner la page de je m'en voulais toujours autant mais Arthur semblait m'avoir pardonnée et cela atténuait un peu mon mal être. « J’ai apporté plein de trucs à manger ! » Je secouais doucement l’énorme sac en plastique rempli de bonbons et friandises en tout genre devant son nez, histoire de le narguer un peu en attendant qu'il me fasse entrer.  

Je n'ai pas pardonné à Maybelle - et je ne lui pardonnerais jamais. Genre vraiment jamais. C'est vrai qu'à force de la voir quasiment tous les jours, je commence à apprécier sa présence. Mais ça n'ira jamais plus loin que la vengeance. Enfin, c'est ce que j'ai prévu pour le moment. Et comme la vengeance est un plat qui se mange froid... et bien j'attends mon heure et je prends mon mal en patience. Et tant pis si je renie encore une fois toutes les valeurs que ma mère m'a inculqué, tant pis si je ne suis même pas en paix avec moi-même mais... elle a fait adopter mon bébé sans même me mettre au courant parce que madame ne tient pas l'alcool. Et quoi qu'elle fasse, ça ne passe pas. Je suis lié pour toujours à la personne la plus égoïste que j'ai jamais rencontré. Et c'est dur à encaisser.

Mais comme elle est sur le point d'arriver, je prends sur moi et mets tout ça de côté pour profiter de la soirée. Mon heure n'est pas venue et il n'y a pas de raison pour que je ne passe pas un bon moment. Alors voilà. Je réponds rapidement à Savannah avant qu'elle envoie une expédition et comme si c'était parfaitement calculé, Maybelle sonne à la porte. Je balance toute ma rancoeur dans un coin de mon appartement et immédiatement, je me sens mieux. Je suis presque heureux de la voir. Non. Je suis heureux de la voir. Alors je souris - et je me demande si ma personnalité ne commence pas à se dissocier avec cette connerie. J'ai ouvert la porte et mon coeur s'est mis à battre irrégulièrement. Comme lorsqu'elle me souriait au détour d'un couloir quand elle ne savait même pas qui j'étais. J'en ai clairement ras-le-bol d'être moi en ce moment. Il faut que je m'envoie en l'air. Avec un mec. Parce que là... je suis entrain de revirer hétéro et c'est juste pas possible. « J’ai apporté plein de trucs à manger ! » Je lui ai fait un clin d'oeil avant de l'attirer à moi pour la faire entrer et de déposer un baiser sur sa tempe. « Moi aussi, j'ai préparé des trucs. » En fait, c'est ma soeur qui m'a amené des gâteaux qu'elle a fait mais... bon. En temps normal, je les ferais avec elle alors on va dire que c'est tout comme. « Entre. » Je referme la porte derrière elle et récupère ses affaires pour correctement les ranger. Pour un garçon, je suis vraiment ordonné mais... c'est des restes de ma mère. J'aime que tout sois rangé, c'est comme ça. « J'ai décidé qu'on allait regardé Love Actually parce que... parce que j'ai décidé. Voilà. » Je me suis mis à rire - le pire, c'est que j'aime vraiment ce film de gronzesse, achevez-moi. « Avant, tu vas me dire comment tu vas et t'en es où dans ta vie... ahah. » Et comme j'ai déjà tout préparé sur la table basse, je me laisse tomber dans le canapé comme une merde. Et je tapote la place à côté de moi. « Et Belle, avant de t’asseoir, tu peux éteindre la grande lumière steuplais ? » Et j'en profite pour allumer la lampe à côté du canapé. Voilà.  

J'entrais à l'intérieur, esquissant un sourire bien malgré moi en sentant les lèvres d'Arthur se poser sur ma tempe. Comme d'habitude, il prit mes affaires et je le regardais les ranger d'un œil amusé. Je n'avais jamais vu un mec aussi ordonné ! « J'ai décidé qu'on allait regardé Love Actually parce que... parce que j'ai décidé. Voilà. » J'ouvris grand la bouche sous l'effet de surprise. Comment un garçon pouvait-il décider de regarder Love Actually (qui était probablement la meilleure comédie romantique de tous les temps !) sans qu'on lui mette le couteau sous la gorge ? Décidément, Arthur n'était pas banal et plus j'apprenais à le connaître, plus je l'appréciais. « Tu sais que tu es parfait ? » J'avais planté mon regard dans le sien, un large sourire étirant mes lèvres. J'éteignis la lumière comme il me l'avait demandée avant de prendre place à côté de lui, déposant toutes les friandises que j'avais acheté sur le peu de place qu'il restait sur la table de salon. Puis je lâchais un profond soupir - aussi pathétique que désespéré. Allez savoir pourquoi, je n'avais aucun mal à me confier à Arthur. En temps normal, je détestais parler de moi et j'évitais toutes les questions un peu trop personnelles. Mais avec lui, je disais toujours ce que j'avais sur le cœur - et il m'écoutait toujours d'une oreille attentive, comme si ma vie l'intéressait réellement. En fait, il s'approchait réellement de la perfection. « Je t'ai déjà parlé de Nick ? », demandais-je sans attendre la réponse, sachant que je lui en avais déjà parlé à plusieurs reprises. « On a failli coucher ensemble. » Quand je vous disais qu'avec lui, je parle de tout sans aucun tabou... Tout de même un peu gênée, je sentis le rouge me monter aux joues et je baissais machinalement les yeux. Je ne voulais pas voir la réaction d'Arthur. « C'était super bizarre. On passait une soirée tous les deux, on parlait tranquillement comme on l'a toujours fait et puis d'un coup, je me suis rendue compte qu'il était devenu incroyablement beau. Il l'a toujours été, ce n'est pas la question, mais... J'en sais rien. Il est encore plus canon qu'avant. Et puis je me suis rappelée de tous les moments qu'on a passé ensemble quand on était petit, de toutes les fois où j'ai planifié notre mariage dans ma tête... Et on s'est embrassé. » Je relevais finalement les yeux vers lui, lui adressant un petit sourire. « Puis il a commencé à se montrer un peu plus pressant et au final, je me suis dégonflée. Faut bien que je reste fidèle à ma réputation de Sainte, hein ! », dis-je d'un air ironique avant de soupirer un peu. « Qu'est-ce qui va pas, chez moi ? Je veux dire, ce mec est génial. C'est mon meilleur ami, on se connait depuis qu'on est gosse et j'ai aucun secret pour lui... Enfin, presque aucun. » Je marquais une pause, prenant quelques secondes pour réfléchir à ma relation avec Nick, puis je repris mon monologue interminable qui devait profondément ennuyer Arthur. « C'est le mec parfait. Toutes les filles rêveraient de coucher avec lui et moi, je le repousse... Je tourne vraiment pas rond. » Sans trop savoir pourquoi, je déposais ma tête contre l'épaule d'Arthur, cherchant un peu de réconfort. « Je crois que tu vas pouvoir te vanter d'être le seul et unique homme de ma vie, Arthur Carlson. » Je lui adressais un sourire sincère avant de déposer un bisou sur sa joue. « Enfin bref, c'est pas si important que ça, au final. Toi, comment tu vas ? »

« Tu sais que tu es parfait ? » J'ai levé les yeux au ciel en souriant. « Evidemment que je le sais. » J'ai rigolé parce que... ouais. Peut-être que j'ai été un gars bien, avant, mais que c'était loin d'être le cas aujourd'hui. Maybelle le sait, on en rigole parfois, de mon instabilité et de ma faculté à changer de mec comme de slip... alors si ça lui plait de croire que je suis parfait, c'est tout à son aise, ça me va très bien. Elle vient ensuite s'asseoir à côté de moi et je tape sans ménagement dans les bonbons qu'elle a ramené. « Je t'ai déjà parlé de Nick ? » J'ai à peine le temps de caser un "hum hum" qu'elle enchaine rapidement. « On a failli coucher ensemble. » J'avale mon dragibus de travers et je hausse un sourcil. Ce boulet ? Elle a voulu coucher avec lui ? Ah. Ah. Ah. Puis elle se lance dans le récit de sa soirée et je l'écoute attentivement. Parce que je dois tout retenir pour pouvoir réagir et lui retirer du crâne ce débile qui ne la mérite pas. C'est con à dire mais j'ai pas envie qu'elle se fasse avoir par quelqu'un d'autre que moi. C'est la mère de mon fils, non ? Alors je me dois de la protéger des autres.

Et rien que de penser ça, mon coeur loupe un battement et je vois trouble. Je crois que je ne m'y ferais jamais vraiment...

Je me reconcentre sur son discours, ni vue ni connu et finalement, je prends conscience que ça ne va pas vraiment être difficile de lui faire comprendre que son Nick est un mec en carton. Et qu'elle doit s'en méfier. Je passe un bras autour de ses épaules pour lui faire un câlin, un sourire indélébile placardé sur le visage parce que ouais, je suis toujours le seul homme de sa vie et que je compte bien le rester encore un peu. « Si c'est important... » J'ai pris une mine embêtée avant de lui rendre son bisou. « Un gars que toutes les filles s'arrachent, c'est un gars qui se croit super puissant et qui à l'embarras du choix. C'est un gars pas fidèle et qui te fais croire que t'es unique alors qu'il en a une autre derrière à qui il fait d'autres promesses, toutes aussi fausses que celles qu'il t'a faite. » J'ai un peu soupiré. « T'sais... je le connais qu'à travers toi, c'était peut-être ton meilleur ami et t'avais peut-être prévu de l'épouser mais... les gens changent. Sérieux, un gars qui te presse pour que vous couchiez ensemble ? Ahah. C'est vraiment trop un gros con. Si t'en as pas envie alors c'est que tu dois pas le faire. C'est tout. C'est pas à lui de juger si t'es prête ou non. Et d'ailleurs, c'est pas parce que t'as eu envie d'avoir un peu de respect pour toi que t'es pas normale. Au contraire. T'apprends de tes erreurs et c'est pas plus mal... » Je lui ai fait un petit sourire avant de la serrer contre moi. Je sais pas vraiment si elle me considère comme une erreur mais je sais que moi, j'ai pas profité d'elle, qu'on s'était protégé et que - putain - on n'a vraiment pas eu de chance. Parfois, je regrette même qu'elle ne s'en souvienne pas. J'aurais envie de tout lui raconter. Ou alors d'être à nouveau sa première fois, pour être sur que tout se passe bien. « J'ai pas envie qu'on se serve de toi et qu'on te fasse de la peine. Je suis sûr qu'il a d'autres filles qui se respectent pas en vue alors... vois le plutôt comme un meilleur pote super canon. Un meilleur pote qui sera rien de plus. » Je me doute bien qu'elle ne va pas boire mes paroles et repousser Nick du jour au lendemain mais j'espère quand même qu'elle y réfléchira à deux fois avant de se retrouver seule avec lui, dans un endroit propice à la reproduction. « Tu sais... j'ai pas envie que tu débarques un jour en pleurant parce que tu regrettes d'avoir coucher avec je sais pas qui. T'es la mère de mon bébé et ça me ferait chier de devoir aller casser la figure d'un imbécile, tu vois ? » Je lui ai souri et j'ai déposé un baiser sur ses lèvres. C'était tendre et doux à la fois. Et ce baiser était emprunt de quelque chose que je n'avais jamais ressenti avant. Ce n'était ni de l'amour, ni de l'amitié. C'était juste... nous. Maybelle et moi. Nous et notre lien invisible qui nous unissait d'une manière indéfinissable. Ce baiser était une promesse. La promesse que personne d'autre que moi ne pourrait la blesser. Pas tant que je veillerai sur elle. Et curieusement, je suis certain qu'elle a compris. Peut-être qu'il y aurait d'autres baisers de ce genre, d'autres promesses. Peut-être pas. Mais tout ce que je sais, c'est que la sensation d'avoir ses lèvres sur les miennes m'avaient affreusement manqué et pourtant, je n'avais pas eu besoin d'aller plus loin. Parce que ça n'aurait pas eu de sens. J'ai pressé mes lèvres contre les siennes parce qu'elle compte pour moi et que, même si ça ne mène à rien car je suis gay (je pense), on est assez intimement lié pour ce genre de baiser sans conséquence. « Fais pas n'importe quoi, d'accord ? » Je lui ai adressé un sourire sincère avant de me redresser un peu pour attraper le sac qu'elle avait ramené et la télécommande. « Tu dors là, hein ? J'ai pas envie de sortir au milieu de la nuit pour te ramener. Puis t'es plus proche de ton boulot... ! » L'excuse la plus pourrie du monde mais bon... elle marche bien celle-là. Même si je sais qu'en général, elle accepte de dormir ici parce qu'elle a pitié de moi.  

« Evidemment que je le sais. » J'ai levé les yeux au ciel avant de lui donner une petite tape sur l'épaule d'un air blasé, ne pouvant m'empêcher de sourire pour autant. Il était adorable, je n'y pouvais rien. Puis nous nous sommes installés dans le salon et je lui ai raconté ma presque-aventure avec mon meilleur ami. Aussi étrange que cela puisse être, j'avais besoin de l'avis d'Arthur. Nous nous étions beaucoup rapprochés ces derniers temps et il était devenu un sacré bon allié. Il avait toujours de bons conseils et mieux encore, il écoutait sans juger. S'il n'était pas gay, ce garçon serait sans conteste le prince charmant dont toutes les petites filles rêvent. Il était séduisant (je l'avouais sans mal), gentil, attentionné, protecteur... C'était un type bien. Et j'étais heureuse qu'il soit entré dans ma vie, même si j'aurais préféré que ce soit d'une autre manière.

Comme je l'avais prédis, il ne tarda pas à me donner son avis sur la situation et j'étudiais chacune de ses phrases avec attention. J'avais envie de lui couper la parole, de lui dire que Nick n'était pas comme ça, que c'était un réel gentleman et qu'il n'avait pas voulu profiter de moi... Mais au fur et à mesure qu'Arthur parlait, je me rendais compte qu'il n'avait peut-être pas tort. Pas sur tout, en tout cas. Nicholas et moi avions été séparés pendant trois ans et forcément, nous avions tous les deux changés. Je ne pouvais plus prétendre le connaître par cœur, à mon plus grand regret. Et puis il y avait Jade. Et Clarissa. Et sans doute toutes ces autres filles qui lui avaient tenu compagnie pendant mon absence. Et si je n'étais qu'un nom de plus sur son tableau de chasse ? « C'est un mec bien. » Une simple petite phrase qui montrait à quel point je doutais. Qui commençait son argumentation par ce genre de cliché, si ce n'est quelqu'un qui cherche à se convaincre lui-même ? « Je veux dire, il ne me ferait jamais ça. Je suis pas comme toutes les autres filles avec qui il prend du bon temps, je suis sa meilleure amie... Je crois pas qu'il se serve de moi. Et puis, il ne m'a pas vraiment pressée c'est juste qu'il en avait envie et que j'étais pas super réceptive... Il n'a pas insisté quand je lui ai dit non. C'est vraiment un gars bien. » Plus j'essayais de me persuader que Nicholas était le mec parfait que j'avais toujours vu, plus je doutais et plus j'étais perdue. Je devais me rendre à l'évidence : Arthur avait sûrement raison. Il voulait probablement jouer avec moi, se moquer de ma naïveté déconcertante. Je soupirais doucement, me blottissant un peu plus contre lui. « Je crois que tu as raison... Il m'a dit qu'il était amoureux d'une fille. Enfin, il pense être amoureux... Bref. Il a une fille en vue. Et puis, il couche régulièrement avec une de mes copines. Juste comme ça, c'est pas sérieux entre eux mais je crois qu'elle, elle aimerait que ça le devienne... Tu crois qu'il lui a dit les mêmes trucs qu'à moi ? » J'avais demandé cela avec toute la candeur du monde. J'avais parfois l'impression d'être restée une gamine - et ce n'était pas toujours agréable. Ma vision des choses étaient bien souvent édulcorée et il fallait l'avouer, je manquais cruellement d'expérience en matière de relations amoureuses. Et tout un tas d'autres trucs. « Je me demande comment je fais pour être aussi naïve... C'est fatiguant, parfois. » À peine avais-je fini de soupirer pour la troisième fois qu'Arthur pressa tendrement ses lèvres contre les miennes. Et cela me paraissait tellement naturel que je n'étais même pas choquée. Ce n'était pas le même genre de baiser que j'avais échangé avec Nicholas. C'était... une sorte de promesse. Comme s'il voulait me montrer qu'il serait là pour veiller sur moi, quoi qu'il arrive, et que rien ne pourrait m'arriver tant que je serai à ses côtés. Il n'y avait aucune arrière-pensée. Ce baiser n'avait aucune portée particulière puisque Arthur était gay (malheureusement) et que je ne ressentais rien pour lui, si ce n'est une profonde amitié. Je le savais, il le savait et apparemment, nous n'avions même plus besoin de mots pour nous comprendre. Le lien qui nous unissait était extrêmement fort et notre relation était indescriptible. « Oh et pendant que j'y pense... T'es pas une erreur. Loin de là. » Ses paroles m'étaient revenues en mémoire et je ne voulais pas qu'il croit que je regrettais la nuit que nous avions passé ensemble. Je l'avais regretté pendant de longs mois, oui. Mais c'était avant de le connaître. À présent, mon seul regret était de ne plus avoir de réels souvenirs de cette soirée. J'aurais donné n'importe quoi pour retourner dans le passé et me remémorer chaque instant passé avec lui. Je passais une main dans ses cheveux, détaillant son visage en souriant. J'ignorais comment nous étions devenus si proches mais cette proximité me plaisait. Et avec lui, tout était beaucoup plus simple qu'avec Nicholas.

« Fais pas n'importe quoi, d'accord ? » J'esquissais un sourire adorable tout en hochant la tête. « Promis. Et merci, Arthur. Je sais que je te le dis souvent mais je te dois beaucoup. » Je déposais un nouveau bisou sur sa joue avant de me détacher de lui pour attraper quelques bonbons. Notre soirée allait réellement pouvoir commencer ! Il me demanda si je comptais rester dormir et une lueur de malice envahit mes yeux. « J'en sais rien, ça dépend. Tu me donnes quoi en échange ? » Je le regardais, un sourire espiègle sur les lèvres, attendant sa réponse avec impatience. Évidemment que j'allais rester dormir. Comment pouvait-on dire non à Arthur Carlson ? C'était impossible. Je crois qu'il aurait pu obtenir tout ce qu'il voulait de moi. Il n'y avait qu'à regarder sa bouille parfaitement adorable pour craquer. Mon père me passerait sûrement un savon quand je rentrerais à la maison mais cela n'avait pas grande importance. J'avais l'habitude d'être sermonner et je n'étais plus à ça près.

« C'est un mec bien. » J'hausse les épaules sans rien répondre et je la laisse essayer de se convaincre qu'elle a raison. Jusqu'à ce qu'elle comprenne que je suis certainement dans le vrai. Et ça ne met pas longtemps à arriver d'ailleurs. « Je crois que tu as raison... Il m'a dit qu'il était amoureux d'une fille. Enfin, il pense être amoureux... Bref. Il a une fille en vue. Et puis, il couche régulièrement avec une de mes copines. Juste comme ça, c'est pas sérieux entre eux mais je crois qu'elle, elle aimerait que ça le devienne... Tu crois qu'il lui a dit les mêmes trucs qu'à moi ? » Je me retient de rire. Sérieusement, il est con ou quoi ? Quitte à essayer de se chopper plusieurs meuf en même temps, pourquoi taper dans des filles qui se connaissent et surtout dire à l'une d'entre elle qu'il est amoureux d'une autre ? Y a clairement des mecs pas net sur terre... « Franchement, c'est peut-être un super meilleur ami, j'en sais rien. Je le connais pas. Mais... c'est un mec pourri. Je pense pas qu'il vous dise la même chose parce que vous êtes certainement différentes mais... ça revient au même. Comment il peut dire qu'il est amoureux de quelqu'un et essayer de coucher avec toi. Tu vois ? J'veux dire... si je suis amoureux, je pense uniquement à cette personne. J'ai envie de cette personne uniquement et tenter ma chance avec quelqu'un d'autre... j'en n'ai rien à foutre. Alors ouais, imagine que c'est finalement toi qu'il choisisse... son ‘je t'aime’ il vaudra rien du tout. Parce que tu sauras qu'il était amoureux d'une fille et qu'il a quand même essayé de coucher avec toi. » Et putain, j'ai même pas envie que ce gars la touche à nouveau. J'en fais carrément une affaire personnelle. Je n'ai pas envie que Maybelle s'offre à ce débile. Il est décidément trop bête. « T'es pas trop naïve... si c'est ton meilleur ami, c'est normal que tu lui fasse confiance. Mais on couche pas avec son meilleur ami sur un coup de tête. Tu vois ? Enfin, je sais pas. Vaudrait peut-être mieux que tu entames une vraie relation avec quelqu'un avant de coucher avec. » D'ailleurs, je sais même pas comment notre histoire ne peut pas lui servir de leçon. Puis c'est aussi pour ça que les filles m'agacent. Putain... elles sont entrain de se plaindre que les mecs les traitent comme de la merde mais avec trois belles paroles, elles sont sur le point de coucher avec un gars qui en aime une autre. On ne va pas se mettre à respecter des personnes qui ne se respectent pas elles-mêmes, si ? Moi j'pense pas. Alors ouais, peut-être que j'ai envie de me venger de May mais... je sais pas, je peux pas m'empêcher de me dire qu'en étant la mère de mon bébé, je me dois de la protéger des autres. « Oh et pendant que j'y pense... T'es pas une erreur. Loin de là. » Je lui souri sincèrement et dépose un baiser sur son front. Ca me soulage parce que l'ancien Arthur, celui qui était complètement dingue d'elle, avait vraiment besoin de l'entendre. Puis elle me remercie et j'hausse les épaules. « J'ai surtout foutu le bordel dans ta petite vie, hein ? Ahah. » Mais je crois qu'on peut en rire maintenant que c'est passé. Vaut mieux parce qu'autrement, on se mettrait à chialer. « J'en sais rien, ça dépend. Tu me donnes quoi en échange ? » J'affiche un air malcieux en faisant mine de réfléchir... « Alors déjà, je te prête un bout de mon lit - et c'est un putain de privilège. Et en plus de ça, je pense que je peux te faire un super petit déjeuner demain matin. Genre pancake, oeufs brouillés, bacon et tout et tout. » Je lui ai fait un clin d'oeil, super sûr de moi. De toute façon, je sais qu'elle serait quand même restée.

« Franchement, c'est peut-être un super meilleur ami, j'en sais rien. Je le connais pas. Mais... c'est un mec pourri. » Je fronçais les sourcils, agacée malgré moi. Je n'aimais pas qu'on dise du mal de Nicholas, même si je venais d'avouer une minute plus tôt qu'il était peut-être en train de se ficher de moi. Malgré tout, je pris sur moi pour ne rien dire et continuais d'écouter l'avis (sûrement objectif) d'Arthur. Lorsqu'il eut terminé, je me contentais de hausser un peu les épaules. « J'en sais rien... Peut-être qu'il pense qu'il est amoureux de cette fille alors qu'il ne l'est pas parce qu'au fond, on a des sentiments l'un pour l'autre depuis qu'on est gosse mais qu'on se voile la face parce qu'on a trop peur. Ou peut-être que tu as raison et qu'il se fiche de moi. Mais je crois que je n'ai pas envie de le savoir... C'est un meilleur ami en or et je l'adore, c'est le principal. » Je lui souris, contente de pouvoir discuter aussi librement avec lui. « En tout cas, je vais attendre avant de me lancer. Histoire de savoir que je tombe sur la bonne personne, tout ça. J'ai pas envie de faire n'importe quoi. » J'attrapais une grosse poignée de bonbons, en fourrant plusieurs à la fois dans ma bouche tout en réfléchissant à un tas de trucs. Comme au fait que je me retrouve là, dans ce salon parfaitement rangé, avec le père de l'enfant que j'avais porté pendant neuf mois et que pourtant, je n'aurais jamais l'occasion de connaître. La vie réservait de drôles de surprises. « J'ai surtout foutu le bordel dans ta petite vie, hein ? Ahah. » Levant les yeux vers lui, je haussais doucement les épaules. « Et j'ai foutu le bordel dans la tienne... On est quitte. » Je lui souris à nouveau. Oui, il avait bouleversé ma vie. Mais j'avais bouleversé la sienne aussi et je ne pouvais pas faire comme si de rien n'était. Ce n'était pas intentionnel, certes, mais les conséquences étaient là et au final, cela revenait au même. Cette histoire nous avait fait souffrir tous les deux - et c'était peut-être pour cela qu'on était si proche aujourd'hui. « Alors déjà, je te prête un bout de mon lit - et c'est un putain de privilège. Et en plus de ça, je pense que je peux te faire un super petit déjeuner demain matin. Genre pancake, oeufs brouillés, bacon et tout et tout. » Croisant les bras sur ma poitrine, je pris un air sérieux et fis mine d'analyser sa proposition avec soin. Finalement, au bout de quelques secondes de suspense insoutenable (ou pas), je me mis à sourire. Encore. « Marché conclu. Mais que tu ne te méprennes pas, hein : je reste pour les pancakes et les œufs brouillés. Pas pour toi. » Mon regard malicieux montrait que je plaisantais, évidemment, et j'avalais à nouveau quelques bonbons avant de reporter mon attention sur lui. « On met le film ? » Je n'arrivais toujours pas à croire qu'on allait regarder Love Actually. C'était l'un de mes films préférés et j'étais étonnée qu'Arthur l'apprécie. Généralement, les mecs trouvaient que c'était beaucoup trop niais à leur goût. « Pourquoi tu es gay ? Tu sais que ça doit briser le cœur de dizaine de filles, à Bowen ? » Ne me demandez pas d'où cette phrase est sortie, je n'en ai pas la moindre idée. À croire que lorsque j'étais avec lui, je disais réellement tout ce qu'il me passait par la tête... Et ce n'était pas toujours une bonne chose. Malgré tout, j'avais un sourire aux lèvres alors que je le dévisageais sans ménagement. C'est vrai qu'en y pensant bien, c'était dommage qu'il soit gay. Il était plutôt beau gosse, sympa, attentionné, à l'écoute... Il avait toutes les qualités requises pour faire un bon petit-ami. Pas le mien, évidemment, mais j'étais certaine qu'il aurait pu rendre une fille heureuse. « Sérieusement. On cherche toutes un mec qui est capable de nous écouter réellement, qui fait des câlins géniaux, qui aime les comédies romantiques et qui en plus est plutôt beau gosse... Tu remplis tous les critères pour être élu "mec de l'année", mon pote. » J'avais dit cela d'un ton léger, presque comme s'il s'agissait d'une plaisanterie mais au fond, j'étais on ne peut plus sérieuse. Il avait tout du prince charmant des temps modernes... outre son orientation sexuelle, évidemment.

Je me dis qu'il est temps qu'on arrête de parler de son meilleur pote parce que ça me fou hors de moi. Sauf que je refuse de ne pas avoir le dernier mot alors... « C'est peut-être un meilleur ami en or, mais il a l'air d'être un petit ami minable. » Et là, elle ne pourra pas me contre-dire. Quel genre de mec agit comme ça sans être un connard franchement ? Aucun. Même moi j'ai conscience que je suis un connard hors du commun. Je ne prends même plus la peine de donner des excuses quand je demande à quelqu'un de quitter mon appartement et quand je quitte le lit de l'une de mes conquêtes. Je sais reconnaitre un con quand j'en vois un et lui, il en fait parti. Peu importe si ses intentions sont bonnes. Il est tellement con qu'il manque de respect à sa meilleur amie sans s'en rendre compte. Putain que ça m'énerve.

Finalement, elle accepte de rester chez moi et ça me soulage. J'avais pas envie de sortir - et surtout d'être tout seul. Je me sens toujours vide lorsqu'elle s'en va et j'en ai assez d'être obligé de rappeler l'un de mes plans cul pour combler le vide. « On met le film ? » Je hoche la tête et lance le film sans plus attendre. « Pourquoi tu es gay ? Tu sais que ça doit briser le cœur de dizaine de filles, à Bowen ? » Dieu merci, je n'étais pas entrain de manger parce que je m'étrangle un peu avec ma salive. C'est vrai qu'on est proche à ce point mais elle aurait quand même pu prévenir qu'elle allait abordé un sujet sensible - ça aurait éviter à mon coeur de louper autant de battement. Puis comme je suis un peu sonné, elle enchaîne rapidement. Certainement pour justifier un peu la brutalité de sa question. Je la remercie pour l'élection du mec de l'année mais... Je reste là a fixer l'écran pendant un long moment sans rien ajouter. Ca doit bien durer une demi-heure même... et finalement, je me décide à lui répondre. « Je suis pas gay. Ca m'arrive encore d'être avec des filles mais c'est... j'en sais rien. J'ai du mal avec les filles. » Je ne rajouterai pas le "depuis toi" mais je le pense tellement fort qu'il me met mal à l'aise. « Je couche avec des filles mais je sors pas avec. C'est tout. Vous êtes trop... complexe, tu vois ? » Je ris doucement mais c'est pas vraiment mon sujet préféré au monde. « Puis y a ma famille de féministe à qui j'ai envie de dire merde aussi. C'est compliqué... » Je crois que je ne lui ai jamais parlé de ma famille. Elle sait que j'ai une soeur, c'est tout. Enfin je suis même pas sûr. Puis vu comment j'en parle, elle doit croire qu'elle a 8 ans... « Peut-être qu'un jour, j'en aurais marre des histoires qui tournent en rond avec des mecs qui s'assument pas. Tu seras la première informée dans ce cas-là... » Et je lui ai adressé un sourire malicieux pour essayer de faire passer le bordel que je venais de lui balancer.

« C'est peut-être un meilleur ami en or, mais il a l'air d'être un petit ami minable. » J'ouvris la bouche pour répondre mais étrangement, aucun son ne sortit. En réalité, je ne savais pas quoi dire. Il avait raison sur toute la ligne mais je refusais de l'admettre à voix haute - ce serait comme trahir Nicholas et c'était au-dessus de mes forces. Je me contentais donc de soupirer un peu, n'ajoutant rien pour mettre un terme définitif à cette discussion. De toute façon, je n'étais pas venue là pour parler de mon meilleur ami.

J'entrepris donc de changer de sujet pendant qu'il lançait le film et ma question le désarçonna un peu. Beaucoup, même. Si j'en jugeait par sa mine déconfite et la façon dont il me regardait fixement, sans rien dire, je venais de le prendre de court. « Je suis pas gay. » Attendez, quoi ? Je fronçais les sourcils, l'écoutant continuer son explication : « Ça m'arrive encore d'être avec des filles mais c'est... j'en sais rien. J'ai du mal avec les filles. » Oh. Je baissais la tête malgré moi. La culpabilité me brûlait la gorge sans que je ne sache pourquoi. Ou plutôt si, je le savais très bien : même s'il avait eu assez de tact pour ne pas le dire à voix haute, j'avais vite compris que j'étais en grande partie responsable de tout cela. Il me l'avait fait comprendre (plutôt brutalement, d'ailleurs !) lorsque je lui avais annoncé que j'étais tombée enceinte de lui, le soir où il m'avait ramenée chez moi. J'avais bousillé une partie de sa vie sans même m'en rendre compte et c'était plutôt lourd à porter. « Puis y a ma famille de féministe à qui j'ai envie de dire merde aussi. C'est compliqué... » Je réalisais qu'au fond, je ne connaissais pas grand chose de lui. Il ne m'avait jamais vraiment parlé de sa famille et j'ignorais tout de sa vie. Je savais simplement qu'il avait une sœur mais je ne connaissais même pas son prénom. Il continua à parler mais je ne l'écoutais plus, focalisée sur tout ce qu'il venait de me dire. Je me sentais terriblement mal. « ... Tu seras la première informée dans ce cas-là... » J'ignorais de quoi il parlait mais il arborait un sourire malicieux. Malgré tout, je ne parvenais pas à passer à autre chose. J'étais encore et toujours bloquée sur ce qu'il venait de dire. « C'est à cause de moi ? » Je marquais une pause avant de lever les yeux vers lui, soupirant un peu. « Ton... blocage, avec les filles. C'est à cause de moi, pas vrai ? » Au fond, je n'avais pas besoin de savoir la réponse. Je la connaissais déjà. Et je n'étais même pas sûre de pouvoir encaisser de l'entendre à voix haute, sortie dans la bouche d'Arthur. C'est sûrement pour cela que j'ai enchaîné rapidement, sans lui laisser le temps de répondre. « Qu'est-ce qu'il se passe, avec ta famille ? » Mieux valait concentrer la conversation sur ce sujet-là plutôt que les conséquences qu'avait eu la soirée que nous avions passée ensemble. J'espérais qu'il savait qu'il pouvait me parler de tout ce qui lui passait par la tête. Je ne savais pas exactement comment il me considérait mais moi, je le voyais comme un ami. Et j'étais toujours là pour mes amis.