Here they come ! - PV Donovan

Ces derniers mois, j’ai compris pourquoi je n’aimais pas la télé.  Les programmes sont tout simplement débiles ou chiants au possible et je comprenais décidément de moins en moins ceux qui y étaient accros.  Mais je n’avais pas beaucoup le choix, je devais trouver des choses à faire en étant allongée et à part la lecture, je n’avais pas énormément de possibilités.  J’ai quand même pu créer un album de naissance que j’avais illustré moi-même à l’aquarelle, ça m’avait pris quelques semaines et j’étais ravie du résultat.  Heureusement que Val était là, elle m’avait bien aidée ces derniers temps.  Tous les jours elle était là, m’apportant des smoothies délicieux et diverses choses dont j’avais besoin.  C’est elle qui a fait tous les magasins de la ville pour me trouver le matériel nécessaire à la réalisation de l’album.

Don ?  J’ai préféré ne pas le recontacter.  C’est juste que… J’avais peur de la façon dont les choses allaient se passer.  Le médecin avait été très clair, mes fils étaient en sursis, je pouvais faire une fausse couche à tout instant, il me fallait absolument rester au calme, aussi bien physiquement que psychologiquement.  Ce qui s’était passé la dernière fois m’avait torturé, parce qu’on était partis dans une dispute et comme dans beaucoup de disputes, les mots sont sortis trop vite, mal… J’avais dit des choses que je n’aurais pas dû dire devant Victoria et elle était partie dans un état épouvantable.  C’était ma faute, je voulais bien l’admettre, j’aurais dû pouvoir me maîtriser.  C’est juste que je ne parviens toujours pas à faire le deuil de ma relation avec Don.  Je l’aime toujours, lui en aime une autre, je porte ses enfants et je sais qu’il regrette que ça soit moi et pas elle.  Ca me rend dingue, c’est extrêmement difficile à vivre alors quand il est là, j’ai du mal de garder mes émotions pour moi.  Je deviens hyper sensible à tout, nerveuse, colérique, et je suis incapable de me maîtriser.  Pourtant je suis remplie de bonnes intentions, je vous promets que c’est vrai.  Je n’ai jamais eu l’intention de créer un malaise entre Don et Victoria, je ne pense pas que ce soit la bonne méthode.  Il ne pourrait forcément que m’en vouloir, c’est pas du tout ce que je veux.

Mais je crois que je vais à présent pouvoir à nouveau bouger comme je le souhaite, parce que depuis hier, j’ai des contractions.  Je suis à l’hôpital, donc je suis suivie, et on m’a confirmé que le travail se préparait.  Juste deux semaines d’avance, j’avais passé avec un soulagement certain le cap des huit mois de grossesse il y a quinze jours de ça, je savais qu’à présent les enfants pouvaient arriver sans risque pour leur santé.  Je ne me sentais donc pas particulièrement nerveuse, ce qui était une bonne chose, et j’avais envoyé un texto pour prévenir Don dès qu’on m’a annoncé que j’allais en salle de travail.  Je ne sais pas du tout comment les choses vont se passer, je crois malgré tout que nous ne serons pas d’humeur à nous chamailler dans cet instant magique.  J’espère en tout cas.

Je n’ai pas vu Don pendant l’accouchement.  Tout simplement parce que le premier bébé est venu très vite et que quand le personnel médical avait fini de vérifier son état de santé et ses réflexes, une infirmière est sortie avec le bébé pour lui donner son bain.  Comme Donovan arrivait à ce moment là, elle l’a invité à la suivre pour qu’il puisse le faire lui-même et passer les premiers moments avec son fils.  Le second bébé est arrivé une demi-heure après le premier et a rejoint son frère.  Pendant ce temps là, on s’occupait de moi.  Les bébés m’ont été ramenés tout propres et j’ai pu faire connaissance avec eux à mon tour.  On a proposé à Don de nous attendre dans ma chambre et c’est là que je l’ai retrouvé.  J’avais les deux bébés dans mes bras, j’étais épuisée mais heureuse, soulagée que finalement tout se soit bien passé et qu’ils soient en pleine forme.  Ils étaient magnifiques nos petits… J’étais terriblement fière.


Salut Don…  Comment tu trouves nos petites merveilles ?



© _Viviie.

Ca y est, les bébés sont là, et je n’arrive pas à croire qu’il y a un an de ça j’étais en Thaîlande et démarrais une relation qui allait avoir de telles conséquences. je ne sais pas ce que je ferais si on me proposait de revenir en arrière. Une chose est sûre, je ne regrette pas ces enfants. Comment pourrais-je ? Je n’ai pas mis longtemps à les aimer quand j’ai appris que je les attendais et maintenant qu’ils sont là j’ai l’impression d’avoir aussi mis au monde cet amour que j’éprouvais déjà pour eux. C’est une sensation exceptionnelle, qu’on ne peut comprendre que si on la vit car si je savais déjà que ça allait être très fort, je ne prend la mesure de ce qui est en train de se lier que maintenant que je les ai dans les bras. Mais si je pouvais revenir en arrière, sans doute que je prendrais plus de distance avec Don. Remarquez, je n’avais pas l’impression de tomber amoureuse de lui jusqu’à ce que je le réalise, et c’était trop tard. C’est le genre de chose qui ne se commande pas, malheureusement.

Quoiqu’il en soit, on ne pouvait pas revenir en arrière, ni changer quoique ce soit au passé. Depuis que je suis revenue en Australie, ma vie est instable, j’ai l’impression d’être sur la balance tout le temps et ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus agréable, tout comme il n’est pas rassurant d’être mère quand on n’a pas l’impression d’être installé dans la vie. C’est pas une question d’âge, ça vient plutôt de ce qui se passe dans ma vie en ce moment et des circonstances particulières qui ont entouré ma grossesse. Mais je n’ai jamais douté que Don viendrait à l’hôpital pour l’accouchement. A ce niveau là au moins je n’avais aucun doute à avoir, je savais que je pouvais compter sur lui. Effectivement la sage femme m’annonça qu’il était arrivé et donnait le bain au premier bébé, ce qui m’a fait plaisir. Le voir dans la chambre quand j’y entrais me fit plaisir aussi d’ailleurs, j’avais hâte d’avoir son impression sur ses fils.


Ca va, un peu fatiguée mais tout s’est bien passé. Tu veux les tenir un peu ?


Ca faisait une bonne demi heure que je les avais dans les bras, je leur avais déjà donné le sein et maintenant ils dormaient, eux aussi épuisés après tout ce qu’ils venaient de vivre. Don n’était pas venu les mains vides et avait apporté des peluches et un bouquet de fleurs que l’infirmière, toujours présente pour finir de nous installer correctement, mis dans un vase qu’elle plaçait sur une petite table face au lit.


Je ne leur ai pas encore donné de prénom, j’ai préféré attendre pour voir ça avec toi. J’ai fait une petite liste de ce que j’aimais bien, je ne sais pas si tu as des idées de ton côté ?


Ce n’était franchement pas le genre de chose qu’on choisissait seul dans son coin. Forcément avec tout le temps que j’avais eu devant moi j’ai eu le temps d’y réfléchir et de dresser une petite liste de dix prénoms sur un bout de papier : Taylor, Joshua, Nathaniel, Zach, Nicholas, Andrew, Reed, Nolan, Elijah, Adam… Voilà ce que j’avais retenu. Mais je n’avais aucune idée de ce que Don en pensait, on n’avait pas eu l’occasion d’en parler. Tout comme je ne savais pas comment les choses avaient évolué de son côté. Je supposais que le couple s’était rabiboché après ma maladresse. Est-ce que Victoria allait venir ? Je pouvais comprendre qu’elle ne le souhaite pas… Voir les jumeaux dans sa situation, ça ne devait pas être super agréable non plus. Mais bon, ça restait quand même les enfants de Don, ils feraient partie intégrante de sa vie, autant qu’elle plonge dans le bain directement. Enfin… C’était à elle de voir.

En attendant, je me régalais de la vision de Don avec ses enfants dans les bras. J’ouvrais le tiroir de ma table de nuit et en sortais mon iPhone pour faire la première photo de famille qui allait rejoindre l’album de naissance que j’avais préparé pour eux. Je souris en regardant le résultat totalement craquant de la photo que je me dépêchais de montrer à Don. Mes trois amours réunis… Enfin ça j’allais me garder de le lui dire. Je lui envoyais la photo sur son propre téléphone et reportais mon attention sur lui.

Est-ce que tu vas bien ? Je voudrais m’excuser pour ce qui s’est passé la dernière fois…



© _Viviie.

Ce sont des retrouvailles pour le moins originales, on ne peut pas dire le contraire. Ca fait plusieurs mois que Don et moi n’avons pas eu le moindre contact, pas même un coup de fil, et on se retrouve dans cette chambre d’hôpital où il fait la connaissance de nos deux fils. Un portrait presque idéal. En apparence en tout cas. N’importe qui pénétrant dans cette pièce et ne connaissant pas notre histoire serait charmé par le tableau que nous offrons. Un couple séduisant, qui s’accorde magnifiquement bien, deux bébés identiques dans les bras de leur père et une nouvelle maman aux joues rosies par l’émotion de cet instant. Oui, le tableau était idyllique, et pourtant il y avait tellement de peine et de douleur derrière cette apparente perfection….

Les choses n’étaient pas réglées, elles étaient loin de l’être, et je doutais qu’elles le soient un jour. Est-ce qu’on pourra être tous vraiment en paix un jour ? Je ne pense pas, je ne vois pas comment ça pourrait arriver. Mais ce n’était certainement pas aujourd’hui qu’on allait en rediscuter. Les enfants étaient notre unique préoccupation, c’était LE jour qui allait changer nos vies. Je les regardais et ne cessais de m’émerveiller devant eux. Ils étaient parfaits, absolument magnifiques, craquants au possible ! Chaque petit geste qu’ils pouvaient faire m’attendrissait, je sentais que j’étais déjà complètement gaga face à ces enfants ! Des enfants qui n’avaient pas encore de prénom, et je me disais que c’est quelque chose qu’on devait régler très vite, c’était quand même plus agréable de désigner nos bébés par leurs prénoms ! Alors je donnais la liste de quelques prénoms que j’avais choisis à Don, histoire qu’il y jette un oeil et donne son avis.

J’aurais bien aimé qu’on ait le temps d’en discuter avant que toute cette histoire nous pète à la figure. Mais ça n’avait pas été le cas… Je venais à peine d’apprendre qu’on attendait des garçons quand il y a eu tout ce bordel. J’ai eu largement le temps d’y penser et je me demandais si de son côté il avait également réfléchi à quelques prénoms qui lui plaisaient. Surement que oui, difficile de ne pas penser à ça quand on va devenir parents. Je souriais à l’idée qu’il venait d’émettre pour les prénoms. Je me disais qu’Aaron était également un très bon choix et qu’en le choisissant on aurait tous les deux choisi un prénom. C’était équitable, au moins on s’accordait parfaitement sur un sujet de la plus haute importance.


On peut toujours tenter… Voyons si l’un d’eux a une réaction notable… Aaron ?


Le bébé que Don portait à sa droite se mit alors à bâiller à s’en décrocher la mâchoire. Je haussais les épaules avec un petit sourire.


Je crois que nous avons un gagnant ! Aaron… Et Nolan… Si ça te va…


Bon, au moins ça c’était réglé. Je n’avais plus qu’à communiquer notre choix aux infirmières pour qu’elles l’indiquent dans le dossier et sur les petits bracelets qu’on avait attachés à leurs poignets. J’avais décidé de les différencier dès le départ par leurs grenouillères, ce qui était une bonne chose pour éviter tout quiproquos. Restait maintenant à m’excuser. J’estimais que c’était nécessaire après ce qui s’était passé. Préserver Victoria… Et qui me préservait, moi ? Personne… Mais mes enfants étaient plus importants que tout et je pensais ce que j’avais dit ce jour là, je voulais qu’ils grandissent dans une ambiance sereine, alors je devais m’oublier. Je vivais pour eux à présent, ils étaient ma priorité.


Est-ce qu’elle va venir les voir ?


Pas de piège dans cette question, je m’informais juste de ce qu’elle comptait faire, histoire de savoir à quoi m’attendre.


Tu sais je me disais… Je suis plutôt traditionnelle pour ce genre de choses alors j’aimerais que les enfants portent ton nom.




© _Viviie.

Quand j’ai appris que j’étais enceinte, l’avortement était une possibilité que je n’avais pas mise de côté. Je n’étais plus une adolescente, mais l’homme que j’aimais était parti quelques semaines auparavant sans me laisser seulement un mot pour me faire part de ce départ, alors autant dire que je n’étais pas dans la situation idéale pour être mère. En tout cas, je n’avais jamais envisagé les choses de cette façon. Mais la vie n’était pas toujours comme on souhaite qu’elle soit, et j’ai très vite décidé de garder cet enfant que je portais. Après tout j’avais été et étais toujours amoureuse de son père, j’avais les moyens financiers et mes études se terminaient, je ne voyais aucune raison de mettre un terme à cette grossesse.

Pendant que l’infirmière les replace dans leur petit lit en Plexiglas et note leurs prénoms fraîchement donnés sur leurs bracelets, je réalise que jamais, de toute ma vie, je ne pourrai regretter cette décision. Ma vie vient de changer, d’une façon tellement forte que c’en est presque palpable et mon amour pour mes enfants va à présent guider ma vie. C’est réconfortant de les avoir, on ne pourra jamais me les enlever, ils sont la chaire de ma chaire et je vais tout faire pour leur offrir la vie la plus agréable, pour leur donner la meilleure des éducations. Je voudrais qu’ils deviennent des hommes forts, équilibrés et droits, qu’ils soient heureux et puissent mener leur vie jusqu’à leur rêve. C’est ce que toute mère souhaite pour ses enfants, non ? Je n’échappe pas à la règle… Et voir le regard émerveillé de Don, le voir sourire comme ça, ça me convainc qu’il aime déjà ces petits bouts de tout son coeur. Je suis persuadée qu’il sera un excellent père pour eux.

Alors le sacrifice de ma venue à Bowen valait le coup. Evidemment que ce n’est pas facile tous les jours, évidemment que ma famille me manque, que voir celui à qui j’ai donné mon coeur en aimer une autre est douloureux au possible… Mais mes enfants ne seront pas en manque de leur père, cet essentiel fera partie intégrante de leur vie de façon quotidienne, c’est trop important pour que je pense à mon confort. Je le sais depuis le début, c’est pour ça que je suis ici depuis tous ces mois, mais l’image que j’ai capturée avec mon iPhone ne peut que le confirmer d’une façon Ô combien évidente. Victoria fait partie de la vie de Donovan, c’est son épouse, les petits vont la côtoyer et je tiens à ce que tout se passe pour le mieux, nous avons tous à y gagner. C’est loin d’être un défi facile, il ne faut pas oublier qu’il s’agit ici d’un triangle amoureux, et même si les sentiments de Don pour moi se sont tus, les miens sont toujours vivants, comme au premier jour. Pas simple à gérer, mais je n’ai pas le choix, j’essaie de le faire, même si pour l’instant je suis plus maladroite qu’autre chose.


Bien sûr que je veux qu’elle les voie. Elle tiendra un rôle important dans leur vie, c’est essentiel qu’elle fasse leur connaissance.


Je replaçais quelques mèches de cheveux derrière mon oreille d’un geste nerveux. J’avais merdé, je le savais bien, peu importe que ça ait eu lieu dans un contexte particulier, que mes hormones me rendaient particulièrement sensible et à fleur de peau… Peu importe les raisons, j’avais merdé.


Je m’en veux de ce qui s’est passé. Je l’ai appelée dès le lendemain et j’ai laissé un message sur son répondeur pour lui dire qu’il ne s’était rien passé, que tu m’avais repoussée et que tu m’avais dit clairement que c’est elle que tu aimais, mais elle n’a pas répondu. Remarque je m’en doutais.


Sujet sensible, je sais, mais comment ne pas l’aborder ? C’est un point extrêmement important dans notre vie et pourtant c’est en latence depuis des mois. Je n’en oubliais pour autant pas la raison magnifique qui nous réunissait aujourd’hui dans cette chambre d’hôpital. Nolan et Aaron dormaient comme des anges, un spectacle magnifique qui ne pouvait que faire naître un sourire sur nos lèvres. J’informais Don de mon souhait de les voir porter son nom. Je viens d’une famille où les traditions sont importantes, et j’aimais celle qui voulait que les enfants portent le nom de leur père.


Pourquoi voudrais-tu qu’ils n’aient plus envie de porter ton nom ? Tu seras un père génial Don, j’en suis sûre, ils seront fous de toi et fiers d'être des Emery.


Je ne disais pas ça pour lui faire plaisir, je le pensais vraiment. Notre histoire ne regardait que nous et n’avait rien à voir avec les enfants. Ils nous connaîtraient toujours séparés… Dans un sens je me disais que ça serait plus facile pour eux que s’ils avaient dû connaître une rupture de leurs parents dans quelques années.


Nolan Wellington-Emery, Aaron Wellington-Emery… Ca sonne pas mal, je dirais même que ça fait chic ! Si c’est vraiment ce que tu préfères on fera ça mais tu peux encore changer d’avis, réfléchis-y à tête reposée.




© _Viviie.

Dans un monde idéal on aurait été heureux, tous les trois. Dans un monde idéal personne n’aurait ressenti de manque, de honte ou de frustration. Dans un monde idéal l’amour ne serait pas source de souffrance mais ne générerait que du bonheur. Mais on n’est pas dans un monde idéal. Ne nous leurrons pas, Victoria et moi ne pourrons jamais être amies, tout simplement parce que nous aimons le même homme. Elle a le droit de me détester d’avoir été l’espace de quelques mois celle qui partageait son lit, j’ai le droit de lui en vouloir d’être celle qui compte plus que tout. C’est comme ça, aucune de nous n’est à blâmer quand on y réfléchit bien. Je le sais qu’elle a son fardeau, dans un sens on a toutes les deux que la moitié du bonheur qu’on aurait souhaité. Elle a Don, moi j’ai les enfants, nous avons toutes les deux un manque cruel, comme une pièce maîtresse qui manquerait à notre vie et y porte une ombre qui tamise toute lumière. Rien n’est idéal, alors on doit faire avec, parce qu’on n’a pas le choix. Je crois qu’on fait de notre mieux tous les trois, mais on ne peut pas non plus espérer que tout soit parfait depuis le départ. J’espère qu’avec le temps les choses vont se tasser, qu’on y arrivera mieux, plus naturellement, que les rancoeurs vont se taire et que ces enfants vont nous y aider. Ca serait une belle chose, que ce qui divise finisse par réunir, non ? Mais je sais que je vais jouer un rôle important dans la réussite de cette entreprise, tout comme Victoria. Si on n’y met pas du notre toutes les deux, ça ne risque pas de fonctionner. On verra comment les choses se passent demain quand elle viendra les voir, je ne peux pas tirer de plans sur la comète, tout est encore à construire.

Et il y a diverses choses auxquelles on doit penser et réussir à se mettre d’accord. Pour les prénoms, c’est fait, et je dois dire qu’on s’est très rapidement mis d’accord. Est-ce qu’on va réussir à retrouver cette complicité qui nous unissait à Bangkok ? Elle était tellement évidente que tout le monde la remarquait autour de nous. Les choses étaient faciles, on s’entendait sur tout sans avoir à faire le moindre effort. C’est sans doute pour ça que j’ai tant de mal à faire le deuil de cette relation, parce que je doute de pouvoir retrouver ce genre de chose un jour. C’est rare une telle entente, et c’est dur quand on la perd. Pour le nom de famille, c’était un chouille plus compliqué. Pour moi il était logique que les enfants portent le nom de leur père, mais Don préférait qu’ils portent nos deux noms. Je n’étais pas fan des noms à rallonge, mais si c’était vraiment ce qu’il désirait, je voulais bien y réfléchir… A condition que lui aussi le fasse de son côté. Peut être qu’il voudrait aussi en parler avec sa femme, je voulais lui laisser cette opportunité.


Oui logiquement on doit nous donner un formulaire à remplir avant de le porter à la Mairie. Mais maintenant que j’y pense… Je crois que la loi Australienne ne permet pas de mettre les deux noms, c’est l’un ou l’autre. Peut être qu’ils pourront nous renseigner au bureau des infirmières ? Ils doivent avoir l’habitude.


Oui parce que c’est mieux si on se met d’accord en toute connaissance de cause. Je sais qu’on a soixante jours pour prendre une décision sur le nom de famille, alors autant prendre un ou deux jours de plus si nécessaire et être sûrs de notre coup.


Au fait regarde dans le bas de la table de nuit, j’ai fait un livre de naissance pour les jumeaux. Il n’y a plus que les prénoms et une photo d’eux à ajouter sur la couverture, je me suis dit que ça serait plus sympa qu’un livre acheté tout fait. Est-ce que tu penses qu’on doit envoyer des faire-parts de naissance ?


Bon sang… Je réalise qu’avec tout ça, on n’a pas parlé de ce genre de choses essentielles pourtant. Logiquement, des faire-parts, on devrait en envoyer… Mais la situation est particulière alors je ne sais pas ce qu’il en pense. Et est-ce qu’il souhaite que les enfants soient baptisés ? Là encore c’est une chose importante dont nous n’avons pas parlé. Pour moi c’est inutile, je ne suis pas croyante… Mais si Don le souhaite, c’est quelque chose à respecter. Tant de détails importants à régler, tant de choses à rattraper… On a perdu du temps, c’est certain, mais je nous fais assez confiance pour savoir qu’on va régler ça sans stress.




© _Viviie.

J’adorais l’idée d’avoir ce genre de souvenir.  La première photo avec papa, la première avec maman, le premier Noël, les mèches de cheveux…  Ce genre de livre existe depuis un bon moment mais il n’a jamais été autant à la mode que ces dix dernières années.  Pour une fois c’est une mode qui me plaît, alors je comptais bien m’appliquer à le remplir.  Ce livre m’avait permis de passer le temps, parce que ces derniers mois je me suis bien ennuyée à l’hôpital.  Je n’étais pas le genre de fille qui aime ne rien faire en plus alors imaginez moi dans un lit 24/24 !  Rien à faire, il fallait que je trouve quelque chose à faire et comme je détestais tricoter ou faire du crochet, et bien je me suis rendue utile autrement pour mes petits.   Tout ce temps, j’en ai profité pour parfaire mes connaissances afin d’être la meilleure maman possible.  J’ai fait des tas de recherches sur le net, histoire de trouver plein de bonnes recettes pour pouvoir leur faire leur panade moi-même.  Quand vous voyez toutes les saloperies qu’on met dans un petit pot, ça vous donne envie de cuisiner vous pouvez me croire !  J’ai aussi trouvé des tas de petits trucs et astuces bien utiles aux jeunes mamans, des conseils avisés de gens qui ont eu des jumeaux et qui peuvent aider les autres parents à savoir quoi faire dans tel ou tel cas.  On en apprend des choses sur ce genre de forums consacrés aux jumeaux, c’est un véritable puits d’informations !  Et puis on trouve des gens à qui parler, ça aide énormément quand on a des angoisses, et quelle future maman n’en a pas eu ?  


Tu peux garder celui-là.  Comme on ne vit pas ensemble, je me suis dit que ça serait bien qu’on ait chacun le nôtre et je l’ai fait en double.


Il pourra le remplir comme il le souhaite, y écrire les textes qu’il désire.  Plus tard, les jumeaux pourront ainsi avoir chacun le leur, la boucle sera bouclée.  Moi, ça me permettait aussi de travailler un peu mon art.  J’ai toujours adoré le dessin, d’aussi petite que je me souvienne j’avais un crayon ou un pinceau à la main.  Je ne vous raconte pas le nombre de fois où ma chambre a été repeinte, tant et si bien que mon père a finalement décidé de la faire repeindre en blanc et de me laisser pinceaux et peintures à disposition afin que je la décore comme je le souhaite.  Les gribouillis sont devenus des formes, les formes des dessins plus ou moins reconnaissables… Pour finir par des murs qui s’adaptaient aux saisons et que je prenais plaisir à repeindre encore et encore.  Je ne pouvais pas faire un autre métier que celui-là, j’étais faite pour ça, c’était dans mon sang.  Pourtant aucun de mes parents, ni grands parents ou arrières grands parents n’avaient cette fibre artistique.  Au mieux une arrière-grand-mère qui était modiste, mais ça n’a rien à voir.  Est-ce qu’un des garçons développera plus tard un goût pour ce genre de chose ?  C’était impossible à dire, mais en tout cas je prenais plaisir à utiliser ce que je savais faire pour eux.


Je n’ai pas grand monde à prévenir, juste quelques membres de ma famille qui sont un peu à cheval sur les traditions.  Remarque niveau tradition j’ai déjà foiré pas mal de choses alors au point où j’en suis…Je peux leur envoyer un mail.  Ou un pigeon tiens !  Ca fera plus traditionnel, ils seront contents !


J’avais dit ça sur le ton de la plaisanterie parce que finalement je me fichais bien des faire-part, ce n’était pas un sujet grave en soi.  Et puis Don est marié, envoyer des faire-part de la naissance de ses enfants avec une autre femme que la sienne n’est pas vraiment quelque chose qu’il doit avoir envie de faire.  J’avais donc fini par éclater de rire pour que l’atmosphère reste légère.  On s’en sortait bien pour l’instant, c’était même agréable, facile je dirais, comme ça l’était avant, quand on n’avait jamais aucune difficulté à se parler.


Oh mais c’est vrai tu n’as pas vu !


Vive la technologie !  Je sortais mon iPhone et pianotais dessus pour retrouver le dossier "chambre des bébés".  J’avais fait quelques photos de la chambre telle qu’elle était pour accueillir les petits.  Là-dessus, j’avais décidé de tout moi-même, mais à ma décharge, on n’était pas vraiment dans une période où on communiquait facilement leur père et moi.  Restait à espérer que ça plaise à Don, même si je me disais qu’il pouvait aménager une chambre pour eux chez lui et la faire telle qu’il la rêvait.  Ca me semble d’ailleurs indispensable qu’ils aient leur chambre chez Don et Victoria !


Qu’est-ce que tu en dis ?  J’ai voulu éviter le bleu, je trouvais que ça faisait trop cliché.


Je trouvais que leur chambre avait une ambiance sereine et apaisante, j’aimais beaucoup le résultat.


Et chez toi tout est prêt ?  Si pas je pourrai aussi te donner un coup de main.  Enfin… Si Victoria veut bien.  On pourrait même faire ça ensemble elle et moi, histoire d’enterrer la hache de guerre et de faire connaissance en repartant sur de bonnes bases…




© _Viviie.

J’avais mis de l’enthousiasme dans la réalisation de cette chambre d’enfants. En fait j’ai vraiment adoré la préparer, j’y ai pris un plaisir fou et une fois terminée, je regrettais presque de ne plus avoir à m’en occuper. Je suis illustratrice, le dessin c’est déjà ce que j’aime à la base et je me suis régalée de mettre ma passion au service de mes enfants. j’ai d’abord choisi les meubles, me disant que selon le style j’allais adapter la fresque que je comptais peindre, puis j’ai fait quelques croquis pour décider de ce qui allait le mieux. J’ai dû changer d’avis une bonne vingtaine de fois, c’était toujours comme si quelque chose, un petit détail que j’étais la seule à voir et qui jurait trop pour que je ne m’en préoccupe pas. Mais au final le résultat me satisfaisait. C’était surtout une chambre unique, quelque chose que j’avais fait pour eux. Et puis Don semblait l’apprécier, ça lui plaisait et j’en étais contente, c’était bien qu’on soit d’accord sur un maximum de choses concernant nos enfants.

Nos enfants… Je crois que je réalise seulement maintenant que nous sommes devenus parents, lui et moi, aujourd’hui même. Regarder Nolan et Aaron rendait la chose officielle dans un certain sens, et même si je me suis préparée à l’idée depuis plusieurs mois, c’est vraiment étrange de le réaliser réellement. Ils sont notre lien, pour le meilleur et pour le pire et pour l’éternité. Quoiqu’il arrive nous aurons toujours ce point commun, jusqu’à notre mort et au-delà. Nous avons fondé quelque chose, laissé une trace et c’est loin d’être quelque chose d’anodin.


Je suis contente que ça te plaise. J’étais très motivée à faire quelque chose de bien pour eux.


Mon regard se perdait sur mes enfants et je souris à les voir devenir. J’ai grandit aujourd’hui en les mettant au monde, ils sont ma seule et unique priorité. Il est impossible de définir le sentiment qui s’empare de vous quand vous regardez votre enfant, mais je me sens capable de choses que je n’aurais pas pu faire auparavant. J’existe pour quelqu’un, j’ai une véritable utilité dans ce monde, un rôle à tenir qui sera essentiel dans la vie de ces deux êtres. Je dois faire en sorte qu’ils deviennent des adultes équilibrés et heureux, c’est un sacré boulot qui m’attend !


Je me disais que ça serait vraiment chouette de faire des livres rien que pour eux… Ca te dirait de faire les textes ? Je sais que tu voulais écrire…


Il m’avait parlé de ça en Thaïlande, et je me souviens qu’on en avait discuté un long moment. Je l’avais encouragé à le faire, même si ça prenait du temps, même si au final il n’osait pas le montrer à un éditeur, mais au moins essayer de le commencer, sans se mettre de pression, sans en parler à personne pour ne pas avoir de comptes à rendre. Se faire plaisir à lui avant tout. Je ne savais pas s’il avait suivit mes conseils et je ne voulais pas lui demander… Car s’il avait commencé, je ne voulais pas lui mettre de pression. Là ce que je lui proposais n’avait rien à voir, il s’agissait de petites phrases pour illustrer des dessins.

Mais on avait encore le temps de parler de ça. Par contre je me demandais si la chambre des petits était prête chez les Emery. Visiblement non, et même s’il ne refusait pas mon coup de main, il ne relevait pas ma proposition de faire ça avec sa femme. Bon OK, ça ne me surprend pas vraiment. La situation entre nous deux n’est pas simple, j’imagine que si elle pouvait me crever les yeux elle le ferait volontiers. Mais j’avoue que ce n’était pas ma priorité. Même si j’avais envie que les choses s’arrangent, même si je savais que c’était important pour les enfants, ça pouvait attendre un peu. Toute mon attention, je l’accordais à mes enfants.


L’accouchement s’est super bien passé, normalement je sors après-demain. Je pense que la semaine prochaine je devrais être d’attaque pour ce genre de chose, c’est rien de bien difficile… Avec un peu de chance ils seront de gros dormeurs !


Je ris, imaginant déjà les réveils en pleine nuit, alertée par les pleurs. Ca va être quelque chose, autant que je profite de ne pas encore être épuisée par les nuits blanches.


Même si j’ai les moyens je ne veux pas prendre de nounou. Ma mère m’a manqué et je ne veux pas manquer à mes enfants.




© _Viviie.

Ainsi donc il avait encore des doutes concernant son talent pour l’écriture… Le simple fait d’écrire quelques phrases d’une histoire simplette pour ses enfants lui semblait compliqué. Moi je savais très bien qu’il serait très doué pour ça. N’avait-il pas la plus belle des motivations ? Mais cette motivation est nouvelle, y’a eu pas mal de chamboulements dans nos vies ces derniers temps, il a dû aussi gérer les problèmes avec Victoria… Alors je me dis que d’ici là, il aura le temps de changer d’avis. Laissons-le déjà se faire à l’idée qu’il est papa, faire connaissance avec ses enfants et apprendre à ne plus se sentir maladroit avec eux. J’ai toujours eu confiance, je sais qu’il sera un père formidable pour eux, mais ils sont arrivés de façon si inattendue et dans un contexte tellement délicat qu’il n’a jamais pu aborder cette paternité avec sérénité. Je l’ai bien vu tout à l’heure, qu’il aimait ces petits… Quand il les a pris dans ses bras il y avait dans son regard ce petit quelque chose qui tenait de l’émerveillement. Ca ne trompe pas… Je crois que je les ai regardé de la même façon quand on me les a mis dans les bras pour la première fois.


T’as le temps d’y penser et puis les premiers ça sera juste une petite phrase pour illustrer un dessin. Si tu ne le sens vraiment pas c’est pas grave.


Je pouvais très bien les sortir ces quelques phrases… C’est juste que j’aimais l’idée qu’on fasse quelque chose ensemble pour eux. Lui était doué pour l’écriture, même s’il en doutait, et moi j’étais douée pour le dessin. A nous deux on pouvait faire quelque chose d’unique pour eux, mettre nos talents au profit d’un travail commun. Mais encore une fois je ne voulais pas lui mettre la pression, et on avait largement le temps d’y penser, ça n’était pas pour tout de suite. Avant leur deux ans, ils ne comprendront rien de toute façon, inutile de se presser.

Avant ça, il fallait déjà que tout soit prêt pour les accueillir. Leur chambre n’était pas prête chez leur papa et je proposais de lui donner un coup de main. C’est une activité que j’aime faire, j’ai pris énormément de plaisir à peindre la nursery chez moi, je pouvais y passer des heures sans me lasser. Les travaux manuels de ce genre, c’est vraiment mon truc, et ça a toujours été le cas, d’aussi loin que remonte ma mémoire. Ca ne me dérangeait donc pas du tout, d’autant que je savais que ça irait plutôt vite… Enfin sauf s’il avait envie d’une fresque murale ! Ca ne me dérangeait pas de lui en faire une, mais je ne suis pas vraiment sûre que Victoria apprécie de me savoir chez elle trop longtemps.


Tu as peur des nuits blanches ?


Je lui faisais un clin d’oeil. Je savais bien qu’il craignait plutôt de ne pas savoir comment s’en occuper… En fait j’avais un peu la même crainte me concernant. Ce sont mes premiers enfants, deux pour le prix d’un en plus… Est-ce que j’aurai les bons gestes ? Est-ce que je saurai reconnaître les pleurs de douleur, de faim et de simple ennui ? C’est vrai que ça fait peur tout ça… Mais je n’avais pas l’intention de prendre de nourrice, j’aurais l’impression qu’elle me vole des instants précieux avec mes petits. Je hochais la tête avec conviction. C’est vrai, Don avait raison, j’avais la chance de pouvoir travailler chez moi et d’ainsi pouvoir leur accorder tout mon temps, je comptais bien profiter de cette chance, à deux mille pour cent.


C’est flippant… l’idée de rentrer à la maison et d’être seule avec eux, c’est vraiment flippant. Si ça se trouve il n’y aura aucun problème mais j’ai l’impression d’être face à une montagne à escalader et de risquer la chute à tout moment. J’ai dévoré des tonnes de livres sur la maternité, je me suis inscrite sur des forums où on parle de ça pour avoir des conseils mais je crois qu’on ne se sent jamais préparé.


Je haussais les épaules avec un petit sourire contrit.


Tu pourras les avoir quand tu veux tu sais ? Je suis venue ici pour ça et je suis sûre que tu t’en sortiras comme un chef.




© _Viviie.