Les apparences sont trompeuses - Tallulah

L'après-midi était déjà bien entamé, le jeune homme venait à peine de sortir de son sommeil. Cela n'était pas le résultat d'une soirée bien trop arrosée, mais juste d'un malaise persistant depuis quelques jours. Lui qui avait remonté la pente ces derniers mois semblait peu à peu retomber dans ses travers. La faute à son père, dont la dernière dispute laissait un goût amer chez notre blondinet. Sans oublier le retour de Leanne. Après s'être préparé, il avait pris sa béquille, emmené son chien pour une balade sans fin. Il ne savait pas où il allait. Il avait juste besoin de marcher, droit devant lui, sans regarder les gens qui l'entouraient, qui avaient bien trop peu d'importance à ses yeux. Contre toute attente, il termina sa route devant le bar de la plage. L'endroit où travaillait Eileen. Comme quoi, le hasard faisait bien les choses. Observant à l'intérieur de l'établissement, sa déception fut grande en constatant que la demoiselle n'était pas là. Il poussa tout de même la porte de l'établissement, salua le barman et la serveuse et se dirigea vers la terrasse arrière, celle dont la vue donnait sur l'océan. Shadow, son golden retriever le suivant de près, il s'installa à la première table. A peine eut-il le temps de sortir une cigarette de son paquet que son chien se dirigea à toute vitesse vers une demoiselle qui venait d'apparaître.

Shadow, reviens ici !

Julian soupira et se releva afin d'intercepter son chien, qui jappait joyeusement envers la nouvelle arrivante. Il l'attrapa par le collier, posant son autre main sur sa tête pour le caresser, afin de le calmer, quand il redressa la tête vers la demoiselle, lâchant un vague :

Désolé...

On sentait qu'il disait cela uniquement par politesse, sans réellement y penser. Mais quand il posa ses yeux verts sur elle, Julian fronça légèrement les sourcils. Oh... il l'avait déjà croisé. Où ça ? Ah oui, la petite fleuriste du coin qu'il avait brièvement aidé, il y a deux-trois semaines. Jolie petite fleuriste d'ailleurs. Fidèle à lui-même, ou du moins à la réputation de coureur de jupons qu'il s'était forgé depuis tant d'années, ce fut un sourire charmeur qui se fixa sur les lèvres du blondinet. C'était le seul moyen pour lui de dissimuler tout ces malaises, de fixer ce masque qui empêchait de lire réellement à travers lui. Et puis, que serait un Callaway sans une pointe de charme ?!

Salut... Tallulah, c'est bien ça ?

Shadow était ce genre de chien hyper-avenant, qui n'hésitait pas à aller saluer quiconque le croisait. La plupart du temps, cela avait bien servi à Julian qui avait pu entamer de nombreuses conversations avec de jolies filles. Aujourd'hui ne dérogeait pas à la règle. L'animal avait encore fait des "siennes", ce qui avait permis au beau blond d'aborder la demoiselle. Non pas qu'il avait besoin de cela en temps normal, mais il fallait dire que c'était toujours un bon coup de pouce. Chance pour lui, Julian connaissait déjà la brunette en face de lui. Il l'avait brièvement croisé, il y a quelques jours. C'était une nouvelle tête, ce qui, forcément, intéressait grandement notre jeune homme, friand de nouvelles rencontres. Tallulah. Dans ses souvenirs, c'était bien cela. Ah c'était toujours plus facile de se souvenir des prénoms des filles que de ses cours de droit ! Aux paroles taquines de la demoiselle, Julian laissa échapper un léger rire. Bon, elle l'avait grillé sur ce coup-là. Autant continuer dans cette voie-là. Foutu pour foutu. Son sourire malicieux prit place sur ses lèvres, alors qu'il répondit :

Non, pas toutes les demoiselles, voyons, j'ai une mémoire, certes, sélective, mais pas à ce point-là ! Juste les nouvelles têtes, dirais-je.

Du moins, les plus intéressantes, pensa-t'il. Mais cela, inutile de le préciser. Sa réputation le faisait déjà assez bien pour lui. En effet, le Callaway avait toujours été réputé pour ses hautes fréquentations. Comprenez par là que la petite geek, sans intérêt, ne l'intéressait pas du tout. Enfin, n'intéressait pas le mauvais côté de Julian Callaway. L'autre partie, la meilleure, faisait qu'il avait abordé des personnes totalement opposées à lui, et c'était ces personnes-là qui lui avaient apporté le plus dans sa vie. Mais tout cela, c'était son petit jardin secret. Il préférait se faire détester, qu'on ait de lui cet image de fils à papa, prétentieux et coureur de jupons. Caressant son chien du bout des doigts, il écouta la demoiselle, qui dénotait le manque de place sur la terrasse. Il n'en fallut pas plus à Julian, qui sauta directement sur l'occasion :

La terrasse, à cette heure-là et avec un temps pareil, est toujours bondée, vous vous rendrez bien vite compte. Mais ça tombe bien... J'ai encore une place à ma table. Si cela vous dit de boire un verre avec moi, bien évidemment.

Il continua de la regarder avec cette lueur malicieuse, nonchalante, qui caractérisait si bien le regard de Julian. Il n'était pas un de ces hommes qui passait par mille chemin. Lui, il proposait directement...

Les deux jeunes gens en venaient à se taquiner. Julian jouait à fond la carte du charmeur, qui avait fait sa réputation. Mais on voyait bien que la demoiselle n'était pas de celles qui se faisaient avoir par ce genre d'homme. Pour autant, ce n'était pas une raison qui ferait que le blondinet cesserait son petit jeu. Après tout, cela lui donnait toujours un côté adorable, accessible, à la limite du petit ange. Il fallait dire qu'avec ses cheveux blonds et son regard vert, il avait mis beaucoup de monde dans sa poche. Au fond de lui, il n'en était pas fier, mais à présent, il ne pouvait plus se départir de ce côté angéliquement manipulateur. C'était ancré en lui et cela le sauvait de maintes et maintes situations. Il esquissa un léger sourire en coin quand elle "vanta" les effets de leur technique d'approche, haussant des épaules.

Le même don ? Je ne sais pas. Disons qu'à l'inverse de mon chien, je ne saute pas encore sur les gens. Mais oui, ce serait mentir de dire que notre duo n'a jamais fait craquer personne.

Pourquoi mentir ? Julian assumait le fait d'aimer - un peu trop - les femmes et de profiter de l'innocence et de la douceur de son chien pour aborder certaines demoiselles. Il haussa les sourcils, acte qui prouvait son assurance, tout cela avant de proposer à la brunette de s'installer à sa table. Ce qu'elle accepta rapidement. Il fit une sorte de petite révérence pour désigner sa table, son sourire malicieux encore plaqué sur ses lèvres, avant de prendre place. Il posa sa béquille à côté et ordonna à Shadow de rester auprès de lui. Le chien se coucha alors au pied de la chaise, à l'ombre. Quand la demoiselle s'installa, il observa la veste et le casque de moto qu'elle venait de poser. Une femme qui faisait de la moto, c'était toujours une image très sexy pour la gente masculine. Tallulah devait en avoir dans le ventre, ce n'était pas le genre de femmes qui avait froid aux yeux. Voilà ce qu'il se disait essentiellement. Quand le serveur s'approcha, il laissa la jeune femme choisir sa boisson, optant alors pour la même chose. A sa question, Julian reposa ses beaux yeux verts sur elle et lui lança un nouveau sourire :

Vous pouvez me tutoyer, vous savez. - Ils étaient plus intimes à présent, bah oui, ils partageaient la même table au bar (XD). Il prit ensuite un air songeur à sa question - Hormis retenir le nom des nouvelles ? Hum... laissez-moi réfléchir. Ah oui, j'ai trouvé ! Il m'arrive de suivre des études de droit. Mon père est un avocat réputé, forcément, je me devais de suivre cette voie.

Bien sûr, il n'allait pas dire qu'il n'allait jamais en cours. Des études de droit, afin de devenir avocat, cela sonnait toujours bien pour une première approche. Oui, n'oublions pas l'adage de Julian : la réputation avant tout !

Et vous ? D'où venez-vous et surtout, qu'est-ce qui vous a amené dans ce coin perdu ? Je veux tout savoir

Il croisa les bras contre son torse, lui lançant ce regard déterminé qui prouvait bien qu'elle n'allait pas échapper à ses questions.

Ne dit-on pas "tel maître, tel chien" ?!

Le jeune homme haussa des épaules, un air taquin éclairant son visage. En voyant le maître, ce n'était pas étonnant que le chien soit identique. Son statut de tombeur, Julian le connaissait bien. Il plaisait, c'était indéniable. Il en avait joué, il en jouait, il en jouerait encore. Mais pour une fois, c'était bien bon de se moquer de cette attitude-là. Adepte du second degré, il n'hésitait pas non plus à se dénigrer. Preuve qu'au fond, il ne se prenait pas vraiment la tête. Alors qu'ils s'installèrent à la table du blond, ce dernier lui demanda de le tutoyer. Après tout, il n'avait que 23 ans, ils ne devaient pas avoir un grand écart au niveau de l'âge. Il approuva d'un signe de la tête, quand elle lui annonça que cela faisait vieux jeu.

On finira par devenir "vieux jeu". Retardons au maximum ce moment !

Il rit légèrement, il fallait dire qu'il était adepte de cette philosophie de vie : profiter de sa vie à chaque instant, de cette jeunesse que l'on n'avait qu'une fois dans toute son existence. Ils avaient le temps avant d'être pleinement sérieux ! Alors qu'il répondit à sa question, Julian ne s'attendait pas vraiment à la réponse de la demoiselle. Est-ce que le droit lui plaisait ? Très bonne question. La mine songeuse, il resta un instant muet avant de répliquer nonchalamment :

C'est intéressant. Mais ce n'est pas vraiment pour moi. Malheureusement, on ne peut pas dire que j'ai énormément le choix.

Sa vie personnelle faisait que toute tentative de rébellion de la part du jeune homme finissait par lui retomber dessus. Au lycée, il avait mis Leanne enceinte. Résultat ? Le père Callaway avait ramené son fils dans le droit chemin. A la fac, il avait ruiné sa carrière sportive, la seule voie qui l'intéressait. De nouveau, le Père Callaway l'avait ramené sur les études de droit. Il n'avait pas vraiment d'échappatoire, comme si le destin s'acharnait sur lui afin qu'il reprenne la structure mondiale de son cher paternel. Que voulez-vous faire contre cela ? A vrai dire, Julian était blasé et n'avait plus forcément envie de se battre : son père finirait toujours par gagner la partie. Quand le serveur arriva, le jeune homme le remercia avant de reporter son regard sur la demoiselle. Elle l'intriguait. Énormément même. Il avait envie d'en savoir plus sur elle, d'où elle venait, les raisons qui faisaient qu'elle était ici. Il écouta alors avec attention ses paroles, esquissant un sourire quand il apprit qu'elle était de Boston. Une américaine. Il adorait les américains. Mais ce qui le surprit le plus, ce fut bien évidemment son statut de militaire. C'était un petit bout de femme qui prouvait, de plus en plus, qu'elle n'était pas une petite nature.

Militaire ? En effet, c'est surprenant ! L'armée, ça envoie du lourd, dis donc. Tu m'as l'air d'être une femme qui n'a pas froid aux yeux !

C'était un compliment, bien évidemment. Mais au fond, Julian se dit que c'était le genre de femme envers qu'il fallait se méfier. Alors qu'elle poursuivit, le jeune homme tiqua sur le fait qu'elle n'avait pas de famille. Elle était orpheline ? Bien sûr, c'était une question qu'il se posait, mais il était mal placé de la poser tel quel. Il n'était qu'un inconnu pour elle et disons que ce n'était pas bien vu d'aborder un sujet de telle gravité lors d'une première discussion. Raison pour laquelle il répliqua, sur un ton léger :

Si tu veux, je te prête mon père pour quelques jours. Il te ferait la totale : obligation de rester à Bowen, obligation de faire tel métier. - Il sourit légèrement, mais au fond, il enviait la jeune femme. Non pas pour le fait qu'elle n'avait pas de famille, c'était triste, mais pour le fait qu'elle n'avait aucune attache - Préserve cette liberté, c'est ça qui rend la vie bien plus belle. Enfin... Je te souhaite officiellement la bienvenue à Bowen ! Maintenant, je sais où aller si l'envie me prenait d'offrir des fleurs.

Mais vu l'expression qu'il affichait, cela se voyait que Julian ne faisait pas partie de ceux qui offraient des fleurs. Il leva, à son tour, son verre et le porta à ses lèvres pour en boire une gorgée. A la nouvelle question de la demoiselle, le beau blond plissa des yeux, avant de regarder sa béquille. Il reposa son verre sur la table et hocha légèrement la tête.

Ah, ça... oui, une mauvaise chute lors d'un match de basket, un genou détruit et deux opérations pour tenter de rattraper le tout. Les aléas de la vie, dirais-je.

Un nouveau sourire vint se dessiner sur ses lèvres, même si c'était uniquement en apparence. C'était... comment dire ?... un sujet sensible pour Julian. Le point culminant de son ras-le-bol. A son tour, il montra le casque de moto qu'elle avait posé.

C'est toi qui fais de la moto ?

Là, ce serait le summum de la fille qui en envoie !

Bizarrement Tallulah avait su toucher l'un des points sensibles de Julian. Ses études, suivies uniquement pour faire plaisir au père Callaway. Personne ne se souciait de poser cette question à Julian, mais elle, elle l'avait fait. Elle avait l'air d'être très perspicace. Et Julian se sentait assez à l'aise face à elle. Il n'aimait pas trop parler de ses ressentis, de ses réelles pensées, mais dans le cas présent, cela s'avérait être assez simple. Il écouta avec attention les paroles de la brunette, esquissant un léger sourire. Elle tapait droit dans le mille. Si le jeune homme ne se rebellait pas, c'était tout simplement par respect pour son père. Enfin, c'était surtout par peur de se le mettre réellement à dos et de se retrouver seul. La solitude... c'était bien ce qui effrayait le plus le jeune homme. Il avait vécu quelques semaines assez noires, juste après son accident, où il s'était enfermé sur lui-même, loin de tout, de sa famille, de ses amis, de ses conquêtes. Cela avait été l'enfer. Il haussa les épaules, répondant simplement :

C'est tout à fait ça.

Ce n'était pas la peine de s'étendre sur le sujet, elle avait su conclure en utilisant les bons mots. A son tour, elle dévoila un peu son passé. Un passé bien surprenant et qui en disait long sur elle. Cette femme devait être une tigresse, le genre de personne qu'il valait mieux ne pas se mettre à dos. Ce qu'elle affirma en quelque sorte, en énonçant la déconcertante facilité à mettre K.O. un agresseur. Julian était bluffé, il écoutait ce qu'elle disait avec une attention inébranlable. Elle l'intriguait énormément. Quand elle conclut par "je ne mords pas... quoique", le jeune homme lui adressa un sourire malicieux.

Oh... Ne t'en fais pas. Il m'en faut plus pour m'effrayer.

Un léger rire s'échappa de ses lèvres. Il but une nouvelle gorgée de son cocktail, les sujets de la famille et de la liberté furent alors abordés. Sur un ton plaisantin, Julian tenta très vite de lui refiler son père. La réponse de la demoiselle était très plaisante. Le jeune homme conclut sa phrase en répliquant simplement un : Un peu de difficulté, cela ne lui ferait pas de mal ! - Plus il apprenait à la découvrir et plus il se disait qu'il aimait son caractère. Les femmes fortes étaient toujours les plus intéressantes et Julian lui enviait cette faculté à défendre sa liberté, coûte que coûte. Dans ces cas-là, il n'y avait jamais de regrets. Elle était maîtresse de sa vie, de ses actes et de ses paroles. Tout pour rendre son existence presque parfaite ! Quand elle lui annonça qu'elle pourrait lui apprendre tout cela, Julian la regarda, un air de défi s'affichant sur son visage :

Quand tu veux ! En effet, mon père risquerait de te détester, mais on s'en fiche, non ? - Après tout le père de Julian détestait toutes les personnes que son fils côtoyait. Sauf Victoria. Parce qu'elle était du même monde que lui. Quand elle parla de son magasin de fleurs et d'une nouvelle technique de drague, le jeune homme se mit de nouveau à rire - Je pencherai pour la deuxième proposition. Mon chien me volerait la vedette ! Ce serait dur de rivaliser avec lui quand même...

Le ton de la conversation avait ensuite un pris un aspect plus grave quand l'accident fut abordé. L'accident de sa vie. Ce moment terrible où Julian avait perdu tout contrôle de sa vie, où les douleurs de l'esprit devenaient toutes aussi fortes que les douleurs du corps. De nouveau, Tallulah le surprit avec ses paroles. C'était tellement lui.

Tu sais sortir les bons mots quand il le faut ! J'aurai dû m'engager dans l'armée...

Un nouveau sourire vint s'afficher sur ses lèvres. Il n'avait pas envie d'en rajouter sur son accident. La blessure était encore trop fraîche, trop douloureuse pour en parler. Il préféra donc dévier la conversation sur le casque de moto. Alors qu'elle lui montra l'engin qu'elle montait, Julian se tourna et écarquilla les yeux. Ce n'était pas la moto de petite envergure ! Il lâcha une expression de surprise avant de se retourner vers elle :

Sérieux ? Tu grimpes ça ? Eh ben... Bel engin ! Tu me bluffais déjà avec ton passé professionnel, mais là, c'est la cerise sur le gâteau. - Et quand elle lui proposa clairement de faire un tour avec elle, Julian hocha la tête, enjoué - Ah mais ce sera avec grand plaisir ! J'adore tout ce qui touche aux motos, aux belles voitures, du coup, c'est sûr et certain que je serai partant. Quand tu veux, où tu veux !

Julian était un casse-cou, après tout. Il aimait tout ce qui donnait de l'adrénaline. Ce n'était pas le genre d'homme à avoir froid aux yeux, même si ses opérations et son rétablissement l'avaient quelque peu calmé. Il observa qu'elle zieuta un homme, comme elle l'avait déjà fait à plusieurs reprises. Intrigué, Julian se retourna, aperçut le jeune homme qui s'en allait et se retourna vers la demoiselle, un vague sourire aux lèvres. Il montra d'un signe de tête le fameux jeune homme.

J'ai remarqué que tu l'avais observé à plusieurs reprises. Je le connais. Il travaille pour un des clients de mon père. Du coup, ils viennent très souvent chez moi. Si tu veux que je te mette en contact avec lui, ça peut se faire.

Il la regarda d'un air entendu. Pourtant, il venait de lui donner des renseignements qui pourraient l'intéresser. Julian avait trouvé cela bizarre que son père les reçoive dans leur maison, mais il ne s'était pas attardé plus que cela. S'il savait...

L'armée. Au premier regard, Julian n'aurait jamais cru qu'elle avait un tel CV. Avec sa bouille d'ange, elle donnait l'impression de mener une vie dite "banale", du moins à la portée de toute jeune femme de son âge. Mais maintenant qu'il savait cela, cela le rendait encore plus... fascinante. Oui, c'était le mot. Et quand elle lui parla de l'armée, de la guerre en général, Julian garda ses yeux verts ancrés sur elle. Lui-même savait qu'il était incapable de vivre de telles choses. Il était incapable de suivre des ordres, encore plus quand cela allait à l'encontre de ses convictions. Perdre des personnes auxquelles on tenait, était probablement une des pires expériences à vivre. Tallulah était passée par là, visiblement. Il lui adressa un regard compréhensif, hochant légèrement la tête.

Oui, je m'en doute. C'est bien la raison pour laquelle j'éprouve une grande admiration pour les soldats. ça n'a pas dû être facile tous les jours et je comprends que ça puisse changer une personne. Tu dois voir la vie à travers un autre regard, à présent...

Relativiser, c'était le mot. En vivant le pire, on savait apprécier chaque instant de sa vie. Cela, Julian ne l'avait pas encore compris, se contentant de ronchonner ou de s’apitoyer sur son sort pour des choses peut-être pas aussi grave qu'il ne le pensait. La conversation prit ensuite un ton plus léger quand ils parlèrent de moto. Ce qui, forcément, intéressait Julian. Encore plus quand elle lui proposa de l'emmener faire un tour. Il lui adressa un nouveau sourire et hocha la tête :

19h, c'est parfait ! ça va être sympa. Je te passerai mon numéro, afin que l'on se donne un point de ralliement.

Pour une fois que ce n'était pas dans une optique de drague qu'il refilait son numéro à une fille ! D'ailleurs, en parlant de drague et compagnie, voilà que le blond voulait la caser avec un des hommes présents sur la terrasse, qu'elle ne faisait que regarder. Mais elle lui sortit toute l'histoire sur sa copine qui avait eu des soucis avec. Ouhla, Julian et la psychologie féminine, ça faisait dix !

Ouais, je vois le genre. Tu sais, les trucs de nanas, je n'y comprends jamais rien. Vous êtes bien trop compliquées ! Enfin... Pour tout te dire, ce gars, je le connais vite fait. J'ai discuté deux-trois fois avec lui, ce n'est pas assez pour savoir s'il a des démêlés avec la justice. En revanche, s'il vient chez moi, c'est uniquement pour accompagner son patron. Un escroc, soit dit en passant. Je ne sais pas trop dans quelle affaire mon père se met, pour moi, c'est louche. Mais bon comme il le dirait lui-même, en tant qu'avocat, il se doit de défendre quiconque le lui demande, même s'il doit devenir l'avocat du diable...

Julian leva les yeux au ciel, blasé. Il disait cela avec tellement d'innocence, de confiance, à mille lieues de savoir qui il avait vraiment devant lui.