live for the moment because everything else is uncertain. (feat. casey)

"live for the moment."

La jeune serveuse jeta un dernier coup d’œil dans le miroir de sa chambre pour s'assurer qu'elle était présentable. Elle n'avait pas la prétention d'être belle - ni même jolie - mais elle voulait être sûre d'être apprêtée au mieux lorsqu'elle sortait. Ce soir-là, elle devait se rendre chez son cousin préféré, Casey Kennington. Tous les deux avaient appris à s'apprivoiser et maintenant, la jeune femme n'imaginait pas sa vie sans lui. Ils s'appelaient souvent, se voyaient régulièrement et plus encore, Maybelle faisait tout son possible pour l'aider à récupérer l'amour de sa vie. À défaut de savoir quoi faire de sa vie, elle s'attelait à aider les autres à améliorer la leur. Ce n'était pas si mal, après tout.

Après avoir marché quelques minutes dans les rues de Bowen, elle arriva au pied de l'immeuble où habitait son cousin. Elle entra dans le bâtiment et se rendit jusqu'à son appartement. Devant la porte, elle prit quelques secondes pour s'entraîner à sourire convenablement. Et pour se donner du courage. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle en arrivait à ce stade. Elle soupira doucement avant de toquer deux fois sur la porte d'entrée - et de se remettre à sourire instantanément. Elle avait toujours été douée pour camoufler au mieux ses sentiments. Aux yeux de toute la ville - ou presque, elle était la petite blonde excentrique et marrante, une petite marrante toujours de bonne humeur dont la joie de vivre était communicative. S'ils savaient qu'au fond d'elle, tout était sombre... La porte s'ouvrit, interrompant ses pensées. Show time.

« Salut, salut ! », fit-elle avec son entrain habituel avant de déposer un bisou sur la joue de son cousin.

Ce n'était pas vraiment du cinéma. Elle était réellement enjouée à l'idée de passer une soirée avec son cousin. Au moins, elle savait qu'elle n'allait pas s'ennuyer ! Casey aurait sans doute des tas de choses à lui raconter et elle se ferait une joie de l'écouter - et de le conseiller si besoin. De cette façon, elle éviterait de penser et de se plomber le moral toute seule. Peut-être même qu'elle réussirait à s'amuser pour de vrai et à oublier, le temps de quelques heures, qu'elle ne se sentait pas à sa place. Quand elle n'était pas seule, tout allait bien. Mais elle redoutait vraiment d'être seule avec elle-même.

« Comment tu vas ? » Elle entra dans l'appartement sans se faire prier et posa ses affaires dans l'entrée avant de sortir une petite boite de son sac. « J'ai fait des cupcakes. » Elle lui tendit la boite remplie de petits gâteaux multicolores en souriant. Elle adorait faire des gâteaux. Cela lui occupait l'esprit.

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"live for the moment."

Casey finissait de ranger et de nettoyer son appartement. Sa nouvelle colocataire n’était pas là, lui et Sharma restaient donc seuls. Mais bientôt, Maybelle, sa super cousine qui l’avait aidé à se rapprocher de son ex-femme par un coup de génie. Cela faisait quelques temps qu’ils ne s’étaient pas vus, il avait hâte de passer un moment avec elle, surtout qu’elle avait vécu plein de choses géniales… Elle était enfin en couple avec Nicholas et débarrassée de Noël dans le même coup ! Le pauvre étudiant était bien loin de s’imaginer que la jeune blonde était complètement dévastée.

Il avait décidé de bien faire les choses, d’accueillir Maybelle convenablement afin qu’ils passent tous les deux une merveilleuse soirée entre cousins. Ainsi, le jeune homme avait mis à contribution ses origines. Il avait préparé des pizzas qu’il avait coupées en petites parts pour l’apéro, cuisiné des piadina, une spécialité que sa mère faisait souvent : des sortes de pain azyme qu’il avait farci de fromage, tomage, basilic, jambon italien selon les tranches, un peu à la manière des fajitas. Des gâteaux salés et coupelles remplies d’olives, de tomates cerises et autres condiments accompagnaient ces plats. Casey avait installé tout cela sur la petite table du salon, soignant la disposition. Il voulait que sa cousine se sente bien et soit bien accueillie.
Enfin, la porte sonna. Elle entra, rayonnante comme à son habitude. Casey la prit dans ses bras en la saluant et la faisant entrer, puis referma la porte.

« Heyyy cousine ! » lui dit-il avec un grand sourire. « Je vais bien ! Et toi ma belle ? » l’interrogea-t-il tout en l’emmenant au salon.

« Ohhh ! Des cupcakes, t’es géniale, merci ! » dit-il en ponctuant sa phrase d’un sourire ravi et lui donnant un bisou sur la joue pour la peine. « J’avais oublié le dessert en plus, t’es parfaite ! »

Il lui fit un grand sourire, il était content de la voir. Pendant des années ils ne s’étaient pas connus mais à présent, il se sentait aussi proche de Maybelle qu’il ne l’était de ses frères et sœurs.

« Installe-toi ! Tu veux boire quoi ? » lui demanda-t-il.

Sharma fit une petite apparition, curieux de voir qui leur rendait visite, et Casey n’eut pas le cœur de le renvoyer l’animal qui resta tranquillement sur le tapis du salon.

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Le sourire du jeune homme était communicatif et la jeune femme n'avait pas à se forcer pour paraître joyeuse. Elle l'était. Son cousin était l'une de ces personnes magiques qui parviennent à vous faire oublier tous vos soucis lorsque vous leur parlez. Quand elle était avec Casey, elle se sentait bien. Pas heureuse, mais bien. Et ce n'était pas si mal.

« Toujours ! », répondit-elle joyeusement lorsqu'il demanda comment elle allait, parvenant presque à se convaincre elle-même que tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Ses yeux se posèrent alors sur tout ce que Casey avait préparé et elle lui offrit un sourire. Ce garçon était un parfait gentleman.

«Tu as fait tout ça pour moi ? Je suis... impressionnée! » Elle l'était réellement. Le fait qu'il se soit donné tout ce mal rien que pour elle la touchait. Elle avait vraiment un cousin génial. Il la remercia pour les cupcakes et elle fronça un peu le nez, l'air désolé. « Ouais, enfin... Ça ne va pas très bien avec le repas Italien. Si j'avais su, j'aurais fait un tiramisu ! » Puis elle lâcha un petit rire enfantin, avec toute l'insouciance qui la caractérisait.

Sharma fit alors son apparition et Maybelle le caressa gentiment pour le saluer. D'ordinaire elle n'aimait pas trop les chiens mais celui-là était tellement mignon... On dit souvent que les animaux de compagnie sont le reflet de leur maître. Dans le cas de Casey et Sharma, c'était vrai. Ils étaient tous les deux adorables. Son cousin lui demanda alors ce qu'elle voulait boire et elle reporta son attention sur lui.

« Bouge pas, je m'en occupe. Tu en as déjà assez fait pour aujourd'hui ! Coca, ça te va ? », sourit-elle.

Il avait bien le droit de souffler un peu. Il avait dû passer une bonne partie de la journée à cuisiner, il méritait un peu de repos. Elle allait se charger des verres et de la boisson. Parcourant les quelques pas qui la séparait de la cuisine, elle leva les bras pour ouvrir le placard où se trouvaient les verres. Sans qu'elle ne s'en rende compte, les manches de son pull descendirent un peu, laissant apparaître quelques marques rougeâtres tout autour de son poignet gauche. Ne remarquant rien, la jeune serveuse attrapa les verres d'un geste habile, se rendit jusqu'au frigo pour prendre une bouteille de Coca et retourna au salon après avoir tiré discrètement ses manches pour les remettre en place. Simple précaution. Elle était persuadée que Casey ne remarquerait rien. Personne n'avait rien remarqué jusque-là et il n'y avait aucune raison pour que cela change.

« Et voilà ! » Elle posa le tout sur la table avant de s'asseoir près de son cousin. « Alors, tu as revu Emily ? Vous avez discuté ? Je veux tout savoir ! »

Elle s'intéressait beaucoup à la vie sentimentale de son cousin. Elle savait à quel point il était amoureux - et maladroit aussi. Elle voulait l'aider à reconquérir son ex-femme. Et même si elle n'avait pas énormément d'expérience en la matière, elle essayait de lui donner les conseils les plus justes possibles pour qu'il sache quoi faire avec Emily. Le coup du cinéma n'avait pas marché comme elle l'avait espéré mais au moins, ils s'étaient plus ou moins rabibochés. Ils avaient parlé plus de cinq minutes d'affilées et ça, c'était quand même un grand pas en avant.

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"live for the moment."

Entrée, Maybelle confirma les pensées de Casey : elle allait bien, comme toujours ! Et avec le grand sourire que lui offrait sa cousine, l’étudiant n’en doutait pas. Arrivant dans le salon, son commentaire sur ses préparations arracha un sourire tout content à l’Italien. Il ne savait pas si c’était bon, mais au moins visuellement May semblait apprécier le geste, c’était déjà ça !

« Comment veux-tu que j’accueille autrement ma super cousine, hein ? » rétorqua-t-il, tout sourire. « Oh mais non au contraire, les cupcakes c’est parfait, ça va changer, c’est toujours mieux ! » dit-il tout en débarrassant la blonde de ses gâteaux, les posant sur le meuble de la salle – comme ça ils seraient tout près, prompts à être dégustés dès que possible !

Casey secoua la tête en voyant son chien fanfaronner sous les caresses de la jeune femme, mais ne put retenir un sourire. Il leva la tête aux paroles de Maybelle.

« À vos ordre miss Goodwin ! Oui, coca, pas de soucis ! » dit-il tout en allant s’asseoir.

Alors qu’il l’observait prendre les verres pour s’assurer qu’elle ouvrait bien la bonne étagère, la manche de sa cousine glissa sur son poignet. Au départ il ne se rendit pas compte de ce qu’il voyait puis le brun fronça les sourcils. Il y avait des traces rouges. Qu’est-ce que cela signifiait ? Casey n’eut pas le temps de voir les rougeurs plus nettement, Maybelle baissa son bras et alla vers la cuisine. Ça pouvait être des traces de crayon … Mais il n’était pas si loin que ça de la jeune femme et pouvait affirmer que ce n’était pas aussi lisse et vif qu’un feutre, et plus gros qu’une mine de bic. Est-ce qu’elle… ? Non, tout de même pas ? Le cœur de Casey battait plus fort, il était inquiet. Toute la bonne humeur de Maybelle n’était-elle qu’une façade ?

Elle revint au salon, apportant les verres et l’interrogeant. L’étudiant se força à sourire, perturbé.

« Merci. » dit-il quand elle posa la boisson. « Oui, je l’ai revue vite fait… Elle est à la fac… » répondit-il distraitement, les yeux vagues, essayant de voir son poignet. Maintenant qu’il savait, il distinguait des ombres sur sa peau blanche dans le léger vide qu’il y a toujours entre la manche et le poignet, mais c’était trop sombre pour qu’il en ait le cœur net. Or, il devait savoir, il en allait du moral et de la santé de sa cousine.

Il releva la tête et fixa ses yeux dans ceux de la jeune femme.

« Maybelle. Je veux tout savoir, moi aussi. » commença-t-il. « Est-ce que tu vas vraiment bien ? » l’interrogea-t-il fermement. « Dis-moi ce qu’il se passe. », poursuivit-il en ne la lâchant pas du regard. « Montre-moi ton poignet. » asséna-t-il pour bien lui faire comprendre qu’elle ne pouvait pas se dérober, parce qu’il avait vu ; tendant même la main.

Au fond, il n’était pas vraiment certain que ce fussent des scarifications. Mais ça en avait tout l’air. Et, au mieux, ce n’en étaient pas. Au pire, il avait raison. Et il était hors de question qu’il laisse Maybelle dans un tel état. Maybelle, sa cousine si joyeuse, si pétillante. Sa comédie était bien rodée. Il comptait bien lui faire tomber le masque ce soir.

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Maybelle comprit que quelque chose n'allait pas quand son cousin répondit à sa question. D'habitude, lorsqu'elle abordait le sujet "Emily", il répondait soit avec entrain, soit avec désespoir. Mais là, il semblait distrait, comme si son attention était focalisée sur quelque chose d'autre et qu'il n'avait pas envie de s'attarder sur sa vie sentimentale. Elle eut la confirmation qu'il y avait bel et bien un problème lorsqu'il releva la tête et la regarda fixement. Que lui arrivait-il, tout à coup ? Et là, le couperet tomba. Son ton ferme ne présageait rien qui vaille et la demande qui suivit - Montre-moi ton poignet. - la mit extrêmement mal à l'aise. Resserrant machinalement sa main droite autour de son poignet scarifié comme pour le protéger du regard de Casey, son sourire s'évapora soudainement. Il avait vu. Elle ignorait comment mais il avait remarqué qu'elle n'allait pas bien et qu'elle avait fait une chose profondément stupide dans un moment de désespoir. Son petit jeu touchait à sa fin. Plus jamais il ne la verrait comme "le petit rayon de soleil" toujours joyeux. Plus jamais il ne la verrait de la même façon. Elle ne voulait pas que cela arrive. Elle ne voulait pas que l'opinion qu'il avait d'elle change. Hors de question qu'elle passe pour la tarée de service, la fille qui se taillade les poignets quand elle ne va pas bien. Alors elle allait nier, tenter de continuer cette mascarade et faire comme si de rien n'était. Rien que pour quelques minutes de plus.

« Quoi ? », demanda-t-elle en feignant ne pas savoir de quoi il parlait.

Mais le regard insistant de son cousin ne lui laissa pas le choix. Il n'abandonnerait pas tant qu'elle ne lui aurait pas montré son poignet meurtri. Se pinçant les lèvres, elle baissa les yeux vers sa manche, qu'elle releva doucement. Elle n'osait pas regarder Casey. Elle avait encore une chance de se dérober et elle allait la saisir, espérant qu'il n'insisterait pas.

« C'est rien du tout, j'ai croisé un chat dans la rue l'autre jour, je me suis approchée pour le caresser et il a sorti les griffes... Il n 'était pas aussi amical que je le croyais, en fin de compte ! »

Elle avait dit ça d'un ton prétendument joyeux, ponctuant sa phrase par un rire qui sonnait faux malgré tous ses efforts. Son excuse était tellement idiote qu'elle n'y croirait pas elle-même... Comment pouvait-elle espérer que son cousin gobe cela ? Soupirant doucement, elle remit sa manche en place et leva enfin les yeux vers Casey. Elle se sentait tellement honteuse qu'elle avait envie de pleurer.

« C'est rien, Casey. C'est... C'est juste une bêtise que j'ai regretté à la seconde où j'ai réalisé ce que j'ai fait. Je ne le referai plus. Je te le promets. C'était... Je sais pas. Je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça, c'était stupide. »

Tortillant ses doigts dans tous les sens tant elle était mal à l'aise, elle esquissa un sourire empreint de tristesse. Elle avait l'impression que sa carapace de fille heureuse et pleine de vie venait de se fissurer et elle détestait ça. Elle se sentait vulnérable. À découvert, comme si Casey pouvait lire en elle et découvrir tout ce qu'elle cachait au fond d'elle. Elle détestait cela.

« On peut parler d'autre chose, s'il te plait ? », murmura-t-elle doucement en baissant les yeux, nettement moins pétillante qu'à son arrivée.

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Casey attendait, il attendait impatiemment que Maybelle lui réponde et il lui explique. Mais la jeune femme tenta de se dérober et lui fournit une explication… Pas crédible pour un sou. Il intensifia son regard pour lui faire comprendre que ça ne fonctionnerait pas ainsi. Un chat ne lui aurait pas fait des marques aussi précisés, pas aussi éloignées.

Maybelle décida finalement de lui répondre. Mais Casey ne fut pas satisfait. Encore moins quand la jeune fille lui demanda de changer de sujet. Il voyait bien qu’elle était horriblement gênée, elle se triturait ses doigts, se tortillant inlassablement les mains. Mais l’Italien n’avait pas l’intention d’en rester à de vagues explications.

Il adoucit son regard, lui passa un bras autour de l’épaule et l’amena contre lui en lui frottant le dos. Puis il la relâcha et la fixa de nouveau.

« Non Maybelle, non, on ne va pas parler d’autre chose. » dit-il fermement.

Il lui prit les mains et les serra dans les siennes.

« Bien sûr que non tu ne referas plus jamais ça. Tu ne le referas plus parce que dès que tu te sentiras mal, dès que tu penseras à le faire, et au moindre problème que tu auras, à présent tu m’appelleras, d’accord ? Tu m’appelleras, May’. À n’importe quel moment du jour et de la nuit. Tu m’appelles. » intima-t-il à sa cousine en serrant plus fort ses mains en marque de soutien, et aussi pour manifester l’inflexibilité de ses consignes.

Évidemment, cela dépendrait d’elle, de si elle le faisait ou non. Mais au moins, en le lui disant, peut-être y penserait-elle, peut-être le jour où elle irait mal, oserait-elle l’appeler. Et il l’espérait. Très fort.

« Maintenant tu vas me raconter pourquoi. Et depuis combien de temps tu vas aussi mal Maybelle ? Depuis combien de temps tu te caches ? Qu’est-ce qui te pèse tant May ? Dis-moi. »

Il pensait à Noël. Il pensait aux parents de sa cousine. À sa sœur. À Nick. À tous les gens qui l’entouraient. À lui-même. Il se demandait depuis combien de temps cela durait, et pourquoi personne n’avait rien vu jusque là ? Est-ce qu’ils étaient tous si égoïstes, lui inclus évidemment – ou surtout – pour s’être fait berner par les sourires radieux de la blonde alors qu’elle était intérieurement dévastée ? Il avait toujours fait confiance à ses paroles quand elle lui disait qu’elle allait bien, parce qu’elle avait toujours ce merveilleux sourire et ces rires emplis de joie. Au fond, peut-être qu’il aurait dû s’alarmer de toute l’attention qu’elle portait à son histoire avec Emily ? Peut-être qu’elle faisait ça pour se distraire, ou pour qu’il soit concentré sur ses problèmes avec son ex-femme et qu’il ne s’interroge pas plus longtemps sur sa cousine ? Ça avait fonctionné, ça avait très bien fonctionné. Ça ne fonctionnerait plus. Il allait porter toute son attention sur Maybelle. Mais il ne pouvait pas être là en permanence. Nick savait-il ? Si non… Si non il fallait le mettre au courant. À moins qu’il ne soit la cause du mal-être de la jeune femme. Oh, Maybelle ! Comment avaient-ils tous pu la laisser sombrer de la sorte sans jamais s’inquiéter ? Il s’en voulait terriblement. Il était son cousin, sa famille ! Il aurait dû remarquer quelque chose avant. Lui poser plus de questions. Heureusement… Heureusement il avait vu les marques. Et s’il n’avait rien vu ? Et si malgré ce qu’elle disait, elle l’avait déjà fait avant, ou bien… Que ce serait-il passé si plus tard elle avait recommencé ? Jusqu’où serait-elle allée ? Il voulut couper court à ces pensées morbides, mais l’image de Maybelle se suicidant s’imposa malgré lui dans son esprit. Casey frissonna. Heureusement, oui, qu’il avait vu ce soir. Jamais de sa vie il ne se serait pardonné une telle négligence à l’égard de sa cousine.

« Je suis ton cousin et… Entre les frères, sœurs et les cousins… À part un père ou une mère non partagé, il n’y a rien de différent. Tu peux me raconter tout, May. Tu ne peux pas tout gérer toute seule, tout garder pour toi, faire comme si de rien n’était et essayer d’avancer alors que ton âme est restée loin derrière depuis longtemps déjà. On est entouré de gens, on l’est parce qu’on ne peut pas se créer un chemin seul dans la vie. Il faut demander de l’aide, May. Ce n’est pas honteux, c’est nécessaire. En tant que ton cousin, et cousin qui t’aime très fort, je suis aussi là pour ça, pour te soutenir, pour t’épauler, pour tout faire pour t’aider si tu ne vas pas bien. Je suis là pour ça. Depuis qu’on s’est enfin reparlé je le suis, et je le serai pour toujours désormais. » dit-il pour l’inciter à parler.

Il avait toujours eu un sens aigu de la famille. Si à l’école rien n’allait, son cocon familial était presque un paradis. Les gens avec qui il partageait son sang avaient toujours eu une grande importance pour lui, il avait baigné dans cette conscience et culture familiale très forte. Maybelle et lui avaient bravé le froid entre les Goodwin et les Kennington et par ce fait, Casey s’était engagé à être auprès d’elle comme il le serait envers n’importe qui de sa famille. Ce n’était pas un engagement qu’il avait formulé, c’était quelque chose de tacite, d’implicite, qui allait de soi, qui découlait de son habitude familiale. Il ne comptait pas abandonner Maybelle maintenant qu’elle était de nouveau dans sa vie, et certainement pas au moment où elle allait mal. Et puis, il savait qu’il fallait en parler. S’il n’avait pas eu son frère pour le soutenir lors de son enfer scolaire, il aurait probablement fini asocial. Mais grâce à ce soutien, il avait tenu le coup. Il ne voulait pas que sa cousine fasse l’erreur de tout intérioriser. À force, c’était destructeur – la situation le prouvait. Ignorer ses maux n’était pas la solution pour les régler. Pour aller mieux, il fallait les affronter et un tel combat ne se gagnait que s’il était partagé. Casey comptait bien prêter main forte à Maybelle dans cette bataille.

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À sa plus grande surprise, Casey n'avait pas l'air en colère. Il n'avait pas non plus l'air de la mépriser, ni même de la détester. Il s'était adouci, l'avait serrée contre lui, lui avait pris les mains pour lui offrir du réconfort... Et l'avait fait promettre qu'à présent, en cas de problèmes, elle se tournerait vers lui au lieu de s'infliger de telles souffrances. Incapable de répondre, la jeune femme se contenta d'un petit hochement de tête, sans oser le regarder dans les yeux. Non, elle ne le referait plus. C'était la chose la plus stupide de sa vie et elle se sentait mal d'avoir été démasquée. Déterminé à en savoir plus, Casey lui demanda de tout lui raconter. Mais elle restait muette et impassible. Elle n'avait pas envie d'en parler parce qu'elle avait l'impression que le faire reviendrait à admettre qu'elle allait mal - et ça, c'était au-dessus de ses forces. Elle ne voulait pas que sa carapace éclate pour de bon. Elle voulait se raccrocher à ses derniers morceaux et continuer à prétendre que tout allait bien. À force de jouer la comédie, elle finirait par y croire. Elle en était certaine. Tout le monde y croyait bien, pourquoi pas elle  ?

Casey essaya une fois de plus de la rassurer, de l'encourager à se confier. Et ses mots touchèrent la jeune serveuse. Jamais elle n'aurait soupçonné que son cousin puisse autant tenir à elle. Jamais elle n'aurait cru qu'il se serait tant inquiété en la sachant mal en point. La culpabilité la rongeait de l'intérieur, renforçant davantage son mal être. Chaque seconde qui passait semblait l'achever un peu plus. Casey avait raison. Elle devait se confier. Demander de l'aide. Levant ses yeux humides vers son cousin, elle se pinça les lèvres et garda le silence pendant de longues secondes. Elle ne savait même pas par où commencer.

« Tu as déjà eu l'impression de te sentir seul même quand tu es entouré ? Comme si... Comme si tu n'avais pas ta place, que tu te sentais à l'écart des autres ? »

Elle était persuadée qu'au cours de son adolescence plutôt difficile, Casey avait déjà éprouvé ce genre de sentiment. Il comprendrait sûrement ce qu'elle ressentait, peut-être même mieux que n'importe qui d'autre.

« J'ai l'impression que je ne sers à rien. Je me sens tellement nulle... Y a des fois où je me dis que si je n'existais pas, ça ne serait pas plus mal. »

Elle esquissa un sourire triste, les larmes commençant à perler au coin de ses yeux. Pour la première fois depuis longtemps, elle baissait les armes et se montrait telle qu'elle était réellement. Pleine de complexes, vulnérable, angoissée... Finie la jeune fille souriante et pleine de vie. Son masque était tombé. Elle allait tout dire à Casey. Tout. Sans mentir, sans édulcorer la vérité pour ne pas l'inquiéter. Il voulait savoir, alors il saurait.

« Y a quatre ans, je suis tombée enceinte. Mes parents m'interdisaient tout. Je n'avais pas le droit de sortir sans eux, pas le droit de voir mes amis en dehors des cours, pas le droit d'aller aux fêtes auxquelles j'étais invitée... Et au lycée, je me sentais tellement dépassée. Toutes mes copines avaient des petits-copains, allaient en soirée, s'éclataient... Mais moi, je passais mon temps cloîtrée dans ma chambre, sans rien avoir le droit de faire. Un jour, j'en ai eu assez. Je suis allée à une fête où mon père m'avait strictement interdit d'aller. Je ne pensais pas à mal, je voulais juste leur montrer que m'étouffer ne servait à rien, que j'avais besoin d'un peu de libertés et que ce n'était pas parce que je voulais aller à une soirée de temps en temps que j'allais forcément mal tourner... Puis tout a dérapé. J'ai bu. Pour oublier, pour me fondre dans la masse, pour être bien vue par les autres... Et j'ai fini tellement ivre que j'ai passé la nuit avec un inconnu. Mon père a été tellement déçu... Depuis ce jour-là, tout a changé. Je suis passée du statut de "petite fille chérie" à celui de "traînée qui déshonore la famille"... C'était assez dur à encaisser. Ils m'ont envoyée à Sydney, chez Tante Caroline. Ils ne voulaient pas que tout Bowen sache que leur fille était tombée enceinte, et surtout pas dans ces circonstances. Ils avaient honte de moi. »

Elle marqua une nouvelle pause pour se reprendre un peu. Elle détestait raconter cette histoire. C'était éprouvant parce qu'elle revivait tous ces mauvais souvenirs au fur et à mesure qu'elle les racontait. Contrairement à ce qu'elle aurait pu croire, parler ne lui faisait aucun bien. Au contraire. Inspirant profondément, elle reprit son histoire :

« Ce bébé, je voulais le garder. J'étais morte de trouille à l'idée de savoir que j'avais un être humain dans le ventre et j'ignorais si je serais capable de m'en sortir, mais je voulais assumer les conséquences de mes actes et l'élever du mieux possible. Mais mes parents ont refusé. Ils ont dit que je n'étais pas capable de m'occuper d'un enfant, qu'il serait bien plus heureux dans une autre famille... Une vraie famille. Qu'une fille de seize ans, célibataire de surcroit, ne pouvait pas offrir une belle vie à un gosse. Et je me suis laissée embobiner... Ils ont trouvé un couple parfait qui ne pouvait pas avoir d'enfant et ils ont fait adopter mon bébé. », murmura-t-elle doucement avant de lever les yeux vers son cousin.

Il venait de prendre connaissance de son plus grand secret et faisait maintenant partie des quelques personnes, Nick et Noël compris, à connaître cet événement qui avait clairement bouleversé sa vie. Comment Casey réagirait-il ? Elle n'en savait rien. Mais puisqu'il voulait qu'elle se confie, autant commencer par le commencement.

« Après cela, plus rien n'a été pareil. Mon père me regardait différemment, il passait ses journées à me rappeler que j'avais fait une erreur, à me dire que j'étais une traînée et qu'il avait honte que je porte son nom... Je crois que c'est là que j'ai commencé à me détester. J'avais honte de moi, honte de ce que j'avais fait... Honte d'avoir abandonné mon fils aussi. J'y pense tous les jours, c'est insupportable. Tous les matins je me réveille en me disant que j'ai un fils de trois ans quelque part, qu'il grandit avec des gens que je ne connais pas et qu'il ne sait même pas que j'existe... Et ça ne changera jamais. Une soirée... Une seule soirée a réussi à bousiller a vie. Si je n'avais pas été à cette fête, tout serait comme avant. Et je serais heureuse. »

Son fils était un sujet sensible. Ce n'était pas vraiment son fils d'ailleurs puisqu'elle l'avait lâchement abandonné. Elle était sa génitrice, pas sa mère. Et elle devait apprendre à vivre avec, à essayer de ne plus y penser et de ne plus s'en vouloir. Pourtant, elle avait l'impression que le trou béant dans sa poitrine s'agrandissait chaque jour un peu plus.

« Je crois que c'est cette histoire de mariage arrangé qui a tout empiré. Je ne parle plus à mes parents, Noël m'a sortie de sa vie du jour au lendemain comme si je ne comptais pas... Et je comprends, parce que je suis d'accord avec eux. Je suis tellement insignifiante. Je déteste ma vie presque autant que je me déteste moi. Ils me manquent, si tu savais... Mais ce n'est pas réciproque et ça, ça veut tout dire. »

Elle était tellement peu intéressante que les gens pouvaient la rayer de leur vie sans le regretter. Elle avait une piètre opinion de son existence... Les larmes forcèrent finalement le passage et elle les laissa rouler sur ses joues sans essayer de les retenir plus longtemps. Elle n'avait pas pour habitude de se montrer vulnérable et elle s'en voulait de gâcher la soirée de son cousin.

« Je pensais qu'en sortant avec Nicholas, les choses iraient mieux. Parce que c'est un mec génial, que je l'aime et qu'il s'occupe très bien de moi... Mais c'est encore pire. Il mérite tellement mieux qu'une paumée comme moi. J'ai envie de le rendre heureux mais j'en suis incapable. Tout ce que je suis capable de faire c'est me mettre des barrières et m'enfoncer encore un peu plus. Je m'en veux. Je m'en veux d'être comme ça, je t'assure. Je sais que les gens ont des problèmes beaucoup plus graves que les miens et je ne veux pas passer pour la fille qui se plaint tout le temps parce que je déteste ça... Je n'aime pas parler de moi. Alors je souris, je fais comme si tout allait bien et j'attends que ça passe. Mais ça passe pas... »

Elle essuya rapidement les larmes qui continuaient de couler, donnant une nouvelle intensité à son regard d'un bleu profond. Ses yeux ne pétillaient plus. Ils n'avaient plus cette petite étincelle qu'on y trouvait d'habitude. Elle n'était plus le petit rayon de soleil ambulant, celle qui remonte le moral de tout le monde et qui reste positive en toutes circonstances. Elle montrait son vrai visage. Celui d'une fille mal dans sa peau qui est épuisée de vivre.

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À son grand soulagement, Maybelle abaissa ses résistances. Elle allait parler, il le sentait. Casey se sentit rassuré. S’il savait ce qu’avait May, peut-être pourrait-il l’aider à aller mieux ?

Les premiers mots de sa cousine firent écho à son ressenti d’enfant. Oui, il avait longtemps connu cela. Ne voulant pas l’interrompre, Casey se contenta d’hocher la tête. La suite choqua Casey. Ce n’était pas un choc de stupeur mais un choc de peine, de douleur, de tristesse. Maybelle se sentait inutile. Il hésita à répliquer immédiatement ou attendre ; ce laps de temps suffit à la jeune femme pour enchaîner.

Casey tomba des nues. Et comprit mieux pourquoi il y avait eu si longtemps une telle discordance entre leurs familles. Les Kennington n’avaient pas dû accepter le traitement infligé à Maybelle par ses parents et, ne pouvant faire entendre raison aux Goodwin, avaient coupé les ponts. À moins que même ses parents n’aient rien su de la grossesse de Maybelle ?

L’étudiant se sentit touché par le discours de sa cousine. Elle semblait terriblement affectée par l’abandon de son fils, et il se sentait désolé de n’avoir rien su, de n’avoir pas pu l’aider, batailler à ses côtés pour qu’elle le garde. Ils ne se parlaient pas déjà à cette époque. Elle n’avait pu avoir le soutien de personne, cloîtrée dans sa maison parentale.
Puis Maybelle continua à se dévaloriser. Elle était insignifiante. Elle comprenait que sa famille ne lui parle plus, que Noël la lâche. Elle se détestait. Elle. Une boule d’adorabilité en puissance. Elle se détestait. Casey concevait d’une certaine façon ce sentiment. Lui aussi avait fini par intégrer l’opinion des autres. Qu’il était nul, pas drôle, moche, inutile, pas courageux. Mais c’était tellement stupéfiant de se rendre compte que Maybelle avait ce sentiment vis-à-vis d’elle-même, alors qu’elle était vraiment géniale.
La fin des propos de la blonde acheva Casey. Elle trouvait que Nicholas méritait une autre fille qu’elle. Elle s’excusait de se sentir aussi mal. Elle se rabaissait, encore et encore.

Casey la regardait, estomaqué.

« Maybelle, mais Maybelle. » prononça-t-il, incrédule.

Alors il la serra très fort dans ses bras pendant un long moment. Pour manifester sa présence, son soutien. Et son amour, aussi.
Quand il la relâcha, il plongea ses yeux caramel dans ceux océan de la jeune femme :

« Je suis tellement désolé de n’avoir rien su. Si nos parents s’étaient entendus, peut-être qu’on aurait pu se parler, t’aider… » dit-il avec déception. Mais les hypothèses n’allaient rien arranger. « Tu as déjà essayé de le retrouver ? Ça doit être possible de trouver les gens qui l’ont adopté ! Ils pourraient au moins t’accorder de le voir, rien qu’une fois, rien que pour t’assurer qu’il va bien. » déclara Casey, inconscient des réglementations strictes qui entouraient les adoptions.

« Il ne faut pas que tu te laisses entraîner par les discours de ceux qui te rabaissent. Tu es lumineuse, May. Tu as beaucoup d’humour. Tu es rusée, intelligente. Et sensible, tu es sûrement la personne qui est le plus à l’écoute des autres de toutes celles que je connais. Tu rends les gens joyeux, Maybelle. Tu sais t’amuser en toute simplicité, tu as un magnifique sourire plein de vie, tu es toute jolie, et absolument adorable. » lui dit-il, sincère, espérant que cela l’aide à se reconsidérer.

« Nicholas ne mérite pas une autre fille que toi. Il a la meilleure des petites-amies. Tu as toutes les qualités du monde. Regarde ! Au lieu de te plaindre de tout ce que tu as vu, de te laisser abattre… Tu as préféré cacher au monde que tu allais bien et sourire et rire pour ne pas qu’on s’inquiète, qu’on s’apitoie sur toi. Tu n’as pas voulu attirer l’attention. Tu avais la force de donner l’image d’une fille heureuse. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui auraient cette force-là. Tu es pleine de ressources. Et de créativité, aussi. » ajouta-t-il.

« Tes parents sont des idiots qui t’interdisent de vivre. Qui emprisonnent la fille fantastique que tu es. N’écoute pas toutes les méchancetés qu’ils te disent, ils ont une très mauvaise opinion de toi tout simplement parce qu’ils ont une terrible vision de la vie. Il ne faut pas les croire. Ils n’ont pas pris les bonnes clefs pour déchiffrer le monde. Ce n’est pas parce que la première fois que tu as été à une fête, ça a dérapé, que s’amuser est nécessairement mauvais. Des erreurs, des maladresses, on en fait partout. Mais la plus grosse serait de te priver de vie. Tomber enceinte, ce n’est pas mal. Ça arrive, c’est humain. En plus, attentionnée comme tu es, même à seize ans, je suis sûr que tu aurais été une mère géniale. Tu n’as pas commis d’erreur. Tu as juste vécu, enfin vécu, ce jour-là. Moi je trouve que tu as bien fait. »

Il s’en voulait un peu de parler ainsi des parents de sa cousine mais d’un autre côté, avec sa description, il ne voyait pas d’autre façon de les qualifier – et puis tout ce qu’il pouvait entendre d’eux depuis des lustres.

« Tu es totalement à ta place ma belle, totalement. Tu as le droit à ta petite place dans le monde, comme n’importe qui. Surtout toit, toi qui n’atteins jamais à personne. J’imagine bien que le contact avec cette chère Tante Caroline t’a complètement retourné l’esprit et déprimé sur l’avenir de l’humanité, mais je t’assure qu’il ne faut pas se baser là-dessus, parce que la vie peut te réserver des choses merveilleuses à l’avenir, tu le mérites tellement que ça arrivera nécessairement. » finit-il en la prenant de nouveau par l’épaule.

« Ça te dirait de quitter Bowen un peu ? D’aller voir ailleurs les gens, les cultures. De voir que le monde ne tourne pas autour des imbéciles de notre petite ville et que si ce n’est pas ici, c’est ailleurs que tu trouveras tes marques et ton bonheur. J’te propose qu’on parte chercher l’espoir ailleurs ! Tous les deux, entre supers cousins. Quel endroit du monde tu rêverais de visiter ? » proposa-t-il en souriant.

Voyager, ça lui avait fait un bien fou. Il était sûr que si May changeait un peu d’environnement – autre que chez leur tante Caro – et s’aérait l’esprit, ça lui ferait du bien. Il était vraiment prêt à organiser un voyage avec May si elle le voulait. Vraiment, vraiment.

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"live for the moment."

Elle ne se sentait pas mieux de lui avoir parlé. Au contraire, la honte lui brûlait la gorge et elle n'osait plus le regarder en face. Elle avait peur de sa réaction, peur qu'il change d'opinion sur elle, qu'il ne la voit plus comme la cousine pleine de vie et adorable qu'elle avait toujours été. Elle sentit les bras de Casey passer autour d'elle et elle se laissa aller contre lui, prenant une profonde inspiration pour contenir ses sanglots. Si elle commençait à pleurer, elle ne s'arrêterait plus. Cette étreinte la réconforta bien plus que tous les mots du monde. Casey avait réussi à lui faire comprendre qu'il ne la jugeait pas et plus encore, qu'il serait là pour elle.

Une fois leur câlin terminé, Casey planta ses yeux dans les siens et elle n'eut d'autre choix que de fixer ses prunelles. Il se lança dans un discours adorable, cherchant à la réconforter en lui rappelant ses qualités. Elle n'était pas dupe mais elle était reconnaissante qu'il se montre si prévenant et gentil. Elle s'en voulait de se sentir aussi mal alors qu'elle avait des gens aussi géniaux autour d'elle. Il la trouvait lumineuse, pleine d'humour, sensible, rusée, jolie... Mais elle, elle ne parvenait pas à se voir autrement que comme une "Mimi Geignarde" blonde et encore plus exaspérante. Elle ne trouva rien à répondre à tout ce que Casey disant mais une lueur reconnaissante brillait dans son regard. Parfois, les mots n'étaient pas nécessaires. Elle savait qu'il avait compris qu'elle l'aimait profondément, comme un frère, et qu'elle était heureuse de l'avoir auprès d'elle.

Puis Casey, en tant que super cousin, lui proposa de voyager. Seule avec lui. Elle se mit à réfléchir. Elle avait toujours rêvé de partir, de quitter Bowen. De changer d'air. De parcourir le monde, de voir de nouvelles têtes, de nouvelles cultures... Elle adorait Bowen mais ces temps-ci, elle avait l'impression d'y étouffer. Elle avait besoin de renouveau pour renaître de ses cendres, comme le Phoenix.

« J'ai toujours rêvé d'aller en Europe », dit-elle finalement, pensive. Un fin sourire étira ses lèvres rosées, comme si la proposition de Casey lui avait insuffler un nouvel espoir. « Tu m'emmènerais en Italie ? »

Elle savait qu'il était très attaché à ses origines et qu'il était fier d'être Italien. Elle n'avait jamais visité Rome, ni Venise, ni même Milan, mais elle rêvait d'y aller. Parce qu'à écouter Casey, ce pays avait l'air merveilleux et les gens y étaient gentils, plein de vie et chaleureux. Tout ce dont elle avait besoin.

« Merci, Casey », dit-elle finalement, la voix pleine de reconnaissance. Puis elle lui adressa un sourire. Faible, certes, mais sincère. Elle avait vraiment le meilleur cousin qui soit. Bien qu'elle le considère comme son frère et non comme son cousin en réalité. Ils se voyaient souvent, parlaient de tout, étaient là l'un pour l'autre... Le fait qu'ils n'aient pas les mêmes parents importait peu, au final. Leur relation était très forte. « T'es génial, tu sais ? »

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Le regard que Maybelle lui rendit fut entendu par Casey. Les yeux océans de sa cousine étaient expressifs, il y lut sans mal la reconnaissance. En outre, il se sentait vraiment proche d’elle. Comme s’ils avaient grandi ensemble. Des jumeaux qui se comprenaient sans se parler, qui interprétaient les gestes ou silences de l’autre sans mal. Elle était May. Elle était sa cousine, sa famille. Une sœur peut-être plus sœur que sa véritable sœur. Car sa petite-sœur, Casey l’aimait, la protégeait, la conseillait, la soutenait. Mais il lui semblait qu’avec Maybelle, c’était même un sentiment d’intercompréhension qui les liait.

La jeune femme sembla devenir rêveuse face à sa proposition. L’Italie. Casey ne s’attendait pas à ce qu’elle lui parle de l’Italie, mais il en était ravi. L’Italie, c’était son pays, ses racines, là où il se sentait bien. Peut-être même plus qu’à Bowen où il avait toujours vécu. En Italie, il n’avait pas peur. Il vivait, totalement.

« Et comment ! L’Italie ! Le meilleur des choix, cousine ! » lui dit-il avec un sourire fier en lui effleurant rapidement le nez. « Et on le fera. On le fera Maybelle. » ajouta-t-il, fixant son regard dans le sien. Il était sérieux. Il ne lançait pas cette idée pour du beurre. Ils iraient en Italie. Ou n’importe où ailleurs. Mais ils voyageraient. Ensemble. Loin de cette ville.

« L’Italie, alors… Tu préfères quoi ? La mer, la campagne, la montagne, les îles, les grandes villes culturelles, les villes fêtardes ? Y’a de tout en Italie ! » s’exclama-t-il. Il connaissait pas mal de régions de la botte européenne, y avait plusieurs amis un peu partout qui pourraient les héberger voire de la famille. Ils n’avaient qu'à choisir une destination, des dates et prendre des billets. Puis faire leurs valises.

Le sourire bien que léger de la jeune femme et ses paroles attendrirent le musicien qui déposa un bisou sur sa tempe. « Toi aussi t’es géniale ma belle. » Il le pensait vraiment, fortement. Sa cousine était une femme merveilleuse – pourquoi le monde s’acharnait-il à gâcher l’existence d’une telle personne ?

Soudain, Casey se leva, adressant un petit sourire malicieux à la blonde. Il revint quelques minutes plus tard, se rassit auprès d’elle en tailleur et sortit sa guitare. Pendant son mariage, il en avait à peine joué alors qu’il ne faisait que ça plus jeune. Il n’était même pas sûr que Lee sache qu’il était guitariste. Mais ces derniers mois, il s’y était remis plus que jamais, notamment aux USA et en Inde. Il regarda sa cousine et lui demanda : « Tu sais chanter toi je crois, non ? », le regard pétillant, exerçant déjà quelques accords. La musique, le réconfort des âmes, regain de vitalité.

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L'idée de partir en voyage avec son cousin l'enchantait tellement qu'elle parvenait à sourire pour de vrai, sans se forcer. L'Italie. Elle n'y avait jamais mis les pieds mais Casey lui en avait parlé plein de fois et elle avait envie d'y aller. En fait, elle avait envie d'aller partout ; de parcourir le monde, de voyager dans tous les pays possibles, de s'éloigner de Bowen quelques temps pour pouvoir respirer.

« On va où tu veux. Je te fais confiance ! », fit-elle après un moment de réflexion pour savoir si elle préférait la mer ou la montagne, les villes tranquilles ou celles plus festives. Cela lui était égal, elle voulait juste partir. « Tu veux qu'on parte quand ? » Pressée, elle ? Juste un peu.

Elle était reconnaissante d'avoir quelqu'un comme Casey à ses côtés. Ce grand frère protecteur, qui répondait toujours présent pour l'épauler, l'écouter et lui remonter le moral. Leur relation était assez extraordinaire, si l'on partait du fait qu'ils avaient passé une grande partie de leur vie loin l'un de l'autre, sans se connaître. Les familles et leurs problèmes... Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, Casey se leva soudainement en lui adressant un sourire malicieux qui ne laissait rien présager de bon. Elle l'attendit avec appréhension et le vit revenir quelques minutes plus tard avec une guitare dans les mains. Maybelle lui adressa un sourire aussi espiègle que le sien. Elle n'avait pas l'impression de chanter particulièrement bien mais c'était Casey, elle osait tout avec lui. Lui casser les oreilles en massacrant une chanson ne lui faisait par peur. C'était plutôt pour Casey qu'il fallait s'en faire !

« Dis donc, tu me sors le grand jeu ! », plaisanta-t-elle avant de lui sourire. Elle avait toujours rêvé de jouer de la guitare. Elle était admirative devant les musiciens et aurait aimé pouvoir maîtriser un instrument. Hormis les cours de piano auxquels ses parents l'avaient inscrite (et qui avaient été un véritable fiasco), elle n'avait jamais approché de près ou de loin le monde de la musique. « J'aime pas spécialement chanter devant les gens mais je peux bien faire une exception pour toi, va... » Elle s'installa confortablement avant de lui sourire. « Alors, on chante quoi ? », fit-elle avant de faire semblant de s'échauffer la voix comme une véritable professionnelle. Elle était redevenue la Maybelle joyeuse et pétillante qu'elle avait toujours été - les lueurs de joie dans ses yeux étaient juste moins vives. La présence de Casey lui faisait beaucoup de bien. Il était magique.

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Dès que Maybelle lui dit qu’elle lui laissait le choix, Casey se mit à réfléchir. Il fallait un endroit animé, mais aussi chaleureux, pas immense comme Rome mais plus grand que Bowen. Désolé, il ne comptait pas emmener sa cousine à Venise. Et puis, il n’aimait pas Venise. Vérone ? Non, la ville de Roméo et Juliette ne serait pas non plus leur destination. Naples ? Naples c’était trop gris. Quoique, il y avait la mer, de belles avenues, des pavés et… Et c’était vraiment une ville du Sud. Mouais. Pourquoi pas Milan ? Mais à Milan il n’y avait pas la mer. Il avait envie de la mer. Sauf que c’était joli et clair, Milan – même si très grand. Il ne connaissait pas très bien cette ville. Ce pouvait être drôle de s’y perdre avec sa cousine ! Ou Bologne ? Ou Sorrento, il y avait la mer à Sorrento. À Pompéï ! Et après en trois heures ils pouvaient rejoindre Sorrento ! Les idées fourmillaient dans la tête de Casey et il était incapable de choisir.

« Écoute… Je te propose… Milan, Bologne, Sorrento, Naples, Pompéi, Turin… Choisis celle qui t’inspire le plus ! Ou… On tire à pile ou face ? Sinon, on peut prendre une carte d’Italie, tu mets ton doigt dessus, et là où il tombe on y va ! » lui dit-il, enthousiasmé à l’idée de partir en voyage avec May’. « On part… La semaine prochaine ? » répondit-il, aussi pressé qu’elle, souriant.
Il était content : Maybelle semblait vraiment joyeuse avec cette idée ! Elle avait enfin retrouvé un sourire vrai !

Revenant avec sa guitare, il s’assit près d’elle. « C’est que je me mets à ta hauteur ! » dit-il en la regardant droit dans les yeux puis éclatant de rire. « J’espère bien que tu fais une exception pour moi, oh ! Je suis persuadé que tu chantes bien en plus, tu as déjà une jolie voix au naturel. » lui assura-t-il. Il réfléchit ensuite… Qu’est-ce qu’ils allaient pouvoir chanter ? Il avait apporté sa guitare sans trop y penser. Esquissant quelques accordes sur sa guitare pour trouver une mélodie, il se rappela alors d’une chanson que sa sœur écoutait souvent et qu’ils jouaient ensemble quand elle venait en vacances à la maison… Il trouva qu’elle pouvait plutôt bien correspondre à Maybelle, autant musicalement que pour les paroles, d’une certaine façon. Il transforma les accords, esquissant doucement la mélodie de la chanson. « Cannonball de Damien Rice, tu la connais ? » lui demanda-t-il avec un sourire.

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La jeune blonde écouta les propositions de villes de son cousin avec attention. Elle n'était pas très douée en géographie et elle aurait été bien incapable de les placer sur une carte de l'Italie... À part Venise et Rome, elle ne connaissait pas grand chose du pays de son cousin. Bien sûr, Milan, Naples et Pompéi lui disaient quelque chose mais cela n'évoquait guère plus qu'un ancien souvenir d'école. Casey lui proposa finalement de laisser le choix au hasard et elle esquissa un sourire adorable.

« Bonne idée, laissons le hasard décider pour nous ! », déclara-t-elle avec malice. « L'important, c'est qu'on soit ensemble de toute façon. » Elle lui sourit à nouveau pour lui montrer qu'elle était sincère. Elle ne disait pas ça pour faire bien ni pour le flatter. L'idée de partir en voyage en tête-à-tête avec lui l'enchantait. Ils avaient beaucoup de choses en commun et elle le considérait plus comme son grand frère que comme son cousin. Leur lien était vraiment très fort. « La semaine prochaine, c'est parfait ! » Un peu d'imprévu et d'aventure ne lui ferait pas de mal, elle qui avait toujours vécu une vie bien rangée et très très organisée. Sortir de la routine - et de Bowen - lui ferait le plus grand bien. Elle pouvait remercier Casey d'avoir eu une idée aussi géniale.

Puis il accorda sa guitare et lui proposa de chanter pour l'accompagne. Décidément, cette soirée était pleine d'imprévus ! En entendant son choix de chanson, la jeune fille eut un sourire. « Excellent choix ! » Elle appréciait beaucoup Damien Rice et cette chanson tout particulièrement. Elle la trouvait belle, pleine d'émotions. Le genre de titre qui donne des frissons quand on l'écoute. Elle se pinça les lèvres, un peu nerveuse à l'idée de chanter devant son cousin, puis elle inspira un bon coup en l'entendant gratter les premiers accords du morceau. Quand faut y aller... Fermant doucement les yeux pour se concentrer et éviter de voir la réaction de Casey, elle commença à chanter de sa voix étonnamment grave et légèrement cassée par moment. « Still a little bit of your taste in my mouth, still a little bit of you laced with my doubt, still a little hard to say what's going on... » Au fur et à mesure que les notes sortaient de sa bouche, Maybelle se détendait. Comme si la musique avait le pouvoir de l'apaiser, de vide son esprit et de panser ses blessures. S'abandonnant totalement à son interprétation, la jeune femme oublia tout ce qu'il y avait autour. Elle chantait comme si sa vie en dépendait, comme si plus rien d'autre n'avait d'importance. Et cela lui faisait du bien, surtout après la soirée riche en émotions qu'elle venait de passer. Faisant légèrement durer la dernière note, elle rouvrit les yeux et afficha un petit sourire timide. Casey la regardait fixement, la bouche grand ouverte. L'inquiétude de Maybelle revint à grand pas. Elle tira machinalement sur les manches de son pull pour se donner une contenance. « Quoi ? C'était si nul que ça ? » À vrai dire, elle était incapable de juger sa prestation parce qu'elle s'était complètement perdue dans la musique. Elle avait réellement chanté avec son coeur, sans se préoccuper de la justesse ou de la tonalité de sa voix. Mais à en juger l'expression de Casey, c'était une erreur.

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Casey hocha la tête et chercha une carte de l’Italie sur son portable avec Internet. Il demanda à Maybelle de laisser son doigt tomber au hasard eeet… « Turin ! » déclara-t-il en souriant. Au fond lui aussi s’en fichait. Du moment qu’ils passaient une semaine ensemble, à s’amuser tous les deux, loin de Bowen, peu importait l’endroit ! « Woh, vraiment le Nord ! » commenta-t-il. Il lui sourit. « Ça va être super de partir tous les deux. Les cousins en vadrouille pour la première fois ! » s’exclama-t-il, enjoué. « Génial ! On n’a plus qu’à trouver un hôtel et hop on y va ! » déclara-t-il. Il avait hâte, il avait vraiment hâte. La fac ? Il s’absenterait, c’était pas un problème. En revanche… Il allait devoir discutailler avec Lily-Anaëlle… Il espérait qu’elle accepterait de lui donner des jours de congés à cette époque.

Commençant à jouer sur sa guitare, Maybelle se mit alors à chanter. Au début, Casey se dit simplement que sa cousine avait une belle voix. Mais elle continua, elle continua, elle continua… Et Casey, lui, cessa de jouer, restant la regarder, complètement ébahi. Elle avait vraiment une très belle voix, en fait. Vraiment. Il en restait tout ému. Et absolument charmé. La voix de sa cousine le sortit de sa rêverie contemplative et il faillit éclater de rire. Nul ? Nul ? Elle était sérieuse ? Nul ? Le musicien s’esclaffa quelques secondes, sonné par sa question. Nul ! « Non, ohlala non, oh non Maybelle, c’était tout sauf nul ! T’avais jamais chanté devant quelqu’un avant ? Non parce que Maybelle, si toi tu chantes mal, mais alors personne ne sait chanter ! Bon sang, ma vieille… Tu as une voix magnifique ! » s’exclama-t-il en la regardant avec de grands yeux admiratifs.