« Wound » libre

L'arrivée de la clope sur ma bouche me surpris légèrement mais je l'acceptais sans rien dire. Je l'allumais et savourais le goût de la nicotine. Mes pieds marchaient, las de tout, mon cerveau presque en pause. J'étais tout de même fatigué de cette histoire. Diego me jeta un regard et je suivis son intérêt des yeux : un bar. Merdique mais on était dans le trou du cul du mon de toute façon. « Vas y on s'en fou. » Je me dirigeais donc vers l'entrée du bar, de mon pas nonchalant habituel.

L'intérieur de l'établissement était assez chelou mais passons, on s'en foutait royalement. Je m'installais en face de Diego, tout aussi péniblement : j'avais des bonnes douleurs aux cotes et, vu la gueule de l'autre, il ne devait pas être en meilleur état. Sa question me fit sourire. « Bah pas grand chose, même pas une nana qui sort du lot. Et toi ? » Et c'était vrai. Rien de palpitant, c'était assez ennuyeux d'ailleurs.

La réaction du gérant et de Diego me fit marrer, je me permis également de m'allumer une clope, en toute innocence. Qu'est-ce qu'on risquait, au fond ? Sa réponse me fit hausser un sourcil, narquois. « Parce que t'es à fond là-dedans toi ? » Je connaissais les mecs de son espèce, de la mienne aussi d'ailleurs. On était largement similaires. Et cette réponse voulait dire qu'il y avait anguille sous roche, mais qu'il voulait pas trop en dire. Sauf que je suis une commère et que j'adoooore les histoires !

Satisfait, j'écoutais Diego me raconter sa vie. Quand je disais que je pouvais faire parler un arbre, je mentais pas... Je fus néanmoins surpris de l'histoire, premièrement parce que ça m'étonnait que ça lui arrive et deuxièmement par la dureté de la chose. Je savais bien qu'il ne me disait pas le fond de ses sentiments, mais ça avait du être très vivement blessant pour lui. Mais je passais rapidement au-dessus de ça, de toute façon je n'allais pas m’apitoyer sur son sort et il n'aurait pas apprécié non plus. « Mais mec je te laisse plus jamais tout seul il t'arrive des trucs chelous ! » J'hallucinais autant intérieurement qu'extérieurement. Non je ne comprenais pas qu'il arrive à se trouver une nana comme ça et que ce soit l'amour de sa vie. Il ne me le disait pas mais, au fond, il devait en être bien amoureux. Mais comme c'était un gros con il ne le dirait jamais, bien entendu. Heureusement d'ailleurs, sinon il s'en serait pris plein la gueule. « Et au final tu l'as laissé se barrer avec l'autre tapette ? » Ça non plus ça n'avait pas de sens. En tant que prédateur on ne partage pas les proies, surtout celles qui valent cher. Alors pourquoi il laissait l'histoire ainsi, comme si il avait laisser la nana repartir alors qu'il ne le souhaitait pas le moins du monde ?

Je suivais chacune de ses réactions avec intérêt tout particulier, me délectant de ce moment. Oh ça oui il est fou amoureux, il avait trouvé qu'un truc pour se planquer de ça c'était le mioche. « T'es con. » Ni lui ni moi on avait envie d'un gamin c'est clair, mais la nana passait avant non ? Et puis elle pouvait toujours le faire adopter. Enfin je ne pouvais pas le pousser à quoi que ce soit alors je me contentais de lui lancer un regard espiègle. « J'te vois carrément bien avec une poussette moi ! » Même si non, pas du tout, je ne pouvais imaginer Diego faisant le papa. Quoi que ça lui irait bien physiquement mais mentalement il était beaucoup trop paumé et immature pour élever ne serait-ce qu'un cactus. Comme moi d'ailleurs.

J'haussais un sourcil, légèrement songeur. J'appréciais le fait qu'il me raconte la fin de sa version de l'histoire. Un vrai pote j'vous dis ! Je lui souris, un peu tristement. « Mais c'est pas en lui faisant des crises que tu vas la garder... » Il savait que j'avais raison, après c'était plus facile à dire qu'à faire. De toute façon on se ressemblait, on était pareil alors je le comprenais totalement. J'aurai probablement réagit pareil à sa place, ça aurait peut-être été pire ou moins pire. J'en savais rien je n'avais jamais été concerné par cette situation, heureusement d'ailleurs. « Faudrait faire disparaître son mec ce serait plus simple. » Et c'est vrai que c'était la seule solution pour lui.

J'eus un sourire à sa réplique. « Faut pas que penser, faut agir des fois. » Mais maintenant c'était un peu tard. Le connaissant il devait faire le con depuis plusieurs semaines. Bien entendu tonton Swann n'était dans la confidence que maintenant, ce qui était totalement inadmissible ! Le père du gosse. Je fronçais les sourcils, je n'avais pas pensé à ça. « Ah ouais ben t'es vraiment dans la merde alors... » Je lui accordais un sourire triste : oui, c'était dommage pour lui. Mais bon des filles y'en avait d'autre, il allait bien finir par trouver celle qui lui conviendrait vraiment.