my brother from another mother. (casey)

« SURPRISE ! » La voix étonnamment aiguë et enjouée de Maybelle résonna dans le couloir de la résidence. Elle était vêtue d'un pyjama rempli de nounours, de chaussons en forme de chat et ses cheveux étaient noués dans un chignon dépareillé sur le dessus de sa tête, comme si elle s'était précipitée chez lui directement après être sortie du lit. Elle se fichait pas mal du regard ahuri que lui lança le voisin de palier de son cousin, qui attendait patiemment l'ascenseur. Tout ce qui comptait, c'était Casey. Casey qui lui avait appris quelques heures plus tôt, au hasard d'une conversation téléphonique tout ce qu'il y a de plus banale, qu'il avait rompu avec l'amour de sa vie. Maybelle n'avait pas hésité une seule seconde à se rendre chez lui. Le plan ? S'incruster pour qu'ils passent une soirée en tête-à-tête. Elle voulait lui montrer qu'elle était là pour lui comme il avait été là pour elle. Hors de question de le laisser seul à broyer du noir. « Je m'invite à dormir chez toi. Et tu n'as pas le droit de refuser. En plus, j'ai ramené de tas de films. Et du chocolat. » Elle entra à l'intérieur sans lui laisser le temps de répondre puis elle le regarda d'un air sincèrement concerné. Elle ignorait pourquoi le sort s'acharnait sur eux. Casey était aussi malchanceux qu'elle et il ne le méritait. C'était le genre de mec parfait que toutes les filles rêveraient d'avoir. Pourquoi fallait-il qu'il soit tombé sur une idiote qui ne l'appréciait pas à sa juste valeur ? « Je suis désolée, cousin. » Elle le prit dans ses bras et le serra très fort, de la même manière qu'une gamine serrait son ours en peluche préféré dans ses bras. Une accolade franche et réconfortante sans pour autant être étouffante. Elle se fichait bien de ses propres problèmes. Elle avait toujours accordé plus de crédit à ceux des autres, en particulier à ceux des gens qu'elle aimait. Casey était comme son frère. Elle détestait le voir souffrir - et encore plus être impuissante face à cette douleur qui marquait son visage. Elle déposa finalement un baiser sur sa joue avant de lui sourire.  « Une soirée pyjama, ça te dit ? Va te changer, je m'occupe de tout. »

Cette soirée pyjama avait été un franc succès. Ils avaient mangé des tas de sucreries, regardé des films qui mettaient de bonne humeur et Maybelle avait même laissé Casey lui vernir les ongles - ce qui n'avait pas été une réussite mais au moins, ils avaient ri de bon cœur. Ils n'avaient pas parlé de leurs problèmes respectifs mais Maybelle savait qu'il faudrait le faire tôt ou tard. La priorité était de lui remonter le moral mais il faudrait qu'il parler, qu'il s'exprime, qu'il dise ce qu'il ressentait. Cela faisait maintenant plus d'une demi-heure que la jeune blonde était allongée à côté de son cousin, les yeux fixés sur le plafond. Dans la pénombre, elle ne distinguait pas bien le visage de Casey mais elle savait qu'il ne dormait pas non plus. Dans l'état où ils étaient, trouver le sommeil était pratiquement impossible. « Tu dors ? », chuchota-t-elle par simple précaution avant de soupirer et de s'installer en tailleur sur le lit. « Casey... Tu crois pas que tu devrais me parler de tout ça, pour te sentir mieux ? »

Quand il avait ouvert la porte, il avait trouvé Maybelle. En pyjama. Avec une peluche. Là. Sur le pallier. Il aurait éclaté de rire si son état n’avait pas été si déplorable – il passait ses heures à tourner en rond et taper contre les murs, si bien que ses poings avaient fini par saigner et qu’il avait mis des mitaines pour masquer ça. Et amortir les futurs autres chocs. Son état ne lui permettait pas de rire franchement. Mais son visage s’était déformé en un sourire. Elle était entrée et son étreinte l’avait réconforté comme aucune autre. Il avait le cœur lourd, mais la joie et l’énergie déployées par Maybelle avaient eu raison de ses peines et Casey était parvenu à sourire et rire au contact de l’adorable blonde. Il savait qu’elle était aussi mal, sinon plus, que lui et pourtant elle venait là avec son grand sourire et ses idées, cherchant à le distraire. Maybelle Goodwin. Elle était formidable, sa cousine. Et elle l’avait laissé lui vernir les ongles, exercice qu’il n’avait pas vraiment réussi par ailleurs. Plusieurs films et paquets de bonbons et chocolats vidés, Casey et May étaient allongés dans le noir. Ils avaient décidé d’aller dormir quelques minutes plus tôt, mais le brun fixait le plafond, serrant ses poings, essayant de chasser toutes les images d’Emily qui lui venaient. À ce moment, la voix de Maybelle le tira de ses rêveries – qui étaient plutôt de type cauchemardesque. Il se redressa dans le lit, s’appuyant contre le mur. Regardant sa cousine, il hocha la tête en silence et inspira.

« J’étais tellement heureux tu sais. Qu’on soit ensemble. Parce que j’me disais… » essaya-t-il de débrouiller tout ne se mettant pas à pleurer. Mais si jamais il pleurait, il savait qu’il s’en fichait. Avec Maybelle il n’avait pas honte. Peut-être même moins qu’avec Lee, car il n’avait pas la pression qu’il se mettait avec Emily. Emily, il voulait qu’elle l’aime, il voulait être à sa hauteur. Mais il savait que Maybelle l’acceptait pleinement. « Je me disais que cette fois, c’était la bonne. Je sais que je n’aurai pas refait les mêmes erreurs. Et Lee semblait vraiment m’aimer. Alors on avait juste à ne plus tenir compte de tout l’enfer que je lui ai fait vivre, on pouvait recommencer, on pouvait s’aimer pour de vrai. J’aurais pris soin d’elle cette fois. Je le sais, j’en suis certain, c’est la seule chose dont je sois encore certain maintenant. » Il s’arrêta, ferma les yeux. Serrant ses poings qu’il avait trop meurtris. « Et puis… Et puis ce type a débarque dans le bar ! » termina-t-il en frappant l’air de sa main, la gorge nouée.

Maybelle soupira doucement, sentant son coeur se compressé inévitablement face à le détresse de Casey. « Caz... » Sans rien ajouter de plus, elle chercha son épaule et y posa délicatement sa tête, pour lui montrer qu'elle était là et qu'elle l'écoutait avec toute l'attention du monde. « On s'en fout de ce type, tu sais. Dans le fond, ça n'a aucune importance. » Elle marqua une pause, à la recherche des bons mots. Ceux qui pourraient réconforter son cousin et lui redonner espoir en sa relation avec Emily. « N'abandonnes pas. Il faut que tu te battes. Que tu te battes pour elle. Tu l'aimes et je sais qu'elle t'aime aussi, peu importe ce qu'elle peut ressentir pour ce Diego. Il faut que tu lui prouves que cette fois, tu n'es pas prêt à la laisser partir. Peut-être que... » Elle hésita une seconde avant de continuer. Elle ne voulait pas le blesser mais elle devait être honnête. « Peut-être qu'elle a juste besoin que tu la rassures. Peut-être qu'elle veut fuir parce qu'elle a peur que tout recommence comme avant et que ce mec n'est qu'une excuse pour s'éloigner de toi. Peut-être qu'elle a juste besoin que tu lui rappelles à quel point elle est dingue de toi. Et que tu lui montres que tu l'aimes, que tu l'aimes vraiment. Je suis sûre qu'elle doute, c'est tout. Faut que tu la rassures et tout ira bien. » Sa tête toujours posée contre l'épaule de son cousin, elle s'arrête de parler quelques secondes avant de reprendre. « S'il te plait, ne laisse pas tomber. L'amour est une des seules choses valables dans ce monde, si tu penses que c'est elle la femme de ta vie, tu ne dois pas abandonner. Elle s'est battue pour toi, elle. Elle a tout fait pour sauver votre mariage. Alors toi aussi, tu dois te battre. Elle t'aime, je sais que tu le sais au fond de toi. Elle a accepté de prendre ton nom, elle a juré de t'aimer et de te chérir jusqu'à ce que la mort vous sépare... Ce ne sont pas des paroles en l'air. » Ou peut-être était-ce elle qui avait une vision très sacrée du mariage. De nos jours, les couples se mariaient et divorçaient comme ils changeaient de chemise. L'union sacrée n'avait plus rien de sacrée... Mais Maybelle, elle, y croyait dur comme fer. On ne se mariait pas avec n'importe qui. Cela voulait forcément dire quelque chose. « Casey, je sais ce que tu penses au fond de toi. Et tu as tort. Tu vaux autant que ce Diego. Tu vaux autant que tous les autres mecs sur cette foutue Terre, peut-être même plus... T'es génial. Et je t'assure que si on n'était pas de la même famille, je serais tombée amoureuse de toi ! », plaisanta-t-elle dans l'espoir de le faire sourire un peu. Elle planta finalement un baiser sur sa joue. « T'es pas le raté que tu penses être. Tu vaux bien plus que ça. Et je crois qu'il est tant que tu le prouves au monde entier. T'as le droit d'être heureux. T'as de le droit de vivre une belle histoire avec Emily. Alors je t'interdis de la laisser te filer entre les doigts aussi facilement, d'accord ? » Son ton n'était pas autoritaire, évidemment. Il était gentil, réconfortant, motivant... Adorable. C'était Maybelle, après tout. Déprimée ou non, elle n'en restait pas moins la jeune femme la plus altruiste de tout Bowen.

Sentir la tête de May sur son épaule lui fit du bien. Il n’était pas totalement seul quand même. Il avait May. Si jamais le monde s’écroulait, il savait qu’il pourrait toujours, toujours, attraper la main de sa cousine. C’était étrange à quel point leur relation était forte, eux qui pendant si longtemps n’avaient pas eu de contact. Mais il sentait vraiment que Maybelle était celle avec qui, à jamais, c’était envers et contre tous. Avant, il aurait peut-être pu penser aussi cela de Lee. Plus maintenant.
Il écouta May. Ses paroles lui redonnaient force. Mais il n’était malgré tout pas optimiste. « Je ne sais pas, May. Je ne suis pas sûr qu’elle ait juste besoin que je la rassure. Je l’ai vue réagir à ce type. Et je t’assure… Jamais, jamais elle n’a été comme ça avec moi. Je ne sais pas ce qu’il lui a fait, mais elle est complètement happée par lui à chaque fois qu’il lui parle, la touche. Elle est paralysée puis répond à chacune de ses intentions. Comme… Tu sais. Comme s’il lui avait jeté un sort et qu’il avait fait de Lee son pantin. Qu’elle n’était plus elle-même. Que son corps réagissait indépendamment d’elle.. » dit-il. « Qu’elle était envoûtée, voilà. Envoutée. Comme les serpents et la mélopée du charmeur de serpents. » Il en frissonnait presque d’évoquer cela. Il revoyait le corps de Lee se tendre inexorablement vers Diego et l’embrasser, tout son squelette tendu vers lui, comme le buvant, s'abbreuvant, pendue à ses lèvres, à ses ordres, à ses désirs, soumise à lui. Il détestait ce Diego et l’emprise malsaine qu’il avait sur Emily. Casey voyait cela d’un très mauvais œil à présent qu’il avait du recul ; il craignait qu’un jour Diego ne se lasse – les passions les plus violentes étaient susceptible de s’éteindre encore plus brutalement qu’elles n’avaient commencées et par définition, les passions étaient des instants, elles n’étaient pas éternelles, elles répondaient à une logique actuelle, à un désir ardent qui s’éveillait dans le moment présent et, trop brûlant en cas de manque, il ne faisait que consumer les âmes. Casey avait peur. Avait peur que Diego ne consume Emily. « Elle a changé tu sais. Entre Maddox et ce Diego, honnêtement, j’ai vraiment l’impression de ne plus être dans ses cordes. Je ne sais pas si aujourd’hui elle se marierait tu vois – encore moins avec moi. Je lui ai fait du mal, en plus. Parce que j’avais peur. Et regarde. Regarde-la maintenant. Tous les types avec qui elle a couché, ce sont des gars qui sont affirmés et qui suscitent la peur. Vraiment, Maybelle. Je ne suis pas sûr de son amour pour moi. » Il s’étonnait de son ton calme. Il parlait posément, avec réflexion. Clarté. Comme s’il analysait presque objectivement les évènements. « Sinon… Sinon je courrais la voir et l’assurer de ô combien je l’aime. Mais je crois que ce ne sera pas aussi simple. » La jeune femme le fit rire, il pencha ses yeux vers sa tête. « Ah, ouais, ça aurait été un bon plan ! Je suis sûr qu’on aurait moins eu d’embrouilles tous les deux ensemble hein ! » plaisanta-t-il avec elle. Sérieusement, avec May, la vie aurait été plus simple. Il passa un bras autour de sa cousina après son bisou sur sa joue – elle était chou sa cousine n’empêche – et il la regarda, se pinçant les lèvres et hochant la tête, lors de ses dernières répliques. « On a du boulot à faire tous les deux là-dessus, hein ? Prendre confiance en nous. Hurler au monde entier qu’on y a notre place et droit au bonheur. Faudrait… Faudrait qu’on se lance des défis pour prendre confiance en nous ! Ou qu’on trouve un moyen de s’encourager. » Il fit une pause, réfléchit. « Bon, déjà, tu sais quoi ? On va jouer aux gros narcissiques. Ou aux gros flatteurs, je sais pas. Et on va chacun s’échanger une qualité, ça marche ma vieille ?! » lui lança-t-il en souriant, le ton plus affirmé que tout à l’heure. « Allez, je commence. » Il réfléchit et lui dit : « Tu as une énorme qualité, c’est d’être très courageuse, de ne pas te laisser abattre, tu vas toujours de l’avant. » C’était vrai, malgré toutes ses épreuves, elle cherchait à avancer. En cachant au monde son mal-être, d’une certaine façon, elle prouvait qu’elle pouvait vivre.

Elle l'écouta lui répondre, souriant un peu. Il semblait sûr que sa chère et tendre Emily ne voulait plus de lui. Maybelle, elle, en doutait fortement. Et elle comptait remotiver son cousin ! Il ne pouvait pas abandonner, ce n'était pas possible. « T'es un grand garçon, tu sais qu'il y a une différence entre l'attirance physique et le véritable amour, pas vrai ? », fit-elle pour le taquiner un peu. « Elle est attirée par ce mec, d'accord. Envoûtée, si tu veux. Mais ça ne veut rien dire. C'est purement physique, tout ça. Parfois, on est attirée par des gens sans savoir pourquoi. Sauf que ce n'est pas de l'amour. C'est juste... sexuel. Une attirance qu'on ne peut pas contrôler mais qui est purement physique, sans rien derrière. » L'écouter parler comme une experte en la matière alors qu'elle n'avait que deux relations sexuelles de toute sa vie était assez drôle. Mais elle pensait cerner le problème. Il n'y avait pas besoin d'avoir couché avec tout Bowe, pour comprendre ce qu'était le désir. « Tu essaies de trouver des excuses pour te débiner, et ça, ce n'est pas possible. Tu ne peux pas rester là, à déprimer, en assurant que tu n'as plus aucune chance sous prétexte qu'elle a couché avec deux mecs qui ne te ressemblent pas... C'est carrément con comme raisonnement. » Elle soupira doucement, se redressant pour pouvoir regarder Casey. « Tu as quelque chose que ces types n'ont pas. Tu as un passé avec elle. Des tas de bons souvenirs, des trucs qui n'appartiennent qu'à vous. Tu dois t'en servir pour essayer de la reconquérir. Des chansons, des films, des endroits, des objets... N'importe quel truc qui pourrait lui rappeler un moment particulier que vous avez vécu tous les deux. Tu dois lui rappeler à quel point vous étiez heureux et à quel point vous vous aimiez. Je ne crois pas qu'on puisse oublier ce genre de sentiments du jour au lendemain... » Elle espérait l'avoir remotivé, lui avoir ouvert les yeux. Elle voulait qu'il comprenne qu'il ne valait pas moins qu'un Maddox ou qu'un Diego. Et qu'il avait encore toutes ses chances avec Emily. S'il le fallait, elle était encore prête à leur donner un coup de pouce. Comme elle l'avait fait au cinéma. Elle croyait en leur histoire, elle refusait de la voir s'éteindre sous ses yeux sans rien faire. « Tu sais quoi ? On va reporter notre voyage en Italie. Le plus important, c'est que tu t'occupes de Lee. »

Il lui proposa ensuite de faire une sorte de jeu pour se redonner mutuellement confiance en soi. Énumérer une qualité de l'autre, chacun son tour ? C'était jouable. Casey avait des tas de qualités ! Il serait en manque d'inspiration avant elle... Elle l'écouta balancer qu'elle était courageuse avec un sourire amusé. Courageuse ? Elle ? N'importe quoi ! « Merci. Mais je crois que tu débloques. Je ne suis pas courageuse. » En quoi l'était-elle ? Sa vie était un champ de ruines et elle passait son temps à vouloir fuir les problèmes plutôt que les affronter. Elle était la plus lâche de tous les lâches du monde, voilà la vérité. « À mon tour. Casey Kennington, tu es la personne la plus adorable que je connaisse. Et par adorable, je veux dire gentille et toujours là pour les autres. » Contrairement à la plupart de ses proches, Casey avait toujours été là pour elle, pour la soutenir, pour l'épauler et la conseiller. Il ne disait jamais non, il restait toujours gentil et était capable de l'écouter sans la juger. C'était une grande qualité.

Il repensa à Maybelle, en pyjama, devant sa porte. Il n’aurait vraiment jamais imaginé passer sa soirée là avec elle – son programme c’était plutôt séries policières, câlins à Sharma, et tablette de chocolat sur tablette de chocolat.  Merci cousine, hein. Merci. Après l’avoir de nouveau écouté, la blonde s’acharna à lui donner des conseils, à le motiver, et Casey fut touché des efforts que faisait Maybelle pour essayer de lui faire voir les choses autrement. « Oui. » dit-il en hochant la tête. « Je vois… Je suis d’accord mais… Mais si Diego n’est vraiment qu’une attirance physique, j’ai l’impression qu’Emily ne s’en rend pas compte. Qu’il lui fait vraiment un lavage de cerveau dès qu’il la touche, tu vois ? Elle est aimantée par lui, absolument aimantée, comment je suis censé briser un tel magnétisme ? » C’était lui le scientifique, il aurait dû savoir, non ? Cela dit, ses questions étaient plutôt rhétoriques. Il n’attendait pas de Maybelle une réponse, elle était déjà formidable à le soutenir ainsi. Il avait dit cela à voix haute mais c’était plus pour lui-même. « Merci, May’. De me faire prendre du recul. » ajouta-t-il en la regardant avec un sourire léger. La suite des paroles de Maybelle arrachèrent un rire à Casey. Elle avait raison, c’était un raisonnement franchement con. « Heureusement que tu es là pour me remettre les idées en place, tu sais ? » lâcha-t-il dans un rire. Rire, ça lui faisait du bien – sans sa cousine, il aurait passé sa soirée à se morfondre. « J’ai peur de lui rappeler notre passé et nos bons moments, en fait. Parce qu’alors elle serait tout à fait en droit de me foutre dans la gueule mon comportement odieux des derniers mois. Et contre ça, à part lui dire et redire que j’ai changé et que plus jamais ça n’arrivera, j’ai pas vraiment d’argument tu vois ? » expliqua-t-il. Il craignait vraiment de rappeler à Emily leur passé et de l’entendre lui dire qu’il avait été trop cruel, qu’il avait eu sa chance mais qu’il l’avait perdue, qu’il aurait dû faire attention à elle quand il était temps. Il savait que c’était vrai, et que si jamais Emily le lui disait… Et bien il n’aurait qu’à fermer sa gueule. Parce qu’elle avait raison. Ou bien entrer dans le rôle du type complètement idiot et désespéré, cet imbécile d’amoureux des films qui court après sa belle en se rendant compte qu’il l’aime terriblement quand il l’a perdue. Est-ce qu’il la récupérait à la fin ? Il ne se souvenait plus. Il fronça les sourcils quand elle dit qu’ils allaient reporter le voyage. « Non, non ! Justement. On part toujours la semaine prochaine, May’. Comme ça, tous les deux, on va s’aérer, penser à autre chose. Et en revenant à Bowen, on aura du recul, on verra les choses différemment et on sera en forme pour s’attaquer à nos problèmes ! » affirma-t-il. Pas question de reporter ce voyage ! Maybelle avait besoin de partir de Bowen, Emily était tranquille peinarde avec son Diego, alors il verrait ça plus tard. Pour l’heure, ce qui importait, c’était que Maybelle prenne un bol d’air frais, s’amuse, soit heureuse et que lui respire un peu autre chose qu’une angoisse sentimentale.
Dès qu’il commença le jeu, Maybelle réfuta ce qu’il avait dit. Casey prit un coussin et l’asséna sur la tête de sa cousine. « Tss, tu commences bien hein ! Je t’interdis de me contredire ! Moi je te trouve courageuse d’avoir enduré tout ce que tu as vécu. Tu ne discutes pas les qualités que je te trouve, non mais oh ! » Puis ce fut elle qui parla. Casey se sentit sourire sous les compliments de la blonde. Il pouvait aisément lui retourner le même compliment, et peut-être même le méritait-elle plus que lui ! « C’est de famille alors ! » commenta-t-il en souriant. Il réfléchit. Maybelle, elle était courageuse et… « Surprenante, tu es surprenante. Je veux dire… Tu fais toujours mille et une choses pour les autres. Tu es très inventive, juste pour mettre de la joie. Regarde ! Tu es venue là en pyjama dans la rue jusqu’à mon apart’ pour me consoler. J’aurais jamais imaginé. Tu as plein d’idées dans la tête. Tu te donnes tellement pour les autres, c’est dingue, j’ai l’impression que ton cerveau s’arrête jamais de chercher quoi faire pour égayer la vie des gens. »

Maybelle écouta les répliques de son cousin sans pouvoir s'empêcher de lever les yeux au ciel. Il était irrécupérable. Adorable, certes, mais irrécupérable. « Casey. Stop ! Si tu n'as que des conneries comme ça à dire, tais-toi. Par pitié ! », dit-elle, un sourire amusé placardé sur les lèvres. Elle soupira doucement avant de tourner la tête vers son cousin pour le fixer dans les yeux. « Il y a peu de chance pour qu'elle te reproche des trucs. Je sais que tu le sais. Je ne le connais pas vraiment mais d'après ce que tu m'as dit sur elle, je pense que si elle avait eu des reproches à te faire, ce serait fait depuis longtemps. Moi, je pense qu'elle serait plutôt contente de se remémorer vos vieux souvenirs. Ça vous rapprocherait. Et même si elle te reprochait des trucs, bien sûr que tu aurais des arguments pour lui répondre ! » Elle marqua une pause simplement pour ménager le suspense, regardant son cousin en souriant de toutes ses dents. « T'es l'homme de sa vie. Et ça, c'est un argument de taille tu ne crois pas ? » Elle prit la main de son cousin dans la sienne et la serra doucement pour lui donner du réconfort. « Je crois qu'elle se voile la face. » Elle afficha une moue pensive, tournant et retournant la situation dans sa tête, essayant de se mettre à la place d'Emily pour comprendre son raisonnement. Elle avait une théorie - qui était peut-être totalement fausse mais qui tenait la route. « Elle flippe. Elle doit avoir peur de te faire confiance à nouveau et c'est normal. T'es un type génial, Casey. Seulement tu lui as fait mal. Et une fille qui a le cœur brisé, ça fait n'importe quoi ! » Elle lui offrit un petit sourire. Elle songeait sérieusement à quitter le café dans lequel elle travaillait pour se lancer dans une carrière de conseillère conjugale. « Ouvre-les yeux. Tu ne penses que ce type, c'est simplement un prétexte qu'elle a trouvé pour s'éloigner de toi parce qu'elle angoissait à l'idée de te laisser une seconde chance ? » C'était tellement évident aux yeux de Maybelle qu'elle se demandait comment Casey avait pu passer à côté. « Elle t'aime mais elle a eu tellement mal quand vous avez divorcé qu'elle préfère se protéger pour éviter de revivre ça. Alors elle s'est laissée séduire par ce beau mec qui passait par là et elle s'est convaincu qu'elle avait des sentiments pour lui pour mettre un terme à votre histoire avant qu'elle n'aille trop loin. C'est la solution de facilité et je la comprends, j'aurais sûrement fait pareil à sa place. Je ne doute pas qu'elle ressente quelque chose pour Diego. Mais je suis sûre que c'est psychologique. Elle se concentre sur lui pour éviter de penser à toi alors qu'au fond, elle sait que tu es le seul qu'il lui faut. Ce mec, c'est rien de plus qu'un leurre. » Fière de son explication, elle fit joyeusement sautiller ses sourcils. « Alors, qu'est-ce que t'en dis ? Ça tient la route, non ? »

La jeune femme fronça les sourcils lorsqu'il la frappa à l'aide d'un coussin. « Hey ! », fit-elle en riant. C'était pour cela qu'elle aimait tant sa relation avec Casey. Tout était simple et naturel avec lui. Elle n'avait pas peur d'être elle-même, elle ne se forçait pas à jouer un rôle. Elle écouta son deuxième compliment en souriant un peu, se forçant à ne rien dire. Elle avait envie de le contredire une nouvelle fois mais elle ne voulait pas se prendre un nouveau coup de coussin. Et puis, elle était touchée de l'entendre dire des choses aussi gentilles à son sujet. Son tour venue, elle fit mine de réfléchir avant de lui sourire. « Tu es plein de ressources. Je crois qu'on peut même dire que tu es audacieux et que tu n'as peur de rien, d'une certaine manière. Tu es surprenant. Toujours là où on ne t'attend pas, toujours prêt à casser ton image et à prouver aux autres que tu n'es pas aussi prévisible qu'ils le pensent. Et je t'admire beaucoup pour ça. C'est une qualité géniale. T'es loin d'être le mec ennuyant que certains croient et je paierais cher pour voir leur tronche quand ils s'en apercevront ! Un jour, tu domineras le monde et ils seront tous à tes pieds », conclut-elle avec un sourire malicieux qui la rendait encore plus adorable.

Alors que Casey noircissait encore le tableau, Maybelle lui intima d’arrêter de dire des idioties de la sorte. Casey se tut et écouta le discours de Maybelle. Discours qui lui plut beaucoup. Elle n’avait peut-être pas tort… Il ne savait pas s’il y croyait parce qu’il avait envie que cette explication soit valable afin d’avoir une chance d’être avec Emily ou s’il y croyait tout simplement parce que c’était réellement plausible, mais la théorie de sa cousine ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd et il y fut très réceptif. « J’en dis… J’en dis que ça tient terriblement bien la route. » répondit-il en hochant la tête avec un sourire. « J’aime bien, j’aime vraiment bien cette idée tu sais ? » ajouta-t-il en haussant un sourcil. « C’est sûrement moins bête que mes conneries, en tout cas. Du moins je l’espère. Et ça a l’air d’être plausible. » confirma-t-il, ses lèvres s’étirant en un sourire, il était trop enchanté par l’idée. « Tu as vraiment un cerveau fantastique cousine, tu sais ça ? » termina-t-il avec un rire. Elle avait réussi non seulement à lui faire passer une soirée agréable mais en plus à lui redonner espoir en lui et Emily ! Heureusement qu’il avait sa cousine. Elle était l’un des rares rayons de soleil restant dans sa vie à présent qu’il était éloigné de Lee. Qui plus est, elle n’était pas au meilleur de sa forme non plus. Pour autant, elle était venue le voir, le soutenir, le consoler. Il la regarda, attendri comme un grand frère face aux prouesses de sa petite sœur. Il déposa un baiser sur son front et lui sourit. Elle était adorable, sa cousine, absolument adorable. Dire qu’elle était encore plus mal que lui, c’était un crève-cœur. Elle ne méritait pas cela. « Et toi, comment vas-tu ? » l’interrogea-t-il, soucieux de savoir si elle se sentait mieux – ou non.

Le compliment suivant de sa cousine lui fit écarquiller les yeux. Il ne se voyait pas du tout comme ça. Plein de ressources. Il avait l’impression qu’il devait faire des efforts terribles au contraire pour se montrer plein de ressources et qu’il ramait à se faire audacieux. Même si à présent il se sentait beaucoup plus audacieux et se savait vif, il avait l’impression de ne pas parvenir à mettre en œuvre dans son quotidien cette nouvelle vivacité. Mais peut-être y arrivait-il sans s’en rendre compte ! Il rendit à sa cousine son sourire, content d’entendre de telles paroles. « C’est pas mal agréable à entendre ça dis donc ! Oh mais évidemment ils seront tous à mes pieds, Batman règnera ! » dit-il en prenant un faux-air de supériorité, contrastant terriblement avec la bouille adorable de la blonde. À son tour hé ! « Tu es d’une générosité presque infinie. Voire infinie en fait. Je ne connais personne d’autre qui soit autant prêt à soutenir les gens et à offrir de son temps aux gens. De son temps et de sa personne. Tu es toujours agréable, adorable, prévenante. Et ça fait tellement de bien d’avoir des gens aussi sympathiques que toi parmi ses proches tu sais ? Ça rassure aussi sur l’humanité. Je suis sérieux. Y’a tellement de gens qui font des trucs horribles, t’en perdrais espoir. Et puis toi tu es là, avec ton grand cœur, tes yeux qui pétillent, tes sourires qui apportent du réconfort… Tu es fantastique ma petite May ! » lui dit-il en passant un bras autour des épaules de la jeune femme, la serrant près de lui.

La petite serveuse était ravie de voir que son raisonnement soulageait son cousin. Elle n'avait pas dit cela pour lui faire plaisir cela dit. Elle était persuadée de ce qu'elle avançait : Emily se voilait la face et son "amour" pour Diego n'était qu'un prétexte qu'elle avait trouvé pour s'éloigner de Casey. Simplement parce qu'elle avait peur de souffrir à nouveau. Elle pouvait très bien comprendre la position d'Emily, à sa place, elle aurait sans doute fait pareil. Même si elle savait pertinemment que Casey aimait bien trop son ex-femme pour risquer de la perdre à nouveau. Quand il affirma qu'elle avait un cerveau fantastique, Maybelle leva les yeux au ciel, un petit sourire aux lèvres. « C'est ça, ouais. N'importe quoi ! » Elle était toujours aussi persuadée qu'elle ne valait rien du tout et au final, les compliments la gênaient plus qu'autre chose. Même lorsqu'il venait de son cousin. Elle se demandait parfois s'il pensait sincèrement ce qu'il disait ou s'il se forçait à la complimenter en espérant que cela l'aiderait à se sentir mieux. Dans les deux cas, l'attention était louable. Et touchante. Mais malheureusement, elle était arrivée à un point de non-retour. Il fallait plus que des flatteries, sincères ou non, pour l'aider à remonter la pente. « Il ne te reste plus qu'à lui ouvrir les yeux et hop, tout rentrera dans l'ordre ! » Elle lui adressa un sourire, croyant réellement en ses chances de se remettre avec Emily. Elle admirait beaucoup leur relation. C'était l'un de ces amours extrêmement fort et indestructible que l'on voyait dans les films. Le genre d'histoire qu'elle ne connaîtrait jamais. Casey lui demanda finalement comment elle allait et elle lui adressa un petit sourire. Ce n'était ni le lieu, ni le moment pour parler d'elle. « Chut. On n'est pas là pour parler de moi. On est là pour te remonter le moral et te faire passer une bonne soirée ! », fit-elle joyeusement. Elle ne voulait pas parler d'elle. Elle ne parlait jamais d'elle. Elle s'oubliait totalement, faisant toujours passer les autres avec elle. Comme si n'importe quel autre être humain avait plus de valeur qu'elle. C'était ce qu'elle pensait, d'ailleurs. Et cela lui convenait très bien.

Le petit jeu des compliments continua. Elle était heureuse de voir son cousin souriant. Il semblait passer une bonne soirée, comme s'il avait oublié ses soucis avec Emily. Elle était contente d'avoir réussi à lui changer les idées, même s'il était évident que ses problèmes n'étaient pas réglés pour autant. Elle écouta son cousin vanter sa générosité hors norme sans rien dire. Elle n'avait pas l'impression d'être "fantastique". Et encore moins de "rassurer sur l'humanité". Elle était gentille et agréable, oui. Mais pour elle, c'était normal. Elle n'aimait pas se montrer sous un mauvais jour. Pas même en ce moment, alors qu'elle était au plus mal. Elle continuait à sourire, à se montrer prévenante et agréable en toutes circonstances... À cacher son mal être sous des sourires tellement persuasifs que les gens n'y voyaient que du feu. Elle n'avait pas à faire payer ses malheurs aux autres. Ils n'y étaient pour rien, après tout ! Casey finit par la serrer contre lui et elle lui adressa un fin sourire. Elle n'avait plus envie de jouer à ça. Elle aurait pu énumérer les qualités de son merveilleux cousin jusqu'au bout de la nuit mais l'entendre dire de telles choses sur elle la mettait mal à l'aise. Si elle était aussi géniale qu'il le disait, pourquoi tout le monde lui tournait-il le dos ? « Tu as vu l'heure ? On ferait mieux de dormir, t'as cours demain ! » Elle avait pris un air de maman poule sans le vouloir mais au final, cela lui allait plutôt bien. C'était une mère pour tout le monde, au final. Elle passait son temps à couver ses amis, à faire attention à eux, à s'inquiéter pour tout et rien... C'était plus fort qu'elle. Elle voulait simplement que tout le monde se sente bien et heureux. Au détriment de son propre bonheur certainement, mais cela n'avait aucune importance. « Bonne nuit, cousin. Fais de beaux rêves. » Elle lui adressa un sourire adorable avant de déposer un baiser sur sa joue puis de s'allonger convenablement à ses côtés. Elle savait qu'elle ne risquait pas de trouver le sommeil avant longtemps mais elle n'avait plus envie de parler.