feel alone ~ julian

Il était encore tôt, mais Julian était déjà debout. Pour cause, Shadow, son golden retriever, avait encore décidé de faire des siennes. Chaussures, rideaux, pieds de meuble, tout était bon à mordiller. Heureusement, les affaires de Maybelle était épargnées, pour le moment du moins. C'était bien la première fois qu'il lui faisait cela et Julian connaissait parfaitement la raison. Son chien lui en voulait probablement de l'avoir laissé près d'un mois et demi, le temps que le beau blond se rétablisse dans sa maison de repos à l'autre bout du monde. Cela avait coûté à Julian qui n'aimait pas se séparer de son animal, mais cette fois-ci, il n'avait pas eu le choix. Et cela, Shadow le lui faisait bien payer. Après s'être rapidement préparé, le jeune homme appela son chien pour leur promenade matinale habituelle. S'appuyant sur sa béquille, il avança doucement, l'animal trottinant joyeusement et sagement à ses côtés. Un ange le jour, un diable la nuit ! Quand ils arrivèrent au centre-ville, ils passèrent devant la petite animalerie que Julian côtoyait très souvent. Animalerie déjà ouverte, par ailleurs. Voilà qui tombait à pic ! Il poussa la porte et ordonna à Shadow de rester à l'entrée. Au moins un ordre qu'il respectait. Le jeune homme s'avança dans les rayons avant de tomber nez-à-nez avec une jolie brune. Surpris, il regarda autour de lui avant de poser ses yeux verts sur la jeune demoiselle. La nouvelle vendeuse ? Probablement.

Oh... bonjour !

Julian l'observa un bref instant, un léger sourire aux lèvres. Il ne l'avait jamais vu dans Bowen. Et pourtant, le jeune homme connaissait énormément de monde.

Excusez-moi de vous déranger, j'aurai besoin d'un renseignement. Je voulais savoir si, par hasard, vous n'auriez pas une quelconque solution miracle pour que mon abruti de chien cesse de tout détruire dans mon appartement ? Il est intenable depuis quelques jours.

Julian fit un léger signe de tête en direction de l'entrée afin de montrer la "bête". Bien sûr, quand il disait "abruti de chien", c'était tout de même affectueux. Le jeune homme adorait son chien et cela, personne ne pouvait le contester.

Apparemment, Julian n'avait pas fait assez de bruit en entrant dans le magasin. Lui qui ne passait jamais inaperçu à l'origine ! En voyant la jeune femme sursauter et porter la main à sa poitrine comme s'il lui avait fait une peur bleue, il lui lança un sourire qui montrait clairement qu'il était désolé. Alors qu'elle s'excusa de ne pas l'avoir entendu entrer, il répliqua directement :

Et excusez-moi de vous avoir fait peur !

Il s'en voulait, bien évidemment, mais maintenant qu'il avait la jeune femme face à lui, il enchaîna sur son problème. Alors qu'il parlait, les beaux yeux verts du jeune homme restèrent plantés sur la demoiselle. Il soutenait le regard, comme à son habitude. Elle le fixait, il la fixait, tout simplement. Le jeune homme avait une telle assurance et un tel charisme qui faisaient qu'il détournait très peu le regard face aux gens. Et puis, c'était tellement plus agréable de se plonger dans le regard de son interlocuteur. Pour lui, un tel acte, c'était s'intéresser à l'autre et faire preuve de respect. Quand la jeune femme lui annonça qu'elle avait probablement quelque chose qui répondrait à ses attentes, posant alors ses mains sur son bras, Julian ne fut pas choqué par son geste. Le blond était plutôt tactile dans son genre, même si, dans son cas, on voyait cela comme des tentatives de drague. C'était sa réputation de coureurs de jupons qui voulait cela, alors que souvent, c'était bien plus pur, plus innocent. Comme cette jeune femme. Julian avait bien compris qu'elle ne l'aguichait pas. Il esquissa un sourire et répondit alors :

Je ne bouge pas d'ici, alors ! Merci.

Il n'attendit pas longtemps. La demoiselle le rejoignit rapidement, deux articles en mains. Alors qu'elle lui présentait les produits, le jeune homme observa les articles, tout en préservant le contact visuel entre eux deux. Il hocha la tête et parut songeur un bref instant, avant de répondre :

Vous savez quoi ? Je vais vous prendre les deux produits. Mon chien est plutôt... borné. Comme ça, j'assure les arrières.

Il prit délicatement les produits des mains de la jeune femme, dans une bonne intention, et se dirigea vers la caisse. Posant les produits sur le comptoir, il se tourna ensuite vers la jeune femme qu'il observa un bref instant, avant de lancer :

Vous êtes nouvelle dans le coin, non ?

La jeune femme soutenait son regard et c'était bien appréciable. C'était étrange. Ils n'étaient pas dans l'optique de charmer l'autre. C'était plutôt de la curiosité. Elle l'intriguait. Son regard était à la fois si doux, si joyeux. Elle devait être le genre de fille à croquer la vie à pleine dents, qui vous mettait facilement à l'aise. Le jeune homme avait, inconsciemment, besoin de côtoyer de telles personnes, lui qui sortait peu à peu d'une longue période obscure. Quand elle parla de caractère, aussi bien pour son chien que pour le jeune homme, un rire s'échappa des lèvres du beau blond. Il haussa les épaules et répondit simplement :

On va dire que, sur ce point-là, on se ressemble, oui.

Elle ne s'était pas trompée. Après tout, Julian n'avait pas à le cacher. Il avait un mauvais caractère et l'assumait pleinement. Il la suivit jusqu'à la caisse, d'un pas rapide. Mais quand la demoiselle ralentit le pas, il marcha plus lentement et porta son regard sur elle, interrogateur. Que lui arrivait-il ? Il la vit prendre une grande respiration et reprendre son chemin, comme si de rien n'était. Julian fronça légèrement les sourcils, se retenant de lui demander si ça allait. Mais ce n'était pas pour autant qu'il ne gardait pas un oeil sur elle. Il était pourtant loin de s'imaginer que cette jeune femme était, en réalité, bien malade. Quand ils furent près de la caisse, le jeune homme en profita pour lancer la discussion. C'était dans son genre. Il aimait parler avec les gens, s'intéresser à eux, à leurs vies. Julian, c'était peu la commère du quartier ! Alors qu'elle confirma ce qu'il pensait, le blond esquissa un sourire, hochant la tête à la question qu'elle venait de lui poser :

Exactement, ça fait plus de vingt ans que je suis ici. Et comme ce n'est pas une très grande ville, on reconnaît vite les nouvelles têtes. Enfin, je vous souhaite la bienvenue ici. Alors, comment trouvez-vous Bowen ?

C'était bateau comme question, mais c'était bien la première des choses à demander à une nouvelle arrivante, non ?

Plus il observait cette jeune fille et plus Julian se sentait à l'aise. Elle débordait d'optimisme et de joie de vivre. Son visage rayonnait et son sourire était communicateur. C'était une boule d'énergie qui ralliait tout le monde à sa cause. Son entourage devait énormément l'apprécier. Alors qu'il lui demanda comment elle trouvait Bowen, Julian fut frappé par l'engouement de la jeune femme. Il ne partageait pas forcément son point de vue, même s'il fallait avouer que sa vie à Bowen s'était grandement améliorée depuis quelques semaines.

ça fait plaisir de voir des personnes aussi enjouées dans le coin.

Et lui non plus ne mentait pas quand il disait cela. Quand elle lui annonça le prix, il lui tendit de quoi payer, remit son portefeuille dans la poche arrière de son jean et prit les articles en main. Il la suivit alors du regard quand elle se planta face à lui. Un sourire se dessina de nouveau sur ses lèvres à ses paroles.

Je ne suis probablement pas le seul, ni même le meilleur, mais oui, je pense être capable d'être un bon guide. - D'un signe de tête, il montra l'extérieur - D'ailleurs, là, il fait beau, il fait chaud, ce serait bête de rester enfermée dans le magasin. Sans compter qu'il y a un petit bar sympa à deux pas d'ici, où ils font des cocktails d'enfer. Si tu veux, je t'y amène.

Il la regarda, grand sourire aux lèvres. Il comprendrait qu'elle dise non, après tout, elle ne le connaissait ni d'Eve, ni d'Adam. Mais en posant son regard sur lui, on voyait ce grand blond enjoué, qui mourrait d'envie de lui montrer tous les supers coins de la ville. Tout en innocence. Avant même d'avoir sa réponse, il ajouta :

Au fait, je m'appelle Julian.

Faire les présentations, c'était déjà un bon début, non ? Il lui lança un regard, attendant qu'elle fasse de même. Il ne faisait jamais les choses dans l'ordre. Il invitait la jeune femme à boire un verre et ensuite, il se présentait. Du Julian tout craché.

Alors qu'il venait tout simplement de lui proposer de boire un verre, Julian fut amusé par la réaction de la jeune femme. Certes, il savait déjà qu'elle était de nature enjouée, mais à ce point-là, c'était encore plus étonnant. Et agréable. Le jeune homme savait apprécier ces comportements. Il avait passé une période si sombre, il y avait encore peu de temps, qu'il apprenait peu à peu à reprendre goût à la vie. C'était une renaissance, une nouvelle opportunité de voir la vie comme elle se doit d'être vue. La vie dans toute sa simplicité, bien loin des tracas de gamin pourri gâté qui avaient peu à peu empoisonné son existence. Cette jeune femme, elle, semblait déjà croquer la vie à pleine dent et cela restait beau à voir. La suivant des yeux, il l'observa en silence ranger deux-trois papiers, sourire aux lèvres. Et quand elle le rejoignit, clés en main, le jeune homme en profita pour se présenter. S'ils devaient boire un verre ensembles, autant connaître les prénoms de l'un et de l'autre. Mais en la voyant se stopper net et le fixer, comme perdue dans ses pensées, Julian se demanda s'il n'avait pas fait une bourde. Oui, il fallait avouer qu'il n'était pas habitué à une telle réaction quand il donnait son prénom. Il regarda la jeune femme, toujours son grand sourire sur les lèvres, attendant une quelconque réponse de sa part. Leïla. Elle s'appelait Leïla. Joli prénom.

Eh bien, enchanté Leïla.

Au moins, les présentations étaient faites dans les bonnes et dues formes. Julian apprenait peu à peu à s'intéresser aux autres personnes que lui-même. Il s'était rendu compte que le monde ne tournait pas qu'autour de son nombril, et pour tout dire, apprendre à connaître sincèrement les gens qui l'entourait était appréciable. Un vrai changement s'était opéré en lui et il ne le regrettait pas. Retrouvant Shadow devant le magasin, ce dernier aboya joyeusement comme s'il n'avait pas vu Julian depuis deux jours. Le Callaway caressa son chien et regarda Leïla faire de même, ce qui lui arracha un nouveau sourire. Une fois qu'elle ferma le magasin, Julian lui adressa un signe de tête afin de lui montrer la direction à suivre. Quand elle le prit par le bras, ce dernier ne tenta même pas de s'en départir. Ils ne faisaient rien de mal et Julian savait parfaitement que c'était de la spontanéité. Il était pareil sur ce point-là. Même si bien souvent, ses gestes étaient mal compris ou vu d'un mauvais oeil. Se mettant en marche, il émit un léger sifflement pour que Shadow le rejoigne puis se tourna vers la demoiselle.

Dans ce cas, allons-y ! Dans cinq minutes, nous y serons.

Dit-il d'un ton enjoué. Alors qu'il se mit en marche, son chien trottinant joyeusement à ses côtés, Julian posa ses yeux verts sur Leïla. Il était toujours dans l'optique d'en apprendre plus sur elle. Elle l'intriguait, même s'il ne savait pas encore pourquoi.

Et du coup, avant de venir à Bowen, tu étais dans quel coin ?