blue jeans #1 (malorys)

tu as garé ta voiture, près d’ici, tu as débarqué il y a quelques mois, et il y a bien des lieux que tu ne connais pas assez, alors, tu te perds, c’est amusant de se perdre, dans des petites rues, c’est amusant de découvrir. toi t’as ce besoin de découverte, besoin constant de sentir des nouvelles odeurs, voir de nouveaux paysages. tu regardes autour de toi, d’accord, là par contre tu t’es vraiment paumée, où sont les gens ? on dirait presque la ville s’est vidée. la nuit va presque tombée, si seulement il y avait quelqu’un qui pourrait t’indiquer ton chemin, retrouvé ta voiture, surtout oui, c’est presque ça qui compte le plus pour toi. c’est ta douce, ta beauté, ton trésor, sans elle t’es foutue, oui foutue, clairement foutue ; tu te vois débarquer à tes courses à pieds ? mais non ridicule, voir même complètement impensable, tu serais la risée de tous, clairement, on te prendrai pas au sérieux, pas le moins du monde. une silhouette un peu plus loin, tu cours vers cette ombre, comme si le risque qu’il disparaisse d’un claquement de doigt était possible, mais non c’est impossible. tu le regardes, cette allure tu la connais, de dos c’est assez compliqué, mais oui tu la connais ; t’es à quelques pas de lui, tu le reconnais oui, tu sais pas si tu dois y aller ou pas. d’un côté, il t’indiquera ton chemin, de l’autre.. de l’autre … bah c’est tout simplement malo. tant pis. ou tant mieux. « malo … excuse moi, j’t’embêterais pas longtemps. j’ai garé ma caisse quelque part mais je ne sais pas où… tu pourrais m’aider ? j’suis perdue dans ces rues, impossible de retrouver ma route » dis-tu les yeux rivés sur le bitume, incapable de le regarder, lui.

Tu sens son regard sur ton corps frêle, ton cœur brûle dans ta poitrine, il a fallu que ça tombe sur lui. ton cœur, il tape, fort, très fort, t’essayes de le contrôler mais c’est impossible, t’as peur que malo l’entende, entende ce gémissement intérieur, le choc répété de ton cœur contre ta poitrine, tu as la sensation qu’on entend que ça, à des kilomètres à la ronde. ton mal-être, ta gène, tu ne trouves même pas les mots pour définir l’état dans lequel tu te trouves. tu ne peux pas lui en vouloir, malgré tout ce qu’il a pu te faire ; il serait même impossible de te convaincre du fait que c’est quelqu’un de mauvais ; pas après tout ce qu’il s’est passé entre vous. un sourire se dessine sur tes lèvres lorsqu’il te propose de la chercher avec toi, c’est pas ce que t’attendais, mais au fond peut-être que si, inconsciemment tu voulais qu’il passe un peu de temps avec toi. T’as la douce envie de sentir ta petite main dans la sienne, il faut que tu arrêtes, tu te fais du mal, tellement de mal, ton cœur s’est déchiré dès le moment où il s’est barré, alors il faut que tu te protèges « merci.. » dans un souffle presque inaudible. tes pas accompagnent les siens, tu ne dis mot, tu n’oses pas briser le silence.

le silence est pesant, tellement, tellement pesant. et forcément, tu réfléchis, c’est inévitable dans ce genre de situation. c’est pas un mec lambda sur qui t’es tombé, et c’est bien ça le problème ; les souvenirs ça amène toujours à des problèmes et là ce n’est pas n’importe quel souvenir face au quel tu es. t’aimerais bien briser ce silence, t’aimerais bien voir ta voiture, là, maintenant, tout de suite et t’enfuir. comme si il avait lu dans tes pensées le voilà qu’il le brise ce silence, bien joué malo. « une audi cabriolet, elle est noire » dis-tu en balayant les alentours du regard ; tu commences à désespérer, faut dire que ces petites rues se ressemble toutes et au moins, tu ne penses plus, ton cerveau est totalement envahi par ta voiture, tu fais en sorte de ne laisser de la place à rien d’autre et surtout pas au beau blond qui marche à tes côtés.

Faut que tu la retrouves, vite, cette sensation de devoir être avec lui sans pouvoir lui témoigner le moindre signe et tout bonnement insoutenable. s’il te plait, laisse moi, je ne veux plus avoir mal. pourtant tu le sais, t’es heureuse quand t’es avec lui, tu te sens vivante, tes poumons ne brûlent plus à chaque inspiration. Sans lui la vie perd son sens, il ne te reste plus que ta caisse. Il ne te restait plus que ta caisse, tu perds tout. Peut-être qu’il est temps de te remettre en question. Tu lèves les yeux vers lui, oh si tu savais à quel point j’aimerais que tu me prennes dans tes bras, une toute dernière fois. ton cœur s’emballe quand il te propose de te ramener. Tu n’arrives plus à penser à autre chose que lui, ta voiture a totalement disparu de ton esprit. « je veux pas t’embêter plus longtemps, tu dois avoir des choses à faire, merci.. » dis-tu l’air dépitée, triste, malheureuse, malheureuse parce que tu refuses sa proposition indirectement alors qu’au fond de toi t’en crève d’envie. ne m’écoute pas, emmène moi.

abasourdie ; c’est clairement le mot, et pourtant il a raison, tu te fous de sa gueule, c’est pas ce que tu veux, non, surtout pas ça. ton cœur se serre, t’as mal, tellement mal, ce n’est pas une douleur que tu peux décrire, c’est tellement … confus. tu te pinces les lèvres, tu baisses la tête, tu te tais, vaut mieux que t’arrêtes de parler ; parce que tu l’énerves, tu l’sens bien et ce n’est pas ce que tu veux ; tout sauf ça. tu ne sais même pas ce que tu veux au fond, peut-être lui, peut-être un retour dans le passé. oui un retour dans le passé c’est bien ça, avant son départ, avant ta peine, oui c’est parfait ça. t’aimerais parler, lui dire des mots, mais t’y arrives pas, aucun mot ne veut sortir de ta bouche, t’as peur de faire une connerie, de dire une connerie, encore. vous avancez, dans le silence de la nuit. entends mon cœur qui te dit qu’il ne peut battre sans toi, tu l’entends ? s’il-te plaît entends le.

Et voilà, la porte du bâtiment est là, devant toi, devant vous, il est temps de vous quitter. non pas maintenant, reste avec moi. tu le regardes, il va s’éloigner, il s’éloigne, il t’échappe, il faut que tu le rattrapes, que tu l’empêche de s’en aller, que tu l’empêche de t’abandonner, encore une fois ; tu sais pourtant que si il ne veut pas ça te fera du mal, mais au moins ce sera régler, toi et lui ce sera fini, tu l’accepteras, enfin. « malo .. ? » tu fermes les yeux un instant, t’appuyant le dos contre la lourde porte en bois, retourne-toi, retourne-toi, je t’en supplie. t’inspires un grand coup, aller, assume, jette toi à l’eau. « tu veux monter ? » voilà, c’est fait, c’est dit et si il veut pas ce sera tant pis.

tu attends, là, devant la porte, espérant qu’il revienne vers toi, qu’il te dise qu’il ne t’abandonneras plus jamais, qu’il te prenne dans ses bras, que tu te sentes enfin bien, protégée, parce que malgré tout le mal qu’il peut te faire c’est près de lui que tu es le mieux, près de lui que tu te sens en sécurité. en quelques secondes qui te paraissent pourtant une éternité tu le vois monter les quelques marches qui le mène sur le perron, devant toi ; tu le regardes avec des grands yeux. t’aimerais lire dans son regard, savoir pourquoi il a fait demi-tour, pourquoi il a répondu à ton invitation. sans réfléchir à quoi que ce soit, tu attrapes sa main et l’entraîne dans l’immeuble, tu ne sais pas si c’est ce qu’il veut ; si ça se trouve, tu te plantes, totalement, lamentablement, mais tant pis, tu prends le risque, tu dois prendre ce risque, pour savoir si c’est vraiment fini.

et la voila, ta main dans la sienne, il ne montre aucun signe de recul, à aucun moment tu sens son envie de s'échapper, tu souris. heureuse enfant. tu ne sais ce qu'il pense, et c'est peut-être le plus dur pour toi, passer outre. c'est ce qu'il faut faire. dans l'appartement tu lâches sa main, il y a un léger bordel, mais tant pis c'est pas le plus important. tu le regardes de tes grands yeux. qu'est-ce que tu as malo, dis moi, pardonne moi si je te fais mal. tu le regardes faire, tu le regardes écrire, quelques mots sur un carnet sorti de sa poche, son carnet, son éternel carnet. tu t'approches. tu ne sais si il t'autorise à les lire. pourtant l'envie est si grande. il ne cache rien, serait-ce une invitation à lire ses vers ? penchant la tête tu entre-aperçoit ses mots. ton coeur tape fort, tu ne le maitrise pas. tu lèves tes grands yeux vers lui, posant ta main sur son bras, aucun mot pourtant ne sort de ta bouche. envie de crier. envie de pleurer. envie de l'aimer, a nouveau.