what if the way we started made it something cursed from the start -r.

Ses cheveux blonds bouclés s'emmêlaient sur mes draps blancs. Ses yeux étaient fermés, elle écoutait la musique qui nous enveloppait dans son velours confortable et rassurant. Un mince sourire illuminait son visage paisible. Nous n'avions pas à nous parler. Nous n'avions pas à dire quoi que ce soit pour briser cette absence de dialogue. Cette absence de contact verbal humain. Nous étions en parfaite symbiose dans nos esprits et dans la musique. J'étais allongé à côté d'elle, sa main dans la mienne. Ce qui m'unissait à Abygaëlle était indescriptible. Indéfinissable. Impalpable. C'était quelque chose d'unique, de beau, d'étrange aussi. Tout ça à la fois. Je ne savais même pas de quoi il s'agissait. De l'amitié. De l'amour. Davantage de la folie. Parce qu'on s'aimait tellement, et on se comprenait tellement. À un tel point qu'il n'y avait plus aucune barrière entre nous ; ni émotionnelle, ni physique, ni psychologique. On se parlait de tout, on se montrait tout, tout de nous, sous toutes nos facettes. Les plus belles et les plus ignobles.

Puis la musique que nous écoutions tira à sa fin, et ce devait être la fin du disque car un réel silence pesant atterrit dans tout mon appartement. J'ouvris les yeux et me tournai vers la blondinette, un petit sourire aux lèvres. « T'avais raison. Cette musique-là est vraiment ... unique. Merci pour la découverte. Je peux garder le CD pour quelques jours ? » La jeune femme acquiesça et se leva finalement de mon lit pour marcher jusqu'à ma garde-robe. Elle y trouva le chandail qu'elle m'empruntait tout le temps lorsqu'elle passait faire un tour et qu'elle restait plus tard que prévu. Un chandail gris avec les trois éléments du jeu roche-papier-ciseau dessinés en triangle. Un chandail digne de mon côté plus nerdy. Elle enleva le chandail qu'elle portait actuellement, puis son soutien-gorge, et enfila mon chandail. J'observai son dos nu un moment, avec une petite vague chaude qui me traversa le corps. Je me relevai finalement à mon tour, mais restai assis sur le bout de mon lit. « Aby ... as-tu ... as-tu déjà songé à ce que ce serait si ... si toi et moi on était ... bah ... un couple quoi ... ? » Parce que nous étions bien, ensemble, il me semblait. Tout était si facile, si simple. Moi qui passais mon temps à attendre l'arrivée de la femme de ma vie. Et si jamais elle était devant moi depuis tout ce temps ? Je n'avais jamais posé la question auparavant de peur de faire peur à mon amie, et de gâcher ce que nous avions de si précieux, mais ce soir, j'avais eu besoin de le lui demander. Pour savoir. Pour être sûr de ne pas regretter de ne jamais l'avoir fait. J'étais loin de me douter de ce qu'Aby allait me répondre ...

Après avoir eu l’accord de mon amie, j’enlevai le CD de la radio, le réinsérai dans sa pochette, puis rangeai cette dernière bien précieusement dans mon tiroir rempli de choses diverses et variées. Je me rassis sans plus tarder sur mon lit, étant le seul endroit où on pouvait s’asseoir dans ma chambre et ne prévoyant pas passer la soirée debout comme un con. C’est à ce moment-là que je posai la fameuse question à Aby. Elle se tourna vers moi avec un air visiblement surpris par cette question qui sortait effectivement un peu de nulle part. La blondinette me regarda finalement droit dans les yeux et ce regard plutôt sérieux me fit rapidement regretter ma curiosité. Je n’avais pourtant encore rien vu – ou plutôt entendu. Quand la jeune femme répondit en toute honnêteté, je me reçus une belle claque en pleine gueule. Un long silence s’en suivit. Puis, par nervosité, par surprise ou par incompréhension, j’éclatai de rire. Devant le regard un peu perdu d’Aby, je repris mon calme, gardant cependant ma voix aigüe de mec perdu, vexé et offusqué tout ça en même temps. « Quoi ??? » Criais-je presque. « Gay ? » J’eus encore une fois un petit rire nerveux, avant de froncer les sourcils en secouant la tête, l’air maintenant plutôt fâché et déçu. « Mais … mais … je … je suis pas gay !! » La surprise se lu tout aussi rapidement sur le visage de mon amie. Je me levai de mon lit face à cette situation hors du commun et surtout incroyable. « Attends … t’es en train de me dire que t’as déjà songé à te mettre en couple avec moi, mais que parce que j’étais, selon toi, gay, ça n’est jamais allé plus loin ?? » Je ne lui laissai pas le temps de placer un seul mot. « Alors maintenant, à cause d’un putain de malentendu franchement … assez … assez stupide je dois dire, et bien à cause de ça je suis dans la « friend zone » et on est peut-être passé à côté de quelque chose toi et moi ??? » Je secouai encore une fois la tête, visiblement dépassé par les événements. Ce n’était pas le fait qu’elle ait pensé que j’étais homosexuel qui me dérangeait tant que cela. Après tout, nous sommes tous humains au bout du compte, peu importe qui on aime. Je n’étais aucunement homophobe, au contraire même. Non, ce qui me faisait de la peine, c’était qu’elle ne m’en ait jamais parlé. Qu’elle avait pris pour acquis que je l’étais et que cela avait mis une certaine barrière émotionnelle entre nous. « Pendant tout ce temps, je croyais que nous deux on vivait un truc spécial, bien unique mais … mais t’étais comme ça avec moi juste parce que y’avait pas de … d’ambiguïté amoureuse. Enfin … pas de ton côté … » Lâchais-je en me laissant retomber sur mon lit. Je fixai finalement mes pieds avant de soupirer et de déclarer : « Alors comme ça j’ai l’air gay … bah … ça explique pourquoi aucune fille ne veut de moi, hein … » Je secouai encore la tête, les yeux fermés, puis je vins poser ma tête entre mes mains. Tout cela était trop pour moi.

Je prenais effectivement mal la chose. Ce n’était pas péjoratif d’avoir l’air homosexuel, non, mais ce n’était pas non plus forcément flatteur de se le faire dire lorsqu’on se sait hétérosexuel à cent mille à l’heure. Cela me vexait aussi qu’Abygaëlle en ait fait une évidence indubitable, et qu’elle ne m’en avait donc jamais même parlé. « Tu sais, le fait de me dire que tu trouvais que c’était tellement évident n’aide pas vraiment à ta cause … » En effet, la blondinette ne faisait que se mettre encore plus les pieds dans les plats ! Elle était en train de me dire qu’à mon attitude et mes airs, il ne faisait pas de doute que j’étais gay. De quoi me hérisser les poils du dos davantage.

La conversation tourna finalement à des aveux assez ambigus quand la jeune femme m’avoua être tombée sous mon charme, avoir eu un coup de cœur et en rajoutant que je n’étais pas bloqué dans la Friend Zone. Je fronçai les sourcils. Je n’étais pas certain de bien comprendre ce qu’elle voulait dire par tout cela. Elle avait maintenant envie d’essayer qu’on sorte ensemble ? Elle m’aimait bien ? Ou elle disait simplement cela pour essayer d’éteindre l’incendie qu’elle avait allumé entre nous ? J’optais pour la dernière option. « Passer par-dessus, oui, peut-être … mais je ne sais pas ce qu’on sera, après ça … J’veux dire, notre relation ne sera plus jamais la même, tu te rends compte ? Je sais pas si on arrivera à retrouver quelque chose d’aussi … spécial, quoi, intime … J’veux dire, ça change tout, ça … » Lançais-je. Abygaëlle vint finalement s’asseoir à côté de moi, sur le bout du lit. Elle me reprocha donc – sans le vouloir je crois – que je ne lui avais jamais montré que je pouvais être intéressé par elle. « Oh s’il-te-plaît, ne tourne pas la situation en ta faveur. J’étais supposé faire quoi, te sauter dessus ? Tu sais à quel point je suis timide, alors gay ou non, c’est la même chose en amour, pire encore ! J’ai toujours attendu que tu démontres un certain intérêt, sinon j’me prenais une claque en pleine face assurée. » Je n’avais pas confiance en moi, je ne voulais jamais perdre la face. J’attendais donc continuellement que ce soit la femme qui fasse le premier pas. La blondinette reprit ensuite son discours comme quoi je l’intéressais ; cette fois-ci, elle fut beaucoup plus claire. J’ouvris la bouche, puis la refermai. Je ne savais pas quoi répondre à cela. Un certain laps de temps s’écoula durant lequel nous nous regardions, sans rien dire. Puis la jeune femme se leva, alla vers son sac, puis le referma et commença à marcher de long en large de ma minuscule chambre d’appartement. « Écoute, Aby … ça en fait beaucoup pour une soirée, tu me lâches tout ça comme une bombe atomique, tu veux que je réagisse comment ? J’sais pas quoi dire, là … Une minute tu me crois gay et l’autre t’es intéressée par moi … C’est … c’est dingue ! » J’avais la tête entre mes mains et je la secouais. Ce n’était vraiment pas le genre de soirée que j’avais prévu avec ma bonne amie.