Nell - Personne ne peux savoir à l’avance quel jour sera le plus important de sa vie...

Les derniers mois de ma vie avaient été dans les pires de ma petite vie tranquille et bien rangée. Après ma rupture d'avec Tara, j'avais décidé de me couper du reste du monde et de rester cloisonné dans mon nouvel appartement, sans parler à mes nouvelles colocataires. Après trois mois à vivre dans ma coquille sans jamais voir le temps qu'il faisait dehors, j'avais finalement décidé de laisser mes jeux vidéo et mon ordinateur de côté afin de tenter de me sortir de ce tourbillon d'idées sombres. J'avais recommencé à voir des amis, à rencontrer du nouveau monde. Visiblement, j'aurais dû rester couché à tout jamais sous les couvertures à manger des plats surgelés et à ne parler qu'à des gens que je ne verrais jamais. Parce que mon coeur chaotique et mon esprit emmêlé dans ses propres désirs avaient à eux deux fait de moi l'homme le plus perdu de Bowen. Tout le monde le voyait : je ne savais plus sur quel pied danser. J'avais embrassé Lily-Anaëlle dans l'espoir de reprendre avec elle pour oublier Tara, j'avais fait à peu près la même chose avec Lola dans le but de voir où nous pouvions aller, tous les deux, et j'avais revu Tara en ne sachant plus si je devais tenter d'être son ami ou son amoureux. Ma vie faisait encore moins de sens aujourd'hui que le jour où Tara et moi avions décidé de nous arrêter là.

Je continuais malgré tout à essayer de m'en sortir. Un premier pas serait de me retrouver un emploi convenable et non pas un job qu'un étudiant de seize ans pourrait tout aussi bien faire, soit vendre des jeux vidéo comme je le faisais actuellement. J'avais perdu mon emploi de rêve comme testeur de jeux vidéo à force de ne plus vouloir m'extirper de ma torpeur, de mon lit. Il fallait que ça change, que je retrouve ma passion d'avant. Parce que je ne pourrais jamais retrouver le goût à la vie si j'avais l'impression de me rendre à l'abattoir à chaque fois que mon nom était sur l'horaire du magasin. C'est pour cette raison que j'avais décidé, quelques jours auparavant, de proposer à une "cyberamie", si on veut, de nous rencontrer. C'était plutôt une connaissance. Dakota, qu'elle s'appelait. Nous avions discuté via des forums informatiques à de nombreuses reprises, et cette femme avait des projets extraordinaires en tête et un esprit informatique assez impressionnant. Je ne sais trop ce que j'avais en tête en voulant la rencontrer, mais je me disais que de m'entourer de personnes dans son genre ne pouvait que me tirer vers le haut.

C'était congé aujourd'hui pour moi et je profitai donc du temps qu'il me restait avant notre rendez-vous pour faire quelques emplettes. Pharmacie, épicerie, magasin d'électronique, bref tout plein d'endroits pour acheter quelques trucs qu'il me manquait à l'appartement. Avant toute chose, je voulais m'arrêter à un Starbucks pour un café qui me donnerait le courage de tout accomplir. J'étais dans la file d'attente, je tentais de me montrer patient malgré tous les gens qui grouillaient dans le café. Alors que c'était presque à mon tour, la cliente devant se retourna avec sa commande qui se déversa sur mon t-shirt. « Ah, ouch, ah, aïe, c'est brûlant ! » Je décollais mon chandail de ma peau pour que ça cesse de brûler. Mais toutes sensations s'estompèrent - ou alors je les oubliai - lorsque la demoiselle mentionna mon nom. Je la regardai alors et réalisai qu'il s'agissait de Dakota, cette même Dakota que je devais rencontrer tout à l'heure. Je souris bêtement, ma main toujours dans les airs à décoller mon chandail en attendant que le liquide refroidisse. « Dakota ? Euh ... oui, c'est ça, c'est moi ! » J'étais visiblement pris au dépourvu, surpris par cette rencontre inattendue. « Euh .. C'est pas grave ... enfin, si, un peu, je dois être brûlé au troisième degré mais ... c'est bon, c'est pardonné. » Je rigolai légèrement. C'était une blague, pour le troisième degré. Ce n'était vraiment pas si pire. « Désolé je suis un peu surpris de te voir là, quel hasard quand même ! » Et puis je ne savais plus quoi dire, non plus. Devions-nous séparer nos chemins maintenant pour les recroiser de nouveau tout à l'heure ? Ou avait-elle du temps pour devancer la rencontre, tant qu'à être ici ?