Les mariages, c'est génial ! [Romane]

« T'inquiètes pas, ça ne me dérange pas. Et puis c'est bien de soulever la question. » Julie haussa les épaules. Elle n'était pas sûre que se soulever la question soit quelque chose de primordial et à vrai dire, elle se demandait pourquoi elle en était venue à parler de mariage. Le romantisme et elle, ça faisait deux. Voire même un million. « Y a pas de soucis, on en reparlera quand j'aurais trouvé quelqu'un ! Mais c'est pas avec ma timidité légendaire que le prince charmant arrivera vite ! » Julie se mit à rire. Absolument pas pour se moquer de son amie, mais parce qu'elle avait trouvé sa réplique plutôt marrante. « Bah, tu finiras bien par trouver ! Et puis de toute façon, les princes charmants n'existent pas », reprit-elle avec un clin d’œil. Elle était persuadée que le mec parfait n'était qu'une invention destinée à faire rêver les petites filles du monde entier. Ce qui était débile, d'ailleurs, puisqu'elles descendaient bien vite de leur petit nuage une fois qu'elle se retrouvait en couple avec un mec bourré de défaut qui tenait plus du crapaud que du prince. « Tiens, au fait, tu as déjà été amoureuse ? Je ne crois pas qu'on en ait déjà parlé. » Ce n'est pas parce qu'elle était la fondatrice du mouvement "J'aime pas l'amour" qu'elle ne s'intéressait pas à la vie sentimentale de ses amies pour autant. Elle voulait savoir si Romane avait déjà éprouvé ce genre de sentiments. Même si elle en ignorait tout, puisqu'elle n'avait jamais été amoureuse de sa vie.

« Au collège ça compte ? » Julie n'était pas une experte des sentiments mais elle savait très bien ce que cette réponse évasive signifiait qu'elle ne voulait probablement pas en parler. Ce qu'elle respectait tout à fait, d'ailleurs. Elle n'allait pas insister plus longtemps. « Ah tiens, une robe encore plus moche que la première. » Les yeux de la blonde se posèrent sur la robe en question et elle soupira fortement. Elle avait des envies de meurtre. « C'est pas vrai, elle a quand même choisi cette horreur ? Je lui avais dit d'en choisir une autre, elle ne ressemble à rien, là-dedans ! », s'exclama-t-elle d'un air exaspéré. À quoi servait-elle si les mariés qu'elle devait conseiller choisissaient finalement de n'en faire qu'à leur tête ? Pf. Heureusement qu'elle était bien payée, sur ce coup ! « Et si on allait danser un peu ? On va finir par prendre racine, si on reste là ! », proposa-t-elle après avoir vidé sa coupe de champagne. Ce mariage était le plus nul qu'elle avait jamais organisé. Mais ce n'était pas sa faute, elle n'avait que répondre aux exigences des futurs époux. Ils avaient de sales goûts, tant pis pour eux !

Julie ne pouvait qu'approuver les dires de son amie. Elle n'avait rien contre les riches, elle n'était pas jalouse de leur fortune ou aigrie de les voir réaliser leurs moindres désirs en un claquement de doigts. Ce n'était pas personnel ou quelque chose dans le genre. Elle détestait simplement le fait que certains d'entre eux dépensent leur argent sans compter dans des choses aussi futiles que des vêtements luxueux ou de la nourriture hors de prix. Si Julie avait autant d'argent qu'eux, elle était persuadée qu'elle s'en servirait plus intelligemment. Elle proposa alors d'aller sur la piste de danse, refusant de passer la soirée à déprimer ou à s'ennuyer comme un rat mort, et à Romane accepta pour son plus grand plaisir. Elles regagnèrent le dance-floor et Julie se pencha vers sa compagne d'infortune, lui parlant près de l'oreille pour couvrir le vacarme créé par la musique et les invités. « En espérant que le DJ ne soit pas aussi nul que tout le reste », railla-t-elle, un sourire narquois sur les lèvres. Normalement, c'était elle qui s'occupait de la musique. Mais elle n'était pas à l'abri que la mariée se soit encore une fois montrée têtue, refusant d'écouter ses conseils et n'en faisant qu'à sa tête. Une nouvelle chanson ne tarda pas à arriver et Julie se mit à danser un peu n'importe comment. C'était son moyen à elle d'évacuer la pression - et quoi qu'on en dise, c'était toujours mieux que d'étriper la mariée devant tous les invités. Elle attrapa les mains de Romane et dansa un peu avec elle, riant aux éclats sans se retenir. Elles avaient bien besoin de s'amuser un peu, vu le début de soirée qu'elles avaient passé ! « J'espère que tu ne regrette pas de m'avoir accompagnée », dit-elle à Romane sans s'arrêter de danser, un sourire aux lèvres. Cela dit, ça aurait été compréhensible. Même si elle était venue pour chanter et divertir l'assemblée, la reste de la soirée avait été d'un ennui mortel - jusqu'à maintenant en tout cas ! Julie était ravie qu'elle ait été là. Sans Romane, elle n'aurait eu personne avec qui parler et aurait probablement pris racine, assise à sa table au fin fond de la salle.

« Sans vouloir me lancer des fleurs, y aurait mieux fallu que je chante le reste de a soirée. » Julie se mit à rire tout en approuvant d'un hochement de tête. Elle partageait totalement son avis ; avec Romane en charge de la musique, l'ambiance aurait été bien plus festive. Ce "DJ" (qui n'était visiblement pas un professionnel, vu le nombre impressionnants de ratés) était un peu ringard. Voire même totalement dépassé. Mais bon, il fallait faire avec. Ce n'était pas leur fête, après tout ; le principal était que les mariés soient satisfaits. Et que Julie en soit débarrassée une bonne fois pour toute. « C'est désespérant », souffla-t-elle en levant les yeux au ciel. Malgré tout, elle passait une excellente soirée et cela était complètement dû à la présence de Romane. Sans elle, il y a bien longtemps qu'elle aurait craqué sous la pression... Et peut-être même insulté les mariés. « Mais non, au moins ça me permet de passer un peu de temps avec toi, on se voit si peu souvent en ce moment ! » Julie se mit à sourire, sans pour autant arrêter de se déhancher au rythme de la musique, dont le volume était bien trop fort pour pouvoir parler normalement. Il est vrai que ces temps-ci, elles n'avaient pas vraiment eu l'occasion de passer du temps toutes les deux. Les seuls moments où elles pouvaient se voir était principalement les mariages où Julie lui demandait de chanter, comme celui de ce soir. « Tu sais quoi ? La prochaine fois, on se fait une soirée plus tranquille ! Genre un ciné, ou un resto entre copines. Un truc sans mariés et sans robe de soirée, surtout », conclut-elle finalement. « Dès que tu as une petite place pour moi dans ton emploi du temps, tu m'appelles et on se prévoit un truc toutes les deux », sourit-elle.

« Oui, je vois ce que tu veux dire un petit truc tout cosi, tout tranquille où l'on ne sera plus obligées de crier pour se parler ! » Exactement ! Romane avait parfaitement saisi le genre de soirée qu'elle aimerait passer et en plus de cela, elle avait l'air de partager son désir de calme et de silence. N'ayant pas envie de s'égosiller, elle se contenta de lever les deux pouces pour montrer qu'elle était d'accord. « Je te tiens au courant, je sais jamais vraiment à l'avance par contre, les bars ne savent pas me dire exactement quand est-ce que je dois venir. » Julie hocha la tête, se demandant intérieurement comment Romane pouvait faire pour travailler au jour le jour. Si elle n'était pas très organisée dans sa vie de tous les jours, côté professionnel, Julie prévoyait longtemps à l'avance et elle aimait que tout soit sous contrôle. « Ok. Et je t’appellerai si j'ai besoin de quelques-uns pour de prochains mariages », proposa-t-elle en souriant. Après tout, elle était ravie du travail de Romane et elle n'hésitait jamais à aider une amie. Si cela pouvait la faire travailler, lui donner de l'expérience et gagner un peu d'argent, pourquoi ne le ferait-elle pas ? Elle s'arrêta de danser à la fin de la chanson, complètement épuisée. « Et si on allait faire un tour dehors ? On étouffe, ici ! » Entre la musique beaucoup trop forte et la chaleur, un peu d'air leur ferait probablement du bien. Même si elles ne pourraient pas en profiter longtemps, puisque Julie était persuadée que les mariés viendraient la chercher dès qu'elle aurait posé le pied sur les cailloux qui parsemaient l'allée. Elle avait hâte que ce mariage soit terminé, hâte de rentrer chez elle, hâte d'oublier ces clients qu'elle avait sincèrement détesté.