#22 Update - Andrea Rollins (et Léo Emerson)

Le jeune homme épris de son fils n’entendit pas la jolie blonde s’avancer à pas feutrés vers la chambre, il avait les yeux qui se perdaient dans ceux de Jonathan. Il ne se lassait jamais de plonger dans ce regard azure –ce qui pouvait paraitre étrange puisqu’il était identique au sien soit disant- d’admirer cette bouille ronde, joufflue et rieuse. Cet enfant était une chance, sa chance à lui de voir la vie enfin du bon côté, de pouvoir avancer une bonne fois pour toute et de tourner la page des jours difficiles, de cette période trouble où il avait eu l’impression de se perdre et de toucher le fond en perdant son amour et ses espoirs. Aujourd’hui toute son existence s’était vue chamboulée, changer radicalement de cap et ça n’était finalement pas pour lui déplaire. Il voyait en cette bouille d’ange un espoir, une lumière au bout du tunnel, des envies de devenir meilleur, pour donner l’exemple, pour lui montrer que la vie pouvait être belle, pour que ce gamin ait une chance d’être heureux tous les jours et soit fier de porter son nom. Même si lui n’avait pas eu d’image parentale formidable, il avait grandi dans une famille soudée, il voulait offrir cela à John, pour qu’il ne se sente jamais abandonné ou rejeté.

Le bébé gazouillait maintenant dans les bras protecteurs de son père et Léo rit en cœur avec lui. « Tu ne voulais simplement pas manquer la fête toi non plus. J’te comprends tu sais, c’est nul d’être mis de côté. » Le brun le berçait doucement pour que petit à petit l’enfant retrouve le sommeil, pourtant il semblait bien éveillé et peu désireux de se rendormir maintenant qu’il avait obtenu de l’attention. Léo se demanda s’il avait bien fait de se précipiter vers lui, s’il n’aurait pas dû le laisser geindre un instant et se rendormir… parfois il doutait de ses gestes, de ses réflexes, il se plantait peut-être totalement. D’ailleurs, alors qu’il se posait mille questions, il surprit le regard rieur d’Andrea posé sur lui, il sursauta presque, il ne l’avait pas entendu arriver. Jonathan venait d’essayer d’embrasser la joue barbue de son père et n’avait visiblement pas aimé la sensation, visiblement cela faisait rire la blonde. « Tu crois que je devrais me raser ? » Il posa une main sur sa barbe qu’il savait trop longue, pourtant il aimait se voir avec ce visage-là, cette allure d’homme faussement négligé qui ne lui demandait pas trop de travail, ce faciès ravagé par la barbe qui le cachait en partie, il se sentait presque protégé par sa pilosité… La jeune femme pensa qu’elle dérangeait, pourtant le regard qu’elle avait posé sur eux, Léo l’avait apprécié et il aurait voulu que cet instant s’effile un peu plus, dans l’intimité de cette chambre, dans la douceur de ce monde d’enfant, avec leur fils et la douce présence d’Andy, il se sentit bien, à sa place. « Non, reste ! Enfin… reste, s’il te plait. » Les mots se firent complainte, presque trop empressés, presque suppliants, il se sentit bête. « J’ai peut-être interrompu quelque chose en débarquant ce soir… je veux dire, entre Anton et toi. » Il ne voulait pas dire ça non, pas du tout, il se sentit doublement idiot, comme s’il était un ado trop jaloux alors qu’il n’était pas jaloux d’Anton… enfin il pensait ne pas l’être, il ne comprenait pas pourquoi il venait de dire ça, les mots débordaient de ses lèvres sortant sans qu’il ne le veuille vraiment. Il faisait sombre dans la chambre, suffisamment pour qu’Andrea ne puisse voir ses joues qui s’empourpraient et ses yeux briller un peu trop.
Jonathan observait attentivement le manège entre ses deux parents, ses grands yeux d’enfant ne comprenant pas mais n’en perdant pas une miette.

L’ambiance était tendue, électrique. Heureusement que Léo tenait son fils dans les bras, cela lui donnait de qui les occuper, ses deux grands bras ballants dont il n’aurait su que faire sinon, il les aurait plongé au plus profond de ses poches, comme s’il avait pu y plonger tout entier et s’y terrer pour un moment, où il aurait passé une main dans sa nuque, jouant avec ses cheveux courts, preuve flagrante qu’il était gêné. Mais non, il ne pouvait que bercer l’enfant en espérant qu’il ne s’endorme, ce qui n’était pas gagné. Il se sentait si mal à l’aise, il se trouvait de trop entre Anton et Andrea, comme s’il dérangeait et pourtant dans cette chambre alors qu’ils n’étaient que tous les deux avec leur fils, on voyait clairement que la blonde n’avait d’yeux que pour lui et ses regards n’avaient pas échappé à notre brun. Lorsqu’elle lui certifia qu’il n’y avait rien entre son cousin et elle, Léo la regardait, pantois. « Oh… d’accord. » Que dire de plus, il se sentait déjà si mal d’être passé pour le jaloux de service. Que pouvait-il ajouter, dans tous les cas il n’avait pas son mot à dire, c’est lui qui était parti le premier, qui l’avait laissé seule à Bangkok aussi lâchement que rapidement, il se disait sans attache, il disait qu’il ne tomberait pas amoureux, plus jamais, surtout pas d’elle, qu’ils ne se devaient rien alors non, il n’avait pas le droit d’être jaloux aujourd’hui, ni de lui demander de compte et puis de toute façon il n’était pas jaloux, point… Sous le « mais… » Il y avait plein de sous-entendus, de non-dits, mais Léo n’osa pas relever, il savait bien trop ce qu’elle voulait insinuer et cet aveu même détourné lui faisait peur.

Lorsque leurs corps se touchèrent alors qu’Andy se penchait pour embrasser son fils ce fut comme une délicieuse brûlure pour Léo. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas eu de contact physique tous les deux ? Au moment de l’accouchement, certes, mais c’était un moment à part, hors du temps, qui ne comptait pas, c’était certes intense mais pour tout un tas d’autres raisons et à cet instant là il n’avait pas été question de séduction, ils n’étaient pas Andrea et Léo, ils étaient ceux qui assistaient à la naissance d’un miracle, c’était toute la différence. Non, leur dernier contact remontait à bien plus loin, peut-être même à leur dernière étreinte à Bangkok du moins c’est ce dont se souvenait Léo. Ce soir l’atmosphère était tellement étrange, tellement tendue qu’il fut presque choqué de sentir la peau laiteuse de la blonde contre la sienne et elle semblait tout aussi troublée parce qu’elle s’éloigna directement, accrochant un regard surpris mais quelques secondes trop long au regard de Léo, ils se fixaient sans savoir quoi se dire, sans oser baisser les yeux non plus. Il ouvrit la bouche mais rien n’en sortir et c’est elle qui brisa le silence que même Jonathan avait adopté. Les mots d’Andrea le touchèrent même si Léo n’était pas surpris, il comprenait ce qu’elle disait, d’autant plus qu’il n’était pas inconscient des sentiments qu’elle avait éprouvé pour lui à Bangkok, ceux qui l’avait effrayé lui, ceux qui l’avait fait fuir lorsqu’il avait compris qu’il commençait à succomber à son tour. Et ce soir il se croyait retourner un an en arrière, dans leur chambre moite, à ne pas savoir quoi faire, tiraillé entre l’envie folle de la prendre dans ses bras et de l’embrasser avec fougue et celle de prendre ses jambes à son cou. Heureusement pour les deux cas de figure, il tenait son fils dans ses bras et cela empêchait toute manœuvre ! Pourtant lorsqu’Andrea retira sa main de la sienne, il la retint vivement. « Fut une époque où on se parlait de tout… je ne prétends pas revenir en arrière, pas après ce que j’ai fait, ce qui a été dit, j’ai été odieux. Mais n’ai pas peur de me parler. Tu n’as que moi ici alors n’hésite pas. » Il savait qu’elle sous-entendait bien plus, mais il n’avait pas suffisamment de courage pour aller plus avant.

Sans qu’ils ne s’en rendent compte le petit s’était doucement endormi et Léo en profita pour le remettre dans son lit en l’embrassant doucement avant de se retourner vers Andrea. « Je ne suis pas ton ennemi même si je me suis comporté comme tel. » Il haussa les épaules déçu de lui-même et de la distance qu’il avait mise entre eux, aujourd’hui il prenait conscience qu’elle lui manquait. Il allait pour se diriger vers la sortie de la chambre pour laisser le bébé dormir paisiblement.