and I lost myself inside her -r. (pas pour les p'tits jeunes)

Le vide. Un trou noir m’absorbant  comme une vulgaire poussière. Plus rien. Ni autour, ni en moi. Je ne savais même pas comment j’avais atterri là. Mes idées me revenaient peu à peu. Je revenais à moi. Je revenais à mon malheur. Désarroi. Je n’avais plus rien dans ma main, plus que le souvenir de la bouteille à laquelle je m’étais agrippé comme j’aurais dû m’agripper à la vie. Plus que le souvenir du goût de l’alcool à ma bouche. Et le souvenir de son doux baiser sur ma joue, ici-même, devant cette porte, exactement. Ma main, machinalement, se leva du sol et vint se poser sur cette joue abîmée par la fatigue. J’aurais aimé que ses lèvres y soient encore. J’aurais aimé que son parfum me recouvre et me berce. J’aurais aimé qu’elle soit là. Mais elle n’y était pas.

Elle était dans sa robe grise foncée. Le dos dénudé. Le corps moulé. Ses cheveux détachés tombant sur ses épaules. Ses yeux bleus rivés sur une femme que je ne connaissais pas. Elle avait crié mon nom, elle avait crié mon nom quand mon monde s’était écroulé. Quand tous les yeux s’étaient rivés sur ma honte. Et puis plus rien. Plus rien. J’avais regardé d’abord Effy. Elle était avec un autre homme. J’avais ensuite regardé Lou de nouveau, et elle était avec une autre femme. Et Oona venait de partir vers Evan. Et moi j’étais seul. Seul avec moi-même. Seul sur cette ridicule chaise pliante sur laquelle je n’arrivais même plus à tenir. Alors je pense, si je me souviens bien, que je me suis levé et que je suis parti. Juste comme ça. Parce que mon départ n’avait jamais dérangé qui que ce soit. Partir, tout quitter, ne ferait aucune différence. Ni à cette fête, ni dans cette vie.

Mes pas auraient dû me conduire jusqu’à chez moi, mais je reprenais pourtant mes esprits assis contre la porte de la chambre de l’auberge dans laquelle Lou vivait pour le moment. C’était ici que ce baiser sur ma joue s’était imprimé. C’était ici que sa porte s’était refermée sur un homme perdu, un homme à la mer, un homme naufragé. Et je m’étais noyé, noyé dans ce liquide translucide et marron. Je m’étais noyé dans moi-même. Je m’étais noyé dans l’océan intérieur qui m’étouffait. Et j’avais eu besoin de Lou. J’avais besoin de Lou. Ma tête se laissa tomber sur la porte derrière moi et ma main retomba le long de mon corps, s’écrasant sur le tapis du plancher. Mes yeux fermés m’emmenèrent dans un sommeil tourmenté.

Jusqu’à ce que Lou se prenne les pieds dans mes jambes allongées sur toute la largeur du couloir. Elle s’était rattrapée du mieux qu’elle le pouvait sur le mur qui l’entourait. Par chance. Je m’étais réveillé en sursaut, un goût horrible en bouche et un mal de tête inconfortable. Lourd. Pesant. Je ne savais plus trop où j’étais, et encore moins l’heure qu’il était. Mais je levai les yeux vers une Lou un peu confuse. « Lou … » Je me relevai, difficilement. « Je … suis désolé … Je … Je me suis endormi … » Articulais-je avec le restant d’ivresse que j’avais.

Oui, tiens, que faisais-je là, par terre ? Elle s’était posée exactement la même question que moi, autant au moment où j’étais arrivé que maintenant que je me réveillais, je ne sais combien de temps plus tard. Je m’étais d’abord relevé, me disant que le fait de me tenir droit allait peut-être redonner une certaine ligne directrice à mes pensées. Pas vraiment. Je me frottai la tête de ma main gauche, passant finalement mes doigts dans mes cheveux emmêlés. « Je … je ne sais pas vraiment. Je n’avais plus envie d’être avec tous ces gens. Je … j’avais … j’avais envie d’être avec toi. » Je la regardai finalement dans mes yeux. Et heureusement ne pouvait-elle pas voir les miens en retour ; ils étaient luisants d’une profonde tristesse. « Mais tu n’étais pas là. » Comme si elle avait failli à sa promesse en n’étant pas là pour moi au moment où j’avais eu besoin d’elle. Comme si elle devait être à portée de ma main à chaque fois que je le désirais. Comme si Lou pouvait vraiment être fautive de ne pas avoir été chez elle. En plus, c’était une information que je savais pertinemment, puisqu’à mon départ de la fête commémorative, elle y était toujours. J’aurais dû aller la voir à ce moment-là. J’avais préféré m’éloigner du bonheur des autres pour aller m’effondrer devant cette porte fermée. Cette porte qui renfermait peut-être la réponse à toutes mes questions.

Et elle l’ouvrit.

Je suivis Lou jusque dans la chambre de l’auberge, qui contenait une salle de bain et une grande pièce avec un lit et une minuscule cuisine, si on peut l’appeler ainsi. Un simple comptoir sous lequel se dressait un petit réfrigérateur et sur lequel une cafetière se trouvait. La jeune femme envoya balader ses escarpins et moi je restai là, sur le tapis de l’entrée, avec mes souliers propres dans les pieds. Je ne les retirai pas. Je m’avançai jusqu’au centre la pièce, au pied du lit. Et je m’assis. Trop lourd pour que mes pieds soutiennent le poids de mon corps. Encore un peu ivre de ma soirée, encore l’esprit un peu embrouillé. Comme si elle connaissait la machine à café par cœur, Lou en prépara deux tasses. Elle me demanda alors si j’allais bien. Mes mains étaient croisées, tombant dans le vide entre mes jambes écartées. Ma tête était baissée, mes paupières tanguant entre l’ouverture et la fermeture. « Ça allait bien. Puis après ça n'allait plus. Maintenant je ne sais pas. » Parce que l’alcool ne faisait plus son effet. Parce que l’ivresse n’effaçait plus la tristesse. Lou me tendit la première tasse de café à avoir été remplie. « Merci. » Je le portai à mes lèvres, le buvant noir comme l’ébène. Noir comme moi. « Cette robe … te va à merveille … tu as un corps … » J’avalai de travers. Il fallait croire que l’alcool me désinhibait encore un peu. « Tu es vraiment très belle. » Me repris-je. Je bus encore un peu de café, espérant qu’il fasse son effet bientôt.

La carte de Lou vint s’insérer entre mon index et mon majeur. Je baissai les yeux vers celle-ci et trouvai le numéro de la jeune femme inscrite dessus, mais mon regard dévia surtout sur la petite illustration d’elle au piano. Un sourire se dessina sur mon visage. « Merci. » Conclus-je face à cet échange. Je n’avais rien de plus à dire, mais cela ne signifiait pas que je n’étais pas touché par les paroles de Lou. Elle voulait pouvoir être là pour moi dès que j’en ressentirais le besoin. Être disponible pour m’écouter à chaque fois que j’aurais besoin d’une épaule pour pleurer. La pauvre ne savait pas dans quoi elle venait de s’embarquer.

Une fois à l’intérieur, je traînai mon corps jusqu’au lit de la jeune femme, la tête prête à exploser. Je m’assis et la regardai faire du café. J’aurais pu me lever et l’aider, mais je n’avais sincèrement aucunement la force de bouger davantage. Être totalement égoïste, je me serais allongé sur le lit et je me serais laissé aller, mais si j’étais venu ici c’était pour une raison. Pour Lou. Et je la regardai donc, profitant de chaque parcelle de son corps, et Dieu sait que dans cette robe, on pouvait bien le voir. Après m’avoir donné mon café, Lou m’ordonna de rester pour la nuit, refusant que je rentre seul chez moi. « Non … non je ne veux pas … m’imposer … déjà que je débarque au beau milieu de la nuit … Je vais juste rentrer, prendre une bonne douche chaude, et ça va aller. » Je pris une pause. « Ça va aller. » Je tentai de me lever, décidé à boire mon café d’un trait et à laisser Lou tranquille, mais maintenant que j’avais trouvé une place confortable, mon corps sembla ne pas vouloir me laisser repartir sur la route. Ma tête tournait. Perdant l’équilibre, je me rassis aussitôt sur le lit. « Oula … Ok. Je vais rester un peu. » Conclus-je. Alors je pris le temps de complimenter Lou sur sa robe parce que, bien franchement, une femme m’avait rarement fait autant d’effet. Elle était sexy. Tellement sexy. Et quand elle s’agenouilla devant moi, je ne pus retenir la vague de chaleur qui m’envahit. Comme l’autre soir. Aussi intense. Je fermai les yeux alors que ses mains parcouraient mes vêtements, puis mes cheveux. Je souris quand elle me confia que j’étais pas mal non plus. C’était bien parce qu’elle ne pouvait pas réellement me voir. Je rouvris les yeux et baissai le regard vers elle, qui se trouvait toujours à mes genoux. J’avalai difficilement. L’alcool me donnait des idées impures. Et le courage de les dire. « J’aimerais te faire l’amour. » À notre rencontre, Lou m’avait demandé ce qui me ferait du bien. En ce moment, voilà ce qui me ferait du bien. M’oublier en elle. Me perdre en elle. Et ne plus jamais totalement revenir à moi.

Suite à mon affirmation des plus crues, des plus directes, mais surtout des plus sincères, j’avais senti le corps de Lou se raidir. Et rougir. Et trembler de désir. L’une de mes mains était alors venue se déposer sur le creux de son épaule, pour finalement venir se refermer sur le côté du cou de la jeune femme, doucement, glissant du bas vers le haut. Mais elle répondit qu’elle ne pouvait me dire oui, pas ce soir. Pas alors que j’étais ivre et perdu comme je l’étais. Pas alors que même mes paroles les plus honnêtes perdaient toute crédibilité derrière mes balbutiements maladroits et décousus. J’hochai la tête en silence, pour moi-même, pour me résoudre à cette décision. « Tu as sans doute raison. » Je n’en étais pas tout à fait si certain, parce que même si l’alcool circulait toujours dans mon sang comme un poison, je n’avais pas l’impression d’être sous l’emprise de quoi que ce soit d’autre que mon désir pur et vrai. Notre rencontre dans la forêt ne trahissait d’ailleurs pas cette pensée, puisque je ressentais exactement la même vague d’envie que lorsque je m’étais trouvé derrière elle, respirant l’odeur de ses cheveux sur sa nuque. La même chaleur qui m’habitait, qui m’animait. Mais non. Pas ce soir. Pas si Lou ne le désirait pas. Au moins, elle avait laissé la porte ouverte pour cette demande si elle survenait à un moment où je serais davantage lucide. Cela me laissait croire que je n’étais pas le seul à perdre complètement les pédales en la présence de l’autre.

Elle m’offrit en revanche une douche, et comme je me dégoûtais actuellement moi-même, je ne pus qu’accepter cette proposition. « D’accord. » En même temps, cela donnerait le temps et surtout la chance à Lou d’enfiler quelque chose de plus confortable. Elle avait beau être la plus belle dans cette robe moulante, je doutais fortement qu’elle soit libre de tous ses mouvements. Je lui donnerais l’intimité requise pour qu’elle se mette dans un état plus confortable. Après avoir calé mon café d'un trait, me brûlant la gorge, j’attrapai la serviette que la jeune femme me tendait et je me levai, la tête toujours un peu lourde et mes pas incertains. « Merci, Lou. » Et je ne parlais évidemment pas de la serviette. Je retournai près de la porte d’entrée, puisque l’entrée pour la salle de bains se trouvait là. J’ouvris la lumière et je fermai la porte, sans trouver la concentration requise pour verrouiller celle-ci. De toute façon, il n’y avait que Lou de l’autre côté de la pièce. Je retirai mes vêtements de peine et de misère, abandonnant finalement l’idée de déboutonner ma chemise pour plutôt la passer par-dessus ma tête. J’envoyai le tout valser dans le coin de la salle de bain. Je trouvai un rince-bouche encore scellé, et j’en pris la moitié que je gardai dans ma bouche une bonne minute, question de tuer le goût qui demeurait toujours aussi fort dans ma gueule. Une fois cela fait, j’ouvris l’eau chaude presque au maximum. Le miroir s’embuait déjà un peu. Une fois sous l’eau, j’ajustai légèrement la température pour ne pas me brûler la peau, mais celle-ci restait quand même plutôt chaude. Je ne fis que poser mes mains sur la céramique devant moi et je laissai l’eau couler sur mon crâne, attendant que celle-ci me rince l’ivresse et me ramène à moi.

pièce musical :

Il n’y avait aucun moyen de savoir, pour elle, pour Lou, à moins d’être dans ma tête, dans mon cœur. Elle aurait alors eu la certitude de l’honnêteté de mes désirs, de leur authenticité, peu importe l’état de mes facultés. Je l’avais voulue dans la forêt, je la voulais maintenant, et je la voudrais encore demain matin. Une dangereuse attraction, comme on dit. Parce que je sais que si je goûtais à Lou, à ses lèvres, à chaque parcelle de sa peau, à son sexe, alors il n’y aurait aucun retour. Aucune façon de s’en sortir ; autant pour elle que pour moi.

Ma serviette en main et ce refus avalé de travers, je me traînai jusqu’à la salle de bain, sans trop regarder Lou, de peur de ne plus arriver à y voir clair. Déjà que ce n’était pas la fin du brouillard dans mon esprit. Je me laissai donc m’oublier sous l’eau chaude, mais je n’arrivais pas à l’oublier, elle. Après quelques minutes à rester debout, bien au chaud, en train de dégriser grâce au café et à l’eau sur ma tête, j’entendis quelques notes de piano parvenir jusqu’à mes oreilles, malgré le bruit de la douche. Surpris, je tendis un peu plus l’oreille, n’éteignant tout de même pas l’eau ne voulant pas que Lou se sente écoutée et s’en voit gênée. J’arrêtai toutefois tout mouvement, laissant le savon dans mes cheveux et sur mon corps là où il était. Je fermai les yeux, me laissant transporter par cette mélodie que je connaissais pour l’avoir entendue à la radio surtout. Je n’aimais pas particulièrement la chanson, mais de l’entendre de cet angle-là, et surtout jouée par Lou, c’était une toute autre histoire. Après une bonne minute à rester planté là à apprécier le doux son, je me décidai à rincer rapidement le savon et à fermer l’eau de la douche. Je n’avais plus envie de l’écouter comme un voleur. Je voulais pouvoir m’asseoir près d’elle et la laisser, consciemment, me guérir le cœur grâce à ses doigts magiques parcourant le clavier.

Malheureusement, quelques secondes à peine après que je fus sorti de la douche, Lou cessa de jouer. Perdu dans ma déception, je restai un moment à me regarder dans le miroir, voulant retrouver ce moment de paix que j’avais ressenti un peu plus tôt. Il était déjà passé, envolé. Mes traits étaient toujours aussi fatigués et tristes. Même les pansements de Lou n’étaient pas éternels. M’extirpant de cette contemplation introspective, un bruit de porcelaine cassée se fit entendre de l’autre côté de la pièce. J’attrapai rapidement la serviette et je l’enroulai autour de ma taille, sortant rapidement de la salle de bain, les cheveux et le torse encore mouillés. Je tombai face à une Lou assise au sol, un tas de porcelaine ramassée au sol, et un doigt en sang. « Lou ! Est-ce que ça va ? » Ayant repris un peu de vigilance suite à ma douche, j’arrivai à être auprès d’elle assez rapidement. Je fis bien attention de ne pas mettre mes pieds dans le dégât, et je m’accroupis à ses côtés, prenant sa main dans la mienne. J’observai sa blessure, assez profonde. « Ne bouge pas. » Je repartis vers la salle de bain et, en fouillant bien comme il faut dans la trousse disponible sous l’évier, je trouvai de quoi soigner Lou. Je revins vers elle et retrouvai ma position initiale. Je nettoyai d’abord sa blessure avec un petit tampon avant de lui enrouler un pansement autour du doigt. « Voilà … Viens, lève-toi, va t’asseoir dans le lit. » Je l’aidai à se lever et surtout, je guidai ses pas pour qu’elle ne se coupe pas également le pied sur les restants de porcelaine. Une fois qu’elle fut loin de ce petit incident, je ramassai ce qu’il restait au sol et je jetai le tout dans la poubelle. Quand cela fut fait, je me tournai vers Lou et sourit en voyant à quel point elle était belle, même en t-shirt trop large et portant un chignon négligé. Même qu’elle était encore plus belle. « J’espère que ce doigt ne t’empêchera pas de me rejouer ce morceau demain … C’était … magnifique, Lou. Je me sentais bien. Léger. » Lui confiais-je, un sourire au visage. Et je vins m’asseoir à côté d’elle, oubliant ma nudité sous cette simple serviette blanche enroulée.

Tétanisée, déboussolée, fragilisée, Lou s’était laissée conduire jusqu’au lit comme un corps sans vie, ses muscles bougeant plus pour suivre mes pas que parce qu’elle le leur ordonnait. Je m’assis sur le lit à côté d’elle, caressant légèrement son bras et sa main avant de cesser tout contact. Son regard si vide et si empreint d’émotions me rappelait le mien, quand je me regardais dans ce miroir quelques minutes plus tôt. Lou avait ses démons, elle aussi. Je pouvais les voir faire de l’ombre sur l’éclat de lumière animant habituellement ces magnifiques yeux. Lou ne devait pas être triste. Elle ne pouvait pas être triste. J’avais besoin de sa joie de vivre pour être bien. Pour être léger. Paisible. Égoïstement, j’avais besoin que Lou soit forte pour moi. Qu’elle soit forte pour deux. Pour nous deux.

Pour essayer de l’aider, de la sortir de sa torpeur et de sa confusion, je complimentai le morceau de piano qu’elle m’avait joué avant l’incident. Elle sourit, visiblement très fière de cet accomplissement. Quand elle me proposa d’apprendre une chanson de mon répertoire, mon sourire s’agrandit. « Tu connais Ludovico Einaudi ? C’est mon pianiste favori. N’importe quelle chanson de lui, jouée par toi, serait le plus beau cadeau que tu puisses me faire. » Avouais-je avec un regard brillant et un sourire timide. Comme Lou étudiait la musique, et qu’elle était pianiste, je ne doutais pas une seule seconde qu’elle connaisse déjà ce grand interprète. J’avais tous ses albums, chez moi.

Malgré ma tentative, Lou ne sembla être réconfortée que temporairement. Comme moi, son bonheur était éphémère. Ce n’était pourtant pas la Lou que j’avais rencontrée dans la forêt. Peut-être me ressemblait-elle plus que je ne l’aurais pensé. Peut-être était-ce cela qui avait facilité notre approche, notre connexion. La jeune femme s’approcha un peu plus de moi, comme un animal cherchant la sécurité. Elle posa sa tête sur mon épaule dénudée et encore légèrement mouillée. Des gouttelettes perlaient un peu partout sur ma peau nue.  Sans que sa tête ne quitte le creux de mon épaule, la main de Lou s’éleva dans les airs avant de se poser sur mon torse. De là, la paume de sa main devait sentir les battements de mon cœur s’accélérer, et les mouvements de ma respiration devenir incontrôlables. Ces réactions physiques s’accentuèrent lorsque Lou laissa ses doigts glisser jusqu’à ma serviette. C’est à ce moment que Lou releva la tête vers moi, les yeux rivés dans les miens. C’était comme si elle m’implorait. Vile tentatrice. Magnifique ensorceleuse. Si Lou ne ressentait pas le désir monter en moi de par la chaleur de mon corps, ma respiration et les battements de mon corps, elle le sentait très certainement par la serviette qui s’était légèrement déplacée sous la montée de mon sexe.

Je détournai le regard, fixant le mur devant moi. Puis je fermai les yeux. « Il est tard. Tu devrais dormir, te reposer. Moi aussi. » Je rouvris les yeux, la regardant du coin de l’œil, ne voulant pas y lire une certaine déception ou une confusion. Je ne voulais rien y lire du tout. J’aurais voulu n’avoir rien dit. J’aurais voulu avoir tout fait. Je me levai du lit, plus facilement que plus tôt, ayant repris mes esprits. Je retournai à la salle de bain où j’enfilai mes caleçons et fermai la lumière – le reste de mes vêtements ne seraient pas confortables pour dormir et, de toute façon, ils devaient sentir l’alcool à plein nez, comme moi un peu plus tôt. Je revins vers le lit et restai debout le temps de comprendre qu’il n’y avait qu’un lit, et que l’idée de dormir sur ce vieux tapis ne m’enchantait guère.

Elle n’avait pas pratiqué ses partitions depuis son arrivée. Ce qui voulait dire qu’elle les avait déjà jouées. Un sourire sur ma bouche se dessina encore plus grand, quand je réalisai à quel point Lou représentait pour moi une femme unique, parce qu’elle semblait être faite pour moi. Le positif à mon négatif. « Prends ton temps. Toute autre pièce que tu me joueras saura m’apaiser, je n’en ai aucun doute. » C’était complètement fou. Lou et moi. Que nous ayons déjà emprunté ensemble cette même route qui nous mènerait je-ne-sais-où, mais sur laquelle nous marchions côte à côte, bientôt main dans la main, peut-être. Après si peu de temps. Après si peu de paroles. Déjà tant liés.

Malgré tout, Lou eut besoin d’une sorte d’apaisement différente de mes compliments sur ses talents, et ce contact si intime avec elle m’avait à la fois excité, à la fois effrayé. Parce qu’un peu plus tôt, je m’étais laissé aller à mes envies, en communiquant avec la jeune femme mes désirs envers elle, et elle m’avait fait comprendre que ce soir n’était pas un bon moment. Pour moi. Pour nous. Et maintenant, j’avais l’impression de retomber dans ce tourbillon d’envies peu chastes, et ce de façon souillée. Je me sentais horrible de me laisser aussi facilement exciter par Lou, parce que dans ma tête, suite à son refus de tout à l’heure, la jeune femme ne désirait pas ce genre de relation avec moi. Du moins, pas pour le moment. Pas pour ce soir. Je me sentais donc faible d’interpréter ses mouvements comme sensuels, les laissant pénétrer mon système nerveux si intensément.

Pourtant, quand je me levai et que je coupai court à cette excitation grimpante, Lou sembla se renfrogner. Boudeuse. Elle croisa même les bras sur sa poitrine. Je fronçai les sourcils devant le malaise face à une réaction de ma part qui me semblait justifiée, considérant la situation. Je retournai donc dans la salle de bain, ne murmurant qu’un « Y’a pas de quoi » quand Lou me remercia pour la tasse. Je décidai de vivre mon petit moment de confusion seul dans la salle de bain en enfilant mes caleçons de nouveau. En revenant, je regardai le lit, hésitant à me glisser sous les couvertures ou à me coucher par-dessus, ou alors ailleurs carrément. Lou tourna la tête vers là où mes pas s’étaient arrêtés, et même si ses yeux n’avaient pas trouvé la position exacte des miens, son regard envoûtant et sa proposition ne fit que raviver la flamme. Et me confondre davantage. Lou s’étira alors les bras ainsi que les jambes et s’allonger sur le lit, dans une position des plus sensuelles. Elle était sexy. Tellement. Sexy. J’avalai difficilement et, comme un robot, je m’avançai vers elle sans dire un mot. Je posai un genou sur le lit, puis l’autre un peu plus loin et, à quatre pattes près d’elle, je posai une main sur le côté de son corps, près de ses hanches, et l’autre main de l’autre côté, près de sa poitrine. Mon visage se rapprocha doucement du sien. Et mes lèvres de déposèrent sur les siennes. Et mes barrières s’écroulèrent. Et mon monde s’enflamma.

Les mains de Lou se frayèrent un chemin jusqu’à mes épaules, puis jusqu’à mes cheveux dans lesquels ses doigts se laissèrent voguer. La jeune femme soupirait de bien-être, et chaque soupir causait en moi un déferlement d’émotions si intense. Entendre son plaisir. Voir son plaisir. Je voulais aussi toucher et goûter ce plaisir. Parce qu’il explosait sur moi. Parce qu’il se transportait jusqu’à moi. Jusque dans mon sang, circulant dans mes veines et nourrissant tout mon corps. Et ce plaisir était ce qu’il y avait de plus près du bonheur pour moi. Je pouvais maintenant effleurer ce concept, cet état d’esprit et d’âme, dont tout le monde parlait. Du bout des doigts. Mais il était là.

Lou enfouit son visage dans mon cou alors que je continuais à la couvrir de baisers passionnées sur son visage, dans son cou. Au diable mon souffle qui manquait. S’il y avait bien une place où je pourrais laisser mon dernier soupir et partir en paix, c’était dans les bras de Lou. Mais mes pensées ne se trouvaient pas là. Pas alors que je me sentais aussi bien. La jeune femme parla finalement, me confiant être contente que je sois passé la voir cette nuit. Elle continua, dans un murmure, en m’affirmant qu’elle aurait voulu venir s’assurer de mon bien-être plus tôt à la soirée, mais qu’elle ne l’avait pas fait à cause de cette femme. Je fus surpris de constater à quel point, malgré son handicap, Lou demeurait alerte de tout ce qui se déroulait autour d’elle. J’en fus aussi gêné, car cela signifiait qu’elle avait vraiment tout compris de ma scène.

Mais le fait qu’elle revienne ainsi sur les événements me freina légèrement. Je repensai à mon mal-être de début de soirée. Et je pensai aussi à Oona. Je me reculai légèrement. Lou voulait-elle, de façon détournée, obtenir des renseignements sur sa personne ? Je la regardai dans les yeux, cessant tous baisers entre nous. « C’est mon amie d’enfance qui est arrivée à Bowen depuis peu. Je ne l’avais pas revue depuis … depuis … » Depuis ma tentative de suicide. Après ça, mes parents avaient décidé que les vacances d’été en Irlande, c’était trop instable pour moi. Et pourtant, Oona avait été ma stabilité pendant tous ces étés. Bref, je bloquai dans mes explications, ne sachant plus quoi ajouter. « Depuis longtemps, disons. » Puis je caressai le doux visage de Lou. « Mais tu avais tous les droits de venir me voir, Lou. Tu ne me mettras jamais mal à l’aise. Jamais. » Lui assurais-je, l’embrassant de nouveau, une seule fois, et d’une façon beaucoup plus douce que les précédents.