Thank you for the pain, it made me raise my game. ➽ Isaiah

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres du jeune homme alors que Malou lui parlait de son côté bizarre puisqu’il s’improvisait gardien du corps des prostituées. Dis comme ça, c’est vrai qu’on pourrait facilement le prendre pour une espèce de malade. Un obsédé sexuel, peut-être, même. Parce que les femmes s’attendaient peut-être à ce qu’il demande quelque chose en retour. Pourtant, Isaiah était avec Malou depuis un moment, là, et il n’avait aucunement envie de chercher un quelconque contact en guise de remerciements. Il ne voulait même pas être remercié, en fait, parce qu’il ne foutait rien de si redevable. Malou se rattrapa en disant qu’il était tout de même gentil, et que c’était elle qui n’avait pas l’habitude d’avoir quelqu’un chez elle. « Oh, je peux partir après mon café, tu sais. J’veux pas t’embêter non plus, même si ça me fait plaisir de faire ta connaissance. » Dit-il, avec un ton doux et gentil, comme à son habitude. Honnêtement, Isaiah ne se prenait que très rarement la tête. Alors, pour un truc comme celui-là, il ne serait très certainement pas vexé si Malou lui disait qu’elle préférait être seule pour la suite de la soirée. Isaiah se montrait parfois insistant dans les relations sociales, pour tenter de faire sortir les gens de leur carapace, par contre il ne se montrait jamais impoli ou désagréable. S’il voyait que Malou n’était vraiment pas réjouie à l’idée de l’avoir ici, il partirait. C’était chez elle, quand même. Elle avait tous les droits du monde de vouloir le mettre à la porte, poliment ou non. La belle rouquine décida toutefois d’essayer de se détendre et de se faire à la situation. Elle but son café, tranquillement, avant de le questionner sur sa vie à lui. Isaiah sourit, buvant une gorgée de son café tout en s’adossant au fauteuil, croisant une jambe sur l’autre. « Bah tu sais, j’fais pas que traîner autour des bars à putes, comme tu dis, pour le plaisir. J’vends un peu de mon herbe tant qu’à y être. » Lâcha-t-il en toute honnêteté. Vu le métier de Malou, il se disait bien qu’elle n’allait pas courir le dénoncer à la police. « Sinon, j’suis ébéniste et sculpteur. J’travaille de chez moi, c’plutôt cool. » Déclara-t-il. Il regarda autour de lui, ce n’était pas très meublé. « J’peux te faire des trucs à petit prix si t’as besoin de quoi que ce soit. » Ce n’était pas de la charité, juste de la générosité, de la bonté de cœur, de la gentillesse. Parce qu’Isaiah n’avait que du bon en lui.

À l’entendre, Isaiah avait l’impression d’être utilisateur d’un endroit, genre d’un musée ou d’un endroit de ce genre. Il pouvait prendre son temps, qu’elle disait. Isaiah comptait effectivement prendre le temps d’apprendre à la connaître, mais seulement si elle le désirait. Parfois, l’homme pouvait se montrer insistant quand venait le temps de faire connaissance, mais il savait aussi remarquer les limites des autres. Cette nuit, il avait l’impression de dépasser celles de Malou, et pourtant, à chaque fois qu’il faisait un pas vers l’arrière, elle haussait les épaules et le laisser faire un pas à l’avant, retournant à sa position initiale. Décidément, il avait du mal à bien cerner cette femme aux cheveux de feu, qui était si je-m’en-foutiste qu’elle en avait l’air blasée, désintéressée. Isaiah avait rarement eu à faire autant d’efforts, même auprès d’Aisling qui lui avait parue si sauvage au premier contact. « Si tu t’endors devant moi, t’inquiète, j’vais juste filer en douce. » Plaisanta-t-il, comme s’il aurait pu la voler ou quoi que ce soit. Il s’attendait à une réplique du genre que Malou ne s’endormirait pas devant lui, ou qu’elle avait l’habitude des nuits blanches donc que ce serait lui qui s’endormirait avant et qu’elle n’en avait pas envie, un truc dans le genre. Mais comme elle le surprenait de minutes en minutes, il avait sans doute tout faux.

Ils parlèrent finalement du job illégal d’Isaiah, qui lui permettait de manger à sa faim et de payer son loyer, car la sculpture et l’ébénisterie ne permettaient pas forcément de vivre adéquatement une vie. Ils en vinrent éventuellement à parler des emplois légaux d’Isaiah, forcément, et Malou releva le fait qu’elle aussi devrait peut-être essayer. Il esquissa un sourire amusé. « Mais alors tu vis carrément la nuit et tu dors le jour ? » Demanda-t-il. Parce que lui bossait jour et nuit, s’il le voulait, mais si Malou n’avait pas d’autre emploi, alors il se disait que soit elle passait ses matinées à dormir, soit elle avait tout le temps du monde pour explorer la ville. Étrangement, elle ne lui donnait pas l’impression d’être du genre à aller se faire bronzer à la plage très souvent.

Suite à la généreuse offre d’Isaiah, Malou indiqua qu’elle ferait sans, ce à quoi Isaiah hocha la tête. Il eut l’impression de l’avoir vexée, ce qui lui confirma que pour une première rencontre, il donnait plutôt mauvaise impression. Il n’en avait pas l’habitude, et l’inconfort le gagnait. Il se concentra sur son café, dont il avala quelques gorgées. « Pourquoi tu hisses un mur comme ça entre nous, de quoi t’as peur ? » Osa-t-il demander, réellement intrigué par ses raisons.

Certaines personnes auraient pu trouver cela inimaginable d’avoir des horaires aussi changeants et variés, mais pour Isaiah, cela était tout à fait normal. Lui-même ne travaillait qu’au gré de ses envies, c’était l’un des nombreux points positifs d’être son propre patron. Évidemment, il devait faire attention aux voisins quand il travailler dans son atelier tard le soir ou durant la nuit, parce que le bruit pouvait déranger, mais il trouvait toujours des solutions, en se gardant les tâches silencieuses pour ces moments-là. Bref, il hocha la tête à la réponse de Malou, comprenant très bien de quoi elle parlait, mais décida tout de même de se la jouer un peu stupide, parce que c’était comme ça qu’il mettait les gens à l’aise. Il allongea donc ses jambes devant lui et tenta de toucher ses orteils avec ses mains. « Ah moi j’suis pas très flexible comme tu peux le voir. » Il sourit. Puis, voyant que malgré tous ses efforts, la rouquine semblait rester sur ses gardes alors qu’il pensait avoir bien mis au clair qu’il n’était aucunement une menace, Isaiah osa lui demander ce qui lui faisait aussi peur. À voir la réaction de Malou, il aurait pu bien vite regretter sa question, mais non. Isaiah ne la regrettait pas. Parce qu’ils allaient enfin se parler, vraiment se parler, sans détour et sans politesse. « En apparence, peut-être pas, justement parce que tu prends cet air menaçant qui a pour but de me faire déguerpir. Mais je vais pas partir, Malou. » Pas tant qu’elle ne le lui demanderait pas, avec sincérité, en voulant réellement qu’il la laisse seule. Là, il partirait, oui. Mais il avait l’impression que malgré l’image qu’elle renvoyait, Malou ne voulait pas être seule, au fond. Pas si seule. « J’prends pas sur moi le rôle du sauveur ou du psychologue, si c’est ce que tu crois. Mais j’prendrai volontiers le rôle d’ami. » Affirma-t-il.

Il avait décidément touché une corde sensible. Plus que sensible. Malou ne déconnait pas quand elle disait qu’elle le sortirait à coups de pied au cul. Isaiah avala de travers, imperceptible, se calant légèrement dans le fauteuil en prenant conscience du mur que la rouquine avait érigé entre eux. Avant même de lui laisser une seule petite chance. Le jeune homme ne baissait pas les bras pour autant, mais il était certain qu’il ferait attention aux mots qu’il choisissait, à partir de maintenant. Malou interprétait toutes ses paroles au négatif, pour mieux le repousser, pour mieux le tenir hors de sa bulle protectrice. « Pourquoi tant de violence ? » Demanda-t-il avec une légère pointe d’humour et un sourire aux lèvres, bien décidé à ne pas se laisser abattre. Il ne s’imposerait pas plus longtemps, mais il ne repartirait pas avec la queue entre les deux jambes non plus. Malou et Isaiah étaient visiblement deux têtes dures, avec de forts caractères, et la route serait peut-être longue mais il aimait bien marcher, alors ça tombait bien. « Pas besoin d’en venir à ça, t’as qu’à demander gentiment. » Ajouta-t-il, avant de parler du fait qu’il ne se prenait pas pour un sauveur, mais peut-être pour un potentiel ami. « Donne-moi la date et l’heure des auditions, et j’y serai le premier en file. » Ajouta-t-il, encore une fois avec son air de clown. Pourtant, il ne se moquait pas du tout d’elle, au contraire. Il voulait désespérément lui montrer qu’il n’était pas le mauvais garçon dans l’histoire. Qu’il était un ami sur qui on pouvait réellement compter. Une béquille, même, si le besoin s’en faisait ressentir. Isaiah était là pour les autres, même s’il ne les connaissait pas. Tout d’un coup, la rouquine se leva et se dirigea vers la porte, le sommant de partir d’une façon détournée. Elle était directe, mais pas dans toutes les circonstances. Isaiah se leva sans se faire plus attendre, considérant qu’il avait déjà assez poussé pour ce soir. « Ton canapé est quand même plus confortable que mon lit en général, j’tiens à souligner. » Il se dirigea vers la porte. « Et par là j’m’invitais pas à rester ou d’quoi. J’faisais juste souligner la qualité du divan. » Il sourit, avant d’ouvrir la porte. « Bonne nuit, Malou. » Lâcha-t-il presque solennellement, avant d’hocher doucement la tête et de tourner le dos à la rouquine afin de la laisser seule. Mais elle ne le serait plus, dorénavant.