Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.
Il est tard, presque 21 heures; l’heure à laquelle ferme la galerie d’art le jeudi soir. Je me promène, tout est si épuré et chaque jour il m’est donné de rencontrer des artistes fascinants. Après plusieurs années à exposer mes œuvres, je me surprends toujours le soir à arpenter entre les œuvres des autres créateurs. Le silence est généralement présent, je croise entre une et trois personnes chaque soir vers ces heures. Ce soir, c’est différent. Je m’arrête devant mes œuvres, les miennes, celles de personne d’autre et je me questionne. C’est ça la vie d’artiste, non? Je regarde mes toiles d’un côté, de l’abstrait, du concret. Je retrouve toujours mon âme perdue quelque part dans mes tableaux. Je retrouve le cœur sanglant fait avec de la peinture et des ficelles que j’ai crée lors de mon retour à Bowen. On me demande sans cesse de la conserver, c’est à se demander si jamais je ne pourrai l’enlever. Je la regarde et chaque fois que je la croise, j’ai un pincement au cœur de ma première vraie peine d’amour, celle qui m’avait mis à l’envers pendant des mois durant. Silence. Mes talons hauts claquent sur le sol à chaque pas que je fais. Je tente d’analyser ma propre œuvre, trop de matériaux, très sombre, un cœur brisé : c’est visible. Les ficelles tentant de se raccommoder entre elles avec des failles. La reconstruction, la peine, la souffrance. Je passe ma main dans mes cheveux pour leur donner du volume et j’soupire.
J’m’apprête à partir. Je tourne les talons et il est là en train de regarder une brochure d’informations. Il lève le regard, c’est évident qu’il m’a vue. Je n’arrive pas à déglutir, mes yeux sont ronds comme des billes. J’ouvre la bouche, j’la referme. Je réalise que je ne sais pas quoi lui dire. Après tout, il m’a brisé le cœur... Et j’ai brisé le sien. On devrait être quitte, non? Foutaises. Je revois ses yeux, je suis secouée d’un frisson de souvenirs, des baisers, des moments intimes, des disputes, des rires, des moments de tendresse, des moments de délire en quelques secondes. Son odeur me revient en nez, son parfum qui parfois me faisait retrousser le nez parce qu’il en mettait trop pour mon odorat trop fin. Après une bonne minute d’analyse et de regards insoutenables soutenus, j’décide de passer à côté de lui pour quitter, sans dire un mot puis au dernier instant j’lui dis : « T’as brisé deux cœurs quand tu m’as dit de partir. »
Tu parcourais les rues de Bowen sans la moindre idée où tu allais, sans aucun but précis en tête. Juste prendre l'air, respirer et ressentir la quiétude qui s'était emparé du quartier nord de Bowen ce soir. Probablement que le calme qui en découlait en ce début de soirée t'apaisait. Les rues se vidaient, et en ce jour de semaine, les habitants préféraient rentrer chez eux après le boulot plutôt que d'aller faire la fête jusqu'aux aurores. Plutôt logique en fait. Une cigarette coincée entre les lèvres, tu déambulais tranquillement dans les ruelles maintenant assombries. Tout à coup, une boutique encore illuminée suscita ton attention, d'autant plus quand tu découvris qu'il s'agissait en fait d'une galerie d'art. Tu t'approchas lentement de la grande vitrine, percevant à travers celle-ci une certaine quantité d’œuvres exposées dans l'arrière pièce. Te saisissant d'une des brochures d'informations qui se trouvait à l'entrée, tu te demandais comment tu avais pu passer à côté de ces lieux. Ça faisait presque trois mois que tu étais installé à Bowen, et aussi fou que ça en paraissait, tu n'avais jamais remarqué la présence de cette galerie. Pour autant, tu savais que ce n'était pas vraiment l'heure idéale pour aller découvrir les compositions qui s'y trouvaient. Le propriétaire des lieux avait sûrement mieux à faire que de t'accueillir à une heure aussi tardive. Et en parlant de lui, ou plutôt d'elle -puisque tu entendis le bruit de claquements de ses talons sur le sol-, sa silhouette ne tarda pas à faire son apparition. Tu levas les yeux vers elle. Et elle était là. Ally. Putain il avait fallu que tu emménages dans la même ville qu'elle. Tu déglutis. T'avais l'impression de te trouver dans un rêve, ou plutôt dans un cauchemar duquel tu ne pouvais pas t'enfuir. Merde. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Ton pouls s'était affolé, tes mains étaient devenues moites et il te semblait avoir arrêté de respirer. Tu aurais voulu te barrer d'ici le plus vite possible, peut-être même prendre le premier avion qui passait pour être le plus loin possible d'elle. Mais tu restas cloué, là devant elle, comme un con devant son regard semble-t-il meurtri et aussi surpris que le tien. Elle brisa ce long, trop long silence. Sa voix fit vibrer tes tympans, presque comme une douce mélodie que tu apprenais à ré-écouter. « T’as brisé deux cœurs quand tu m’as dit de partir. » T'avais l'impression d'halluciner. Alors cette nana s'était faite payée pour jouer à la petite amie amoureuse pendant un an, et elle t'expliquait aujourd'hui que tu lui avais brisé le cœur ? C'était juste trop pour toi. « Tu te fous de moi ? » Dis-tu, en te retournant vers elle, et en arborant un ton impassible et grave. « T’as joué avec moi et je suis le fautif ? » Tu lâchas un petit rire sarcastique, avant de reprendre. « Tu sais quoi Alexandria, j'vais pas faire ça. J'vais pas te regarder essayer de te défendre, parce-que j'ai pas besoin de tes explications. » Il n'y avait rien à expliquer de toute façon. Tu avais ré-appris à vivre sans elle, la plaie qu'elle avait laissée en toi s'était refermée. Alors non, tu n'allais pas la laisser te détruire à nouveau. Et le seul moyen était de te tenir le plus loin possible d'elle.
Il le savait que je venais de Bowen, putain qu’il le savait. J’devais lui avoir dit quelques fois, presqu’autant de fois que j’lui avais dis mon nom complet, puisque visiblement il s’en rappelait. Ça me mettait la chair de poule de haine. Brrr, je détestais qu’on m’appelle par mon nom complet, comme s’il ne le savait pas déjà. Je m’étais présentée comme Ally et lorsqu’on était en couple, je lui avais probablement transmis cette horrible information. De toutes les putain de villes existantes, il fallait qu’il soit à Bowen. Un autre continent, ça te disait rien Wheeler?
Sa voix avait résonnée dans tout mon corps et me créait des frissons, comme si un fantôme du passé m’avait rattrapé. « Tu m’as jamais donné la chance de m’expliquer, Levi. » que j’soupire lentement et d’une voix douce en envoyant mes cheveux vers l’arrière. Alors là, c’était la goutte qui faisait déborder l’vase... Il allait quand même pas m’appeler Alexandria. Foutaises. À quoi ma mère pensait en m’donnant ce prénom, j’me le demande encore. Particulièrement, aujourd’hui. « J’ai pas dis que t’étais le fautif, t’as tout simplement jamais essayé de m’écouter et encore moins de m’comprendre. D’accord, ce que j’ai fait est mal et cruel, même. » Je soupire doucement, j’me dis qu’en lui donnant raison, il acceptera sans doute de m’écouter. Ou dans le pire des cas, il peut me fuir, me foutre la peur de ma vie sachant qu’il est maintenant au courant d’où j’suis – quoi que c’était pas bien dur à deviner.
« Tu me dois au moins ça, tu penses pas que j’ai envie de clore ce chapitre de ma vie ? » C’est vrai. J’ai encore le souvenir de l’avion, le cœur meurtri, la tristesse frappante et la solitude. Ô que dire de cette solitude qui plane encore sur moi en se demandant ce qui aurait bien pu arriver. « J’ai pas envie encore de passer d’autres années à me demander ce qui aurait pu se passer entre nous, Levi. Sachant que maintenant t’es dans le portrait de Bowen. » J’pouvais pas encore croire qu’il était à Bowen. De toutes les villes, pourquoi Bowen? J’me le demandais encore après ces quelques paroles échangées.
Je haussais les épaules puis je lui disais : « Si t’es pas satisfait de mes explications, ça me va. Mais donne moi au moins la chance de m’exprimer et de t’expliquer. » J’croise les bras contre moi, un peu pour me protéger malgré les déclarations honteuses qui vont suivre, j’en ai bien peur. « Dis-toi que t’étais pas le seul à avoir des sentiments le soir où tu m’as plaquée, j’étais éperdument amoureuse de toi.. » J’ai toujours de la difficulté à laisser le passé partir. J’ai jamais eu quoi que ce soit pour moi dans tout ça. Ma mère s’était poussée – mais, ça, en soit ça devait être plutôt positif – mon père s’était fait tué et moi j’ai eu l’cœur brisé. Deux fois. Une pour mon père et l’autre pour Levi, les deux hommes de ma vie. « Oh et dernière chose, m’appelle pas par mon prénom complet. » que j’lui dis d’un ton froid, pratiquement glacial. Il avait le don de me rappeler ma mère, parfois.
Bien sûr que oui putain, bien sûr qu'elle venait de Bowen. Bordel, mais pourquoi t'avait-il fallu autant de temps pour piger ça ? Ça n'avait même pas fait tilt dans ta mémoire lorsqu'on t'avait annoncé ta destination. Et maintenant, il était trop tard, t'avais atterri ici sans même remarquer que tu allais sans doute rejoindre la femme qui t'avait brisé en morceaux. Tu te détestais, tu la détestais, t'en voulais à ce putain de destin qui n'était pas décidé à te foutre la paix le temps d'un instant. Tu te sentais con là, à réaliser un siècle après que tu avais fait sans doute la plus grosse connerie de ta vie en acceptant de venir ici.
« Tu m’as jamais donné la chance de m’expliquer, Levi. » Tu détournas les yeux, comme si tu ne te sentais pas capable de supporter son regard. Ce regard qui t'avait fait vibré la première fois, à la première seconde où tu l'avais croisé. « J'en ai rien à foutre de tes explications. J'ai pas envie d'en savoir plus. » Lui dis-tu, sèchement, sans la moindre retenue. Tu t'étais longtemps demandé à quoi ressembleraient les explications qu'elle t'aurait données si tu lui en avais laissé l'occasion. Ça t'avait hanté, pendant de longs mois. Parce-que peut-être que ça aurait changé la donne ? Peut-être que tu aurais trouvé la force de lui pardonner ? Parce-qu'il était clair que les sentiments que tu avais pour elle auraient pu te faire accepter tout et n'importe quoi. Mais tu avais choisi l'autre option, celle où elle disparaissait de ta vie. Complètement. « J’ai pas dis que t’étais le fautif, t’as tout simplement jamais essayé de m’écouter et encore moins de m’comprendre. D’accord, ce que j’ai fait est mal et cruel, même. » Mal et cruel ? Tu trouvais ça encore assez léger comme description. « Tu me dois au moins ça, tu penses pas que j’ai envie de clore ce chapitre de ma vie ? » Tu restais silencieux, tu sentais que ta volonté commençait à faillir. Tu allais avoir ses explications, que tu le veuilles ou non. Connaissant Ally, connaissant sa détermination, tu savais que le moment redouté arriverait. « J’ai pas envie encore de passer d’autres années à me demander ce qui aurait pu se passer entre nous, Levi. Sachant que maintenant t’es dans le portrait de Bowen. » Merde c'est vrai ça, vous étiez tous les deux coincés dans la même ville à présent, et malheureusement, il t'était impossible de faire machine arrière. Pas avant que tu n'aies rempli ta mission. « Alors quoi ? T'auras la conscience soulagée une fois que tu m'auras donné tes explications ? Ça ne change rien à ce que t'es Ally. » Elle avait beau faire ce qu'elle voulait, cracher ce qu'elle avait sur le cœur, tu ressentirais toujours ce dégoût, cette amertume qui te restait sur le palais quand tu repensais à elle. « Si t’es pas satisfait de mes explications, ça me va. Mais donne moi au moins la chance de m’exprimer et de t’expliquer. » Ok, elle avait gagné. Tu posas un instant les yeux sur elle, comme pour lui faire comprendre qu'elle pouvait y aller. Que tu étais prêt pour écouter ce qu'elle avait à te dire. « Dis-toi que t’étais pas le seul à avoir des sentiments le soir où tu m’as plaquée, j’étais éperdument amoureuse de toi.. » Ton cœur rata un battement, littéralement. Tu ne pouvais pas accepter ça, accepter qu'elle te dise que tes sentiments étaient partagés, pas après ce qu'elle t'avait fait subir. « Si tu m'avais aimé Ally, tu m'aurais dit la vérité. T'aurais pas continué un an entier. On n'joue pas avec les gens qu'on aime. » Ton ton s'était presque adouci. Parce-que tu ne croyais pas une seule seconde qu'elle ait pu être amoureuse de toi. « Oh et dernière chose, m’appelle pas par mon prénom complet. » Tu savais qu'elle en viendrait à ce sujet, au fait que tu l'aies appelé "Alexandria". Elle détestait ça, et tu le savais pertinemment. « En tout cas, félicitations. J'vois que ta mission a parfaitement fonctionné. Si t'arrives à vivre avec ça, j'suis ravi pour toi. » Ton cœur s'était resserré, ta gorge nouée. Les souvenirs de ton ancienne vie remontaient à la surface, te frappant en plein visage. « T'as eu ce que tu voulais au final : un chèque avec plein de zéros, mon père a toujours été généreux. » Elle était bien là, la raison de tout ce manège : l'argent. C'était tout ce qui lui avait importé, c'était la raison qui l'avait poussé à détruire un être humain.
Ils s’étaient mutuellement brisés, j’en ai bien peur. Je n’osais pas le toucher de peur que tout revienne, les émotions, les sentiments, les souvenirs. J’en avais qu’une parcelle, un minuscule aperçu et le tout me troublait profondément. Je jetais un œil en coin à l’œuvre qui en disait tant sur Levi. Son regard fuyait le mien et malgré la force que j’avais de le soutenir un peu, je n’étais pas si forte. J’étais même assez vulnérable. « J'en ai rien à foutre de tes explications. J'ai pas envie d'en savoir plus. » Je soupir, ça et une claque, le même effet. Il était toujours aussi têtu, et je le savais. Normal, j’suis pas certaine qu’à l’inverse j’aurais envie d’en savoir plus. Si j’avais tourné la page... Si seulement la situation pouvait être inversée. Il était silencieux, il ne m’interrompait pas, il avait eu la décence de m’écouter. Je pensais que c’était dû à son éducation ou à autre chose, peut-être même du respect? Peut-être aussi une possibilité de fermer le chapitre conditionnel « Et si ...» Ce qui me brisait le cœur c’était la perception qu’il avait de moi, avec un peu de chance, elle était probablement pire que celle que j’ai de moi actuellement. Je haussais les épaules. « J’serai ce que tu veux, Levi. Toute façon, ta perception t’appartient. Tout ce que je veux, c’est que tu saches la vérité. Que tu saches toute l’histoire.» J’avais failli ajouter que je n’aurais aucune raison de m’en vouloir par la suite. Le sort des dés lui appartenait. Il ne voulait pas la version, il ne l’aurait pas, mais je la lui aurais crachée d’une autre façon tôt ou tard.
Les coups de poignards ne cessaient pas... Si tu m’avais aimé. Oh doux Jésus, si je l’avais aimé? Il avait eu toute mon âme. Mes yeux s’agrandissaient à ce moment là. Ça ne s’invente pas un amour comme celui-là. Je savais que les larmes n’allaient pas tarder et pourtant, j’ai soutenu son regard pendant quelques instants. « Justement, j’étais pas sensée tomber amoureuse de toi et c’est arrivé. Tu m’as charmé comme personne, je t’ai tout donné. Mon amour, ma personne, ma confiance, ma dignité... T’as été mon premier vrai amour, Levi, que tu y crois ou non. » Et c’est là que j’ai détourné le regard ça en était trop pour une seule femme. Je respirais bruyamment et je lui crachais la suite quelque part entre l’eau qui apparaissait dans mes yeux. « Tu voulais que j’te dise quoi Levi? Que j’suis pas humaine, que j’ai pas de sentiment? Que j’suis qu’un putain de robot sous l’emprise de ton père? » Ma tristesse avait fait place à la colère. « Parfaitement fonctionné? Tu connais même pas mon objectif, que celui d’ton père. » Un regard noir plus tard je tentais de respirer calmement, les images de mon père me revenait en tête. J’retirais mes talons hauts à mesure que mes yeux s’embrumaient et j’allais m’asseoir plus loin.
« Et tu sais l’pire? C’est que tu ne connais même pas ma vie. » J’passe ma main dans mes cheveux pour les envoyer vers l’arrière. « J’t’ai toujours dis que mes parents avaient pas d’importance quand on était ensemble et j’t’ai menti là-dessus. Et j’suis désolée. » La solitude me pesait énormément soudainement. J’aurais voulu avoir mon père près de moi à cet instant précis pour m’aider, pour me pousser. J’déglutis difficilement et je prends une grande inspiration, alors qu’il s’apprête à ouvrir la bouche pour parler, je l’ai coupé. « Quelques semaines avant que j’quitte Bowen pour l’Amérique, mon père est décédé. » Je pesais mes mots et les larmes coulaient sur mon visage sans même que j’tressaille. « Mon père avait pas d’assurances. J’ai dû payer les funérailles. » J’ai aucunement la force de le regarder, mes yeux n’fixent que le plancher. « Ma mère s’est tirée quand j’avais moins de dix ans avec un homme. J’avais personne, Levi. Je n’avais pas un sous, pas personne pour m’aider. J’n’avais que moi. » que j’lui dis en le regardant dans les yeux. J’me doutais qu’il cherchait mon regard pour ne pas que j’lui mente de nouveau. « Happy, now de voir que j’suis foutrement brisée? » que j’lui demande alors que les lumières se ferment soudainement n’en laissant qu’une ou deux ouvertes. « J’ai les clés si tu veux quitter. » que j’lui dis finalement.
J’avais résumé globalement la situation et j’me rends compte que j’suis vide à l’intérieur de moi. Comme si tous les sentiments du monde s’étaient échappés, comme si je n’étais qu’une enveloppe corporelle matérielle. « Avec le chèque de ton père, j’ai remboursé la dette des funérailles. » que j’lui dis vide de sentiments. J’ai omis de mentionner le fait que je vivais entre autre toujours avec ce chèque, le temps de faire mon deuil et que j’avais racheté la maison familiale. Des détails bien insignifiants selon moi. « J'suis désolée, Levi. » Je n’ose plus le regarder en face.
Ally avait fait de toi un autre homme. Cette expérience t'avait certes anéanti dans un sens, mais elle t'avait fait mûrir. Elle t'avait fait comprendre que l'être humain pouvait être fourbe, vicieux, et agir sans le moindre scrupule. Et aujourd'hui, elle était la raison pour laquelle tu avais développé cette méfiance maladive envers les personnes que tu rencontrais. Cette éternelle crainte qui t'empêchait de t'ouvrir aux autres. Tu considérais que personne n'était à l'abri de rien. Un malheur pouvait bombarder n'importe qui, à n'importe quel moment, à n'importe quel endroit. Tu en avais fait la malheureuse expérience, et ça t'était tombé dessus au moment où tu t'y attendais le moins. Et c'était certainement ce qui avait foudroyé de plein fouet tout espoir que tu plaçais encore en l'amour à cette époque. Parce-que putain ce que tu l'avais aimé cette femme, d'un amour passionnel même, d'un amour tellement fort que les mots eux-mêmes n'étaient pas assez puissants pour le décrire. Quelque chose d'inexplicable, de fou et d'insensé. « J’serai ce que tu veux, Levi. Toute façon, ta perception t’appartient. Tout ce que je veux, c’est que tu saches la vérité. Que tu saches toute l’histoire. » Le souci était que tu ne pouvais pas poser les yeux sur elle sans que tu ne ressentes un dégoût profond, ce même dégoût qui s'était épris de toi le jour où tu avais découvert toute cette mascarade. « Le problème Ally, c'est que je n'ai plus d'estime pour toi. Plus aucune. » Tu voulais être cruel, lui montrer que toi aussi t'étais capable de la blesser, d'être ce connard sans cœur qu'elle avait inconsciemment construit de ses propres mains.
Tu savais pour autant que ce n'était pas ce qui allait l'arrêter dans ses explications. Tu ne pourrais pas y échapper, tu finirais par sortir de la galerie en ayant le fin mot de l'histoire. « Justement, j’étais pas sensée tomber amoureuse de toi et c’est arrivé. Tu m’as charmé comme personne, je t’ai tout donné. Mon amour, ma personne, ma confiance, ma dignité... T’as été mon premier vrai amour, Levi, que tu y crois ou non. » La tension semblait à son comble. Une ambiance à peine supportable, pour elle comme pour toi. Sauf que tu ne montrais pas tes émotions, tu te contentais de les enfouir au fond de toi, de les faire taire du mieux que tu le pouvais pour ne jamais, ô grand jamais dévoiler tes faiblesses. « Comment tu peux encore parler de dignité après tout ça ? Tu veux que je te dise... Ta dignité, tu l'as perdu le jour où t'as osé poser les yeux sur moi en me disant que tu m'aimais. » Avais-tu fini par dire, la voix empreinte de gravité, de ces blessures du passé qui refaisaient surface. « Tu voulais que j’te dise quoi Levi? Que j’suis pas humaine, que j’ai pas de sentiment? Que j’suis qu’un putain de robot sous l’emprise de ton père? » Tu soupiras. Peut-être que oui, c'était vraiment ce que tu voulais qu'elle te dise au final. Parce-que pour toi, c'était ce qu'elle avait incarné. Un monstre. Il n'y avait pas d'autres mots. « Parfaitement fonctionné? Tu connais même pas mon objectif, que celui d’ton père. » Tu avais senti la colère montée dans sa voix.
Tes yeux suivirent sa silhouette lorsqu'elle alla s'asseoir dans un coin de la pièce. Tu restas debout, faisant quelques pas pour tenter de calmer l'animosité que cette discussion provoquait en toi. « Et tu sais l’pire? C’est que tu ne connais même pas ma vie. » Ton regard meurtri se posa un instant sur elle. « Dis moi comment j'aurais pu la connaître sachant que notre relation était basée sur un putain de mensonge ?! » Tu fermas un instant les yeux, il fallait que tu te contrôles, que tu restes un minimum stable émotionnellement parlant pour le reste de ses explications, bien que ça s'annonçait très dur. « J’t’ai toujours dis que mes parents avaient pas d’importance quand on était ensemble et j’t’ai menti là-dessus. Et j’suis désolée. » Plus rien ne t'étonnait maintenant. Cette femme dont tu étais tombé amoureux, tu te rendais compte qu'elle n'existait peut-être même pas, qu'elle n'était simplement qu'un tissu de mensonges inventé de toutes pièces par la jeune femme qui se trouvait devant toi. « Quelques semaines avant que j’quitte Bowen pour l’Amérique, mon père est décédé. » Un frisson te parcourut l'échine à l'annonce de cette révélation. Ce n'était pas le moment de ressentir de la pitié pour elle. Vraiment pas. Et pourtant, ça paraissait inévitable. « Mon père avait pas d’assurances. J’ai dû payer les funérailles. Ma mère s’est tirée quand j’avais moins de dix ans avec un homme. J’avais personne, Levi. Je n’avais pas un sous, pas personne pour m’aider. J’n’avais que moi. » Alors, c'était donc ça la raison de son agissement. La mort de son père. « Tu aurais pu me le dire Ally, t'aurais pu le faire quand il en était encore temps. J'aurais compris. » Parce-que je t'aimais comme un fou. Tu avais préféré passer sous silence ces dernières paroles, les gardant pour toi. « Happy, now de voir que j’suis foutrement brisée? » Tu agitas doucement la tête de droite à gauche, faisant quelques pas vers elle. « On est deux. » Murmuras-tu, dans un souffle à peine audible. « J’ai les clés si tu veux quitter. Avec le chèque de ton père, j’ai remboursé la dette des funérailles. » Tu continuas de l'écouter, restant silencieux un bon moment avant de reprendre finalement la parole. « Tu le savais que j'avais de l'argent, je t'aurais donné tout ce dont tu avais besoin. Mais t'as quand même choisi de continuer à jouer avec moi. Et ça, je pourrais jamais l'accepter. » Ton ton s'était un peu adouci, tu étais beaucoup moins violent et blessant dans tes paroles. Mais évidemment, la rancœur était toujours présente. « J'suis désolée, Levi. » Tu soupiras, une nouvelle fois. « Malheureusement, ça ne suffit plus... » Tu étais aussi désolé qu'elle. Tu n'étais plus capable de pardonner, c'était plus fort que toi. Tu étais bien trop abattu pour ça.
Avec l’expérience de vie que j’ai, je suis en mesure de dire que les moments les moins opportuns sont ceux où on vit des détresses psychologiques. Le nombre de fois où tout allait mal en même temps, c’était comme si une espèce de loi de Murphy s’abattait sur moi à chaque fois qu’il y avait un pépin ou un anicroche. Il confirmait la donne en me disant qu’il n’avait plus aucune estime de moi, ce qui me faisait soupirer de nouveau. Je m’en voudrais également être à sa place, mais j’aurais aimé qu’il comprenne la vraie chose. Mais plus je parlais, plus l’ambiance devenait pesante, autant pour lui que pour moi. Surtout pour moi, c’est pas facile de vider ses tripes. J’étais franche et honnête, mais ça n’a jamais été facile de se blesser soi-même, plus facile de faire mal aux autres.
« Bordel, Levi. J’t’ai aimé. T’as été la moitié d’mon âme, même si tu veux pas y croire. J’ai pétillé comme avec personne. J’voyais plus ma vie sans toi, c’est pour ça que j’ai rien dit. Même si t’en doute et j’m’en fous que t’en doutes, mais c’est vrai. Ça s’invente pas des sentiments. » Je frissonne, un peu de froid, un peu de peine, un peu d’peur et surtout de vulnérabilité. J’avais été si amoureuse de lui. Chaque fois qu’il disait que notre relation était basée sur des mensonges, c’était l’effet d’une claque. « Pense, ce que tu veux. » que j’lui dis finalement en sachant pertinemment que ça n’allait pas changer, putain qu'il était têtu à l'époque. J'paris qu'il l'est toujours.
« Happy, now de voir que j’suis foutrement brisée? » J’avais vu sa tête aller d’un côté puis de l’autre. Aucune réaction de ma part, j’sais pas trop comment prendre la chose. Puis je l’entends murmurer « On est deux. ». J’sais pas si j’ai envie de répondre à ça, parce que visiblement avec ses piques, j’en ai pas l’impression. Quoi qu’il est bien sur la défensive, Wheeler. On peut jamais l’atteindre totalement selon moi. Il y a quelques années, j’aurais pu probablement avec mes yeux pétillants et amoureux, mon sourire franc et parfois timide. Le nombre de fois qu’il avait tenté d’me faire rire alors que j’pleurais presque sous la couette. C’était ce genre d’amour entre Lev’ et moi.
Puis venu le moment des déclarations puis il me dit que j’aurais pu le lui dire. J’ai eu un rire mauvais. « Admettre que j’suis pauvre à un homme riche pour qu’il puisse m’aider? J’ai plus de fierté que ça, tu l’sais bien, Levi. » que j’lui dis avec un regard vide, pratiquement neutre malgré un rictus amer. J’aurais vendu mon corps pour payer l’enterrement de mon paternel, s’il l’avait fallu. Mais j’croyais que j’valais un peu plus que ça. Et que mon père m’aurait cramé, littéralement.
« Levi, ton argent j’m’en foutais. C’était toi que j’aimais. T'aimer ne faisait pas parti de mon contrat, comme tu sembles le croire. » C’était tout ce qui résumait la donne. « Et ton père ne m’avait pas tout expliqué... Ça paraissait d’un père qui se préoccupait de son fils, simplement. Comment tu voulais que j’passe à côté de ça? » que j’lui demande entre deux larmes. «. Tu sais pas c’que ça fait quand tu te dis qu’un père veut prendre soin de son enfant parce qu’il s’en inquiète. Mon père s’est fait tué, Lev’. J’ai dû jouer l’adulte là-dedans pour ramasser ses putains d’emmerdes. Si j’ai pu t’en éviter au moins une ou deux, mon job aura pas été vain. » J’me relève et j’prends mes talons hauts d’une main et j’me dirige vers le cœur en peinture et ficelle. J’me souvenais pas que ça faisait aussi mal de s’faire écraser l’cœur en mille parcelles. J’avais évité pratiquement toutes les situations où j’aurais pu en souffrir. Je m’essuie les yeux lorsque j’suis dos à lui, j’dois bien retrouver ma fierté quelque part. J’tente de dissimuler le maquillage coulé autant que j’peux dans les conditions présentes. J’frissonne encore de peur et d’angoisse. J’me dis que j’ai hâte de voir Isaiah pour lui en parler, j’me dis que j’ai hâte de créer pour me défaire de tous ces sentiments négatifs et contradictoires. J’soupire de nouveau pour enlever toutes les émotions, pour mieux me ressaisir. Il m’avait dit que les excuses ne suffisaient plus. J’avais l’impression que rien n’allait être suffisant, maintenant. Je sais pas trop si j’ai envie d’me battre pour qu’il accepte mes excuses. Ça donnerait quoi en bout de ligne? Une paix intérieure? C’est pas avec lui que j’veux faire la paix, si? Non? C’était avec moi-même, plus qu’avec lui. Enfin, j’crois.
« Bordel, Levi. J’t’ai aimé. T’as été la moitié d’mon âme, même si tu veux pas y croire. J’ai pétillé comme avec personne. J’voyais plus ma vie sans toi, c’est pour ça que j’ai rien dit. Même si t’en doute et j’m’en fous que t’en doutes, mais c’est vrai. Ça s’invente pas des sentiments. » Ta gorge se nouait de plus en plus au fur et à mesure que tu comprenais que ce qu'elle te disait avait peut-être du sens et qu'il pouvait s'agir de paroles véridiques. Et c'était peut-être encore plus dur à accepter au final. Sûrement parce-qu'il te paraissait impossible de concevoir qu'on puisse aimer une personne tout en étant conscient de lui faire du mal. C'était impensable. Têtu ? Oh ça oui tu l'étais. Il était très difficile de te faire changer d'avis quand tu avais une idée en tête. Surtout quand la personne qui essayait de te convaincre avait perdu l'intégralité de ta confiance. « Pense, ce que tu veux. » Elle te connaissait. Elle savait que tu ne lâcherais pas le morceau aussi vite. Vos deux caractères explosifs ne rendaient pas la situation facile, ça c'était peu de le dire. Vous en aviez d'ailleurs déjà fait les frais lorsque vous étiez encore ensemble, lorsque la voix était montée entre vous et que vous tentiez de vous expliquer. Dans un calme pour le moins précaire. Mais vous aviez vécu une histoire d'amour fougueuse, passionnelle, une histoire qui était censée supporter n'importe quel obstacle. Ou du moins, c'était ce que tu avais longtemps pensé.
« Admettre que j’suis pauvre à un homme riche pour qu’il puisse m’aider? J’ai plus de fierté que ça, tu l’sais bien, Levi. » Tu tournais en rond dans la petite pièce, faisant les cent pas, soupirant face à cette situation dans laquelle tu te trouvais coincé. « Ça aurait peut-être évité toute cette histoire Ally. Je n'étais pas seulement qu'un homme riche à cette époque, j'étais avant tout l'homme qui t'aimait. » Tout ça pour une histoire de fierté au final... Une putain de peur de voir son propre égo froissé, heurté par la vérité des faits. « Levi, ton argent j’m’en foutais. C’était toi que j’aimais. T'aimer ne faisait pas parti de mon contrat, comme tu sembles le croire. » Ton cœur semblait se resserrer dans ta poitrine, te faisant atrocement mal à chaque fois qu'elle te disait qu'elle t'avait aimé. Pendant quatre ans tu t'étais convaincu que tu avais été dupé, que tes sentiments n'avaient jamais été partagés par Ally. Ça avait toujours été plus simple à accepter comme ça. « Et ton père ne m’avait pas tout expliqué... Ça paraissait d’un père qui se préoccupait de son fils, simplement. Comment tu voulais que j’passe à côté de ça? » Tu lâchas un petit rire empreint de sarcasme. Alors maintenant elle avait de la compassion pour ton père et elle lui donnait presque raison. « Tu ne connais pas mon père Ally. Il ne s'est jamais préoccupé de moi, ni de ce que je voulais. Tout ce qui l'importait c'était que je change d'avis pour reprendre les rênes de sa putain d'entreprise ! » Avais-tu répondu, la colère s'étant emparée de toi. Ton père s'était inquiété oui, mais pas pour les raisons qu'elle avançait. Son entreprise, uniquement cela, il n'y avait que ça pour lui. Rien à voir avec l'image d'un père soucieux et attentif. Juste un requin aveuglé par l'argent. « Tu sais pas c’que ça fait quand tu te dis qu’un père veut prendre soin de son enfant parce qu’il s’en inquiète. Mon père s’est fait tué, Lev’. J’ai dû jouer l’adulte là-dedans pour ramasser ses putains d’emmerdes. Si j’ai pu t’en éviter au moins une ou deux, mon job aura pas été vain. » Son "job" comme elle le décrivait, t'avait bien plus affecté qu'elle ne le pensait. La belle rousse finit par s'éclipser, s'approchant vers un tableau qui t'avait attiré l’œil lorsque tu l'avais aperçu à travers la vitrine. Tu fis quelques pas pour la rejoindre, réduisant considérablement la distance entre vous. Son parfum vint doucement te chatouiller les narines, provoquant un long frisson de nostalgie en toi. Tes yeux étaient rivés sur son œuvre, cette œuvre qui traduisait à la perfection ton état actuel. « J'aurais voulu que ça se termine autrement. » Avais-tu murmuré, simplement, ne quittant pas des yeux la création d'Ally.
Dernière édition par Levi Wheeler le Ven 12 Fév 2016 - 19:12, édité 1 fois
Si c’était véridique? Évidemment que ça l’était! À l’époque, tout du moins. Et j’me rends compte que mon cœur se brise encore à cause d’une histoire qui a mal, très mal tournée. Une histoire qui m’pince le cœur chaque fois que j’y pense parce que de la façon dont ça s’est terminé n’était pas la bonne façon. Y en avait-il une? Oui, le fait de l’avoir essayé jusqu’au bout. Pas pour une querelle, pas pour un malentendu. De toute façon, du passé, j’étais toujours la première à flancher. Ça ne valait pas la peine de se disputer pour ça. Ça faisait parti de mon tempérament. J’étais douce, j’étais sensible. J’pouvais également être caractérielle et me battre, mais ça me prenait une raison. Ça m’en avait pris longtemps, que ce soit dans ma famille ou dans un tout autre contexte. Avec Levi, tout était intense, on vivait à mille à l’heure et ça me plaisait. Il faisait sortir un côté différent de la femme que j’étais. Et que j’suis toujours.
Je le voyais tourner en rond et une fois de plus, je lui offrais. « Si tu veux partir, j’te file les clés » Il n’avait pas envie d’être là, ça se voyait. C’était bien évident. « Ça aurait peut-être éviter toute cette histoire Ally. Je n’étais pas seulement qu’un homme riche à cette époque, j’étais avant tout l’homme qui t’aimait. » J’détournais le regard. Oui, il m’aimait, je le savais bien. J’aurais pu le lui dire, mais c’était déjà suffisamment difficile comme ça à l’époque. « Mais oui, j’aurais pu te dire : Hey, je t’aime j’craque pour toi. Mon père est mort, tu veux bien m’prêter la somme que j’pourrai jamais te rembourser parce que j’suis qu’une pauvre cruche? Et de toute façon, c’était pas ça que j’voulais pour nous deux, à l’époque. J’voulais qu’on soit des égaux. » que j’lui dis en soupirant de nouveau.
« Il t’aimait quand même » que j’lui dis en haussant les épaules doucement. Je baissais le regard, c’était pas de mes affaires à ce point. « Et comment tu voulais que j’le sache que c’était pour ça? T’as même pas eu l’intention de me le dire. Même que si t’étais pas à Bowen, je l’aurais jamais su. » Devant la toile, j’étais muette. Je tentais de me reconstruire comme je le pouvais entre les secondes où ni l’un ni l’autre ne parlait. Le silence était encore présent, il l’était toujours. « J’aurais voulu que ça se termine autrement. » Je reste silencieuse malgré tout ça, malgré sa déclaration qui aurait pu me choquer. Je sentais sa présence près de moi, son parfum, son corps, mes tressaillements. Il avait raison, ça aurait du se terminer autrement. Mais dans tous les cas, c’est terminé et révolu, non? Je garde les yeux sur le tableau. « Moi j’pense que c’était pas sensé se terminer... C’était différent » que j’pense à voix haute. « C’était magique, Levi. » que j’lui dis en me tournant vers lui en le regardant dans les yeux pour la première fois presqu’aussi intensément. J’ai envie d’m’approcher, de goûter ses lèvres comme tant de fois avant, mais j’ai peur. J’ai peur de tout ce que ça peut ramener d’un seul souffle.
Vous viviez d'amour et d'eau fraîche, littéralement. Vous profitiez simplement de chaque jour ensemble comme si c'était le dernier, ne planifiant absolument rien, vous laissant vivre comme bon vous semblait. Sans ne jamais tomber dans une routine. C'était votre histoire, votre aventure. Vous la viviez pleinement, main dans la main. Et lorsque tu étais avec Ally, tu n'avais jamais ressenti ce besoin de voyager à travers le monde comme tu avais l'habitude de le faire à cette époque. Non. Parce-qu'elle avait juste à poser son regard sur le tien pour que tu t'envoles, pour que tu partes dans une contrée que vous seuls étiez capables d'atteindre. Chaque jour avait été une aventure avec elle. Une aventure dans laquelle tu t'étais donné, corps et âme, pour tenter de lui faire ressentir ce qu'elle arrivait elle-même à te faire ressentir. Ce sentiment de plénitude qui t'avait autrefois rendu si heureux.
« Si tu veux partir, j’te file les clés. » La situation était loin d'être facile à gérer émotionnellement, pour elle comme pour toi. « Ça ne sert à rien que je m'attarde ici plus longtemps, de toute façon. » Avais-tu fini par dire, presque résolu. Pourquoi rester ici plus longtemps ? Vous vous faisiez du mal. Vous tentiez de réparer les erreurs du passé, et quelque part, vous pouviez continuer encore longtemps parce-que ça ne changerait rien. Les faits étaient passés, les actes étaient commis. Il n'y avait aucune possibilité de retour en arrière. « Mais oui, j’aurais pu te dire : Hey, je t’aime j’craque pour toi. Mon père est mort, tu veux bien m’prêter la somme que j’pourrai jamais te rembourser parce que j’suis qu’une pauvre cruche? Et de toute façon, c’était pas ça que j’voulais pour nous deux, à l’époque. J’voulais qu’on soit des égaux. » Tu fronças les sourcils face à sa remarque. Égaux ? Où pouvait bien être l'égalité dans cette relation ? Tu tentais encore de la chercher, en vain. « Ça aurait été toujours plus intelligent que ce que t'as fait. Regarde où on en est. Tu penses toujours que t'as pris la bonne décision ? » Il était inutile de remuer le couteau dans la plaie. Ce qui était fait était fait. Elle avait choisi d'agir de la sorte, elle avait préféré mentir par fierté plutôt que d'essayer de te faire comprendre sa situation à l'époque. « Il t’aimait quand même. » Probablement. Mais son amour pour l'entreprise avait toujours été plus fort. Ça, tu n'en avais jamais douté. « Et comment tu voulais que j’le sache que c’était pour ça? T’as même pas eu l’intention de me le dire. Même que si t’étais pas à Bowen, je l’aurais jamais su. » C'était un cercle vicieux. Comment aurais-tu pu lui dire si elle-même ne t'avait pas prévenu de la mission qu'elle devait accomplir ? Vous étiez tous les deux fautifs dans cette histoire, même si tu ne l'admettais toujours pas. Tu restas silencieux, tout comme elle, préférant porter ton attention sur ce tableau qui résumait bien tristement votre sort. « Moi j’pense que c’était pas sensé se terminer... C’était différent. » Tu étais persuadé que tu avais vécu les plus belles années de ta vie avec Ally. Et probablement que tu ne revivrais plus jamais une relation comme celle là. « C’était magique, Levi. » Tu avais dévié tes yeux dans les siens, la scrutant d'un regard maintenant adouci, un sourire en coin attristé sur les lèvres. « Ça l'était... » Tu te rapprochas encore d'elle, te laissant porter par une inconscience folle. Tu allais mettre ton égo de côté pour une fois, et redevenir pour quelques secondes l'homme qu'elle avait connu. Une de tes mains vint délicatement se poser sur sa joue, alors ton cœur menaçait de se barrer de ta poitrine. Tu approchas ton visage du sien, plaquant un instant ton front contre le sien, fermant les yeux. Tu sentais son souffle s'écraser sur ton visage et finalement, tu déposas tes lèvres sur les siennes, l'embrassant avec douceur. Un baiser qui sonnait presque comme un adieu. Tu n'avais pas réfléchi sur l'instant. Tu t'étais simplement dit que vous en aviez besoin, tous les deux.
L’amour que j’entretenais avec Levi était d’une pureté inconcevable. Nous étions bien, lui comme moi. Rien ne nous arrêtait. On se moquait des gens dans la rue enlacés, on s’embrassait lorsque ce n’était pas le temps et les étreintes étaient merveilleuses. Sa main était douce, son regard bienveillant et son sourire étincelant lorsqu’il était avec moi. L’époque était belle et bien révolue. Là, on se fuyait comme on le pouvait. « Parfait. » que j’conclus sans plus de cérémonie. Je garde la clé dans mon sac à main, sans même la lui tendre ou même la chercher. Il remettait mon acte en question, encore une fois. « Peut-être. Peut-être pas Levi. J’t’aurais pas connu autrement. J’voulais pas vivre le rêve américain, ça ne m’intéressait pas. C’est toi qui m’a fait vivre le rêve américain, j’voulais rien moi. » Et c’était vrai. Je ne voulais rien de tout cela à la base. Je voulais seulement m’échapper de la réalité et j’aurais pu le faire à Sydney, Perth, Adélaïde ou encore à Canberra, question de pas quitter le pays. Enfin...
Le tableau était bien intéressant jusqu’au moment où il me regardait. Son regard plongé dans le mien qui me faisait chavirer, comme autrefois. Il se rapprochait de moi, encore plus proche. C’était insoutenable, difficile. J’avais le cœur lourd. Sa main se glissait sur ma joue, comme par instinct. Son front venait rencontrer le mien et je sentais ce qui allait arriver. J’aurais voulu tout empêcher. Sincèrement. Mais le mal était déjà fait. Un baiser doux et tendre que je prolongeais quelques instants, un moment même puis je me reculais. « Arrête de jouer avec moi. Tu sais que j’suis faible quand il s’agit de toi. » J’détourne le regard, mal à l’aise et je joue avec mes cheveux. Je me recule de quelques pas comme pour me protéger, mais le mal était déjà fait, encore une fois. J’étais perturbée. Pourquoi, sérieusement. « Pourquoi t’as fait ça? » que j’lui demande en effleurant mes lèvres du bout des doigts, les yeux ronds comme des billes. J'avais presque envie de le disputer. J’me retenais de m’avancer et le ré-embrasser de nouveau. J’savais que les sentiments feraient face cette fois. Mon cœur battait si rapidement et j’me sentais si confuse. Si confuse. J’espérais secrètement qu’il n’avait pas quelqu’un dans sa vie, je voyais venir les emmerdes à toute allure. J’voyais déjà l’épilogue du cœur aux ficelles présenté tout près de nous.
« Parfait. » Ça ne servait strictement à rien de continuer la torture. Vous vous déchiriez mutuellement sans en être conscients. Remettre en question vos actes du passé n'était pas l'idée la plus judicieuse au monde. Au contraire, ça ne remettait à la surface que les rancœurs et les regrets qui vous torturaient l'esprit. « Peut-être. Peut-être pas Levi. J’t’aurais pas connu autrement. J’voulais pas vivre le rêve américain, ça ne m’intéressait pas. C’est toi qui m’a fait vivre le rêve américain, j’voulais rien moi. » Tu te mordillas légèrement la lèvre inférieure, reconnaissant pour la toute première fois que ce qu'elle te disait n'était pas totalement idiot. Qui pouvait prédire ce qui se serait passé si elle t'avait tout avoué en temps et en heure ? Personne ne le pouvait. Même pas toi. Comment aurait été votre relation si elle avait choisi l'option des aveux ? Encore une fois, tu n'avais pas la réponse à cette question. « Dans tous les cas, ce qui est fait est fait. On n'reviendra pas en arrière. » Avais-tu fini par répondre, la gorge encore nouée à cause de ces échanges on ne peut plus houleux. Vous aviez muri, vous n'étiez plus ces deux gamins qui allaient se rejeter constamment la faute l'un sur l'autre. Ça ne mènerait à rien.
« Arrête de jouer avec moi. Tu sais que j’suis faible quand il s’agit de toi. » T'avait-elle dit, en rompant le baiser et en s'éloignant de toi. C'était assez ironique venant d'elle, non ? Elle qui n'avait pas hésité à jouer avec toi pendant un an. Enfin bref, tu restas un instant les yeux fermés, histoire de te remettre de tes émotions après cet échange imprévu. « Pourquoi t’as fait ça? » Même toi tu ne le savais pas. Était-ce une manière pour toi t'enterrer la hache de guerre ? Hum, pas vraiment. Tu étais un homme rancunier, et il était vraiment difficile d'obtenir ton pardon. « C'est peut-être la dernière fois qu'on s'embrassera. Alors, je l'ai fait. » Tu refusais de te l'admettre, mais ça t'avait manqué. Retrouver la texture de ses lèvres, la chaleur que ça te procurait. Ce n'était probablement pas la meilleure chose à faire, mais depuis votre rupture, tu avais appris à cesser de réfléchir, et à agir plus rapidement. Sans te poser la moindre question. Sans mesurer la conséquence de tes actes. « Je vais y aller. » Tu ne comptais plus les fois où tu l'avais déjà dit.
La torture était horrible, c’était l’un des pires supplices qu’on m’avait fait connaitre. Revoir Levi, quand on passe à autre chose, c’est difficile. Je n’avais pas la moindre idée d’où j’allais dans la vie maintenant. Enfin, à l’époque. Aujourd’hui, j’ai cette galerie d’art. Cette putain de galerie d’art de malheur où était Levi. Il verrait maintenant tout au travers de moi, il le pouvait. Moi qui croyais que Bowen était mon petit coin de paradis, à moi, où il ne me trouverait jamais. « Non, on ne retournera pas en arrière. » que j’conclu finalement avec le cœur clairement secoué par mes aveux, par le peu des siens.
« C’est peut-être la dernière fois qu’on s’embrassera. Alors, je l’ai fait. » Peut-être. Peut-être qu’il avait raison, après tout. Je n’ai pas osé renchérir là dessus. Il avait probablement raison, j’espérais profondément qu’il ait raison. J’avais le cœur meurtri par tout ce qui s’était passé, tout ce que j’avais réussi à recoudre par moi-même s’était décousu l’instant d’un baiser. « Je vais y aller. » Je hochais la tête positivement, puis je la secouais négativement. « Non, on mérite mieux que ça. » Je joins rapidement les pas qui me séparaient de lui. Et je l’embrassais, c’était moi qui menais maintenant. Il n'avait pas le droit de s'y opposer. Cette fois, je ne le laissais pas se détacher, je glissais mes bras sur ses épaules en frôlant sa nuque du bout de mes doigts en faisant de légers va-et-vient vers le haut puis vers le bas. Le baiser avait pris de l’assurance, ma langue était allée chercher la sienne pour la faire valser doucement, mais avec passion, avec intensité. Un peu comme notre couple l’a été : passionné, mais intense. Et surtout brisé. Je le serrais contre moi alors que Levi ne semblait pas s’éloigner, pour une fois. Puis je me reculais finalement en le regardant dans ses yeux, ses iris bleu-gris. Silence absolu. On méritait mieux que ça selon moi, beaucoup mieux. « La sortie est par là. » que j’lui pointe du doigt comme pour l’inciter à sortir. J’avais envie de lui, maintenant. Et je m’en voulais parce que cette fois, c’était ma faute. J’allais devoir assumer. J’avais envie de lui dire de quitter, parce que s’il restait, j’en serais incapable.
« Non, on ne retournera pas en arrière. » Tu posas un instant tes yeux sur elle avant de les dévier vers les œuvres présentes dans la pièce. Le vrai problème était maintenant de savoir si tu te sentais capable de vivre dans la même ville qu'elle. Parce-que c'était inévitable. Vous alliez forcément finir par vous recroiser un jour ou l'autre. Bowen n'était pas une ville immense, et il n'était évidemment pas rare de croiser des têtes déjà connues plusieurs fois par semaine. Sauf que toi, tu ne savais pas si tu étais assez fort pour supporter son regard meurtri, pour supporter sa présence alors que tu pensais l'avoir définitivement rayé de ta vie quatre ans plus tôt. La tâche ne s'annonçait décidément pas facile pour toi. Mais tu n'allais pas renoncer à ta mission. Tu avais encore beaucoup à faire ici, c'était certain.
Une fois le baiser échangé, tu lui confias que tu n'allais pas rester plus longtemps. Tu n'en voyais aucune utilité. Et de toute façon, vous vous étiez dit ce que vous aviez à vous dire non ? Tu semblais épuisé et vidé par ces "retrouvailles". Alors il était préférable que tu rentres à l'appartement. « Non, on mérite mieux que ça. » Sauf que contre toute attente, la jolie rousse vint te rejoindre, pour t'embrasser à son tour, d'une manière un peu plus intense que tu ne l'avais fait quelques instants plus tôt. Tu te laissas guidé par cet échange langoureux, ne cherchant absolument pas à le rompre. Ton cœur se débattait en toi et tu t'efforçais de le calmer un tant soit peu. Au bout d'un moment, vos lèvres finirent par se détacher, vos yeux par se rouvrir et doucement tu laissas la distance venir vous séparer à nouveau. « La sortie est par là. » Tu restas silencieux également, les yeux toujours plantés dans ceux d'Ally. C'était certainement ce qu'il y avait de mieux à faire avant que ça ne dérape. Les choses étaient déjà assez compliquées comme ça, inutile de les empirer. Le bruit de tes pas sur le sol vint rompre le silence pesant qui régnait dans la pièce. Tu te dirigeas vers la sortie, n'adressant ni aucune parole, ni aucun regard à Ally, préférant partir comme si de rien était, comme si tout allait bien, comme si la revoir ne t'avait pas affecté. Une fois dehors, tu t'allumas une cigarette, comme un réflexe malsain qui te soulageait, et ta silhouette finit par disparaître dans la nuit noire.