such a holy fool ~ effy.

C'était déjà pas la joie tous les jours, mais depuis quelques temps, Effy s'enfonçait de plus en plus profondément dans ses abysses personnelles, qui se tenaient prête à l'engloutir, comme toujours. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle faisait un peu de la merde, qu'elle craquait un peu trop au niveau drogues et autres conneries. Ouais, c'était reparti pour se foutre un peu en l'air. Mais depuis quelques jours, c'était pire. Genre cent fois pire. Depuis ce fameux soir où elle avait découvert Levi en train de se taper une autre fille, la connasse rousse là. Putain en plus elle arrêtait pas de la croiser partout. Elle avait envie de lui en coller une. Mais ce n'était rien comparé à l’écœurement qu'elle ressentait pour Levi. Et pour elle-même aussi. Quelle pauvre conne, elle était vraiment une imbécile de première quand ça lui prenait. Quand elle commençait à faire confiance, quand quelqu'un réussissait à gratter un peu sous la surface. Comme si, parce qu'un beau jour elle décidait qu'elle n'allait plus rejeter les gens et les sentiments, toute la terre commencerait à tourner rond et tout le monde serait tout beau tout gentil. Elle et ses utopies débiles, son optimisme répugnant et ses espoirs tordus. C'était vraiment pitoyable. Alors elle faisait tout pour oublier, se laissant entraîner par ses démons comme jamais. Au pire elle crèverait, Zach serait méga en colère et ne lui pardonnerait jamais, et elle en aurait rien à foutre parce qu'elle serait plus là. Ahaha, bien fait pour votre gueule bande de cons. Laissez-moi m'autodétruire en paix, merci bien au revoir - enfin même si on se reverra sans doute pas -.

Effy traînait dans sa chambre, dont elle ne sortait désormais que pour aller se flinguer les neurones dans une quelconque soirée, dans un bar ou tout simplement en ville, pour aller s'acheter de l'alcool et de la drogue, et un petit peu de bouffe quand même, bien qu'elle ne mange jamais grand chose. Le reste du temps elle restait dans sa résidence universitaire, vêtue d'un petit short et d'un top ample sans même se soucier de porter un soutien-gorge, sans s'occuper de son maquillage ni de sa coiffure. Elle gardait tout de même la tête haute quand elle était forcée d'entrer en interaction avec d'autres représentants de cette putain de race humaine de merde. Bah ouais, elle savait ce qu'elle valait et n'allait pas avoir l'air minable juste parce qu'un petit con l'avait détruite un peu plus qu'elle ne l'était déjà. Bon d'accord, l'histoire avec Levi ne l'aidait vraiment pas. Mais c'était pas uniquement lui, elle ne l'aurait pas permis. C'était donc dans cette chambre sombre, faiblement éclairée par une petite lampe tamisée, qu'Effy fumait son quatrième joint de la soirée. Elle n'était pas encore saoule, c'était déjà ça, mais la soirée n'était pas terminée. Elle feuilletait dans des magazines, entourant parfois des images peu joyeuses au feutre rouge, prenant des notes, tout ça quoi. Une ombre semblait planer au-dessus de son lit défait, ses pieds nus se tortillaient contre le tapis doux, des bouteilles d'alcool traînaient par-ci par-là, son bureau était rempli de feuilles de cours, de clopes, de sachets de weed, de feuilles à rouler, de tabac, et d'autres sachets de drogue. Bref, un beau capharnaüm de désespoir et de ténèbres, dans lequel elle se complaisait. Jusqu'à ce qu'on vienne frapper à sa porte. Elle soupira, hésitant à aller ouvrir. Elle était en petit short de pyjama, avec un top large, pas de soutif, les cheveux attachés en un chignon indiscipliné qui ne ressemblait à rien. Elle avait clairement la gueule de la fille qui fallait pas emmerder. Finalement Effy se leva pour aller ouvrir, son joint entre les doigts, avec un regard vide et indifférent. Mort. Pour découvrir la dernière personne qu'elle souhaitait voir au monde. L'étudiante resta plantée devant lui, une main sur la poignée, l'autre occupée à tenir son joint. Elle planta son incroyable regard azur dans celui du jeune homme. Le confrontant sans mot dire. Elle avait beau avoir l'air totalement dénuée d'émotions, perdue et épuisée, son regard pénétrant était bien là, assuré, captivant, dur.

"J'suis désolé". Cette phrase typique que chaque être humain avait dû prononcer un million de fois dans sa vie. Sans doute pour ça qu'on disait que l'erreur était humaine. Ouais, parce que chaque personne était une pro dans l'art de blesser. De faire du mal, de faire des conneries. De s'en rendre compte quand il était trop tard. C'était donc ça, perdre toute foi en l'humanité ? Effy s'en rendait compte maintenant. Qu'elle était parvenue à un stade où elle ne croyait réellement plus en rien. Pourtant, une petite partie d'elle luttait. Parce qu'elle se refusait catégoriquement à dire qu'elle en arrivait là à cause de Levi. Sa petite personne n'avait pas un rôle assez important pour faire changer la vision de la brunette sur le monde. Enfin changer... Disons plutôt empirer, parce que l'étudiante était déjà cynique depuis bien longtemps. Mais elle n'admettrait jamais qu'elle réagissait comme elle le faisait maintenant juste à cause d'une seule personne. Il n'avait pas ce pouvoir. Il ne comptait pas assez pour ça. Ou en tout cas, elle aimait s'en persuader.

« Ah ouais, t'es désolé. T'as raison, ça change tout. »

Répondit sèchement la jeune fille d'une voix froide et presque dédaigneuse. Elle n'avait même plus la force de laisser la haine la gagner. Seul un sarcasme amer lui restait. Une pâle ironie mélancolique, pleine de rancœur.

« C'est un peu tard pour ça, tu crois pas ? Me prend pas pour une conne tu veux, une fois a suffi. J't'ai vu prendre un café avec ta copine l'autre jour. Alors te fous pas de ma gueule, je m'attendais à un tout petit peu plus de considération de ta part. »

Malgré son ton tranchant et parfaitement glacial, malgré son visage de marbre, une flamme de colère avait allumé son regard d'un bleu intense. Elle avait craché ces mots comme une vipère crachait son venin. Elle finit par rentrer dans sa chambre, histoire de pas déclencher les détecteurs de fumée avec son joint, et laissa la porte ouverte. À Levi de décider s'il se barrait ou pas. Elle n'avait pas la force de le foutre dehors. Elle aurait dû, elle aurait vraiment dû. Lui hurler de dégager et de ne plus jamais l'approcher. Le virer de sa vie. Mais elle en était incapable et elle se détestait profondément pour ça.

"C'est pas ce que tu crois", non mais franchement. De mieux en mieux. Effy éclata d'un rire sec. Oh non elle ne comptait pas lui rendre la tâche facile. Il n'avait aucune idée d'à quel point il l'avait blessée. À quel point il était déjà exceptionnel pour elle de s'être laissée aller à des sentiments, de s'être ouverte un petit peu, d'avoir pris le risque, d'y avoir cru. Il n'avait aucune idée d'à quel point elle s'en voulait, elle se détestait elle-même d'avoir baissé sa garde. C'était la première fois depuis des lustres que ça lui arrivait, de laisser tomber le masque. Et elle le regrettait amèrement aujourd'hui. Et le pire dans cette histoire c'est qu'il n'y avait qu'elle à blâmer. Le fait qu'il s'excuse ne faisait que remonter cette haine qui au fond était dirigée contre elle-même. Parce qu'ils ne s'étaient jamais engagés à quoi que ce soit, ni l'un ni l'autre. C'était juste elle, qui avait cru... Qui avait cru quelque chose. Qui s'était lancée comme une idiote, alors qu'elle aurait mieux fait de rester derrière sa façade cynique, de rester la fille qui brisait les cœurs plutôt que de se faire briser le sien.

« J'en ai pourtant vu suffisamment pour savoir que c'est bien ce que je crois. »

Rétorqua la jeune femme en fusillant Levi du regard, un petit sourire en coin empreint d'ironie au coin des lèvres. Elle tira une taffe sur son joint avant de saisir au passage une bouteille qui traînait au sol et de s'asseoir sur son lit en bordel. Le jeune homme continua son explication. C'était pire. Pire parce qu'elle se rendait compte qu'ils étaient pas si différents et qu'elle aussi aurait pu faire la même chose. Parce qu'elle non plus elle était pas douée en relations humaines, quelles qu'elles soient. Qu'elle avait déjà merdé aussi, autrefois. Parce qu'elle le faisait pas exprès, qu'elle était comme ça. Incapable d'avoir une vie sentimentale saine et normale, incapable de réagir comme tout le monde, d'admettre, de faire confiance, parce qu'elle vivait dans un climat constant d'insécurité, qu'elle avait tout le temps peur, qu'elle était perdue, et que personne ne pouvait l'aider. La jolie brune garda le silence, fermant un instant les yeux. Merde. Elle sentit qu'une larme venait de couler. Ah non, ça c'était trop con. Elle allait tout de même pas lui donner la satisfaction de chialer comme une pauvre cruche devant lui. Effy effaça bien vite cette petite goutte de honte d'un revers de la main et but une gorgée d'alcool - aucune idée de ce que c'était et elle s'en fichait bien - pour se donner contenance.

« T'as raison. J'aurais juste dû te briser le coeur, et non pas laisser l'inverse se produire. C'est c'que je fais toujours. Parce que personne me brise le coeur, à moi. Parce que j'suis trop barrée dans ma tête que pour pouvoir avoir une relation normale. Tu vois, c'est pas de ta faute. C'est pas de ta faute si avec toi j'parle trop, si avec toi j'me suis laissé aller comme une conne à croire n'importe quoi et à laisser tomber les barrières, c'est pas d'ta faute si j'passe mon temps à me bourrer la gueule et à noyer mes angoisses dans l'ecstasy, la coke ou d'autres merde du genre. C'est pas d'ta faute si j'suis à moitié dépressive et que j'suis pas normale. C'est pas d'ta faute si j'ai mal. Mais putain j'te déteste quand même. »

Sur la fin de sa tirade, sa voix s'était brisée. Ce torrent de confidences était sorti sans même qu'elle n'en ait conscience. Elle parlait rarement autant et sûrement pas pour dire ces choses-là. Encore une fois, Levi était l'exception. Mais bordel elle voulait pas qu'il soit l'exception. Il l'avait fait souffrir ce gros connard. Alors que personne la faisait jamais souffrir. Elle était plus forte que ça. Ou en tout cas elle le pensait. Elle but une autre gorgée à la bouteille, le regard baissé sur le sol. Elle se sentait plus paumée que jamais, mais en soi elle l'avait toujours été. Elle n'avait jamais emprunté le même chemin que les autres. Elle n'était même pas sûr d'en suivre un. Elle avançait dans le noir, sans savoir où aller, en causant des dégâts autour d'elle pour mieux se protéger, voilà tout.

Effy releva son regard pour le planter dans celui de Levi, écoutant attentivement ce qu'il avait à lui répondre. Parce qu'il avait intérêt à savoir soutenir son regard s'il voulait qu'elle l'écoute et qu'elle accorde une quelconque importance à ce qu'il lui disait.

« Arrête. T'es sourd ou quoi, j'viens de te dire que c'était pas ta faute, tu crois vraiment que ta petite personne aurait assez d'impact dans ma vie pour qu'elle soit la cause de mon "état", comme tu dis si bien ? J'ai pas besoin de toi, j'ai besoin d'personne, et tu me l'as bien prouvé l'autre jour, que j'ferais mieux de me tenir loin d'toi. Retourne avec ta p'tite rousse, elle au moins elle est pas tarée, elle au moins elle risque pas de t'faire sentir coupable en terminant à l'hôpital après avoir raté sa tentative de suicide un d'ces jours. Non, ça c'est moi tu vois. J'te l'ai dit, j'suis pas quelqu'un de bien, j'suis pas quelqu'un de fréquentable, de normal. Et toi t'es là avec ta culpabilité à la con qui t'fait sentir comme quelqu'un de bien, parce que t'as de la peine pour moi et que tu te sens mal, tu crois que c'est de ta faute, mais c'est pas à toi de prendre le blâme Levi, remballe tes remords et ta culpabilité. Alors va avec elle, vous allez si bien ensemble et vous aurez une belle petite vie équilibrée, allez casse-toi putain, j'peux rien t'apporter de bien, que des trucs toxiques ! Barre-toi, tu peux rien pour moi ! Tu me rends dingue bordel de merde, j'peux pas laisser ça arriver, tu comprends ?! TU COMPRENDS ?!!! »

La respiration haletante, Effy se tut et se rendit compte que cette fois elle craquait complètement. Elle avait enfoui sa peine, sa colère et sa rancœur dans l'alcool et dans les drogues ces derniers jours. Comme elle le faisait avec ses angoisses. Mais cette fois ça ne pouvait pas tenir éternellement. Cette fausse réalité qu'elle se construisait pour échapper à tout ça, tout ce qui lui arrivait, tout ce qui pouvait la toucher, cette fragile barrière qui la coupait du monde avait commencé à se fissurer. Jusqu'à exploser en mille morceaux, à cet instant précis où elle avait fini par crier sur Levi, même si elle s'en était pas rendue compte. Dans sa tirade explosive où elle avait laissé sortir une bonne partie de ce qu'elle gardait bien enfermé en elle, elle s'était levée, les larmes aux yeux, son ton était monté de plusieurs octaves sans même qu'elle s'en rende compte et elle avait explosé sa bouteille d'alcool contre le mur opposé de sa chambre. Putain, elle avait envie de gerber. Pourquoi est-ce que c'était maintenant qu'elle déballait tout, qu'elle ouvrait les vannes ? Ah bah oui. Parce que Levi était là. Et qu'avec lui elle réagissait jamais comme avec les autres. Fallait qu'elle intègre sa dans son petit cerveau à la con, c'était en passe de devenir une loi universelle. Mais merde à la fin, c'était la dernière personne devant laquelle elle avait envie de s'effondrer. Tout était remonté d'un coup, sa dépression de l'année dernière, sa tentative de suicide, ses cicatrices sur les poignets, le mal qu'elle avait fait autour d'elle, celui qu'elle avait reçu en plein cœur et qu'elle avait gardé pour elle, toutes les déchirures qu'elle avait supporté en elle sans jamais rien laissé sortir, ses angoisses maladives et son comportement autodestructeur, ses crises de panique et ses accès de colère, la manière dont elle rejetait les gens pour se protéger, tout était sorti. Tout. Et elle avait juste la nausée, la tête qui tournait, sans blague après ses quatre pétards elle pouvait bien être dans un état déplorable. Sauf que c'était pas le moment de s'évanouir comme une mauviette. Les mains tremblantes, Effy se rassit sur le bord du lit, juste à temps avant que ses jambes ne lâchent.

Effy restait là, assise, le regard dans le vague, son joint se consumant lentement au bout de ses doigts. Elle sentait qu'elle avait les poumons en feu, que les battements de son coeur ne se calmaient pas le moins du monde et que sa respiration n'était toujours pas calmée. Levi s'approcha d'elle, toujours aussi calme. Le pouls de l'étudiante s'apaisa, tandis qu'il lui parlait. Et qu'elle écoutait chacune de ses paroles alors qu'elle aurait préféré se barrer en courant, s'éloigner de lui, ne rien entendre de ce qu'il lui disait. Mais son instinct la clouait à ce lit, l'empêchait de bouger le moindre muscle et atténuait le maëlstrom d'émotions inextricables qui se déchaînaient en elle. Alors elle écouta, elle n'avait rien d'autre à faire. Ce qu'il lui disait ne faisait que lui briser un peu plus le cœur, mais pas dans un sens négatif. Pas pleurer, surtout ne pas pleurer. Reste calme. Respirer. Doucement, la jolie brune plongea son regard envoûtant dans celui de Levi, l'emprisonnant dans le bleu océan de ses iris. Elle ne voulait pas croire ce qu'il disait, mais c'était comme ça, elle y croyait quand même, même si elle avait peur, elle sentait qu'il était sincère avec elle. Pourtant ça ne changeait rien. C'était trop facile. Elle était trop brisée et il lui avait fait du mal, alors qu'il n'y avait déjà plus beaucoup d'espoir de recoller les morceaux d'elle-même qu'elle avait perdu en chemin.

Elle eut l'impression qu'on lui arrachait le cœur lambeau par lambeau, sadiquement, lorsqu'il lui promit que si elle désirait, que si elle le lui disait encore une seule et unique fois, il s'en irait, de sa chambre et de sa vie. Était-elle vraiment capable de supporter tout ça à nouveau ? Toute cette souffrance, tous les risques que cela comportait ? Elle ne voulait plus revivre ça, elle s'en était clairement rappelé l'autre jour en découvrant Levi et une autre femme, l'un contre l'autre... Non, fallait qu'elle vire ces images de sa tête sinon elle allait vraiment finir par rendre ses tripes. Elle ouvrit la bouche, parce qu'elle le devait. Elle devait lui dire de s'en aller. C'était la meilleure chose à faire. Elle refusait catégoriquement de revivre tout ça, de se lancer, de se perdre surtout. De devenir folle à nouveau, de perdre la tête. Mais aucun son ne sortir de sa bouche. Elle en était totalement incapable. Elle aurait tellement voulu lui dire de partir, mais rien que cette pensée lui déchirait le cœur. Alors elle ne dit rien. Elle attendait, elle tentait d'y parvenir, mais rien ne venait. Elle était faible. Trop faible pour lui dire de sortir de sa vie. Elle n'aurait pas la force de surmonter ça et se sentait ridicule de ne pas avoir cette force. Elle ne voulait pas qu'il s'en aille et ça la rendait carrément triste de se rendre compte de cette réalité. Putain mais qu'est-ce qui n'allait pas chez elle ?

« J'y arriverai pas. Tu sais que j'arriverai pas à te dire ça. »

Finit-elle par dire après un très long silence, son calme retrouvé. C'était injuste. Elle ne savait même plus pourquoi elle lui en voulait, si c'était à lui ou à elle qu'elle devait vraiment en vouloir, elle se perdait dans ses arguments et devenait totalement incohérente. C'était trop facile, elle ne pouvait pas le laisser revenir comme ça vers elle alors qu'il lui avait tant fait de mal. Et d'un autre côté elle ne pouvait retirer cette pensée de sa tête, qui lui soufflait qu'il n'avait pas vraiment fait quelque chose de mal, il ne lui avait pas menti, ils n'étaient pas en couple et Eff' ne savait même pas ce qu'elle voulait réellement.

« Tu connais rien de moi Levi. Tu sais pas ce que je fais, tu sais pas qui j'suis. Comment tu pourrais alors que même moi j'ai aucune idée de c'que je fous ici sur cette putain de planète, avec des gens qui me font flipper et que j'veux même pas voir ? J'peux pas te laisser entrer. Ça m'fait trop peur, bordel t'as aucune idée d'à quel point ça m'fait flipper. S'attacher aux gens c'est trop risqué. Les aimer, c'est trop compliqué, tu vois. J'crois pas être encore capable de faire ça. »

La brunette avait murmuré ces quelques phrases, comme si elle avait peur qu'on les surprenne. D'ailleurs après sa petite crise de tout à l'heure, elle s'étonnait que personne ne soit encore venu toquer à sa porte pour demander ce que c'était que ce bordel. Enfin elle en aurait eu rien à foutre hein, soyons clairs, et aurait remballé la personne en trois secondes. Mais maintenant elle osait à peine parler. Elle voulait être honnête avec Levi mais parvenait à peine à l'être avec elle-même. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle désirait vraiment. Pire, elle n'avait aucune idée de ce dont elle était capable.

La tension qui régnait dans cette pièce, et en elle aussi, commençait petit à petit à prendre toute la place. C'était à la limite du supportable et la jeune femme acheva son joint, comme pour se convaincre que ça allait la détendre. C'était pas vraiment dans ses plans de la soirée d'avouer tout ça à Levi. Le confronter ainsi n'était pas aussi aisé que ce qu'elle aurait cru. D'ailleurs elle avait sûrement dû avoir aussi peur que lui de l'affronter. Lui déballer tout ce qu'elle venait de dire lui avait déjà coûté un énorme effort et elle était épuisée. C'était pas tous les jours ni à tout le monde qu'elle se confiait ainsi, qu'elle laissait quelqu'un voir à travers elle. Et il lui demandait de ne pas le repousser. Ce qu'elle ne voulait pas faire, mais c'était instinctif, surtout depuis cette soirée où elle était passée à son appartement et était repartie aussi vite, l'estomac noué et le cœur en miettes.

« Tu sais c'est quoi le problème ? C'est que j'crois que c'est un peu tard pour ça, j'veux dire pour ne pas s'attacher à toi. Tu vois l'autre soir, quand je suis venue à ton appartement, j'étais venue te dire quelque chose. »

Répondit-elle en soutenant le regard du jeune homme. Bon, il connaissait la suite. Vu ce que la brunette avait découvert ce soir là, spectacle dont elle se serait volontiers passé, ce n'était plus la peine qu'elle lui dise ce pour quoi elle était venue. Rien que d'y repenser lui nouait la gorge. Rallumait la colère qui s'était quelque peu atténuée. Pourtant elle croyait réellement ce que lui disait Levi. Elle avait tout entendu et parfaitement compris. Elle savait que lui aussi, avait dû faire un effort pour lui avouer tout ça. Que ce qu'il avait dit devait lui faire plaisir, parce qu'il admettait qu'il tenait vraiment à elle. Fallait pas qu'il croit que ça lui faisait rien, au contraire. Mais elle était toujours complètement paumée comme une carotte solitaire dans les petits pois. Parce qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de lui en vouloir toujours un peu. Il s'était retapé son ex et elle n'avait rien à dire là-dessus. À part qu'elle ne portait pas la rouquine dans son cœur, loin de là. C'était certain qu'elle allait jamais l'apprécier, celle-là. Mais elle ne savait pas trop quoi penser par rapport à Levi. C'était vraiment trop compliqué tout ça.

« Et avec ton ex aussi c'est différent, visiblement. »

Rappela-t-elle avec un sourire ironique, mais d'une voix dénuée de colère. Non seulement elle ne savait pas trop ce qu'elle comptait faire avec Levi, si elle allait lui en vouloir encore ou non, si elle allait rendre les armes et prendre des risques qu'elle ne voulait pas prendre, mais en plus de ça y avait cette putain de rouquine qui débarquait dans le tableau. Parce qu'Effy se doutait bien qu'elle comptait encore beaucoup pour le beau brun, elle n'était pas stupide. Elle n'avait pas spécialement envie d'en savoir plus, d'un autre côté il le fallait bien si elle voulait pouvoir réfléchir clairement à tout ça.

« Ça n'a plus d'importance maintenant. »

Répondit Effy avec difficulté. Elle savait toujours très bien ce qu'elle était venue dire à Levi ce soir là. Qu'il lui plaisait franchement et que malgré qu'elle soit la dernière personne sur cette terre qu'on pouvait qualifier de saine d'esprit, elle voulait qu'il reste auprès d'elle et qu'il croit en elle. Qu'ils continuent à se voir, qu'ils fassent des conneries ensemble et peu importe où ça les mènerait, peu importe à quel point ça la faisait carrément flipper, elle était prête à prendre le risque pour lui. Malheureusement, ce soir là il lui avait prouvé qu'elle aurait mieux fait de rester chez elle et de ne prendre aucun risque. Maintenant qu'il venait s'expliquer auprès d'elle, ça changeait encore la donne, même si la jeune brune aurait préféré que ça ne change rien du tout. Qu'elle puisse simplement le rayer de son existence, mais ça elle en était pas capable. Ç’aurait été stupide d'affirmer le contraire. Dans tous les cas, elle n'avait plus aucune envie de lui dire ces mots, les mots qu'elle s'était mentalement préparée à lui avouer la dernière fois, avant de le découvrir avec son ex. Ah ces putains d'images. Fallait vraiment qu'elle les vire de sa tête.

C'est alors que le jeune homme s'expliqua, et Effy ne l'interrompit pas une seule fois. Elle était surprise qu'il lui avoue tout ainsi, qu'il donne des détails sur sa vie personnelle. Ils n'avaient jamais eu besoin de savoir quoi que ce soit l'un de l'autre. Aujourd'hui était peut-être le bon moment de jouer cartes sur table. Elle apprit donc la vérité, ou en tout cas une bonne partie de celle-ci. Effy resta à nouveau silencieuse un moment. Que pouvait-elle répondre à ça ? Que c'était pas une raison pour recoucher avec son ex, la connasse rousse qu'elle ne pourrait jamais voir en peinture même si c'était pas la faute de cette dernière ? Encore une fois elle n'avait aucun droit de le lui reprocher franchement, enfin si mais elle n'avait pas d'arguments valables. À part que ça l'avait blessée. Mais ils n'étaient pas ensemble et il ne lui devait absolument rien, l'inverse était vrai aussi.

« Faut vraiment que tu saches à quel point c'est le bordel dans ma tête. J'saurais même pas t'expliquer, y a pas de mots. Mais si t'as toujours des sentiments pour cette fille, alors j'crois qu'il vaut mieux qu'on s'en tienne là. Je te l'ai dit, c'est déjà assez compliqué comme ça, j'peux pas revivre ce genre de choses. Rien que le fait d'être attachée à toi, ça m'fout les jetons, t'imagines pas. »

Finit-elle par dire, calmée depuis son emportement de tout à l'heure. Sans doute à cause des joints aussi, qui l'aidaient à garder son sang-froid. Et puis elle commençait à avoir mal à la tête. Depuis quand était-ce devenu si compliqué avec Levi ? Pour elle, il avait été une personne avec qui elle ne devait pas se prendre la tête, avec qui tout venait naturellement. Avec qui elle pouvait faire des conneries sans avoir peur de ce qu'il pourrait penser. Maintenant elle ne savait plus très bien ce qu'elle était censée faire, ce qu'elle était censée penser de tout ça.

« On marche un peu dehors ? »