what if + concho [18+]

Elle me demanda si je serais tombé amoureuse d’elle, sans toutes ces règles à la noix qu’elle nous avait imposées. Surtout pour ne pas perdre la face, pour ne pas me compromettre et pour ne rien laisser sous-entendre, je répondis simplement : « I guess we’ll never know, now, will we ? » J’arquai un sourcil en la regardant avec un sourire satisfait au visage. En vrai, aurais-je pu tomber amoureux d’Ally ? Sans doute. Si elle arrêtait un peu de lui de me dire que je ne la connaissais pas, qu’elle n’était pas celle que je croyais. Je soupirai quand elle me le dit pour une énième fois. « Donc à chaque fois qu’on est ensemble tu joues un rôle, c’est ce que t’es en train de me dire, au fond ? » Je n’en croyais pas un mot. En sa présence, j’étais moi-même, authentique, pour le meilleur comme pour le pire. Et j’étais persuadé que c’était la même chose du côté d’Ally. Je ne voyais pas quel intérêt elle aurait à me mentir sur qui elle était réellement s’il n’y avait aucun engagement entre elle et moi. C’était le but de vivre une amitié, et pas un rapport de séduction continuel, non ? De pouvoir avoir le sexe tout en restant soi-même et en déconnant ? En tout cas, c’était ma façon de le voir. Pas de prise de tête. Mais Ally commençait à se prendre la tête, là. Fallait pas.

Dans la même lancée, la rouquine me proposa cette sorte d’exclusivité sexuelle, qui me déboussola un moment. Je n’étais pas certain de ce que je désirais. J’aurais préféré avoir un peu plus de temps pour réfléchir à la question. La perspective de ne faire l’amour qu’à Ally pour les prochains mois ne me déplaisait pas du tout, mais en même temps, si cela faisait en sorte que je passais à côté d’autres histoires pendant ce temps-là, c’était moins attirant. Je lui fis part de cette pensée, d’ailleurs, bien honnête. Avec une petite réflexion sur mon pug pour en rajouter. Ally reprit donc la parole pour me dire que ce qu’elle me proposait, c’était clairement plus que de l’amitié. Les bras toujours croisés, je me redressai le dos un peu, fronçant les sourcils. « Plus que de l’amitié, moins que de l’amour ? Ça sent les emmerdes, Ally. » À mes yeux c’était l’un ou l’autre. Parce que sinon, si on restait dans cette zone grise moyennement définie, l’un de nous deux allait se faire mal. Et j’avais comme cette impression que ce serait moi. Parce que si Ally et moi commencions à nous voir plus souvent, à dormir l’un chez l’autre en cuillère, à regarder des films ensemble, à manger ensemble, eh bien j’allais forcément m’attacher. Bien plus que ce qu’on aurait prévu. La rouquine me rappela que j’aurais peut-être un aperçu d’Ally la femme à marier à temps partiel. « À temps partiel ? J’aimerais bien une épouse à temps plein. » Lâchais-je en décroisant les bras et en riant. C’était sorti d’une manière très machiste, comme si je voulais avoir une épouse qui me ferait à manger, qui ferait le ménage et qui me ferait des bébés à longueur de journée, mais ce n’était pas dans ce sens-là que je le pensais. « J’l’aime aussi, Gamborlim. » Lâchais-je avec un petit sourire affectueux pendant que je regardais le chien d’Ally, qui était tout aussi mignon. Pas pour rien que mon prénom signifiait l’amoureux des canins, hein. J’étais prédestiné.

J’avais dit qu’on pouvait réfléchir à tout ça parce que je n’avais pas forcément envie de tout prévoir tout de suite, alors que je me trouvais chez Ally en caleçon, mais elle ne semblait pas vouloir lâcher le morceau. Elle avait même sorti un papier et un crayon. J’hésitai à feindre de m’évanouir sur la table, mais je me contentai de soupirer imperceptiblement. Bon, si ça pouvait lui faire plaisir. Je souris quand elle parla d’Eleanor et d’arriver avec un veston sans soutien-gorge et sans culotte  à l’organisme. J’arquai un sourcil. « Tu ferais ça, toi ? Faudrait pas que y’ait des p’tits jeunes non plus … c’est pas d’leur âge tout ça … » Je rigolai. L’image que j’avais en tête était quand même assez intéressante. Quand même, pour le reste de la préparation, je m’essayai avec un dernier effort : « T’avais pas genre, trois millions de truc à faire toi, aujourd’hui ? » Demandais-je innocemment, en buvant une gorgée de smoothie.

J’avoue que j’étais un peu confus par le changement d’attitude d’Ally. Trente minutes à peine plus tôt, elle remettait son soutien-gorge en me disant que ce qui venait de se passer était purement amical. Et là, elle semblait déçue de ne pas pouvoir savoir si je serais tombé amoureux d’elle ou non. Au fond, après chaque baise, est-ce qu’elle me disait cela vraiment à moi ou plutôt pour se convaincre elle-même ? Ça me perturbait un peu, parce que moi, dès qu’on me friendzonait de la sorte, je me fermais un peu à toute autre éventualité. Après, si Ally voulait revenir sur ses propos, il fallait qu’elle soit plus claire que ça. Moi, j’avais respecté son choix de rester dans l’amitié, je ne m’étais pas aventuré plus loin, même si je la séduisais encore de temps en temps, parce que je ne voyais pas le sexe sans un peu de séduction. Je ne répondis rien quand elle me dit qu’elle aurait aimé savoir, préférant ne pas m’aventurer plus loin pour le moment. Quand elle me dit que j’apprendrais peut-être à connaître des facettes d’elle que je n’aimerais pas, je répondis bien vite : « Peut-être, peut-être pas. Y’a que moi qui peut en décider. » Sous-entendu = Ally, arrête d’essayer de m’éloigner de toi.

La jeune avait en quelque sorte ravivé mes doutes quant à ce qu’elle attendait de moi en me proposant qu’on soit exclusif. Je ne tardai pas à lui faire valoir mon opinion, qui ne sembla pas faire son affaire, mais elle l’accepta quand même. Je nous remettais carrément en question. Elle aussi, visiblement. Quand Ally me demanda si je serais assez fou pour la marier, je décidai de revenir dans ce que je faisais le mieux : l’humour. « Ah bah pour ça, va falloir que j’attende de goûter à ton burrito-matin avant de me prononcer ! » Je lui fis un clin d’œil en rigolant.

Le doigt aguicheur de la belle rousse sur mon torse m’avait sérieusement donné envie d’un round trois, mais je me ravisai. Elle était toute habillée, toute prête à sortir, je n'allais quand même pas lui faire enlever sa robe préférée une fois de plus. Je demandai donc à la jeune femme ce qui se passait avec ses millions de trucs à faire, un peu pour détourner aussi le sujet de la soirée à la galerie. Elle me réjouissait toujours autant, cette idée, mais je n’étais pas dans le mood pour en parler. Et je voulais aussi partager l’idée avec Eleanor avant. « J’pensais que t’aimais bien quand j’étais nu dans ton lit … » Dis-je d’un ton surpris, faussement offusqué. Je souris. Ally proposa finalement d’aller promener nos chiens avant de revenir faire une sieste et manger un sauté ou des sushis le soir. « Sushiiiiiis. Tu me prends par les sentiments là. Mais … ugh … faut que j’aille travailler vers 16h. Les jeunes vont commencer à se pointer pas longtemps après. » Déclarais-je à contrecœur. « Raincheck pour les sushis, mais pour promener les chiens et la sieste, ça, c’est un grand oui. » J’essayais de me rattraper, un peu. J'attrapai finalement le burrito devant moi et j'en avalai une bouchée, poussant un gémissement de satisfaction. « God, c'est trop bon. » Je le redéposai dans l'assiette et je profitai grandement de cette bouchée, parce que ce serait la dernière, même si Ally avait déposé un burrito au complet devant moi, contrairement à mon désir. J'avais toujours eu du mal à me retenir, il ne fallait pas trop me tenter.

« Bien sûr que je suis prêt. Je suis prêt à tout, moi, Ally. » J’en avais rencontré des gens dans ma vie, des gens bien pires qu’Ally, et je m’en étais sorti indemne. Elle ne me faisait pas vraiment peur, avec ses avertissements. Je verrais bien par moi-même. Pour le moment, aucune alerte rouge n’était déclenchée. « Je saurai t’apprivoiser, crois-moi. » Que je lui assurai avec un sourire charmeur. Honnêtement, je n’avais jamais bien de mal à me faire ma place dans la vie des gens. C’était un don, ou un truc dans le genre. Peut-être juste la gentillesse, aussi.

Quand la rouquine argumenta sur sa proposition en ajoutant que les sushis seraient mangés sur son corps nu, je levai les yeux et les bras au ciel, maudissant Dieu de m’obliger à travailler aujourd’hui. Je me laissai finalement tomber face première sur le comptoir, le front cognant contre celui-ci. « Tu me tues, Ally. Pourquoi tu me tortures comme ça … » Grommelais-je, à peine audible, parce que j’avais le visage contre le comptoir. Je me relevai finalement en soupirant. « Si seulement je pouvais … mais Eleanor n’est pas là et je ne veux pas laisser Lexi seule … » Mes jeunes, ce n’était pas toujours des anges. Ils provenaient d’un milieu assez dur, et ça avait laissé des marques, qu’on le veuille ou non. Je leur faisais entièrement confiance, là n’était pas la question, mais je ne voulais pas que Lexi ait à gérer des situations problématiques. Au moins, nous aurions la promenade et la sieste, c’était déjà ça de gagné. Je goûtai donc rapidement au burrito, et je fus bien satisfait du résultat. Tout de suite, Ally me parla du mariage, puisque visiblement elle était une femme à marier grâce à ses talents culinaires. J’éclatai de rire quant à sa question sur la date. Elle me demanda quand même, plus sérieusement, si je désirais me marier. Je ne retins que cette question-là pour ma réponse. « Oui. Sans hésiter. Je trouve que ça a une belle signification. De s’engager éternellement, l’un envers l’autre. C’est une belle preuve d’amour, selon moi. Quand je rencontrerai la bonne, il ne fait pas de doute que je voudrai la marier … » Répondis-je avec un sourire. « Et toi, Ally ? As-tu longtemps rêvé à ton mariage de princesse ? » Je terminai mon smoothie, que j’avais dévoré tellement c’était frais et énergisant. Le burrito, lui, Ally allait devoir le manger, comme prévu. Après, nous irions chercher Gamborlim pour la promenade. Heureusement, l’appartement que j’habitais n’était pas à l’autre bout de la ville.

Ses baisers dans mon cou me rendaient fou. Honnêtement, si elle continuait, nos pauvres canins n’auraient pas la chance de se balader ensemble, car on passerait tout de suite à l’étape sieste. Et je ne la laisserais pas beaucoup dormir. Les chiens furent sauvés par mon refus de manquer le travail, et sans doute pour me bouder un peu et me faire sentir coupable – parce qu’Ally était fourbe et manipulatrice, comme nous en avons déjà fait mention -, la jeune femme avait cessé ses baisers. Le sujet du mariage fut alors abordé, et je lui répondis cette réponse qui lui semblerait sans doute toute préconstruite, prémâchée, tout ça, mais en même temps c’était ce que je pensais sincèrement. Je ne voyais pas l’intérêt de le décrire différemment si c’était ce que je ressentais. À son tour de me parler de son désir de se marier ou non. Étonnamment, la jeune femme n’était pas de ces filles à avoir déjà tout prévu, de la couleur des fleurs aux chansons jouées pendant la cérémonie. Il fallait croire que si Ally et moi avions, hypothétiquement, à nous marier, dans un certain univers parallèle, ce serait moi qui aurait tout le plan de la journée en tête et qui imposerait mes choix ! « J’espère que tu trouveras un époux qui sera emballé par la planification, alors … c’est beaucoup d’organisation, un mariage. » Un mariage comme je me les imaginais, du moins. C’était plutôt à la mode maintenant de faire des mariages simples et intimes, mais à mes yeux ça ne battrait jamais les grosses cérémonies. Bon, en même temps, moi je n’aurais pas beaucoup d’invités de mon côté. Une vingtaine de personnes, maximum. On verrait bien. Je n’étais pas du tout rendu là, de toute façon. J’avais besoin de trouver la femme qui marcherait jusqu’à l’autel, après tout. C’était la base. Bref, Ally me demanda si je finissais le burrito. Ça y est, elle allait me faire sentir mal. « Je t’avais bien dit que je ne prendrais que quelques bouchées, Ally … C’était vraiment délicieux, hein, je t’assure mais … je n’ai pas vraiment faim. » Expliquais-je avec gêne et culpabilité. « Tu peux l’emballer et je le mangerai plus tard ! » Je ne voulais quand même pas gaspiller non plus. Après avoir aidé Ally à ramasser un peu – ça, je pouvais le faire ! -, je retournai à la chambre pour enfiler mes pantalons, me placer un peu les cheveux, me brosser les dents, aller aux toilettes, mettre du déodorant et un peu de mon parfum, avant de revenir vers Ally qui elle, tenait son chien en laisse et m’attendait. « Je suis prêt, là ! » Nous sortîmes de sa maison et je lui proposai quand même de prendre la voiture pour aller chercher Gamborlim, sinon notre promenade se résumerait à cette distance-là, et mon pug ne saurait en profiter. Je conduis donc jusqu’à chez moi, et je montai rapidement chercher Gamborlim et sa laisse. En redescendant, la belle rousse m’attendait sur le trottoir, son chien au sol. Gambo et Cinammon commencèrent à se sentir les fesses et à agiter la queue, heureux de se voir. Je souris en les regardant, et je commençai à marcher aux côtés d’Ally. « Ah … ça me fait encore bizarre de marcher dans les rues de cette ville. Même après six mois, c’est étrange d’être de retour … » Avouais-je en passant devant l’ancien lycée auquel nous allions.

Ally releva le fait que je semblais vouloir m’impliquer dans mon mariage. Évidemment ! Il fallait quand même que j’aie mon mot à dire. Il y avait de ces couples dans lesquels la femme décidait de tout pour le grand jour. Je voulais quand même avoir le choix de quelques chansons, des couleurs, du repas, des invités, de l’endroit. Tout ça était important à mes yeux, aussi. Et puis, sachant combien j’avais dans mon compte en banque, je me doutais bien que ce serait une bonne partie de mon argent qui irait dans le mariage. J’avais beau ne pas me vanter des petits millions qui y reposaient sagement, je ne pourrais pas m’empêcher de vouloir offrir tout ce que ma future épouse voudrait. « Bien sûr que je veux m’impliquer … je veux pas ramasser dans un endroit trop kitsch avec de la bouffe végétarienne. » Je rigolai. Ally haussa les épaules pour sa part, me disant que pour elle, ça dépendrait du mariage, et qu’elle serait davantage du genre à engager quelqu’un. « Ouais, c’est sûr que ça enlève une sacrée pression, et pis c’est leur boulot alors ils oublient rien … » Me connaissant, je serais du genre à oublier de commander le gâteau, ou un truc dans le genre.

La belle rousse continuait d’en remettre à propos des burritos-matins. Elle voulait vraiment que je m’empiffre et que je me sente énorme pour le reste de la journée ? Si elle savait tous les efforts que j’avais mis dans ma perte de poids … Je lui souris encore, de plus en plus gêné par la culpabilité grandissante. Puis, quand elle parla de l’ingrédient magique, j’arquai un sourcil. « J’préfère pas savoir ce que c’est en fait. » Et je rigolai.

Une fois le burrito-matin rangé dans le réfrigérateur, question que je le termine en revenant, Ally et moi nous nous dirigeâmes vers mon appartement, que je partageais depuis six mois avec des gens plutôt cools. Joe était d’ailleurs là quand je passai chercher Gamborlim, et je la saluai brièvement avant de retourner voir Ally et Cinnamon. Au bout de quelques rues, nous croisâmes le lycée du quartier, et je ne pus m’empêcher d’y faire allusion. Je ne passais pas souvent par ici. Je souris à la remarque de la rouquine, hochant la tête. C’est vrai que rien n’avait changé, sauf moi. Moi, j’avais changé. Aujourd’hui, je ne me laisserais plus autant marcher sur les pieds qu’autrefois. Je n’accepterais pas que les autres se moquent ouvertement de moi et, surtout, je ne participerais pas à la chose. L’autodérision avait des limites que je ne connaissais pas à l’époque. La jeune femme me demanda alors si j’avais revu des gens du lycée depuis mon retour. « Lily-Anaëlle, évidemment. J’pouvais pas vraiment faire autrement, après tout … Elle a changé ma vie. » Avouais-je avec un sourire en pensant à tout ce qu’elle avait fait pour moi. « J’ai revu Jackson, aussi. Sinon, les autres … Hell no. » Dis-je en secouant la tête en soupirant imperceptiblement. Les autres n’étaient pas de vrais amis. Je l’avais enfin compris. « Et toi ? » Demandais-je. « T’as gardé contact avec beaucoup d’entre eux ? » Comme Ally n’était partie qu’une année, comparativement aux années d’absence de ma part, peut-être avait-elle encore une bonne relation avec certains gens de notre âge.

J’ouvris des yeux grands quand Ally parla de manger du chien ou du chat. « Dude, on est en Australie, pas en Chine. » Lâchais-je, outré par de telles paroles. Je ne pouvais m’imaginer en train de manger Gamborlim ou Cinnamon. Pauvres amours. La rouquine conclut en disant qu’un mariage était pour deux personnes, et donc que les deux devaient s’impliquer. « Exactement. » Conclus-je à mon tour. Et nous partîmes pour notre promenade peu de temps après, une fois la cuisine bien rangée. Rapidement, les souvenirs du passé refirent surface pendant qu’on déambulait dans les rues du quartier qu’on fréquentait il y a plus de dix ans de cela. Ally m’apprit que de son côté, elle avait gardé contact avec Lily, Nelligan, Woody, Lexi, Jay et Sara. Je fis une moue en entendant le nom de Woody. Je ne gardais que de mauvais souvenirs de ce mec populaire, sportif, macho et grand con. Il était de ceux à qui je ne voulais plus adresser la parole, et j’étais surpris qu’Ally lui parlait encore, après qu’il lui ait brisé le cœur. Elle mentionna ne plus se souvenir de Jackson. « C’est parce qu’on essayait tous les deux d’être invisibles. » Dis-je avec un petit sourire mi-amusé, mi-triste. Je baissai les yeux vers nos deux chiens qui forniquaient ensemble, et je secouai la tête. « Sacré Gambo. » Ally s’occupa de les séparer, et ils reprirent leur chemin séparément. La rouquine me demanda alors où j’étais allé, toutes ces années. Je regardais en avant, les yeux un peu plissés à cause du soleil. « Pas très loin. À Melbourne. J’y suis resté les neufs années. Je travaillais, c’est tout. J’ai voulu essayer de passer à autre chose, de m’offrir une meilleure vie. » Avouais-je à Ally. « Je ne pensais pas que Bowen avait encore quelque chose à m’offrir. » Et je tournai la tête vers Ally, lui offrant un beau sourire au coin de mes lèvres. « Je me trompais. »

Je regardai d’abord Ally avec mes yeux grands ouverts, surpris par le fait qu’elle avait vomi sur Woody. Puis j’éclatai de rire, un rire des plus heureux, des plus sincères, des plus satisfaits. Je tapai même dans mes mains, trouvant cette déclaration trop hilare. « Tu as vomi sur Woody Rutkowski ? Raconte. Raconte-moi tout. » J’avais tant détesté cet homme, surtout après avoir lâché le lycée à quelques mois de l’obtention de mon diplôme. Parce que la plupart de mes prétendus amis avaient continué leur vie comme si de rien était, comme si je n’avais jamais existé. J’avais rapidement compris que je n’avais été pour eux qu’un divertissement. Un punching-bag de service. Peu importe la raison pour laquelle Ally lui avait vomi dessus, il le méritait, amplement. C’était sa punition pour toute l’estime de moi-même qu’il m’avait enlevée. Lui et d’autres. Je parlai finalement de Jackson, affirmant en d’autres mots que lui et moi n’étions pas très bien dans notre peau à ce moment-là, et qu’on avait préféré nous effacer, tout en nous soutenant l’un et l’autre. Pas surprenant que la rouquine ne l’ait jamais vraiment remarqué. Ally s’arrêta de marcher et me regarda, et nos deux chiens aussi tournèrent leurs petites têtes intriguées vers nous. Elle m’affirma que maintenant, j’étais loin d’être invisible, et elle vint déposer un baiser sur mes lèvres. Ce geste tendre me pris légèrement par surprise, car en dehors du lit la jeune femme n’avait pas l’habitude de montrer son affection pour moi. Je lui rendis quand même son baiser, appréciant la douceur du moment. Ce n’était pas si désagréable, d’avoir quelqu’un à cajoler à n’importe quelle heure de la journée. On recommença à marcher, et Ally me demanda si mon plan de me reconstruire avait fonctionné. J’hochai la tête. « Assez, oui. Je ne suis plus du tout le même que j’étais avant. Et je pense bien que ce n’est que positif. » Je souris. J’avais beaucoup travaillé sur moi-même. Je mentionnai tout de même qu’en revenant à Bowen, je ne pensais pas y trouver quoi que ce soit de mieux qu’avant. Quand j’affirmai m’être trompé, faisant allusion au cadeau qu’avait été Ally dans ma vie, un peu pour la faire rougir, celle-ci ne comprit pas vraiment le sens de mes paroles. Elle les avait interprétées d’une façon plus générale, et ce n’était pas faux non plus, il était vrai que l’organisme m’avait également beaucoup amené, et mes amis aussi. « Ouais, décidément, les choses ont quand même changées. Y’a dix ans, j’aurais jamais eu la chance de t’avoir comme fuckfriend. » Dis-je en riant. Je passai mon bras autour de son épaule et je la serrai contre moi un moment, avant de la relâcher. Nous marchâmes ainsi pendant près d’une heure, à ressasser les souvenirs, à parler du présent, de ce que nous avions vécu pendant nos années passées sans avoir de nouvelles l’un de l’autre. Au bout d’un moment, nous nous retrouvions de nouveau devant mon appartement. « Je vais ramener Gambo à l’intérieur, je reviens. » Je m’empressai d’aller reconduire mon chien jusqu’au logement. Joe n’y étais plus. Je laissai mon fidèle compagnon en liberté dans l’appartement et je redescendis jusqu’à la rue, où Ally m’attendait. « Prête à aller m’entendre ronfler dans ton oreille ? » Malgré tout, je demeurais un éternel paresseux, et dormir en début d’après-midi avait toujours été pour moi un moment parfait. Alors si en plus ce serait en cuillère avec Ally, alors là !

Bon, c’était un peu moins drôle de savoir que la raison pour laquelle Ally avait vomi sur Woody était due à sa tristesse. Je perdis d’ailleurs bien vite mon sourire en l’entendant me le dire. Je n’aimais pas savoir que les gens autour de moi vivaient un profond chagrin. Je savais ce que c’était que d’avoir mal, vraiment mal, et je ne le souhaitais à personne. Alors surtout pas à une personne qui comptait pour moi. Comme Ally. Je retrouvai cependant mon sourire quand elle mentionna l’avoir traité d’être exécrable et méchant. Elle partageait mon opinion là-dessus. « Ah, Ally. T’as toujours les mêmes histoires. On devrait faire une télé-réalité sur toi. » Dis-je pour plaisanter, mais en même temps c’était vrai que cette fille menait une sacrée vie mouvementée. Pas toujours rose, je le concède, mais ça lui faisait quand même de bonnes histoires à raconter pour certaines. Comme celle-là. Je ne me souvenais pas avoir vomi sur quelqu’un un jour dans ma vie. Finalement, on parla du passé, du fait qu’Ally n’aurait jamais accepté d’avoir ce genre de relation avec moi avant. Elle contesta. « T’aurais vraiment voulu sortir avec Le Gros Concho ? » C’était comme ça qu’on m’appelait, affectueusement ou pas. J’avais demandé ça avec scepticisme, mais un sourire amusé aux lèvres quand même. Je ne me rabaissais plus comme je le faisais avant. J’avais été gros, oui. Au moins j’avais eu le courage de changer cela, pour mon bien-être moral et physique.

Après avoir été ramener Gamborlim à l’intérieur de l’appartement, je rejoignis Ally à la voiture et elle m’affirma être plus que prête à m’entendre ronfler. On arriva donc bien vite chez elle, et elle ne se cacha aucunement pour prendre la clé cachée sous son paillasson. Elle avait ri nerveusement, par contre, ce qui me fit sourire. « Et même avec une clé cachée, j’parie que t’as quand même besoin d’appeler Isaiah quand t’es trop saoule. » Je secouai la tête en riant et j’entrai à la suite de la belle rousse. Cinnamon s’était jeté vers l’intérieur, allant se coucher en petite boule. Ally, elle, me prit par la main et m’emmena dans sa chambre. Je m’étais juste assis sur le lit en attendant qu’elle m’y rejoigne, et comble de bonheur, j’eus le droit à un strip-tease pré-dodo. Je me mordis une lèvre en haussant les sourcils en la regardant. Ce qu’elle était canon, Ally. Séduisante. Sensuelle. Elle me rejoignit finalement, une fois complètement nue, et fit de même avec moi. Je la laissai m’enlever mes vêtements, levant seulement les bras pour lui faciliter la tâche, ne la quittant jamais du regard. Je lui volai un baiser avant que la jeune femme ne se couche à mes côtés, et que je me blottisse contre elle, un bras dessous ma tête et l’autre passant par-dessus le corps d’Ally, ma main se refermant sur son sein gauche. Je l’attirai un peu plus contre moi, question que nos corps fusionnent presque, et je posai ma tête tout près de son cou. Bien au chaud sous les couvertures et blottit contre Ally, je ne tardai pas à m’endormir comme un bébé. Et je ronflais. Comme prévu.

Je me réveillai longtemps après, mais Ally dormait toujours paisiblement. Elle ressemblait à un ange qui boude, avec ses lèvres légèrement retroussées, mais son visage doux. Je souris en la regardant un moment. Mon regard croisa finalement le cadran sur la table de chevet, et je constatai que je ne devais pas perdre une seconde de plus, sous peine d’être en retard au boulot. Sans faire de bruit et sans trop bouger, je m’extirpai du lit et enfilai mes vêtements pour la seconde fois aujourd’hui. Je déposai un baiser sur la joue de la jeune femme, et je quittai la chambre. Je passai par le frigo pour prendre mon burrito-matin, et je l’emportai avec moi, comme un voleur. Mais je savais aussi qu’Ally m’aurait reproché de l’avoir oublié, sinon. Je refermai la porte en silence et je quittai la maison d’Ally.