Staying in my play pretend, where the fun ain’t got no end. † Levi

Staying in my play pretend, where the fun ain’t got no end.
EFFY & LEVI

Perdue. Elle était, encore une fois, totalement perdue. Comme cette petite fleur fragile paumée au milieu d'un champ, qui n'avait aucune idée de ce qu'elle foutait là ni comment elle était arrivée à cet endroit. Sauf qu'Effy n'était pas fragile. Enfin, en apparence du moins. Du coup, il était environ huit heures du matin quand ces adorables policiers sortirent la brunette de sa cellule de dégrisement. Tiens, c'était pas la première fois qu'elle avait l'occasion et même l'immense honneur d'observer ces quatre murs nus et froids. La jeunette se fit escorter jusqu'à la sortie, où elle remercia d'une voix mielleuse, avec un immense sourire teinté d'ironie, les flics qui l'avaient repêchée dans la rue durant la nuit. Et quelle nuit ! Une de ces nuits où elle avait encore bien trop abusé, bien trop déconné. Mais cela arrivait de plus en plus fréquemment ces derniers temps, encore plus qu'avant. Et elle savait qu'elle commençait à perdre le contrôle. Mais la jolie fleur avait décidé de se complaire dans ces ténèbres qu'elle connaissait bien, presque par cœur. Petite flamme à corps perdu qui dessinait sur les murs. Elle ne voyait plus grand monde, ces derniers temps, préférant sortir seule dans la nuit, au milieu d'inconnus trop bourrés ou trop idiots pour se rendre compte qu'elle n'était qu'un fantôme parmi eux. Elle allait de moins en moins en cours. Et elle savait pertinemment que si elle voyait une personne de son entourage proche, celle-ci allait bien se rendre compte qu'elle replongeait et allait lui sortir un de ces longs discours pour qu'elle se reprenne en main. Sauf Zach. Non, Zach aurait carrément pris des mesures extrêmes, quitte à le faire interner ou une connerie du genre, sans se soucier de ses protestations. Alors elle évitait. Elle se cachait. Se fondait en transparence dans ce monde trop grand pour elle, si grand que ça l'oppressait.

Effy n'avait pas fait trois pas qu'elle s'assit sur le bord du trottoir, regardant les voitures matinales se presser sur la voie bétonnée. Elle s'alluma une cigarette, ses yeux d'un bleu azur incroyable fixant le défilé devant elle. Les cheveux en bataille, portant ses vêtements de la veille, son maquillage noir laissant quelques marques sur son visage exténué, elle ne payait pas de mine. Mais elle était bien là. Ne plus voir personne, ne plus donner de nouvelles, ne plus se forcer à faire ce que chaque être humain normalement constitué et sensiblement mentalement stable faisait. C'était libérateur. N'appartenir à personne. S'enfoncer dans les eaux glaciales et profondes qui menaçaient de la noyer et de l'engloutir complètement. Et aimer ça.

Mine de rien, ça avait quelque chose d'agréable que de suivre le tracé de ces voitures qui passaient devant son regard. Sans soupçonner un instant qu'elle les observait avec toute son attention. C'était quelque chose d'incompréhensible, d'insaisissable. Mais Effy saisissait, elle. Elle était fascinée, par cette simple ribambelle de voitures matinale. Et son regard couleur iceberg suivait la trajectoire immuable et infinie de ces automobiles qui ne semblait pas le moins du monde vouloir dévier de leur but. C'était aussi triste que fascinant.

Une voix interrompit le fil argenté des pensées de la jeune fille. Une voix qu'elle aurait reconnu n'importe où, n'importe quand. Sa voix. C'était bien une des seules qui pouvait lui faire relever la tête. Même si elle arborait une mine fatiguée, vidée de tout espoir. Effy leva son regard mort et vide de sens, mais pourtant toujours aussi perçant, vers le jeune homme qui l'avait abordé. Un mince sourire, aussi léger qu'une plume, avait effleuré son visage pâle. Levi était bien la seule personne au monde qui pouvait la détourner des ténèbres qui se targaient de l'engloutir entièrement. Alors elle posa son regard indéchiffrable et pénétrant sur lui, ce sourire énigmatique flottant sur ses lèvres trop pâles.

« Oh j'le suis pas. C'est les flics qui le sont, ils auraient pas supporté de me garder une heure de plus. »

Répondit la jeune femme, avant de tirer une nouvelle bouffée de cigarette dont la fumée s'échappa dans l'air frais et innocent de ce nouveau jour. Elle sentait que son pouls s'était emballé d'un coup. C'était inévitable, quand Levi était dans les parages. Elle ne pouvait rien y faire. C'était quelque chose de viscéral, qui la prenait par les tripes. Et sans doute aurait-elle aimé qu'il en soit autrement. Elle aurait certainement dû le virer de sa vie à la minute où elle s'était rendue compte qu'il avait le pouvoir de lui faire du mal. Mais Effy ne pouvait pas. C'était aussi simple que ça. Il était le seul qu'elle ne pouvait virer de ses pensées, de sa vie, de quoi que ce soit. Il faisait partie d'elle, sans qu'elle ait rien demandé. Et aussi insensé que cela puisse paraître, elle avait commencé à s'y habituer. À l'avoir lui, tout le temps, dans ses pensées. Sans cesse. Même si elle ne le voyait pas, même si elle ne lui parlait pas. Il était là.

N'importe quelle autre personne qui l'aurait approchée à moins de dix mètres ce matin-là se serait fait remballer aussi sec à l'aide de paroles venimeuses bien senties. Effy souriait faiblement, approchait la cigarette qu'elle tenait entre ses doigts faibles de ses lèvres tremblantes. Effy n'allait pas bien. Alors elle se renfermait sur elle-même et agissait à la manière d'un hérisson effrayé. Dès qu'on s'approchait d'elle pour l'aider, en tendant une main bienveillante et attendrie, elle se recroquevillait sur elle-même et sortait les piques. Quand elle avait assez de force et qu'elle ne s'était pas mis dans un état trop minable la veille, elle feignait un sourire et un clin d’œil espiègle. Mais elle n'allait pas bien. Elle était loin, très loin d'aller bien. Seulement ce que le monde ne comprenait pas, c'est qu'elle ne réquisitionnait l'aide de personne. Pourquoi voulaient-ils tous la tirer de là, pourquoi se jetaient-ils sur elle comme des loups affamés ? C'était elle la louve, mélancolique et solitaire. Remarquez, entre un hérisson et une louve, y a une sacrée différence. Soit. Ce matin, c'était Levi qui était là. Alors pour la première fois depuis un bon moment, elle ne sortait pas les crocs. Il était le seul à ses yeux qui ne méritait pas une avalanche de piques injectées de venin. Même s'il n'avait sans doute pas regagné toute sa confiance, Effy savait dans quoi elle s'était embarquée, elle avait fait son choix même si elle ne l'admettait pas encore totalement. Et puis, le beau brun était le seul à ne pas vouloir lui parler d'elle et de son état. Il lui foutait la paix et ça lui faisait du bien, même s'il n'était sûrement pas dupe. Eff' en avait marre qu'on veuille tout le temps lui causer de sa personne. Sa personne, elle était transparente, elle se complaisait dans son mal-être et n'avait aucun besoin qu'on le lui signale.

« Y a eu pire. »

Répondit la brunette en haussant les épaules, croisant le regard de Levi avant de reposer ses iris d'azur sur le défilé de voitures, fumant sa cigarette d'un air absent. Toutes ses nuits se ressemblaient, dernièrement. Parce qu'elle noyait ses démons dans l'alcool, les enfumait dans la drogue et puis les laissait la torturer le lendemain. Puis recommençait. Certains jours, elle parvenait à se tirer du lit, à se traîner dans la douche et à partir en cours pour se concentrer sur ses études. Ou elle partait faire du sport, courir autour du lac ou des trucs dans le genre, tôt le matin, quand il n'y avait personne. Mais c'était de plus en plus rare.

« Je sais bien. »

Répliqua Effy en tournant soudainement la tête vers Levi, plongeant son regard pénétrant jusqu'au point de vous mettre mal à l'aise dans celui de son interlocuteur. Ce que lui disait le jeune homme, elle l'entendait, étonnamment. Comme si elle ne pouvait pas louper une miette de ses paroles. Elle semblait ailleurs, son regard avait perdu de son éclat et même tout son sens, mais quand Levi parlait, une brève étincelle de vie traversait ses prunelles couleur iceberg.

« J't'ai manqué ? »

Relança la jeune femme sur le ton de plaisanterie, de cette voix cynique qu'elle employait souvent. Plus très souvent ces derniers temps, mais là elle pouvait bien faire l'effort. Elle pouvait bien faire semblant d'aller bien pendant quelques minutes, juste pour lui. Même si ni l'un ni l'autre ne s'y laisserait prendre.

Effy laissa échapper un petit rire ironique, laissant son regard se lever vers le ciel un instant, la clarté du jour levant laissant étinceler le bleu de ses iris. Ces derniers temps, elle était on ne peut plus cynique. Feignant le bonheur, du mieux qu'elle le pouvait, avec de l'alcool et des drogues, entre la boisson et la poudre. Avec un peu d'herbe pour agrémenter le tout. Et des nuits interminables. Attendait-elle une vraie réponse de la part de Levi ? Sans doute oui. Ou peut-être pas, quelle importance. Elle commençait à perdre la notion de la réalité. De l'importance des choses. De l'importance de la vie. Peu importe quelle serait sa réponse.

« Peut-être bien. »

Parce que lui, il lui avait manqué. Enfin elle le supposait. Elle était trop occupée à se flinguer les neurones ces dernières semaines, que pour réellement se poser des questions de cet ordre. Elle avait l'impression d'avoir régressé. Elle avait fait des efforts pour trouver une stabilité dans sa vie, mais il fallait croire que c'était son destin de faire n'importe quoi et de tout ficher en l'air. Et elle ne voulait pas de l'aide de Levi pour s'en sortir. Parce qu'elle s'en sortirait jamais, et qu'elle ne voulait pas le mêler à ça, il n'avait pas à porter ce poids. Zach le faisait déjà très bien tout seul, peu importe combien elle ne voulait pas qu'il s'inquiète ni qu'il s'occupe d'elle, il le ferait toujours, parce que c'était normal, c'était son frère, c'était comme ça. Pas question d'infliger la même chose au beau brun.

« Ne réponds pas, dans ce cas. »

Souffla la jolie brune en tournant à nouveau les yeux vers Levi, les plantant dans son regard. Sa douleur s'y reflétait comme un millier de perles brillants qui s'éteignaient peu à peu. Et il ne pourrait rien faire pour empêcher ça. La main de la jeune fille glissa lentement pour venir serrer celle du brun, sans le lâcher du regard, lui offrant un petit sourire sans joie. Le sourire d'une personne vaincue, qui ne trouvait plus de raison de se battre. De rester ici. De rester là. Pourtant, elle ne pouvait empêcher son cœur de s'emballer lorsqu'elle croisait le regard bleu azur de Levi. Sans qu'il ne fasse rien de spécial, son pouls accélérait. Malheureusement, il ne pouvait rien faire pour la sauver.

« Tu passes la journée avec moi ? »

Demanda-t-elle tout de même après un silence. Comme si elle se laissait une dernière chance. Comme si elle laissait une chance à son existence de lui prouver qu'elle devait se reprendre, qu'il y avait des raisons pour elle de rester ici.

C'était incroyable comme il pouvait la faire se sentir parfaitement en sécurité, et comment elle pouvait simultanément être totalement paniquée. On aurait dit un hérisson qui se recroqueville et sort les piques dès que quelqu'un s'approche gentiment. Totalement étranger à ce genre d'attentions, il flippait complètement, son petit cœur battait bien trop vite et il gardait ses défenses pendant de longues minutes, avant de s'enfuir, bien plus rapidement que ce qu'on ne pouvait penser. À la base, Effy était un hérisson, quand on tentait de s'attacher à elle. Mais fallait croire que Levi ne lui avait pas laissé l'occasion de fuir. Dès leur première rencontre, elle s'était accrochée à lui de manière inexplicable. Pas comme à une bouée de sauvetage. Plutôt comme deux animaux évoluant dans la vie en symbiose, complémentaires, indispensables l'un à l'autre sans trop s'en rendre compte. Aujourd'hui, il était toujours là. Et elle aussi, ses efforts pour se barrer bien loin de tout ça s'étant révélés plutôt vains.

« Je t'aurais bien dit de sortir en boîte, ou n'importe où, mais il est un peu tôt pour ça. Et j'ai pas l'envie de faire quoi que ce soit ces derniers temps. Va falloir que tu décides. »

Elle avait vibré quand il avait dit qu'il la suivrait. La brunette était indépendante, solitaire, rebelle et difficile à suivre. Mais lui, il la suivrait. Et elle n'était pas tellement contre cette idée. La solitude n'était pas forcément quelque chose de négatif. Eff' était bien placée pour savoir ça et elle aimait avancer seule, sur son chemin tortueux, et torturé. Sauf que Levi connaissait ce chemin aussi. Et elle était prête à accepter la main qu'il lui tendait. Peut-être. Quant à ce qu'ils allaient faire, elle n'en avait aucune idée. Elle aurait pu monter danser sur tous les toits de Bowen tout comme passer la journée à la piscine, ou sur la falaise en rêvant de s'envoler. Fumer des joints en se couchant quelque part au terrain abandonné, ou encore faire l'amour sur une table de billard. N'importe quoi. Mais elle n'avait envie de rien. À part se démonter la tête, sans arrêt, sans répit. Tout le temps, à chaque seconde. Aujourd'hui, il fallait qu'il en soit autrement au moins pour quelques heures. Qu'elle tente de garder les idées claires, pour rester avec Levi, en corps comme en esprit. Elle devait essayer.

[ Désolée pour le temps de réponse, le blocus, les examens bientôt, tout ça tout ça... ]

Effy était d'accord pour se laisser entraîner n'importe où, là où il jugerait bon de l'emmener. Elle le suivit donc malgré la douleur dans ses muscles trop sollicités durant la nuit et la tête qui lui tournait légèrement. Sans lâcher sa main. Comme un chaton perdu qui ne savait pas trop où aller, et qui s'accrochait au premier venu comme s'il s'était trouvé une nouvelle mère poule. Peut-être qu'au fond, elle avait besoin qu'on s'occupe d'elle. Elle ne l'aurait jamais admis bien évidemment et elle resterait obstinément seule sur cette route floue et embrumée qu'elle devait traverser. À supposer qu'elle en sortirait un jour, de cette forêt maléfique qui lui poussait sous le crâne. N'ayant aucune notion du temps, fatiguée et désorientée, la jeune brune sortit de ses divagations mentales en sentant le souffle du vent plus fort lui percuter le visage. Elle leva les yeux, suivant toujours le jeune homme sans rechigner devant les quelques mètres d'escalade pour atteindre le sommet de la falaise. Et une fois qu'ils parvinrent à ce sommet...

La puissance du vent balaya les cheveux ondulés de la jeune femme, qui se tenait debout, bien droite sur ses deux jambes trop minces. Elle lâcha la main de Levi, son regard azur se posant sur l'océan qui s'étendait devant eux. Et les premières lueurs de l'aube vinrent illuminer son regard terni par la souffrance et la confusion qu'elle supportait depuis trop longtemps. Les rayons du soleil se réfractaient dans ses iris à l'éclat incroyable. Elle ne bougeait pas, ne souriait pas, mais c'était là, impossible à rater. Un mince souffle de vie, se mêlant au vent, avait effacé pour un court instant les traits tirés de fatigue et de tristesse de son visage pâle. Elle resta un peu en retrait derrière le jeune homme, avant de le rejoindre au bord de la falaise, le regard perdu sur l'horizon. Regard qui finit par se fixer sur les rochers en contre-bas. Incroyablement attirantes, ces sculptures de pierre grise tranchantes et fatales. Il suffisait d'un pas. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui il lui restait de la force. Aujourd'hui Levi était là. Elle secoua vaguement la tête et s'assit aux côtés du beau brun, son bras effleurant le sien, ce qui eut pour effet de lui donner la chair de poule.

« On est bien. »

Répondit Effy dans un murmure faible, mais bien présent. Un tout petit sourire éclaira un instant son visage, le temps qu'elle croise le regard de Levi, avant de se reposer sur la limite à peine visible entre le ciel et la mer. Elle avait l'impression que ce vent violent lui nettoyait l'âme, pas de manière permanente, mais c'était toujours ça. Comme si un espoir persistait. Son espoir à elle, c'était Levi. Elle ne le savait juste pas encore.

Elle avait l'impression de respirer à nouveau. Que l'oxygène était soudain devenu palpable, visible même, et qu'elle devait en profiter pleinement. La jeune fille n'était pas idiote, elle était bien consciente que ces instants n'étaient qu'un mince répit, que ça ne durerait pas. Rien ne dure éternellement. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était respirer. Voilà tout. Être là, à côté de Levi, juste être là tout simplement. C'était tout ce qu'elle devait faire. Ce n'était quand même pas trop demandé, elle pouvait bien faire ça. Avoir de l'espoir. Tenter de voir une lumière au bout du tunnel. Elle la regarderait s'éteindre au loin plus tard, bien plus tard, quand les angoisses latente et la panique des autres et de la vie reviendraient la tourmenter.

« Ça n'a rien de bizarre. »

Répondit calmement Effy sur un ton difficile à analyser, tandis qu'un sourire amusé naissait sur ses lèvres. Ça faisait longtemps qu'on ne l'avait plus vu tiens, ce sourire. Encore une fois, c'était un des effets de la présence de Levi. Mais la brunette préférait ne pas trop s'avancer sur ce chemin. Elle n'était plus en colère contre lui, du moins elle ne pensait pas l'être, et son esprit était désormais torturé par bien d'autres choses que ce que le jeune homme avait fait. Elle n'avait donc plus l'occasion de penser à leurs dernières conversations et préférait que cela reste ainsi. Alors elle n'allait pas livrer un débat intérieur sur si l'existence de Levi dans sa vie était bénéfique ou non. De toute manière, c'était pas comme si elle ne faisait que ce qui était bénéfique pour elle, loin de là. S'efforçant de garder une respiration calme, Effy noyait son regard dans l'infini qui s'étendait devant elle. C'était une toute autre sorte d'infini que le ciel étoilé qu'elle avait déjà contemplé durant de longs moments avec le jeune homme. Et ça lui avait toujours fait un peu peur, d'un autre côté elle se sentait bien, à se perdre ainsi dans cette immensité. Émotions totalement contradictoires qui se mélangeaient dans son cerveau embrumé. Un vent de panique la submergea d'un coup, mais cette fois, elle livra bataille intérieurement pour ne pas se laisser bouffer par cette angoisse qui revenait. Elle n'était pas toute seule. Tout allait bien. Tout devait bien aller, obligatoirement.

« J'ai peur, tu sais. Bien plus que la fois où on s'est rencontrés. J'ai peur en permanence et j'sais plus trop quoi faire, alors j'fais n'importe quoi. Et... Et cette fois, je sais pas si j'arriverai à m'en sortir. »

Confia la jeune femme après un long silence. Elle avait gardé le regard fixé sur l'horizon, pour ne pas alarmer Levi, pour ne pas qu'il lise la panique dans ses iris bleu azur. Elle s'était crispée, mais c'était la première fois qu'elle lâchait ça à quelqu'un. Y avait bien qu'avec lui qu'elle pouvait s'ouvrir ainsi. Pourtant, avec ce qu'il lui avait fait, avec la douleur qu'elle avait emmagasiné à cause de lui... Non, fallait pas penser à ça. Si elle laissait sa confiance en Levi s'effriter, tout s'effondrerait, elle en était certaine. Il venait de devenir une condition essentielle à sa survie.

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Effy ferma les yeux en entendant les paroles de Levi. Et ça la lui faisait du mal. Parce qu'elle savait qu'elle était en train de l'embarquer avec elle dans ce train infernal. Elle l'avait prévenu, plusieurs fois, qu'elle était le genre de fille qu'il était préférable d'éviter. Il lui avait répété à maintes reprises qu'il était prêt à prendre le risque. Sauf qu'il n'avait aucune idée de l'ampleur de ce dans quoi il s'embarquait. Effy le sentait au fond de ses entrailles, qu'elle était toxique pour lui. Elle s'en voulait. Elle s'en voulait qu'il ait ainsi besoin d'elle, qu'elle l'ait tiré vers elle, qu'elle ait accepté qu'il se rapproche. Elle aurait du le repousser dès le début, tout aurait été plus simple. Maintenant, c'était trop tard. Elle ne voulait pas qu'il ait besoin d'elle, elle ne voulait pas non plus avoir besoin de lui même si c'était le cas. Sauf que ce n'était pas les dommages qu'elle risquait de subir elle qui l'inquiétaient. Elle s'inquiétait uniquement de ce qu'elle pouvait faire subir à Levi, sans le vouloir. Parce qu'elle détruisait tout ce qu'elle touchait, encore et encore. Inévitablement. Effy rouvrit les yeux, les premiers rayons de soleil se reflétant dans son regard d'une profondeur incroyable.

« Je peux pas te promettre ça. Je peux pas promettre que ça ira. Parce que j'en sais rien. Tout le monde part un jour, de toute façon. D'une manière ou d'une autre. »

La jolie brune s'était tournée vers Levi, le transperçant de son regard océan, se noyant dans son âme. Elle se rappelait avoir dit des paroles similaires à Lennox. Et se rappelait à quel point ses relations étaient malsaines. Du bout des doigts, elle caressait les fines cicatrices blanches qui barraient l'intérieur de son poignet. Elle ne savait plus où elle allait. Et elle aurait tellement, tellement voulu que Levi aille avec elle. Mais elle ne pouvait le permettre. Elle ne voulait pas l'abîmer. Elle ne voulait pas apporter la moindre touche de noirceur à sa personne, car il était bien trop important pour elle. Et à cette seconde précise, elle se rendit compte qu'il n'y avait pas d'issue heureuse pour eux.

« Tu ne peux pas. »

Répondit-elle d'une voix déterminée, presque tranchante, dans un souffle à peine perceptible, tandis qu'elle sentait des larmes salées - ces traîtresses - lui monter aux yeux. Son regard brillant était résolu. Elle se leva, faisant face au vent et à la lumière du jour qui éclairait son visage. Elle savait qu'elle abandonnait. Mais pour la première fois, elle se rendait compte que c'était la meilleure chose à faire, et qu'il fallait qu'elle soit raisonnable. Un noeud s'était formé dans sa gorge et chaque mot de Levi raisonnait dans sa tête, comme un poignard qui lui perçait la poitrine, un peu plus profondément à chaque fois.

« Tu n'as aucune idée de ce que j'ai déjà fait. Aux autres, à moi-même. Et je pense qu'il vaut mieux que ça reste ainsi. Je ne veux pas t'emmener sur ce chemin avec moi, et crois-moi, tu ne veux pas y aller non plus. Je ne me le pardonnerais jamais. Alors... Alors tu dois me laisser partir. »

Sa voix tremblait et elle était incapable d'affronter le regard de Levi. Premièrement, parce qu'elle ne serait pas capable de résister à ses yeux clairs dans lesquels elle se noyait. Et ensuite, parce qu'elle ne voulait pas voir la douleur dans son regard. Douleur qui se reflétait de la même manière dans les iris azur de la jeune fille. Elle avait prit sa décision.