the course of true love never did run smooth. (alex)

Elle s'interdisait de le croire, de penser qu'ils entretenaient une relation amoureuse depuis plusieurs mois. Parce qu'elle était terrifiée d'avoir pu oublier. Cliff. Leur histoire. Sa vie. Parce que ses souvenirs s'étaient arrêtés à un moment de sa vie où Cliff n'en faisait pas officiellement parti. Il était le garçon que ses copines trouvaient attirant mais dont elle préférait lister tous les défauts. Finalement, elle avait même arrêté de compter le nombre de fois où ses amies avaient pu parler de lui alors qu'elle voyait toujours en Cliff ; l'emmerdeur du lycée. Tout leurs souvenirs s'étaient évaporés. Les plus beaux, les plus tristes, les plus drôles et les plus érotiques. Elle avait oublié comment son humour avait toujours été sa faiblesse. Il suffisait de l'entendre blaguer pour qu'elle cesse de bouder ou d'être triste. Elle avait oublié comment elle l'aimait de tout son cœur, comme une folle, mais minimisait toujours ses sentiments pour le taquiner. « Je suppose, j'en sais rien en fait, mais toi t'as deux semaines à rattraper. » Elle était trop loin pour réussir à poser sa main sur son poignet, et finalement, elle n'était pas encore certaine de savoir d'où ce désir lui venait. « Je peux aller te chercher un truc à la cafétéria ou à un distributeur. » Il grimace, et elle grimace presque aussitôt. Tout le monde aimait toujours dire que la nourriture des hôpitaux était mauvaise. Tester ne lui donnait pas envie. « Si t'attends quelques minutes de plus, je peux aller te chercher un burger... » Comme si Cliff avait pu lire dans ses pensées, elle réalise que c'est exactement ce dont elle a envie de manger maintenant. Elle s'empresse d'acquiescer avant de voir qu'il se soucie encore de son bien-être sans penser au sien. Si les infirmières le surnommaient la sangsue, c'est qu'il ne devait pas être beaucoup sorti de cette chambre pendant les deux dernières semaines. Simplement pour rester à ses côtés. C'est cette pensée qui lui donna envie de sourire. Cette même pensée qui la poussa à vouloir faire un pas dans sa direction, ne pas le repousser, penser à Cliff avant de penser à elle. « Seulement si tu en prends un pour toi aussi. Sinon je mange pas. » Elle croise les bras et lui sourit toujours, pour l'encourager à dire oui. Après tout, elle se sentait capable de pouvoir bouder si il refusait. « Tu me laisses ton téléphone avant de partir ? Imagine, peut-être que regarder des photos m'aidera à me rappeler de notre vie. » C'était malhonnête d'utiliser cette excuse mais elle essayait. Elle fait un pas dans sa direction et soupire, résignée, en voyant que les fils l'empêchent toujours de marcher jusqu'à Cliff. « Sinon, laisse-moi venir avec toi. J'ai pas envie de rester toute seule. »

Il refusait qu'elle le suive. Sans comprendre pourquoi, Alex était agacée qu'il ne saisisse pas cette occasion pour s'éloigner de cet endroit avec elle. Elle le regardait tristement, peut-être pour l'amadouer un peu, voire si il finirait par céder à ses désirs. « Ton père serait capable de me tuer s'il débarquait pendant ton absence. » Elle ricane, forcément, parce que ça n'avait rien d'étonnant finalement. Déjà au lycée, ses rares petits-amis avaient toujours eu droit à un interrogatoire poussé à l'extrême par papa Bennett afin d'obtenir son accord pour inviter Alex. Ça n'avait pas dû changer avec les années. Elle était curieuse de savoir comment la rencontre entre son père et Cliff s'était passée mais la question mouru sur ses lèvres, incapable de rendre leur relation réelle. Incapable de parler de leur histoire, de lui, de elle, de la façon dont ils étaient passés d'ennemis à amants, ou comment ils s'étaient séduits pour finir par se désirer et tomber amoureux. Elle n'était pas encore prête à entendre tout ça. L'ambiance était légère, amusante et pour l'instant, c'est ce qu'il lui faisait du bien. Elle n'était pas tentée de repousser Cliff, au contraire, sa présence devenait soudainement agréable et drôle. « Comme j'ai un peu peur de papa ours, je préfère te laisser mon téléphone. Tu vas t'en sortir ? C'est un tactile, à ton époque ça devait pas encore exister... » Et elle riait. Ce son presque trop doux à l'oreille qui sortait avec une telle spontanéité, une telle aisance qu'elle eut du mal à croire que c'est Cliff qui la faisait rire. Il lui donnait le téléphone avec appréhension, ça se sentait. Elle le prenait dans sa main, comme si elle apprenait au même moment que le monstre du Loch Ness existait réellement. Son regard en disait beaucoup, elle n'y connaissait rien avec la technologie. « Tu es cruel, je débarque pas du Moyen Âge. Je vais m'en sortir, oui. » Elle fixait rapidement les petites photos étalées sur l'écran, tout en songeant qu'avec un peu de chance, rien ne serait effacé avant le retour de Cliff. « Et donc, tu as peur de mon père ? C'est vrai qu'il est terrifiant. » Un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres à l'instant où elle croisa son regard. Il se moquait, elle n'allait pas non plus se priver. Elle se laissa tomber sur le bord du lit à l'instant où son mal de tête devint plus violent. Elle affichait toujours une moue taquine pour ne pas alerter Cliff, trop tentée de l'embêter et rire de lui malgré la douleur. « Avant que tu partes, dis-moi, il t'a menacé si tu prenais pas soin de sa fille ? Promis, je dirai que t'as été parfait avec moi. »