allo maman, bobo [Isling]

Et il croyait en l’humanité. Oui. Plus que n’importe qui, Isaiah croyait en la bonté des gens, et même en celle profondément cachée de ces hommes qui détruisent tout dans leur seul et propre intérêt. Pour lui, ce n’était pas par la violence qu’on réglait des conflits, mais par l’amour. Kill them with kindness, c’est ça qu’elle dit dans sa chanson, Selena Gomez, non ? Isaiah pensait de cette façon, que ce soit pour briser les murs et les barrières des autres que pour forcer à poser les armes au sol. Pas tout le monde en était rendu là dans leur évolution personnelle, mais Isaiah savait que cette possibilité, cette façon de vivre, existant en chacun d’eux. « Oui. Je crois en l’humanité. » Avait affirmé le jeune homme, sans ajouter quoi que ce soit. Aisling le connaissait bien, il n’avait pas besoin de le justifier, elle savait déjà. Qu’elle soit d’accord ou pas. Bref, choisissant donc toujours l’amour à la violence, Isaiah ne tarda pas à parler de ce premier, au plus grand mécontentement d’Aisling, qui lui donna un coup d’épaule. « Aimer, apprécier, je t’ai pas parlé du grand amour, relaxe. Je t’aime et je suis pas en train de dire que je veux te marier. » Pour Isaiah, aimer avait tellement de significations. Il aimait tellement de personnes différentes, pour diverses raisons.

Ils en revinrent finalement à leur délire de mages et d’elfes, Isaiah parlant encore et encore de ses pouvoirs à infiltrer le cerveau d’Aisling si jamais la situation dérapait. « Aaaah ça, je peux rien promettre. C’est sûr que tant qu’à faire l’effort de m’y rendre, j’vais corriger certains trucs. » Il posa alors le bout de son index sur le front de la blonde en rigolant. « J’plaisante. Y’a rien à changer. » Isaiah pensait aussi que chaque être humain était comme il était pour une raison, et que les personnalités étaient belles parce qu’elles étaient uniques. Bon, il n’était pas en train de dire que personne n’avait à être changé, parce que certains modèles étaient plutôt contraires au concept positif qu’il avait en tête, mais la base était là. Il aimait Aisling comme elle était, qu’elle soit une folle du recyclage ou non.

Un instant plus tard, Isaiah demanda à son amie si elle était prête. Elle hocha la tête et s’empara elle aussi de cette toute petite pilule qui allait les faire voyager si loin. Elle lui demanda où le faire, et Isaiah aurait bien dit ici, mais il se rappela qu’avec les badtrip de la jeune femme, la tenir loin des couteaux et du four était peut-être une meilleure idée. « L’endroit où tout est mou. » Avait-il dit en se levant et en attrapant la main de son amie pour l’amener à sa chambre. Il avait pris son verre d’eau avec lui, alors même si Aisling avait laissé le sien derrière, ils partageraient. Isaiah s’assit sur son lit, invita la blonde à faire de même, et avala la pilule, faisant passer le tout avec l’eau qu’il tendit à Aisling par la suite.

Aisling avait été contrarié quand Isaiah avait évoqué l'amour, parce que sous n'importe quelle forme, la blondinette tentait de l'éviter. Même si elle avait échoué bien des fois depuis qu'elle était en Australie, y comprit avec lui. Elle tenta d'oublier ce qu'il venait de dire, détournant le regard, haussant les épaules.

-Le mariage c'est pas un peu trop conventionnel pour toi ?

Elle avait du mal à imaginer Isaiah marié, même si elle ne doutait pas qu'Ezekielle était la femme de sa vie, si tenté que ce genre de connerie existe. Disons que le voir se plier aux normes de la société avait quelque chose d'étrange.

En parlant de son cerveau, la néo-zélandaise arqua un sourcil pas franchement amusée à l'idée qu'il veuille y corriger certains trucs, comme il disait si bien. Elle secoua la tête quand il pointa son index contre son front, ronchonnant un peu avant de lever les yeux au ciel.

-J'en suis pas si sûre.

Mais passons. Ca n'avait pas d'importance. Personne n'était parfait et même personne ne pouvait l'être. Au fond c'était peut être mieux comme ça, même si Aisling était quelque peu allergique aux créatures les plus imparfaites de ce monde.

Elle eut un petit rire quand il désigna l'endroit où ils allaient passer leur trip. Ca donnait une image très sécurisée de sa chambre ça. Elle le suivit sans rechigner, la main dans la sienne, docile pour une fois. Elle prit place à côté de lui sur le lit, faisant de petits bonds pour tester le mou du matelas. Elle le regarda prendre la pilule avant d'en faire de même, volant son verre d'eau qu'elle posa au sol après en avoir prit une gorgée. Elle s'allongea sur le lit, les yeux fixant le plafond attendant les effets du cachet magique.

Isaiah aurait aimé comprendre ce qui faisait en sorte qu’Aisling avait autant de mal à aimer, sous n’importe quelle forme. Il avait pourtant l’impression d’agir avec elle de façon à la mettre en confiance, à lui faire réaliser qu’il ne lui ferait jamais de mal, du moins pas intentionnellement, et qu’elle pouvait compter sur lui. Pourtant, la blonde avait autant de difficulté à s’avouer qu’elle appréciait Isaiah qu’elle en avait à s’avouer qu’elle voulait sans doute davantage de Perry. Isaiah n’était pas psychologue ni devin, et il ne pousserait jamais Aisling à lui confier ce qui avait pu la rendre aussi distante, mais il s’inquiétait toujours un peu pour elle. Il aurait tellement aimé pouvoir l’aider. Sans doute pour changer de sujet, la blonde s’accrocha à l’idée du mariage, sachant fortement que sa question déraillerait Isaiah et qu’il mordrait à l’hameçon. « Ouais, trop conventionnel et pis con, aussi. J’disais ça comme ça. C’est vrai que je compte pas me marier. Genre, jamais. » Il n’était pas contre l’idée de célébrer l’amour, mais de là à se promettre d’être l’un à l’autre pour le restant de ses jours, c’était possessif et effrayant. Ezekielle et lui s’aimaient, là, maintenant, et c’était ça qui importait. Il ne comprenait pas pourquoi la plupart des couples n’arrivaient pas à vivre dans le présent. Après tout, on ne sait jamais de quoi le futur est fait. Même si l’idée de passer sa vie auprès d’Ezekielle lui semblait franchement agréable, il ne pouvait promettre à qui que ce soit que ce serait le cas. Et ce n’était certainement pas une bague passée autour d’un doigt qui y changerait quoi que ce soit, sinon que de se foutre une pression non nécessaire.

Ils passèrent finalement à chambre d’Isaiah, endroit dans ce logement où les risques de blessures étaient les plus minimes. Ils avalèrent chacun leur tour la pilule d’ecstasy, et Aisling se coucha sur le lit, attendant les effets. Isaiah sourit et s’allongea à son tour à côté d’elle. « J’ai comme un sentiment de déjà-vu, mais au moins là on est pas presque nus. » Et heureusement parce que là, peut-être qu’une arrivée inattendue d’Ezekielle aurait pu créer confusion. Isaiah attrapa finalement de nouveau la main d’Aisling, alors qu’ils fixaient tous les deux le plafond. Plus les minutes passaient, plus Isaiah caressait la peau de la main de la blonde de son pouce. Probablement parce que la drogue faisait son effet et qu’il commençait à développer son éphémère passion pour son sens du toucher.

Aisling esquissa un sourire amusé à sa réponse concernant le mariage. Ca ne l'étonnait vraiment pas venant de lui. Même si pendant quelques secondes, l'imaginer en costume au bras d'une jolie mariée blonde lui donnait plutôt le sourire. Peut-être que le mariage ne lui allait pas, mais le bonheur oui.

-Mon père m'a dit de ne jamais dire jamais.

Elle avait dit ça un peu pensivement, peut être autant pour Isaiah que pour elle. Elle savait que son père n'aurait jamais cru se marier un jour, et elle, elle ne le prévoyait pas non plus, elle trouvait ça même impossible. Ou alors ce serait un jour où elle serait totalement torchée à Vegas, il n'y avait aucune autre solution.

Couché sur le lit, Aisling se mit à rire quand il parla de l'air de déjà vu. Elle n'avait pas oublié ce jour de tempête. Elle n'avait pas regretté non plus s'être endormie contre lui, même pas très habillée. Elle se souvenait encore de ses ronflements et avec ce qu'ils venaient de prendre, c'est comme s'ils les entendaient encore.

-Au moins pour cette fois, je n'ai pas le bras en sang.

Elle s'en était bien remise. Elle avait eut la marque sur son bras quelques temps puis c'était parti. Maintenant, il fallait bien avouer qu'un simple orage l'inquiétait, mais elle ne lui en parlerait pas. Elle n'était pas aussi faible.Au bout d'un moment, le pouce d'Isaiah contre sa peau commença à lui faire mal, à force de passer de repasser. Elle dégagea alors sa main de la sienne, la glissant derrière sa tête.

-Triste que tu sois là, j'aurais pu me toucher.

Elle avait dit ça sans réfléchir, parce qu'elle n'était plus trop capable de réfléchir. Mais elle n'était pas vraiment sûre de vouloir lancer le sujet. Il était capable de suivre.

Ne jamais dire jamais. Cette pensée pourrait-elle fonctionner pour Isaiah, concernant le mariage ? Il doutait fortement qu’un jour, il se réveillerait avec l’envie de s’enchaîner à Ezekielle. Ils s’aimaient, et c’était cet amour qui faisait en sorte qu’ils ne se lâchaient pas, pas de vulgaires bagues encombrantes. Alors à moins, lui aussi, de se retrouver totalement torché à Vegas, il doutait fortement que son jamais puisse se transformer en quoi que ce soit d’autre. Bref, quand Isaiah se remémora leur premier passage ensemble dans un lit, durant la tempête, Aisling rigola et releva le fait que pour cette fois, son bras n’était pas en sang. « Et on va essayer que ça reste comme ça, aussi … » Dit-il avec un sourire moqueur, faisant évidemment allusion au badtrip qu’elle avait mentionné un peu plus tôt. Isaiah voulait avoir du plaisir, mais pas à tout prix ; Aisling passait avant, et il allait s’assurer que tout se déroulerait bien pour elle.

Alors qu’Isaiah était de plus en plus insistant dans ses caresses sur la main d’Aisling, cette dernière enleva son bras pour le passer derrière sa tête, laissant la main du jeune homme sans but. Il la laissa glisser sur le drap, plus doux que d’habitude. C’est alors que son amie releva le fait que s’il n’avait pas été là, elle aurait pu se toucher. Elle aurait sans doute apprécié, vu les effets de l’ecstasy sur les sensations et le toucher. Isaiah tourna la tête vers elle, toujours posée sur un oreiller, et la regarda un moment, avant de se tourner le corps légèrement. « Je ne voudrais pas gâcher ton plaisir … » Et là, il laissa sa main remonter sur le corps de la blonde, et ses doigts se glissèrent sous son short, sous sa petite culotte, et commencèrent à caresser son entre-jambes. Il l’avait fait sans réfléchir, sans trop se poser de questions, sans se demander si c’était dépasser une limite qu’Ezekielle, et Aisling, n’accepteraient pas. Il verrait bien, dans quelques secondes, la réaction de son amie. Lui, tout ce qu’il voulait, c’était qu’Aisling puisse profiter au maximum du moment.

Aisling sourit avant de lever les yeux au ciel, se rendant compte qu'elle n'aurait peut-être pas dû lui parler de ça. Parce que, de un, il allait la charrier longtemps avec, et de deux il s'inquiétait pour rien. Enfin, elle supposait pour rien.

-T'inquiète pas, j'vais pas aller un cherche un couteau dans la cuisine.

Ce n'était quand même pas son genre. Enfin... sous l'effet de la drogue on pouvait tout de même faire des trucs vraiment étranges. Comme se taper les tête contre les murs.

Mais pourquoi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Pourquoi y avait-il fallu qu'une telle chose lui passe par la tête ? Pourquoi est-ce qu'il ne comprenait pas quand elle déconnait ? Enfin, évidemment qu'elle aurait pu, toute seule, qu'elle l'aurait fait même mais... mais. Elle n'arrivait pas à lire dans son regard ce qui lui passait par la tête, mais elle sentait déjà qu'elle aurait dû s'abstenir.
Sentant sa main glisser le long de son corps, elle fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il voulait. Il essayait de la chatouiller ? Ah... non, visiblement non. Alors que ses doigts s'introduisaient sous sa petite culotte, Aisling se raidit instantanément. Son cerveau était beaucoup trop lent pour comprendre ne serait-ce que la raison de la présence de la main d'Isaiah à cet endroit. Néanmoins il fut assez rapide pour commander aux doigts d'Aisling de saisir le poignet fautif.

-Hey mais qu'est-ce tu fous...

Plus les secondes passaient plus elle se rendait réellement compte qu'il avait réellement mit ses doigts, là. Se redressant, elle le regarda quelques instants avec des yeux ahuris.

-Mais putain t'es un des seuls mecs sur Terre que... non, beurk !

Elle aimait beaucoup trop Isaiah pour que ça devienne sexuel. Contrariée, mais visiblement pas assez violente sous ecstasy, ou alors juste parce que c'était lui, peut-être aussi, elle se contenta d'attraper les mains de son ami et de se mettre à califourchon sur lui pour l'empêcher de bouger.

-T'es vraiment chelou, des fois. Enfin tout le temps, mais surtout des fois.

Sa réaction était surprenante sans l'être dans le fond c'était Isaiah et en pleine possession de toutes ses facultés elle n'aurait pas tenté ce genre de... de truc qu'il avait prit pour une invitation. Lachant un de ses poignets, elle frôla ses cheveux et s'y arrêta quelques secondes, se mettant à jouer avec de ses deux mains cette fois.

-Hey mais c'est vrai qu'ils sont soyeux en fait !

Alors qu’Isaiah avait glissé sa main sous la petite culotte d’Aisling et qu’il commençait à la toucher doucement, prévoyant la faire languir un peu avant, la blonde attrapa son poignet et le tira de là. Visiblement, il aurait dû réfléchir deux fois avant de s’imposer dans l’intimité d’Aisling, mais à ses yeux, il n’y avait rien de mal à ça. Elle l’avait dit elle-même : elle se serait touchée, s’il n’avait pas été là. Il n’avait voulu que lui rendre service. « Beeen … » Aisling s’était redressée et le regardait avec un regard ahuri, attendant visiblement des explications. « J’te touchais … » Pour lui c’était évident, ce qu’il foutait, mais sans doute qu’Aisling était à la recherche d’une réponse plus profonde que celle-là. L’idée derrière le geste. La réflexion qui avait mené à l’acte. Pour Isaiah, 1+1=2, dans ce cas-ci, mais ce n’était pas si simple pour d’autres. Par ailleurs, la jeune femme ne tarda pas à lui dire qu’il était l’un des seuls mecs sue Terre avec qui elle ne ferait jamais quoi que ce soit de sexuel – enfin, elle l’avait dit d’une façon encore moins flatteuse que cela. « Ben pourquoi ? Beurk, sérieux ? À ce point-là ? Merci … » Isaiah était un peu vexé, c’est vrai. Il se fichait pas mal qu’Aisling n’ait pas voulu le laisser la toucher, ça, il s’en balançait, mais tout le reste lui faisait de la peine. Probablement parce que la drogue avait non seulement décuplé ses sens, mais ses émotions, aussi.

La blonde attrapa finalement les mains de l’homme et le fit balancer pour qu’il se retrouve de nouveau complètement allongé sur le dos et elle, elle monta à califourchon par-dessus lui, lui rappelant à quel point il était bizarre, parfois. « J’vois pas ce qu’il y a de chelou là-dedans, on est amis, on s’en fout. » Lui, s’en foutait. Tous les autres, peut-être pas. Si Aisling était autant choquée, peut-être qu’Ezekielle l’aurait été aussi. Tout d’un coup il se sentait un peu coupable par rapport à elle, et il se promit de lui demander si, à ses yeux, il avait dépassé les limites. Isaiah n’avait jamais été dans une relation monogame, et même si cela durait depuis quelques mois déjà, il avait encore du mal à tracer les limites. Il avait toujours été tellement proche des femmes de son entourage. Pendant cette courte réflexion, Aisling avait touché aux cheveux d’Isaiah et, maintenant, elle prenait grand plaisir à lui jouer dedans à deux mois. « Je sais qu’ils sont soyeux, j’mens jamais moi ! » À son tour, il porta ses mains jusqu’à la tête d’Aisling. « Les tiens font mal à ma peau tellement ils sont secs et morts. » Exagéra-t-il, et tassant son visage de gauche à droite puisque les cheveux de son amie descendaient jusqu’à lui, chatouillant son nez et rentrant dans sa bouche. « Pouah, beurk, en plus ils goûtent pas bon. » La nargua-t-il, alors qu’en fait ses cheveux ne goûtaient pas grand-chose de particulier. Déjà, Isaiah avait oublié que quelques secondes plus tôt, il avait l’intention de donner un orgasme à Aisling.

Aisling arqua un sourcil face à la réponse d'Isaiah. Oui, certes, ça elle avait remarqué qu'il la touchait. La vrai question était pourquoi et ça il n'en donnait pas de réponse claire. Parfois elle se demandait vraiment ce qu'il pouvait bien se passer dans sa tête. Il avait énormément de chance qu'elle ne soit pas plus violente. Simplement parce qu'elle n'arrivait pas à l'être avec lui, justement pas qu'il était son ami.

-Oui ça j'avais bien noté.

Elle soupira en remarquant qu'il était vexé. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui passer par la tête ? Ne la connaissait-il pas encore assez ? Elle se redressa doucement, le regardant quelques secondes, se demandant s'il allait lui en vouloir de lui avoir dit les choses comme ça. Mais c'était pas de sa faute non plus s'il faisait des trucs bizarres !

-Tu comprends pas...

Elle finit par s'installer au-dessus de lui, capturant ses mains comme si elles étaient devenues de potentielles dangers.

-Justement Isaiah, on est amis.

Et ça devait bien être une des premières fois qu'elle l'admettait, il avait intérêt à s'en souvenir.

-Et les gens avec qui je fais ce genre de choses, ils sont pas importants.

En dehors de Perry qui avait prit une soudaine importance sans qu'elle sache trop comment.  Finalement, elle s'était mise à jouer avec ses cheveux, les trouvant tout doux. Elle eut un petit sourire quand il affirma ne jamais mentir.

-Ca fait parti de tes principes ?

Parce que des principes, il en avait quand même à la pelle. Surtout en ce qui concernait l'environnement.  
Grognant, Aisling s'installa un peu plus en arrière pour que ses cheveux soient hors de porté de sa bouche, prenant un air contrarié.

-Ils sont très biens, c'est toi qui les vexe, mes pauvres cheveux.

Puis elle glissa sa main dans ses cheveux blonds avant de faire une petite moue.

-Ouais bon j'avoue, ils sont moins doux que les tiens, mais c'est pas une raison pour les manger ! Y a ta salive beurk dessus maintenant.

Heureusement qu'Aisling était loin d'être une petite princesse, elle s'amusait juste à le taquiner.

Ne comprenant effectivement toujours pas, il soutint le regard d’Aisling, même quand celle-ci s’installa sur lui à califourchon, s’emparant de ses mains. Il fronça les sourcils quand elle affirma que justement, ils étaient amis. Certes, l’amitié pour Isaiah avait toujours été séparée par une ligne mince de ses relations plus intimes, mais de là à faire tout un drame pour quelques caresses … Jusqu’à ce qu’Aisling lu idise que les gens avec qui elle faisait ce genre de choses n’étaient pas importants. Un sourire et une impression de soulagement se laissèrent voir sur le visage de l’homme, qui fut profondément touché par ces paroles. Non seulement elle venait enfin d’accepter le fait qu’ils étaient amis mais, en plus, elle avait avoué le considérer comme une personne importante dans sa vie. « T’es importante pour moi aussi, Aisling, un peu trop même, pour quelqu’un qui, comme moi, peut décider du jour au lendemain de tout laisser derrière pour vivre autre chose. » Avoua Isaiah en toute sincérité, réalisant alors à son tour qu’avec Aisling, ce n’était plus un jeu, plus un défi de l’apprivoiser, d’avoir sa confiance, de la faire rire. Elle avait pris dans son cœur une véritable place, de celles qui laissent une trace indélébile. « Alors je te promets de ne pas être trop chelou à partir de maintenant. Enfin, quand même un peu, hein, mais genre, je n’irai plus aussi loin. » Il connaissait maintenant l’une des vraies limites d’Aisling, et celle-là, il la respecterait. De toute façon, c’était peut-être mieux ainsi, pour elle, pour Ezekielle, pour lui.

Repartant sur un sujet bien moins émotif, ils parlèrent de leurs chevelures respectives, la comparaison étant bien facile à faire vu la différence de santé des deux têtes. « Un parmi tant d’autres, oui. » Répondit Isaiah à propos de ses principes, en riant. « Au moins comme ça t’es certaine de toujours avoir l’heure juste, avec moi. » Maintenant que les cheveux d’Aisling n’étaient plus partout dans le visage d’Isaiah, même dans sa bouche, il se frotta la peau avec ses mains pour enlever le chatouillement qui se laissait encore sentir, comme si sa peau se rappelait encore des cheveux de la blonde. « Oh alors si je les couvre de compliments, ils vont devenir tout beaux ? » Demanda Isaiah avec intérêt et surprise, croyant un peu trop à ces conneries. « Et puis j’ai de la salive de mage, si ça se trouve, ça va agir comme un masque pour cheveux. » Non, il ne l’avait pas encore oublié, ce délire-là. « T’as envie d’aller toucher des trucs ? Autres que toi. » Spécifia-t-il – sait-on jamais. Ils pourraient comparer les sensations entre différentes textures selon les objets qu’ils trouveraient dans les environs.

L'expression d'Isaiah rassura un peu Aisling. Après tout, elle n'avait jamais voulu le vexer mais fallait bien avouer qu'il venait de faire quelque chose d'assez étrange. Elle ne s'attendait pas vraiment à une telle déclaration d'amour, mais c'est vrai que c'était elle qui avait initié le mouvement. Elle eut un sourire incontrôlable, tendre, en le regardant avant de baisser un peu les yeux parce que, même sous drogue, elle avait du mal à admettre que ça lui faisait plaisir d'entendre ce genre de choses.

-Partir du jour au lendemain hein... Je suppose que si tu fais ça un jour, ce sera moi la plus blessée de nous deux.

Aisling n'accordait ni son amour ni sa confiance facilement mais une fois que c'était fait, ça n'avait pas de limite. Alors si Isaiah disparaissait, un jour, sans laisser de trace, elle savait déjà qu'elle aurait du mal à s'en remettre. Et même si ça touchait beaucoup Aisling d'être importante pour lui, elle se doutait qu'elle n'était absolument pas la seule à l'être, et qu'elle était loin d'être la plus importante aussi. Isaiah était un être sociable après tout.
La blonde acquiesça d'un signe de tête avec un sourire quand il lui promit de ne plus aller aussi loin. C'était tout ce qu'elle voulait. Sa petite culotte était une limite à ne pas dépasser, en ce qui le concernait. Elle avait du mal à laisser et son cœur et son corps à quelqu'un, et quand ça arrivait ça faisait pas mal de dégâts.

La blonde eut un petit sourire devant la remarque d'Isaiah, c'est vrai que c'était un avantage, même si elle ne comprenait pas trop comment il faisait pour ne jamais mentir. Elle en serait bien incapable. Que ce soit à ses parents ou à certains de ses amis. Elle avait bien besoin de se protéger, quelles que soient les situations.

-Tu as trop de qualités.

Elle ne disait même pas cela avec ironie, elle le pensait. Même si elle ne pouvait pas nier qu'il avait aussi quelques défauts. Fallait bien compenser, personne n'était parfait, surtout pas elle.
Aisling se mit à rire devant les bêtises que disaient Isaiah. Ce serait bien si ça pouvait fonctionner ainsi en fait. Elle n'était pas particulièrement fière d'avoir des cheveux abîmés mais elle avait la flemme de les entretenir.

-Oui, les cheveux d'elfe sont magiques ! Mais pour le masque... Je suis pas sûre de vouloir servir de crash-test.

Elle gardait tout de même un peu la raison et de la salive, même de mage, ça restait un peu beurk. Suite à sa proposition, elle libéra Isaiah de son emprise, lâchant ses mains puis descendant du lit pour se tenir toute droite à côté, poing en avant.

-Ouiii partons à l'aventure !

Aisling parla de l’éventualité où Isaiah partirait du jour au lendemain, qui était dans la tête de l’homme une certitude, sans pourtant savoir ni quand ce serait, ni vers où, ni pourquoi. Le jeune homme savait que son cœur appartenait au monde entier, que ses pieds étaient faits pour traverser tous les pays et que jamais il ne trouverait havre de paix où que ce soit. La paix était en lui, et lui s’éparpillait d’est en ouest. Bowen avait beau avoir su lui amener une routine acceptable pour qu’il prenne le temps de souffler un peu, de renflouer son compte en banque et de le faire rêver de nouveau, cette ville ne saurait lui offrir l’excitation qu’il avait vécue pendant toutes ces années à voyager. Isaiah n’était pas fait pour cette vie, même si cette vie avait ses avantages, ses attaches, comme Aisling en était une. « Je ne suis pas certain, Aisling. C’est ici le seul endroit dans ce monde où me suis autant attaché à des gens … Il ne m’aura jamais été aussi difficile de partir un jour. » Il planta son regard dans celui de son amie et esquissa un sourire. « Tu me manqueras, c’est sûr. » Il parlait comme s’il partait demain, comme si dans quelques heures Isaiah n’existerait plus ici, plus pour elle. Pourtant, il était encore bien là, il avait payé son loyer du mois, mais son cœur et sa tête étaient ailleurs.

Isaiah rigola quand Aisling lui dit qu’il avait trop de qualités. Il secoua la tête, amusé, les sourcils légèrement froncés. « On n’a jamais trop de qualités. » Et puis même des défauts, on pouvait en avoir à la pelle, en autant qu’ils n’étaient pas des défauts impardonnables, Isaiah pouvait gérer. Aisling n’était pas la personne qui frôlait le plus la perfection, tout comme lui d’ailleurs, et pourtant il l’adorait. Surtout maintenant, pour ce petit côté farfelu qui ressortait quand elle était plus ou moins en contrôle de ce qui se passait entre ses deux oreilles. Toutes les conneries qu’ils avaient dites depuis le début de la soirée, c’était hallucinant. « Si les cheveux d’elfe sont si magiques, pourquoi ils ont besoin de mots-clés gentils pour se régénérer, hein ? Ils peuvent pas le faire par eux-mêmes ? Ils sont en manque d’attention, ouais … » Isaiah secoua la tête, exaspéré par un concept qui n’existait même pas. Alors plutôt que de continuer dans ce délire qui ne menait à rien, Isaiah proposa d’aller toucher à des trucs et d’expérimenter les différentes textures de la maison. Aisling se leva, parlant d’aventure, le poing en avant. Isaiah riait. « Après vous, capitaine plouf ! » Ils couraient un peu partout dans l’appartement d’Isaiah et d’Ezekielle, hélant le nom de l’un et de l’autre à chaque fois qu’ils trouvaient un truc cool à toucher. Au bout d’une heure, tout était sens-dessus-dessous, dans chaque pièce. « J’crois qu’on a fait le tour … » Admit Isaiah, même si ses doigts auraient encore désiré quelques expériences.

Les paroles d'Isaiah montraient bien qu'il avait l'intention de s'en aller. Même s'il n'avait pas encore décidé du jour. Il partirait... et il la laisserait derrière. Ca ne la rassurait pas et la consolait à pein de savoir que ce serait difficile pour lui. Elle s'en foutait bien. Ce qu'elle voyait c'est qu'un jour il l'abandonnait. Il n'était pas différent des humains qu'elle haïssait tant.

-Mais ça ne t'empêchera pas de partir. Et ça ne te fera pas revenir.

Qu'elle lui manque, ça lui faisait une belle jambe si ce n'était pas pour qu'il revienne à Bowen. Elle était égoïste Aisling et tout ce qu'elle voyait c'était sa peine à elle, elle se foutait bien de la sienne. Elle se foutait bien qu'il ait besoin de voyager, de découvrir le monde, que ce soit incontrôlable chez lui, que ce soit vital. Elle ne voulait pas qu'il s'en aille. Mais même sous ecstasy elle avait assez d'ego pour ne pas le supplier. De toute façon, elle se doutait que ça ne changerait rien. Elle espérait juste que ça arrive le plus tard possible.

Aisling haussa les épaules lorsqu'il lui dit qu'on n'avait jamais trop de qualités. Sûrement. Sûrement que pour l'humanité mieux valait en avoir beaucoup. Mais plus on était parfait, plus on faisait de jaloux, non ? Elle au moins, elle était sûre de ne pas en faire. Elle fronça les sourcils lorsqu'il continua à critiquer ses cheveux. Il n'avait donc pas fini avec ça ? Elle poussa un petit soupire dédaigneux avant de lever les yeux au ciel.

-Ils sont très capricieux. Ils n'aiment pas se faire beaux pour n'importe qui.

C'était évident voyons. Aisling accepta cependant la proposition d'Isaiah et prépara à toucher toutes sortes de choses. Elle arqua cependant un sourcil face à son appellation.

-Plouf ?

C'est lui qui allait couler ouais s'il commençait comme ça. Enfin. Ils partirent donc en quête de texture et s'amusèrent tous les deux pendant un bon moment. A la fin Aisling s'assit au milieu du salon, soufflant un peu.

-C'est fatiguant de fouiller partout en fait...

Elle secoua la tête, levant les yeux vers Isaiah avec un sourire. Elle ne pourrait pas nier qu'il avait illuminé sa soirée.

Non, ça ne l’empêcherait effectivement pas de partir. Isaiah aimait trop le monde et ses différentes cultures pour promettre à qui que ce soit de rester en place pour le restant de ses jours. Bien des gens lui demandaient pourquoi une semaine de voyage par année ne lui suffirait pas, et à cela Isaiah répondait que le monde était bien trop vaste pour que ces quelques centaines d’heures ne suffisent. Il avait déjà vu une bonne partie de la planète, mais Isaiah n’était pas rassasié, il n’était pas satisfait ; il n’avait pas tout vu. Toutefois, l’affirmation d’Aisling comportait bien une heure : elle, et ses autres amis d’ici, le feraient peut-être revenir. Il la regardait. « Tu sais, je ne me suis rarement senti autant chez-moi qu’ici. J’ai pour conviction que le monde entier est ma maison, notre maison à tous, mais … Quand j’aurai besoin d’une pause, quand je n’aurai plus les moyens de continuer, c’est ici que je reviendrai. Je le sais maintenant. » Avoua Isaiah à Aisling. Alors certes, tôt ou tard, l’homme partirait continuer l’aventure mise de côté pendant sept ans, mais il ne pouvait vivre éternellement d’un pays à l’autre en vivant d’amour et d’eau fraîche. Malheureusement, ce n’était pas aussi facile. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’Isaiah s’était posé depuis sept ans maintenant, ici, à Bowen. Mais ce n’était que temporaire. Ça n’avait toujours été que temporaire, et déjà les années étaient passées trop vite pour lui.

Quand Aisling lui parla de ses capricieux cheveux qui n’aimaient pas se faire beau pour n’importe qui, il lui administra une légère claque sur la cuisse. « Oh et moi j’suis n’importe qui ? » En fait, oui, Isaiah était n’importe qui pour ce qui était de l’apparence. Il s’en foutait tellement, au fond, de ce qu’avaient l’air les cheveux d’Aisling. Ce n’était pas tant leur apparence négligée qui le dérangeait que le fait qu’ils n’étaient pas en santé à cause des produits toxiques qu’elle utilisait, comme la plupart des gens. Bref, après avoir fouiné un peu partout dans le logement, se souciant peu de ce dont il aurait l’air après la tornade qu’ils étaient à deux, ils s’assirent dans le salon, exténués. « Ouais, je suis crevé. Je pourrais m’endormir, comme ça, assis, les yeux ouverts. » Il regarda Aisling un moment. « Comme un serpent. » Il sembla imiter le sifflement du serpent, en vain.

L'option de revenir ici ne semblait pas quelque chose qui enthousiasmait vraiment Isaiah mais plutôt une nécessité, on besoin d'argent ou bien de repos. Aisling ressentait certainement ça de la sorte parce qu'elle lui en voulait de vouloir partir et que toutes ses paroles n'avaient pas réussi à lui assurer qu'elle était quelqu'un pour qui il reviendrait faire un bout de chemin à Bowen.

-Et comme une idiote j’accourrais juste pour te voir.

Elle ne disait même pas cela avec ironie. Elle avait juste consciente que ce serait exactement comme ça que ça se passerait, et ce même si elle le détesterait pour s'être envolé.

Elle haussa légèrement un de ses sourcils lorsqu'il lui tapa sur la cuisse. Ca va, il ne se gênait pas trop. Mais sa question la fit sourire. Néanmoins elle haussa les épaules, feignant l'indifférence.

-Pour mes cheveux oui, et puis, ils n'aiment pas les mages.

Elle aimait bien le taquiner, elle se doutait que ça risquait de le contrarier.
Ils s'étaient installé dans le salon pour se reposer et Aisling eut un sourire amusée à l'entente du souhait de son hôte, et puis un rire franc à son imitation de serpent.

-Je ne savais pas que les serpents dormaient assis les yeux ouverts.

Se rapprochant de lui, elle ébouriffa ses cheveux pour le taquiner.

-Je dirais plutôt que tu vas te mettre à ronfler comme un bœuf. D'ailleurs, ça ronfle les bœufs ? Et les moutons et les chèvres aussi ? Ca me paraît bizarre.

« Et comme un idiot je serais bien déçu si tu ne le faisais pas. » Avait déclaré Isaiah en penchant la tête vers l'arrière, l'appuyant sur le divan, le visage tourné vers Aisling. Puisqu'Ezekielle serait peut-être à ses côtés à la sortie de l'avion, Aisling était certainement l'un des visages qu'il rechercherait activement dès son retour en ville. En un an, elle avait su se faire une place dans la vie d'Isaiah, une place que personne d'autre ne pourrait reprendre, peu importe où il se trouvait dans le monde. Alors il y aurait toujours un vide à cet endroit tant qu'Aisling ne serait pas de retour dans sa vie. Cette discussion était sans doute celle qui avait été la plus lourde de significations, d'affection et d'amour entre eux. Il y avait un an de cela, Isaiah avait mentionné à Aisling qu'un jour, il réussirait à faire en sorte qu'elle ait confiance en lui. Il n'avait pas baissé les bras, et fort heureusement d'ailleurs. Pourtant, il avait l'impression qu'en parlant de son éventuel départ, il venait d'ébranler cette confiance. De blesser Aisling avant même d'être parti. Il s'en voulait, et pourtant, il n'avait jamais caché à son ami qui il était réellement. Un homme libre.

Heureusement, ce moment ne dura pas plus longtemps et ils furent capables de retrouver leur brin de folie et de non-sens de cette soirée bien particulière. « Ben c'est tant pis pour eux. » Avait répondu Isaiah à propos des cheveux d'Aisling qui n'aimaient pas les mages. Son air boudeur ne dura pas très longtemps, et l'homme ne tarda pas à imiter le serpent en parlant de comment il pourrait s'endormir si facilement les yeux ouverts. « Bon, assis, peut-être pas. J'sais même pas c'est quoi un serpent qui s’assoit en fait. Un serpent ça a pas vraiment de position, tiens. Il est ni couché, ni assis, ni debout, il est juste ... là. » Isaiah réfléchissait à voix haute face à ce grand questionnement existentiel. « Et pis, c'est toi la pro des animaux, tu sais de quoi je parle, genre ils ont une paupière transparente ou un truc du genre, même quand ils dorment. » Il s'attendait à ce qu'Aisling lui fasse un monologue scientifique mais, au lieu de ça, elle s'approcha et lui dit qu'il était plutôt un boeuf, à voir ses ronflements. Isaiah fronça les sourcils. « Bah non, c'pas bizarre. Pourquoi les animaux auraient pas le droit de ronfler, hein ? » Questionna Isaiah à Aisling, même si la question de base n'était pas d'avoir le droit ou non, ou s'ils le faisaient ou pas, tout simplement.