it's where we touch down. (cliff)

Elle avait toujours considéré cet endroit comme le plus beau et y avait passé les meilleurs moments de son adolescence. Elle n'aimait pas croire que le pire jour de son existence avait gâché le sentiment de sécurité que lui procurait cette plage. Cela ne lui ressemblait pas d'avoir peur de l'eau, mais les battements irréguliers de son cœur lui donnait une sensation de panique lié à cet élément, à son accident. Elle marchait sur le sable, cherchant à tout prix à se tenir le plus loin possible de l'eau et avançait dans une direction qu'elle pensait ne pas connaître. Sa mère l'avait encouragé à rejoindre Cliff, prétextant que retrouver ses habitudes avec lui l'aiderait à stimuler sa mémoire mais elle se rappelait avoir refusé de connaître son adresse. Il ne devait probablement pas l'attendre, ni penser à elle et Alex l'imaginait noyé sous son travail d'avocat, une cravate trop serrée autour du cou, penché au-dessus d'une affaire particulièrement compliquée. Et si il ne travaillait pas, peut-être était-il occupé ailleurs. Ce fut seulement une fois arrêtée devant une immense maison qui touchait la plage, qu'elle reconnut dans la bâtisse, un étrange sentiment de familiarité. Elle resta là durant de longues minutes, à examiner l'endroit alors qu'elle tenait toujours ses chaussures dans une main. Elle mis un moment avant de repérer la silhouette sur la terrasse. Des cheveux noirs ni trop longs ni trop courts, une barbe correctement rasée et elle nota l'absence de cravate autour de son cou. « Cliff ? » Elle restait sur le sable, hésitant à le rejoindre sur sa terrasse sans y avoir été invitée. Le voir était une surprise et pourtant elle avait le sentiment d'être au bon endroit, au bon moment, là où inconsciemment, elle voulait réellement se trouver aujourd'hui. Ici. Avec lui. « Tu habites ici ? » Elle lui sourit, donnant un mouvement de la main pour désigner la maison. Elle espérait qu'il ne lui demande jamais qui lui avait donné son adresse. « Ma mère m'a dit que je passais tous mes vendredis soirs avec toi. C'est vrai ? Je pensais t'appeler plus tard et le médecin m'a conseillé de reprendre ma routine pour retrouver des souvenirs. Donc... » ...me voilà. Mal à l'aise avec son explication, elle préféra s'arrêter, évitant le regard de Cliff pour observer ses pieds nus. Il avait dit qu'elle passait plusieurs nuits chez lui mais elle n'était pas certaine que passer une soirée avec Cliff stimulerait réellement sa mémoire.

Elle observait encore la maison magnifique, puis reposa son regard sur Cliff, qui paraissait apaisé et détendu. Elle n'était toujours pas réellement à l'aise avec l'idée de se retrouver seule avec lui. Encore moins depuis sa sortie de l'hôpital. Depuis qu'elle se surprenait à se réveiller en sursaut au milieu de la nuit et à chercher sa présence quelque part dans la chambre, avant de se rappeler qu'il n'était pas là. Elle essayait encore de comprendre comment Cliff pouvait lui manquer, comme était-il possible d'ouvrir les yeux pour être triste de ne pas le voir alors qu'ils étaient supposés ne pas s'apprécier. « CHUTTTTTT ! Parle moins fort je suis en train de faire un cambriolage ! » Ce n'est que maintenant qu'elle remarque la stupidité de sa question en le trouvant là, un pinceau dans la main qu'il reposa sur la table devant lui. C'est un artiste. Elle l'imita aussitôt, un sourire aux lèvres, posant un doigt sur sa bouche, courbant le dos pour se faire plus discrète. « Tes parents en ont déjà marre de toi, du coup ils t'ont envoyé vers moi c'est ça ? Je suppose qu'ils ont besoin de se retrouver seul à seul pour certaines choses. » Elle se dandina sur ses jambes, les joues rosées et mal à l'aise par les images que la remarque de Cliff faisait naitre dans son esprit. Même à vingt-neuf ans, elle ne voulait toujours pas admettre sur ses parents pouvaient avoir eux aussi, une vie sexuelle. C'était un sujet tabou, qu'elle aurait préféré ne jamais aborder. « Généralement, tu passes ton vendredi soir à faire le ménage, la vaisselle dans la maison. C'est mort pour aujourd'hui ? » Après un moment à hésiter, elle finit par le rejoindre sur sa terrasse, restant à proximité du sable. Elle riait, il la faisait toujours rire finalement. Il semblait particulièrement de bonne humeur et malgré ce sentiment d'agacement que lui procurait sa présence depuis l'adolescence, elle ne voulait pas gâcher ce moment entre eux. Elle était prête à faire un effort. « Non, je suis opérationnelle pour accomplir mes tâches. » Elle remontait les manches d'un pull imaginaire le long de ses bras, comme si elle s'apprêtait à rejoindre la cuisine pour y faire la vaisselle. « Tu dessines pendant que je fais la vaisselle. C'est moi que tu peins j'espère ? Et tu vas m'avouer que me regarder laver des assiettes a un effet aphrodisiaque sur toi, c'est ça ? » A son tour, elle releva les sourcils de manière moqueuse pour l'embêter. Il passait son temps à la taquiner, elle n'était pas décidée à se laisser faire. « D'ailleurs, si mon père apprenait que tu t'intéresses à sa vie intime... » Elle s'approcha enfin, tirant une chaise pour venir s'assoir à côté de Cliff. C'est tout ce dont elle rêvait depuis qu'elle avait ouvert les yeux au milieu de la nuit, combler la distance qui les séparait pour le retrouver. Et dans son esprit, ça n'était ni logique, ni normal.

Elle s'en voulait, comme si tout ça avait été sa faute. Pendant un moment, en plongeant ses yeux verts dans ceux de Cliff, elle eut l'impression de lui devoir des excuses. Il la fixait toujours avec le regard d'un homme blessé par la femme qui lui plaisait et elle était désolée de l'avoir oublié. Elle sentait toujours le rythme de son cœur accélérer dans sa poitrine, et elle se demanda si c'était un souvenir, son corps qui réagissait en fonction du sien, ou simplement l'appréhension de se retrouver si proche de Cliff. Elle devait trouver un équilibre entre sa vie d'avant et celle d'aujourd'hui. « T'oserais pas, puis t'aurais trop peur qu'il décide de me faire disparaître. Depuis le temps que je te dis que c'est louche qu'il ait choisi une voiture avec un coffre aussi gros, à part transporter des corps je vois pas ce qu'il pourrait en faire. » Elle secouait la tête, toujours amusée par ses remarques. Mais il avait raison, elle aurait beaucoup trop peur qu'il disparaisse, peu importe à cause de qui. « Si un jour il décide de te faire disparaître, je serais là pour te protéger, t'inquiète pas. » Elle releva les sourcils, s'amusant de la situation et prenant toujours plaisir à se moquer de la relation entre Cliff et son père. Elle préféra ignorer sa main qui se rapprochait doucement de sa chaise, gênée de lui dire de s'éloigner. Après tout, l'ambiance était légère, Alex n'était pas prête à gâcher ça ou à vouloir repousser Cliff. Il était prévenant et drôle, loin du garçon de vingt ans dont la présence suffisait à l'agacer et la mettre sur la défensive. « J'aime bien quand tu plies mes chemises. » Elle dû se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire alors qu'au même instant, il suscitait son intérêt en parlant de Star Wars. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe d'anxiété à l'idée de passer une soirée en tête-à-tête avec Cliff. Elle en était presque venue à se demander si elle devait se rapprocher de lui ou non comme une adolescente le ferait à la perspective de plaire à un garçon. « Tu me parles de Star Wars, tu t'attends à ce que je refuse ? Ma mère m'a raconté oui. » Ses mains s'agitaient, étonnée qu'il puisse imaginer un refus de sa part. Elle était fan de cette saga depuis l'adolescence, elle l'avait probablement emmerdé pour qu'ils aillent voir le film ensemble au moment de sa sortie. Des tickets étaient accrochés dans sa chambre. Mais peut-être pensait-il l'épargner et la protéger en refusant de lui raconter des souvenirs qui les liés tous les deux. Le fait qu'il ne le précise pas l'irrita davantage. « T'es pas allé le voir au cinéma toi ? C'est presque un motif de rupture, t'en as conscience ? » Elle plaisantait, c'était évident. Sans plus attendre, elle se leva pour venir lui faire face. Pendant une seconde, elle hésita à prendre sa main dans la sienne mais l'idée de le toucher la mettait toujours mal à l'aise. « Je peux même plier des chemises pendant qu'on regardera le film, si ça te plait. » Elle s'arrêta brusquement lorsque ses jambes cognèrent contre les siennes. « Même si je suis persuadée qu'avant, je préférais te les retirer plutôt que les plier. »

Dans toute son existence, Alex n'avait jamais souhaité quelque chose de plus fort que le vœu de recouvrer la mémoire. Elle sentait ses mèches blondes onduler contre la peau de son dos, dans un mouvement lent, bercés par le vent de Bowen, lui donnant la sensation d'un bras enlacé autour de son corps. Elle eut un sourire maladroit en sentant les mains de Cliff contre ses hanches, un frôlement de ses doigts trop chauds contre le tissus de son vêtement, pour la repousser et l'obliger à faire deux pas vers la gauche. Son cœur s'agita aussitôt dans sa poitrine fébrile, comme si son corps et cœur avaient gardé en mémoire l'empreinte de ses mains sur sa peau. « Tu me cachais le soleil. » Irritée, elle recula volontairement d'un pas pour s'éloigner un peu plus de Cliff. Il n'avait pas besoin de mots pour qu'elle comprenne avoir encore mal agis avec lui et elle se demanda ce qu'il aurait fait si leurs mains s'étaient réellement touchées. Il sortit son téléphone de sa poche, pianotant dessus rapidement pour retrouver une photo qu'il glissa devant ses yeux. C'était eux, déguisés avec des costumes de leurs personnages favoris et elle eut un sourire triste, détournant le regard pour ne plus voir la photo. « Je sais pas si tu l'as vu, c'était à une soirée déguisée, on était en Han Solo et Leia donc me dit plus jamais que je suis pas un fan de star wars, sinon j'aurai pas un sabre laser chez moi. » Son reproche ne fit que l'irriter davantage, comme si l'oublier avait été volontaire, son propre choix, une décision réfléchie. Elle avait oublié le sabre, leurs rituels, sa date d'anniversaire, son plat favori ou de quel côté il aimait dormir dans le lit. Elle avait oublié leur premier baiser, la première fois qu'ils s'étaient donnés l'un à l'autre et sa manie de lui laisser des post-it partout dans ses affaires avec des mots d'amour ou des répliques de films écrit dessus. C'était un amour asphyxiant mais qui paradoxalement, l'aidait à mieux respirer. Et ça aussi, elle ne s'en souvenait plus. « Tu te rappelles toujours de rien ? » Elle secoua la tête et lui tourna le dos pour observer la plage, un instant troublée par la lumière du soleil. « Seulement ton adresse. C'est bon signe, non ? » Elle chuchotait, un sourire au bord des lèvres. Elle avait la sensation d'avoir accompli quelque chose de grand. A ses yeux et dans sa situation, se souvenir d'une adresse relevait presque du miracle et son médecin s'en serait probablement réjouit avec elle s'il avait su. Le plus douloureux aujourd'hui, c'est qu'elle ne pouvait simplement pas poser une main compatissante sur l'épaule de Cliff et lui faire la promesse qu'un jour, elle se souviendrait de leur histoire. Elle releva un regard désolé vers le sien, cherchant des mots pour apaiser leur douleur. « Je suis vraiment désolé de pas pouvoir te donner plus. » Clairement, c'était un euphémisme. « Tu m'en veux et je sais pas quoi faire ou ce que tu attends de nous. T'es triste quand je te repousse mais lorsque je m'approche tu veux pas de moi. » Et ça l'énervait beaucoup trop. Elle soupira, blessée. « Si t'as seulement envie de la Alex qui se rappelle de tout, peut-être qu'on devrait rester éloignés l'un de l'autre pour le moment. »

Il se lève et aussitôt elle cherche du regard un échappatoire. Quelque chose, n'importe quoi pour se tenir loin de Cliff. Il ne pouvait pas vivre loin d'elle alors qu'égoïstement, Alex se pensait assez forte pour le laisser là sans se retourner et repartir vers son appartement. Pourtant, elle était physiquement incapable de s'éloigner de Cliff. Ses pieds refusaient de bouger. Elle n'aurait pas su dire pourquoi, ni quelle force la poussait à rester près de lui. Elle détestait son corps, comme si ça avait été dans sa nature d'accueillir celui de Cliff contre le sien et de le désirer maintenant. « C'est moi qui suis désolé, c'est juste que je sais pas comment gérer le truc. T'es là, mais en même temps c'est pas vraiment toi. À chaque fois que je m'approche un peu trop de toi, j'ai l'impression de te forcer et je veux absolument pas que tu fasses quelque chose qui te mette mal à l'aise. » Elle secoue la tête et sourit, amusée, parce qu'il ne pourrait jamais imaginer comment le simple fait de penser à lui suffisait à la faire rougir le reste du temps. Alors le toucher, c'était une étape surréaliste. Mais elle repensa à leur étreinte à l'hôpital, sa façon de le repousser et elle compris de quoi il parlait enfin. « Je me force pas. Tu peux t'approcher de moi, je vais pas crier comme à l'hôpital, c'est promis. » Elle croisa ses bras contre sa poitrine, une position douloureuse pour ses mains qui rêvaient de se familiariser à nouveau avec le corps de Cliff. Elle fronça légèrement les sourcils, chassant ce moment de trouble particulièrement stupide. « Je comprendrai si t'avais pas vraiment envie de te rappeler, que ce soit plus simple pour toi de juste reprendre ta vie où elle en était. Ce que tu te rappelles de moi doit pas être très flatteur. » Cette fois-ci, elle est obligée de rire parce que Cliff avait raison, tout ce qu'elle se rappelait de lui n'était qu'une liste de défauts et de reproches. Sauf qu'elle n'aimait pas la façon qu'il avait de suggérer que reprendre sa vie d'avant était plus simple, comme si elle s'en fichait de lui ou de ce qu'ils avaient pu vivre ensemble malgré son amnésie. Comme si les dix dernières années ne possédaient ni valeur, ni importance. « Mais si t'as vraiment envie de savoir, je peux te raconter ou te montrer. » Elle le regarda, intriguée par le choix de ses mots. Il voulait lui montrer et elle était curieuse de pouvoir découvrir. « Bof, inutile de me raconter comment t'es tombé amoureux de moi, je suis canon, ça devait forcément arriver un jour. » Dans un mouvement parfaitement calculé, elle lance une mèche de cheveux derrière son épaule, se donnant une allure prétentieuse qui ne lui ressemblait pas. Elle lui adressa un sourire complice pour détendre l'atmosphère qui était devenue pesante et désagréable. « Si ça peut te rassurer, j'ai arrêté de te trouver ennuyeux. Parce que au lycée, t'étais quand même super chiant. Quand je pense que mes amies avaient toutes un crush sur toi. » Elle fait semblant de siffloter, l'air de rien, loin de là l'envie de se noyer dans une conversation douloureuse pour le moment. Parler des choses peu flatteuses dont elle se rappelait sur Cliff, c'était mieux et beaucoup plus drôle. Même s'ils avaient l'air un peu idiots à rester debout au milieu de la terrasse. « J'ai envie de savoir. Qu'est-ce que tu veux me montrer ? »

« On va commencer par le commencement alors. » Elle fait mine de ne pas remarquer la façon qu'il avait de la regarder et son regard retomba sur l'immense maison. Elle sentit son cœur battre trop rapidement dans sa poitrine lorsque la main de Cliff toucha la sienne pour l'emmener sur la plage, la laissant comme étrangère à ce contact qui aurait dû lui être familier. Elle fixa leurs mains, étonnée par la réaction de son propre corps, en duel avec le désir de le fuir et l'envie d'en avoir plus. « Je t'emmène là où on a vraiment parlé pour la première fois. Y'avait une fête sur la plage, on avait tous les deux pas mal picolé, sinon je pense qu'on aurait jamais réussi à communiquer aussi longtemps sans se taper dessus. » Elle se tourna vers Cliff, un sourire réellement amusé au coin de ses lèvres, parce qu'elle n'aurait pas pu imaginer ça autrement. Ils n'avaient jamais réussi à passer un moment sans s'énerver l'un contre l'autre. « Je me rappelle pas exactement comment ça a commencé, mais on s'est retrouvé assis tous les deux à discuter là-bas. On était un peu à l'écart du reste des gens et on s'est rendu compte qu'ils étaient tous partis que quand le soleil a commencé à se lever. » L'endroit qu'elle découvrit alors devant ses yeux lui retira l'envie de parler. C'était merveilleux mais ça lui rappelait absolument rien. Elle laissa ses pieds s'enfoncer dans le sable, observant la mer au loin. Elle redoutait toujours sa proximité, préférant alors se concentrer sur Cliff qui riait. Ses yeux refusèrent de se détacher de cette image, bornés au possible, incapable de regarder ailleurs. Alors que ses doigts contre sa peau déclenchaient une réaction inhabituelle dans tout son corps. L'augmentation de sa température et de son rythme cardiaque. Elle était captivée par son sourire. Une pulsation étrange lui donna envie de serrer plus fort sa main et elle s'abaissa pour s'assoir sur le sable, obligeant Cliff à suivre le mouvement. « Et ensuite on a décidé de se revoir ? Ça me fatigue de pas savoir, ça me donne mal à la tête. Tu sais c'est quoi le dernier souvenir que j'ai de toi ? » Elle céda enfin, tourna la tête vers Cliff. « Le jour où j'ai fait retirer les roues de ta voiture. Je crois que je t'ai jamais vu autant énervé. Mais c'était drôle. » Une nuit, son frère l'avait aidé à voler les roues du véhicule tout en laissant des preuves assez évidentes pour que seul Cliff comprenne qu'Alex était l'auteur de cette bêtise. Elle avait compris que s'attaquer à sa voiture était le meilleur moyen de l'énerver. Un sourire étira ses lèvres et sa main relâcha la sienne, dérangée d'être si longtemps restée accroché à lui. Elle retira son t-shirt, dévoilant son maillot, pour s'appuyer sur ses coudes et bronzer sur le sable. Peut-être aussi voulait-elle mettre Cliff mal à l'aise en se déshabillant. Même si c'était mal. Même si c'était profondément puéril. « Je te cache plus le soleil, ça va ? Quitte à rester ici, on devrait bronzer. Tu veux que je plie ta chemise ? » Ça, elle n'allait pas l'oublier.

Elle détourne le regard à l'instant où Cliff entreprend de retirer sa chemise, jouant avec une mèche de ses cheveux qui retombait toujours contre son épaule. Quand elle le regardait un peu trop longtemps, Alexandra se surprenait à imaginer que c'étaient ses doigts qui venaient arracher les boutons de sa chemise. Elle savait qu'il lui parlait mais elle aurait été incapable de répéter ses mots parce qu'elle ne l'écoutait plus, plus intéressée par ce qu'il faisait de ses mains, de son vêtement. Elle se sentait si naïve d'être distraire par une simple chemise et ses doigts s'enfoncèrent dans le sable pour résister à son envie la plus pressante. Lui retirer elle-même son haut. « Tu peux surveiller ma chemise si tu veux, mais moi je vais dans l'eau. » D'un mouvement agacé, elle repoussa le vêtement sur le sable pour se mettre debout afin d'observer Cliff sans avoir la vue dérangée. Elle releva les yeux pour le voir s'éloigner vers la mer. La chemise n'avait plus aucun intérêt sans lui de toute façon et elle eut soudainement envie de chasser ce genre de pensées. Elle ressemblait à une adolescente dont les hormones rentraient en ébullition, mais après tout, dans son esprit, elle était encore cette fille de vingt ans qui n'avait connu qu'un homme. Pourtant, en observant Cliff s'enfoncer dans l'eau, la réaction de son corps lui sembla aussi effrayante que naturelle. Elle voulait s'approcher de lui. Elle abandonna son short au milieu du sable, retirant aussi l'élastique qui maintenait sa longue tignasse blonde et s'arrêta lorsque ses pieds touchèrent l'eau. Elle n'y était pas retournée depuis son accident. Cela ne faisait que raviver sa crainte. Comme un gamin fier de lui, Cliff agite son short au-dessus de sa tête. Mais il était trop loin pour la voir rougir, gênée de se retrouver dans cette situation. Il ne pouvait pas non plus sentir ses yeux verts se braquer sur lui pour le dévorer littéralement du regard. Elle était amnésique, pas aveugle, encore moins insensible face à son physique d'homme. Et elle le trouvait attirant, malgré toute la force qu'elle mettait à vouloir penser le contraire. Une petite voix lui hurlait de prendre la fuite. Parce qu'elle n'était pas prête à le rejoindre, pas prête pour retourner dans l'eau. Elle s'avança jusqu'à ce que l'eau touche ses cuisses. Presque paralysée, elle s'arrêta. Ils étaient assez proches pour s'entendre sans que les vagues ne recouvrent leurs voix. Si elle n'avait pas eu si peur de l'eau, elle lui aurait proposé de faire une course. « Je savais que t'étais bizarre. » Après tout, c'est lui qui retirait son short sans raison. Elle releva sa main droite dans son dos pour jouer avec la ficelle de son propre maillot et lui tendit son autre main pour qu'il se rapproche. « Cliff. Donne-moi ta main. »