may i'm dream ? -r.

Encore une robe de moins sur ta liste de commande, tu étais tailleur, et tu faisais plus de robes que de costumes. Heureusement pour toi que tu savais diversifier tes talents sinon ce n'était pas dans cette ville que tu aurais eu beaucoup de boulot. Pas que c'était utile puisque tu avais de quoi vivre jusqu'à la fin de tes jours, mais tout de même. Tu étais un créateur, tu avais envie de créer des modèles et de faire plaisir aux femmes de cette ville. Et puis il semblait y avoir pas mal de soirées qui nécessitait une tenue appropriée. Pour te faire patienter ce midi, entre deux commandes, tu avais décidé d'aller te prendre un café et des cookies. Tu avais repéré une petite boutique la dernière fois avec Grace, et tu avais eu envie d'y goûter. Tu poussais la porte du magasin, regardant les différentes variétés. Pour toi, un cookie était un cookie, mais clairement, en voyant le choix qui s'offrait à toi, tu ne pouvais pas continuer de penser aussi simplement. Tu levais les yeux pour passer ta commande à la jeune femme. « Bonjour, je vou.. Ca.. Ca.. » Dans ta poitrine, tu pouvais sentir ton coeur qui s'était arrêté. Il avait raté plus d'un battement, pour s'emballer comme jamais. Les souvenirs du passé, les démons n'étaient jamais bon à prendre. Tu clignais des yeux rapidement, pour être certain, mais c'était elle. Tu laissais quelques secondes passer, pour remettre de l'ordre dans ton esprit, dans tes idées. « Casey, c'est bien toi ? » arrivais-tu enfin à articuler. Tu avais un doute qui persistait même si au fond, tu le savais. Ça ne pouvait être qu'elle. Les questions se bousculaient dans ton esprit. La voir là, devant toi, réveillait un tourbillon de sentiments. Elle, qui aurait pu être la troisième Mrs Black, la femme qui aurait pu te surprendre à vie. Celle qui aurait pu être la mère de tes enfants, mais qui était juste la seconde à avoir fui et à t'avoir dit non.

Tu passais ta main derrière ton crâne pour te le gratter. C'était idiot, et tu te sentais vraiment comme un idiot face à elle. Comme si tu avais rajeuni. Tu avais rajeuni d'ailleurs, là voir là, devant toi, te ramener à une époque où tu vivais encore en France. A une époque où la trentaine n'était pas encore trop déprimante, où tu n'étais pas père, et encore moins un meurtrier. Et pas non plus un alcoolique. A cette époque tu buvais encore avec modération. Tu n'étais pas encore un déchet. Tu avais encore un semblant de vie et tu ne te terrais pas dans une maison à des milliers de kilomètres de chez toi. « Je.. Non. » Tu t'étais mis à rire et c'était assez nerveux. Tu avais une telle anxiété en toi que tu ne connaissais pas. Toi qui était d'un calme naturel et d'une patience à toute épreuve, tu devais bien admettre que la trouver en face de toi, ça t'angoissait pas mal. Tu ne savais pas trop ce qui te faisait le plus peur. Si c'était de la retrouver, ou si c'était d'apprendre la vérité. La vérité ne pourrait pas te tuer, et elle serait toujours bonne à savoir, puisque c'était le flou total pour toi. Tu pensais que tout allait bien, et qu'elle dirait oui, la voir prendre ses jambes à son cou et disparaître sans un mot, t'avais laissé comprendre que tu t'étais trompé, mais tu ne savais pas où. « Je vis ici, depuis 3 ans maintenant. » Tu avais haussé les épaules, ce n'était pas la question que tu aurais aimé entendre, mais elle était légitime. Après tout, tu étais français et non australien. Tu avais choisi de t'installer dans cette ville. Sans jamais en avoir entendu parler. Un point au hasard sur une carte et hop, un avion plus tard, tu posais tes valises. C'était une drôle de coïncidence et tu n'étais pas vraiment certain que ça en soit une. Mais tu aimais trop l'idée pour penser que non. Comment cela pouvait-il être autre chose ? « Et toi ? Tu travailles ici ? C'est ton commerce ? » C'était une question idiote. Mais tu ne savais pas vraiment quoi lui dire. Tu sentais juste ton coeur qui s'emballait dans ta poitrine, et tes mains qui tremblaient. Mais t'étais pas vraiment capable de bouger. De faire autre chose. Tu ne savais pas si tu devais rester, partir, lui poser les questions qui t'avaient brûlées les lèvres, il y a bien de ça, cinq ans.

Tu hochais la tête, elle semblait surprise. Tu étais étonné toi aussi. Tu n'avais pas réalisé, mais les mois avaient passés et ça faisait trois ans. Trois ans, c'était un chiffre qui t'obligeait à te rappeler chaque fois du pourquoi. De ce que tu faisais ici. Et cette pensée te faisait peur, à chaque fois. « Je.. Oui. » Tu lui offrais un petit sourire. C'était bien sa boutique. Depuis un mois. Un mois déjà, et tu ne la croisais que maintenant. Si tu n'avais pas eu l'eau à la bouche en passant devant, tu ne te serais pas arrêté et tu ne l'aurais pas recroiser. Ton coeur lui manquait de s'emballer lorsqu'elle te questionnait sur son amour des cookies. « Comment le pourrais-je ? Tu les cachais partout ! Et tu en avais toujours un dans ton sac, qui finissait rarement à la poubelle. » Tu t'étais mis à sourire. Tu ne l'oublierais jamais. C'était une de ses petites manies qui avaient eu le don de t'amuser. Elle était rigolote à toujours en avoir un fourré, qu'elle mangeait au cinéma. Ou au resto quand l'attente se faisait un peu longue. C'était bien la seule qui pouvait manger un cookie entre l'entrée et le plat. Tu la regardais partir, et tu sentais la file s'allonger à mesure que tu attendais là, sans rien faire. En ressortant, elle t'invitait à prendre un café avec elle. Tu n'allais pas refuser, tu étais tellement heureux de la revoir, que tu oubliais le goût amer qu'elle avait pu te laisser par le passé. « Je te suis. » avais-tu dis doucement en la regardant s'activer pour prendre deux cookies. Tu saluais l'homme qui prenait sa place, et tu la suivais jusqu'à une petite table dehors, où tu t'installais en face d'elle. « Tu.. Tu vas bien ? » prononçais-tu doucement, peut-être un peu timidement. Mais c'était assez particulier, c'était toujours un choc de faire face à de anciens amours. A des amours perdus. Tu attrapais le café pour le tenir dans tes mains, t'occuper les mains une seconde, parce que tu n'osais pas la regarder, admirer à quel point elle était devenue une femme accomplie.

Sa révélation était des plus surprenantes, mais tu ne l'étais pas vraiment. Tu aurais du t'en douter. Tu te demandais même si elle en avait pas eu de cacher lorsque vous dormiez ensemble, parfois tu avais l'impression de sentir les cookies tôt le matin. Tu t'étais dis que ça devait être une hallucination, qu'à force d'entendre le mot "cookie" tu finissais par en imaginer partout. Une soir, tellement tu étais fatigué, tu avais vu que tout le monde à la télé avait une tête de cookie. Tu t'étais massé les yeux et tu avais été dormir. En priant de ne pas rêver de ça. Tu en avais trop vu, trop entendu sur les cookies. « Tu me surprendras toujours Casey ! » Tu t'étais mis à rire en l'imaginant trouver le fameux cookie sous son oreiller en plein milieu de la nuit et se redresser pour le manger. Elle était incroyable. C'était peut-être ça qui t'avait plu en premier chez elle. Sa façon d'être, elle était amusante, vivante et parfois chiante. Mais on pouvait presque assigner ce trait de caractère à beaucoup de femmes, si ce n'est toute. C'était dans la nature humain, toi aussi tu pouvais l'être parfois, surtout avec toi-même lorsque tu devais créer un modèle. Tu étais perfectionniste, c'était une façon de voir les choses de manières positives. « Je suis un peu sous le choc, mais je vais bien. » Tu n'imaginais pas au réveil ce matin, tomber sur la deuxième femme que tu avais demandé en mariage et qui avait refusé. C'était toujours un peu délicat comme sentiment, comme sensation. Tu avais l'impression de faire un bond en arrière, mais en étant l'homme que tu étais aujourd'hui. Et ce n'était pas forcément bien. Tu aurais aimé être l'homme du passé plutôt puisque lui n'avait pas besoin de se cacher. Il n'avait pas eu besoin de fuir. A cette époque là, il avait une vie calme et rangée. Aujourd'hui, la tienne était un peu chaotique. Rien que par la présence de Casey, d'Aby et de Katherine. Tu ne savais plus trop où donner de la tête. « Écoute, tout ça, c'est du passé. J'avoue que je me suis toujours demandé pourquoi, mais je comprends maintenant. » avais-tu dis, baissant toi aussi ton regard sur ton café. Vous aviez l'air de deux parfait idiots. C'était amusant, ça devait l'être pour les passants parce que pour toi c'était pas trop ça.

Tu attrapais ton cookie pour en prendre une bouchée, fixant tes jambes. Vous étiez deux idiots, comme si vous aviez à nouveau 20 ans. Bon un peu plus vieux que ça, puisque tu étais à la charnière de la trentaine lorsque tu l'avais connu, mais tu étais encore dans la vingtaine. Tu l'écoutais te demander si tu avais vraiment compris, comme si elle doutait de toi. Tu ne disais pas ça pour lui faire plaisir, avec le temps tu t'étais fait une raison. Tu avais même eu un doute l'autre jour, te demandant si elle aussi n'avait pas été enceinte, et t'avais fui à cause de ta peur. Tu avais un peu fait le tour sur les femmes que tu avais connu pour savoir, tu ne voulais pas découvrir un nouvel enfant dans cinq ans. « Oui, vraiment. Ce n'est pas la fin du monde, tu n'étais pas la première et tu ne seras pas la dernière ! » avais-tu dit en rigolant. Bon, si, tu espérais qu'elle serait la dernière à disparaître après une demande en mariage. En même temps, tu souhaitais que la prochaine soit la bonne. Que tu n'ai plus jamais envie de voir ailleurs, qu'elle t'emporte dans un monde merveilleux et que vous viviez heureux jusqu'à la fin des temps. Un peu comme dans un conte de fées mais pas trop. Puisque les happy end c'était joli, mais dans la vraie vie, il y avait le tourbillon incessant de la vie justement, qui apportait parfois son lot de malheurs, de problèmes, de troubles. Dans les contes de fées, il n'y avait pas d'alcoolique, de meurtrier ou encore moins d'ados en crise de soi. « Hé bien, j'ai pris un vol pour Sydney, et je ne sais pas, Bowen m'a semblé être la destination parfaite. Une ville au bord de l'eau, avec une population raisonnable, et puis je suis tombé amoureux de la maison dans laquelle je vis aussi. Ça aide pas mal ! » ajoutais-tu sur le ton de la plaisanterie. Ce n'en était pas vraiment une, c'est vrai que la maison que tu avais dégoté était immense, mais spacieuse et fabuleuse. Et tu avais un peu du mal à savoir pourquoi Bowen, mais vraiment, lorsque tu avais vu cette ville sur la carte, elle t'avait parlé. Elle était la destination à laquelle tu devais te rendre. « Et toi alors ? » demandais-tu doucement. Tu plongeais ton regard sur elle, ne voulant plus la quitter des yeux, tu avais assez regardé ton café pour le moment. Elle était là à présent, autant en profiter, vraiment.

Elle t'affirmait que tu avais fait le bon choix et tu n'en doutais pas. Tu aurais pu a u début où tu avais pris racine dans cette ville mais avec les années, tu avais su y faire ta place. Frayer ton petit bout de chemin, faire en sorte que ta boutique se développe. Tu avais su avoir une clientèle fidèle qui aimait ce que tu lui proposais. Et puis l'esprit de vie ici, tout était tellement plus calme et paisible que la vie parisienne. Tu ne ressentais pas de stress, d'oppression. Tu pouvais te balader la nuit et ne te soucier de rien, oublier de fermer ta porte et ne rien risquer. Et puis il y avait la plage. Tu avais toujours aimé la plage, rien que pour les coucher de soleil. Tu avais du en admirer plus d'une centaine en trois ans de vie ici. Et tu ne t'en lassais toujours pas. « C'est même une ville charmante ! » Tu lui offrais un sourire, écoutant la raison de sa venue ici. La ville de ses étés plus jeunes. Tu avais l'impression de le découvrir que maintenant, comme si c'était la première fois que tu lui parlais. Ce qui était étrangement déroutant pour toi. C'était beaucoup plus que ça même, mais tu n'arrivais à le définir. « Je ne savais pas pour Bowen ! » Tu n'avais pas souvenir d'avoir abordé une seule fois ce sujet de conversation avec elle. Et si vous l'aviez fait, tu avais juste une mémoire déplorable. Ca ne s'arrangeait pas avec l'âge. Parfois tu pourrais oublier ta tête si elle n'était pas accrochée solidement à ton corps. Sauf quand ça touchait la couture, là tu n'oublierais pas, pas un détail, pas une commande. A croire que tu avais une mémoire sélective. Tu haussais d'ailleurs un sourcil en l'entendant parler d'une sœur. « Tu as une demie-soeur ? Depuis quand ? » demandais-tu doucement, un peu curieux d'en apprendre relativement plus sur le sujet. Après tout, toi tu avais bien appris que tu avais une fille, alors plus rien ne pourrait te surprendre.

Depuis 18 ans, ça c'était de la nouvelle. En même temps, de ce côté là, tu pouvais très bien le comprendre. Toi aussi tu avais une soeur, une vraie soeur. Et une fille. Les gens pouvaient apparaître comme ça, sans savoir ni comment, ni pourquoi. C'était toujours un peu destabilisant, et quand ça révèle une tromperie de l'un de nos parents; c'est parfois pire. C'est qu'on les idéalise, ils sont des modèles pour nous. Enfin, pour toi, tu ne pouvais pas vraiment dire ça, tu n'avais jamais eu de parents, de familles. « Toutes mes condoléances, je sais que tu étais proche d'elle, c'était une femme très sympathique, de ce que je me souviens ! » Tu posais ta main sur la sienne, lui offrant un sourire réconfortant. Tu n'imaginais pas la douleur qu'elle pouvait ressentir, le vide que cette absence pouvait laisser dans son coeur. Tu pouvais essayer mais tu n'aurait pas de grand résultat. Après tout, c'était difficile de s'imaginer une chose qu'on n'avait pas vécue. « Ça c'est de la nouvelle. Et tu l'as rencontrée ? » demandais-tu un peu trop curieux. Vu sa manière de dire les choses, ce n'était peut-être pas la bonne manière de faire, mais tu n'étais pas toujours très doué pour ce genre de choses. Parfois, tu manquais de tact. « Et l'ouragan sauvage que tu es, a-t-il trouvé chaussure à son pied ? » Tu passais à un autre sujet, comme ça, par curiosité, mais c'était surtout pour éviter de rester très longtemps sur le sujet de sa nouvelle sœur. Tu avais bien senti qu'elle n'était pas à l'aise, qu'elle serait prête à exploser de colère, et tu ne voulais pas la voir ainsi.