Matinée difficile. with Alfie

Il l'écoute attentivement, son menton posé sur ses doigts croisés entre eux au-dessus de son assiette. Même si Alfie n'a pas pour habitude de considérer qui que ce soit comme important dans sa vie, il a toujours aimé les écouter raconter leur petite vie à eux. Il est curieux, et préfère savoir avec qui il passe du temps plutôt que de parler à une personne qui lui est totalement inconnue. Alfie rit deux fois. D'abord pour l'histoire du rat, puis pour le pseudo-compliment qu'elle lui fait à la fin de sa présentation. « C'est bien la première fois qu'on me dit que j'ai une tête de petit chat, » dit-il en souriant avant d'attraper ses couverts. En général, on le caractérise plus de tête de gland ou de beau parleur selon le contexte. Bérénice lui demande de se présenter à son tour, et Alfie réfléchit un moment à ce qu'il pourrait dire qui ne la ferait pas fuir. « Je m'appelle Alfie, j'ai vingt-cinq ans, je viens d'Espagne et ai passé plus de cinq ans de ma vie à voyager. J'aime sortir et manger mexicain.» Il plisse les yeux, réfléchissant à que dire d'autre, puis finit par hocher la tête. « Je pense que je me suis bien résumé. » Il n'y a pas grand chose à dire sur Alfie, du moins pas grand chose qui ne suscite pas soit la pitié, soit la colère.

Son rire le fait sourire. Être avec elle, ça lui change des filles trop sûres d'elles, parfois peu intéressantes, et qui ne cherchent qu'à se prouver qu'elles sont belles en essayant de le faire craquer. Jusque là, Alfie n'a jamais refusé de jouer à ce petit jeu avec elles. Pourtant, ces derniers temps, celui qui était autrefois connu pour être un des plus grand séducteur de la ville semblerait s'être quelque peu assagi. Comme elle, il commence à manger sa salade en s'attaquant d'abord à des lanières de poulet au soja. Sans lui dire, il a voulu tester la véritable nourriture végétarienne, curieux de goûter cet aliment auquel il n'a encore jamais touché. « Et bien, la prochaine fois peut-être. » Il lève les yeux vers elle. Cette phrase aurait pu sonner comme un énorme plan drague, mais Alfie l'a prononcée d'une voix chaleureuse. Contrairement à son pote Angus, tout ce qu'il prononce n'est pas à connotation sexuelle. « Mais je suis ravi que ça te plaise ! » répond-t-il avant de continuer sa salade. Avant, Alfie ne pouvait pas vraiment se permettre d'inviter une fille à manger. Il n'avait pas assez d'argent, et claquait le peu qu'il avait dans ses voyages. Sauf que depuis qu'il travaille, il a enfin de quoi remplir le fond de sa tirelire. « Donc tu es de France. Je crois que c'est un des seuls pays que je n'ai pas visité. » Et pourtant, il en a connu des endroits grâce à son petit tour du monde improvisé.

Il ne s'attendait pas à ce que ce moment passé avec elle se passe si bien. En réalité, Alfie imaginait plus une atmosphère tendue, des piques lancées à tout va, le genre de conversation qu'il a plus l'habitude d'entretenir. Sauf qu'il n'en a même pas envie, il commence vraiment à s'intéresser à Nice et à sa façon de parler de son pays. Lui qui n'a jamais visité cet endroit, il a toujours été fasciné par la France, comme par tout ce qui lui est inconnu. Elle lui dit qu'elle aussi aimerait voyager, ce qui lui tire un sourire. À croire que c'est le rêve de tout le monde, partir découvrir d'autre horizons. « Je suis allé aux Etats-Unis, en Thaïlande, au Japon, en Irlande, et j'en passe, » répond-il en chassant le reste des pays d'un geste de la main. Alfie n'aime pas se vanter sur les pays qu'il a visiter, tout comme il n'aime pas parler de lui. La réflexion lâchée par Nice le fait à nouveau sourire, et il hoche lentement la tête en terminant sa salade. « C'est marrant que tu dises ça. Tu sais, je crois que plus de la moitié de la ville m'imagine justement comme ce que tu es en train de décrire. » Il préfère être franc avec elle, plutôt que de la laisser croire qu'il est un garçon plus que respectable totalement présentable à ses parents. « Je ne dirais pas que je suis un tombeur, loin de là même. Je ne suis vraiment pas du genre à essayer de draguer cinq filles sur la même soirée, ou à vouloir en ramener une à toute prix dans mon lit tous les soirs. Mais je n'ai pas une superbe réputation ici, donc si t'entends quelque chose sur moi, dis-toi que la moitié est fausse. » Il parle comme si il avait besoin de justifier, sans même savoir pourquoi.

Le Japon a toujours fait partie des pays qu'il a préféré. C'était un rêve de gosse, et il ne regrette absolument pas de l'avoir réalisé l'année passée. Il sourit, amusé, en voyant Nice agir comme une enfant prête à écouter une histoire. « C'est très différent d'ici. Ce n'est pas rare de voir des gens déguisés dans les rues, et je pense que tu n'imagines pas le nombre de magasins de gadgets inutiles qu'il y a ! » Il y a encore beaucoup d'endroits qu'il espérait visiter, sauf que depuis qu'il est à Bowen, Alfie n'a plus décollé depuis déjà deux ans. Sauf une fois, pour partir à Vegas avec Freja. Il l'écoute ensuite répondre sur sa pseudo mise en garde quant-à la réputation qui le suit, et ce que dit Nice l'étonne, agréablement. Il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'elle le juge de manière si positive, c'est une première pour lui. « Quelqu'un d'adorable, faut pas exagérer non plus. » Alfie rit légèrement et se laisse aller dans le fond de sa chaise. Il plonge son regard dans celui de Nice et esquisse un nouveau sourire. « Tant mieux alors.» Il la regarde sans rien dire de plus, ravi de ne pas la voir quitter la table en prétextant la fin de sa pause.

Sans même réfléchir, il hoche la tête comme réponse à sa question. « Pourquoi pas, ça peut être sympa ! » Contrairement à elle, Alfie est sérieux. Il a toujours aimé voyager sans rien prévoir, et ça peut importe avec qui. Et puis, voyager en compagnie de quelqu'un, c'est souvent plus amusant que d'être seul, perdu dans une ville qu'il ne connait pas. Surtout en compagnie de quelqu'un comme Nice. Alfie suit son regard et comprend qu'il va devoir la laisser partir, que les fleurs ne vont pas se vendre toute seule. Dommage. « Je te raccompagne, » dit-il en lui souriant. Il se lève, s'approche du comptoir pour payer leurs plats, puis retourne près de Bérénice. Il ouvre la porte du saladbar pour la laisser passer puis, une fois, dans la rue, plonge ses mains dans les poches de son short en jean. « Du coup, si je suis si gentil, ça veut dire qu'on pourra peut-être se revoir ? » Il hausse un sourcil interrogatif en la regardant. Il ne voudrait pas forcer, mais Alfie doit bien avouer que ça ne le dérangerait pas de passer peut-être une nouvelle fois du temps avec elle. « Avant le voyage au Japon, je veux dire, » ajoute-t-il.

Ils se rapprochent de plus en plus de son magasin jusqu'à finalement y arriver en à peine quelques minutes. Après qu'il ne lui ai proposé de se revoir, Alfie remarque que les joues de Nice virent légèrement au rouge. Ça l'amuse, mais il ne le fait pas remarquer. Il se contente de lui rendre son sourire avant de la regarder sortir un bic et un stylo de son sac. Si Angus était là, il lui ferait sûrement un signe pour lui dire qu'il est fier de lui, caché quelque part dans un buisson ou derrière une voiture. Il prend le bout de papier sur lequel Nice vient d'écrire son numéro et le plie soigneusement avant de le glisser dans la poche avant de son pantalon. « Ça marche !» répond-il. « Et bien, j'espère ne pas avoir gâché ton temps de midi. » Il sourit à nouveau, son regard plongé dans les yeux foncés de Bérénice. Il n'a pas spécialement envie de la laisser, errer seul ou rentrer chez lui se perdre dans ses pensées. Il resterait bien dans cette boutique à compter les fleurs différentes si ça l'empêche d'éviter une nouvelle histoire du genre de celles auxquelles il a récemment eu à faire.